Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Versailles
Thématique : Rénovation d’appartement : responsabilités et garanties en question
→ RésuméContexte de l’affaireM. [N] [U] et Mme [I] [T] épouse [U] ont engagé la société Alpha etud, assurée par la société MAF, pour la rénovation de leur appartement. La société ACRD, assurée par la société SMA, a été chargée des travaux de gros œuvre. Des fissures sur les joints de carrelage ont conduit les époux [U] à déclarer un sinistre à leur assureur, la MAIF, en décembre 2013. La société ACRD a été placée en liquidation judiciaire en décembre 2014. Procédure judiciaireFaute d’accord amiable, M. et Mme [U] ont assigné plusieurs parties, dont la société SMABTP, Alpha etud et MAF, en juillet 2017 pour obtenir une indemnisation. Le tribunal judiciaire de Versailles a rendu un jugement en janvier 2020, condamnant les sociétés Alpha etud, MAF et SMA à indemniser les époux [U] pour divers préjudices, tout en déboutant la société SMA de sa demande de compensation. Décisions du tribunalLe tribunal a jugé que les désordres constatés rendaient l’ouvrage impropre à sa destination et a retenu la garantie décennale. Il a également noté que les époux [U] avaient reçu tacitement les travaux sans réserve. La société SMA a été condamnée pour procédure abusive, et des parts de responsabilité ont été établies entre les différentes sociétés impliquées. Appels et développements ultérieursLes sociétés MAF et Alpha etud ont interjeté appel du jugement. L’affaire a été radiée puis réinscrite, avec des développements concernant la liquidation amiable de la société Alpha etud. La cour a ordonné le renvoi de l’affaire pour que les parties concluent sur la situation de la société Alpha etud. Demandes des partiesLes sociétés MAF et Alpha etud ont demandé à la cour de les déclarer recevables et d’infirmer certaines condamnations. Elles ont également sollicité une garantie intégrale de la société SMA pour les condamnations prononcées à leur encontre. De leur côté, M. et Mme [U] ont formé un appel incident pour confirmer le jugement, en demandant des intérêts et des indemnités supplémentaires. Arguments sur la force exécutoireLes époux [U] ont tenté de faire reconnaître un protocole transactionnel signé avec la société SMA, mais le tribunal a estimé que l’absence de leur signature ne permettait pas de lui conférer une force exécutoire. La cour a confirmé cette décision, considérant que le protocole n’engageait pas les parties en l’absence de signature des époux. Décision finale de la courLa cour a déclaré recevables les conclusions de la société Alpha etud, mais a infirmé le jugement concernant les demandes des époux [U], les déboutant de l’ensemble de leurs demandes. M. et Mme [U] ont été condamnés à payer les dépens et des indemnités aux sociétés Alpha etud et MAF, ainsi qu’à la société SMA, au titre des frais de procédure. |
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 54G
Ch civ. 1-4 construction
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 JANVIER 2025
N° RG 21/05673
N° Portalis DBV3-V-B7F-UXN2
AFFAIRE :
Compagnie d’assurance MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS,
S.A.R.L. ALPHA ETUD
C/
[N] [U],
[I] [T] épouse [U],
S.A. SMA
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Janvier 2020 par le Tribunal judiciaire de VERSAILLES
N° RG : 17/04778
Expéditions exécutoires, Copies certifiées conforme délivrées le :
à :
Me Sophie POULAIN,
Me Thierry VOITELLIER
Me Stéphanie TERIITEHAU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
APPELANTES
Compagnie d’assurance MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Sophie POULAIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180
Plaidant : Me Olivier DELAIR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1912
S.A.R.L. ALPHA ETUD représentée par son liquidateur amiable Monsieur [W] [G]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentant : Me Sophie POULAIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180
Plaidant : Me Olivier DELAIR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1912
****************
INTIMES
Monsieur [N] [U]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52
Madame [I] [T] épouse [U]
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52
S.A. SMA
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619
Plaidant : Me Bruno PHILIPPON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0055
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 Novembre 2024 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et Madame Séverine ROMI, Conseillère chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,
Madame Séverine ROMI, Conseillère,
Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,
Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,
FAITS ET PROCÉDURE
M. [N] [U] et Mme [I] [T] épouse [U] (ci-après M. et Mme [U] ou les époux [U]) ont confié à la société Alpha etud, assurée par la société MAF, une mission de maîtrise d »uvre afin de procéder à la rénovation complète de leur appartement situé au [Adresse 3] à [Localité 10] (78).
La société ACRD, assurée par la société SMA venant aux droits de la société Sagena, a été retenue pour réaliser les lots de gros ‘uvre, menuiserie, plâtrerie et carrelage selon ordre de service en date du 1er octobre 2010.
Se plaignant de fissures sur les joints de carrelage, M. et Mme [U] ont déclaré un sinistre à leur assureur, la société MAIF, le 4 décembre 2013, lequel a mandaté son expert technique, le cabinet [M], qui a rendu différents rapports.
La société ACRD a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire le 17 décembre 2014, qui a été clôturée pour insuffisance d’actif le 9 février 2016.
Faute de solution amiable, par acte du 7 juillet 2017, M. et Mme [U] ont fait assigner la société SMABTP, venant aux droits de la société Sagena, en qualité d’assureur de la société ACRD, les sociétés Alpha etud et MAF, aux fins d’indemnisation.
Par jugement contradictoire du 21 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Versailles a :
– reçu l’intervention volontaire de la société SMA,
– mis hors de cause la société SMABTP,
– débouté les époux [U] de leurs demandes tendant à faire reconnaître la force exécutoire d’un protocole transactionnel à l’encontre de la société SMA,
– condamné les sociétés Alpha etud, MAF et SMA in solidum à payer aux époux [U] les sommes de 25 140,43 euros TTC au titre du préjudice matériel, 1 800 euros au titre des frais de relogement et 2 000 euros au titre du préjudice de jouissance, le tout avec intérêts de droit à compter du jugement, avec capitalisation de ceux-ci,
– débouté la société SMA de sa demande de compensation,
– condamné la société SMA à payer aux époux [U] une somme de 1 000 euros pour procédure abusive,
– condamné les sociétés Alpha etud, MAF et SMA in solidum à payer aux époux [U] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens,
– condamné les sociétés Alpha etud et MAF in solidum à garantir les condamnations de la société SMA à hauteur de 40 %, à l’exception de sa condamnation pour procédure abusive,
– condamné la société SMA à garantir les condamnations des sociétés Alpha etud et MAF à hauteur de 60 %,
– ordonné l’exécution provisoire.
Le tribunal n’a pas reconnu la force exécutoire du protocole transactionnel en raison de l’absence de signature des époux [U] valant manifestation de leur accord, il a considéré qu’il ne s’agissait pas d’un contrat unilatéral par lequel la société SMA s’engageait seule, sans contrepartie, à indemniser une partie de la reprise des désordres.
Le tribunal a jugé, que, conformément aux constatations des rapports d’expertise amiables rendus entre 2014 et 2016, la généralisation des dégradations et effritements des joints de carrelage dans l’entrée et le salon de l’immeuble, des décollements du carrelage et le caractère évolutif de ces désordres, rendaient l’ouvrage impropre à sa destination.
Il a retenu la réception tacite des travaux, les époux [U] les ayant reçus sans équivoque au plus tard le 15 avril 2011 sans réserve relative aux désordres litigieux.
Le tribunal a retenu la garantie décennale compte-tenu de la nature des désordres apparus dans le délai de dix ans suivant la réception tacite de l’ouvrage.
C’est ainsi qu’il a condamné in solidum les sociétés Alpha etud, MAF et SMA, ces deux dernières en leur qualité d’assureur décennal, à réparer le préjudice subi par les époux [U], soit le préjudice matériel, les frais de relogement pendant 4 semaines et le préjudice de jouissance.
Le tribunal a rejeté la demande de compensation de la société SMA dès lors qu’elle n’était pas créancière du solde de la facture de la société ACRD d’un montant de 14 048 euros.
S’agissant des appels en garantie, le tribunal a fixé à 60 % la part de responsabilité des désordres pour la société ACRD, à la charge de la société SMA son assureur décennal, et 40 % pour l’architecte, condamné avec son assureur la société MAF.
Par déclaration du 9 mars 2020, les sociétés MAF et Alpha etud ont interjeté appel de ce jugement.
L’affaire a été radiée le 15 juin 2021, en application de l’article 526 du code de procédure civile à la requête des époux [U] pour défaut d’exécution du jugement par la partie adverse, puis réinscrite le 13 septembre 2021.
Elle a fait l’objet d’une première ordonnance de clôture le 7 mars 2023 pour plaidoirie au 23 octobre 2023.
Une semaine avant l’audience, par courrier remis le 16 octobre 2023, l’avocat de la société Alpha etud a informé la cour que sa cliente était en liquidation amiable, sans radiation, joignant pour preuve un extrait Kbis.
Or, ses dernières conclusions remises le 4 octobre 2021 portaient la mention, « société Alpha etud immatriculée au RCS de Créteil sous le n° 387.652.449 ayant son siège [Adresse 1] agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège », ce qui ne reflétait plus la réalité puisque la mention « société en liquidation » et le nom du liquidateur n’y figuraient pas. Cependant, cette irrecevabilité n’avait pas été débattue par les parties.
La cour a ainsi, le 8 janvier 2024, ordonné le rabat de l’ordonnance de clôture et le renvoi de l’affaire à la mise en état pour qu’il soit conclu par les parties sur ce point, réservant les demandes et les dépens.
Aux termes de leurs conclusions n°6, remises au greffe le 10 janvier 2024 (14 pages), les sociétés MAF et Alpha etud, cette dernière en liquidation et représentée par son liquidateur amiable M. [W] [G], demandent à la cour :
– de les déclarer recevables,
– d’infirmer le jugement en ce qu’il les a condamnées à garantir la société SMA à hauteur de 40 % et en ce qu’il n’a condamné la société SMA à ne les garantir des condamnations prononcées contre elles, qu’à hauteur de 60 %,
– de dire et juger que la société SMA a reconnu que ses garanties devaient trouver application en signant le protocole et que la société SMA a reconnu devoir prendre en charge la responsabilité de son assurée à hauteur de 80 %,
– de condamner la société SMA à les garantir intégralement de toutes les condamnations en principal accessoires, article 700 code de procédure civile et dépens, prononcées à leur encontre par le jugement et plus généralement de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées par la cour,
– subsidiairement, de condamner la société SMA à les garantir à hauteur de 80 % de toutes les condamnations en principal accessoires, article 700 du code de procédure civile et dépens prononcés à leur encontre par le jugement et plus généralement de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées par la cour,
– de confirmer le jugement en que la société SMA a été seule condamnée à payer une indemnité d’un montant de 1 000 euros aux époux [U],
– de débouter la société SMA et tous autres de leurs demandes formées à leur encontre,
– de débouter les époux [U] de leur demande d’infirmation du jugement concernant les intérêts,
– de débouter les époux [U] de leur demande formée à leur encontre au titre de l’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner la société SMA et tout succombant à payer une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner la société SMA et tout succombant aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Poulain.
Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 27 février 2024 (12 pages), la société SMA forme appel incident et demande à la cour :
– de déclarer irrecevables les conclusions de la société Alpha etud et de son liquidateur amiable régularisées les 4 octobre 2021 et 10 janvier 2024,
– d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et la décharger de toute condamnation et par la même déclarer mal fondées les sociétés Alpha etud et MAF en leur appel principal, ses garanties n’étant pas mobilisables car les griefs ne correspondent pas à des désordres avérés après réception de nature décennale,
– subsidiairement, d’ordonner la compensation entre le solde du marché soit la somme de 14 048 euros non versée à son entreprise sociétaire et les sommes qui pourraient être accordées aux époux [U], à défaut de quoi, il y aurait enrichissement sans cause,
– de débouter les époux [U] de leur demande au titre du préjudice lié à une résistance abusive,
– encore plus subsidiairement, de condamner la société Alpha etud et son assureur à la garantir de toute condamnation à son encontre,
– de l’autoriser à opposer les limites du contrat et en particulier, la franchise, s’agissant des préjudices immatériels relevant de garantie facultative,
– de condamner les sociétés Alpha etud et MAF ou tout défaillant à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens qui seront recouvrés par Me Teriitehau, avocat, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs premières conclusions remises le 11 septembre 2020, M. et Mme [U] forment appel incident et demandent à la cour de :
– confirmer le jugement sauf en ce qu’il a dit que les intérêts au taux légal courront à compter de son prononcé, les condamnations prononcées devant porter intérêts au taux légal à compter du 7 juillet 2017, date de l’assignation,
– condamner in solidum les sociétés Alpha etud, MAF et SMA à leur payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en sus des dépens avec recouvrement direct de leur avocat,
– à titre subsidiaire, constater que l’ouvrage a fait l’objet d’une réception tacite le 15 avril 2011, sans réserve et que les désordres affectant leur carrelage sont de nature décennale,
– à ce titre, condamner in solidum les sociétés Alpha etud et MAF à leur payer la somme de 26 940,43 euros TTC au titre des travaux de reprise sur le fondement de l’article 1792 du code civil,
– condamner in solidum les sociétés Alpha etud et MAF à leur payer la somme de 2 000 euros TTC en indemnisation du trouble de jouissance sur le même fondement, le tout avec intérêts, capitalisés à compter de la date de signification des conclusions, au taux légal à compter du 7 juillet 2017, date de l’assignation,
– à titre infiniment subsidiaire, dire qu’ils ont conclu un protocole d’accord transactionnel avec la société SMA et la condamner à leur payer une somme de 21 552,34 euros en exécution de ce protocole.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 2 juillet 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 18 novembre 2024. Elle a été mise en délibéré au 20 janvier 2025.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans la limite de l’appel interjeté, après débats en audience publique, par arrêt contradictoire,
Dit les conclusions de la société Alpha etud remises les 4 octobre 2021 et 10 janvier 2024 recevables ;
Confirme le jugement en ce qu’il a débouté M. [N] [U] et Mme [I] [T] épouse [U] de leurs demandes tendant à faire reconnaître la force exécutoire d’un protocole transactionnel à l’encontre de la société SMA ;
Infirme le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
Déboute M. [N] [U] et Mme [I] [T] épouse [U] de l’intégralité de leurs demandes de condamnations ;
Condamne M. [N] [U] et Mme [I] [T] épouse [U] à payer les entiers dépens de première instance et d’appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamne M. [N] [U] et Mme [I] [T] épouse [U] à payer aux sociétés Alpha etud et MAF une somme de 2 000 euros et à la société SMA la même somme de 2 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
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