Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Toulouse
Thématique : Ordonnance de confirmation de maintien en rétention administrative
→ RésuméLe 7 février 2023, la Cour d’appel de Toulouse a examiné l’appel de Monsieur [N] [D], contesté son placement en rétention administrative. Ancien résident algérien, il avait vu son titre de séjour refusé en raison d’une absence de communauté de vie. Interpellé pour vol, il faisait l’objet d’un arrêté d’obligation de quitter le territoire. Son avocat a soulevé des irrégularités dans la procédure, notamment l’absence d’information préalable au procureur pour la prise d’empreintes. Toutefois, la Cour a confirmé l’ordonnance du juge des libertés, rejetant les exceptions de procédure et validant la régularité de la rétention.
|
7 février 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
23/00142
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
Minute 2023/144
N° RG 23/00142 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PHRP
O R D O N N A N C E
L’an DEUX MILLE VINGT TROIS et le 07 février à 13H30
Nous P. ROMANELLO, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 7 DECEMBRE 2022 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Vu l’ordonnance rendue le 04 Février 2023 à 18H11 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :
[N] X SE DISANT [D]
né le 01 Mai 1984 à [Localité 1] (ALGERIE)
de nationalité Algérienne
Vu l’appel formé le 06/02/2023 à 11 h 21 par courriel, par Me Diane BENOIT, avocat au barreau de TOULOUSE;
A l’audience publique du 07/02/2023 à, assisté de K. MOKHTARI, greffier avons entendu :
[N] X SE DISANT [D]
assisté de Me Diane BENOIT, avocat au barreau de TOULOUSE
qui a eu la parole en dernier ;
En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;
En présence de Mme [C] représentant la PREFECTURE DES PYRENEES ORIENTALES ;
avons rendu l’ordonnance suivante :
Exposé des faits
Monsieur [N] [D] a bénéficié d’une carte de résident algérien en qualité de conjoint de français de juillet 2016 à juillet 2017 mais le renouvellement de son titre de séjour a été refusé par décision du 9 novembre 2016 au motif d’absence de communauté de vie.
Le 10 décembre 2020, il notifié un arrêté portant obligation de quitter le territoire français à la suite de son interpellation pour des faits de vol simple.
Il a d’ailleurs été enregistré au fichier automatisé des empreintes digitales différents alias pour des faits de vol simple en janvier 2020, en mars 2020, vol en août 2019.
Il a été remarqué par les autorités étrangères espagnoles, suisses et belges pour des faits de vol, de séjour illégal, d’association de malfaiteurs.
Il a notamment été condamné par le tribunal correctionnel de Dijon le 8 juin 2022 pour des faits de vol aggravé, d’escroquerie, à la peine de huit mois d’emprisonnement dont quatre mois avec sursis.
Il a été contrôlé par les services de police le 1er février 2023 à bord d’un véhicule en provenance d’Espagne et à destination de la France et il n’a pas été en mesure de justifier de sa situation régulière sur le territoire français. Il faisait l’objet d’un mandat de recherche pour exécution d’une peine d’emprisonnement.
Il a fait l’objet d’un arrêté préfectoral d’obligation de quitter le territoire français avec interdiction de retour pendant trois ans et placement en rétention administrative le 2 février 2023.
Par ordonnance du 4 février 2023 à 18h11, le juge des libertés de la détention a prononcé la jonction de la requête en contestation du placement en rétention et de la requête en prolongation de la rétention administrative. Il a ordonné la prolongation de la rétention.
Monsieur [N] [D] demande à la Cour d’infirmer cette ordonnance par déclaration d’appel du 6 février à 11 heures 21.
Monsieur [N] [D] conteste cette décision aux motifs suivants :
La procédure préalable au placement en rétention est irrégulière car elle ne permet pas de connaître l’identité de la personne qui a procédé à la consultation du fichier des personnes recherchées ni de vérifier qu’elle y est habilitée,
le procureur de la république doit être informé préalablement de la prise d’empreintes digitales ce qui n’a pas été fait en l’espèce,
l’audition du 2 février 2023 indique qu’il ne sait pas lire le français et pourtant il lui a été donné connaissance de ses droits dans le cadre d’une lecture qui aurait été faite par lui-même.
Lors de l’audience du 7 février 2023, le conseil de Monsieur [N] [D] a repris ses arguments.
Le préfet des Pyrénées orientales rappelle que depuis le 23 janvier 2023, l’obligation d’identifier le policier habilité qui consulte les fichiers n’est pas sanctionnée par une nullité d’office et sollicite confirmation de l’ordonnance entreprise (article 15-5 CPP).
Il précise encore que l’intéressé a toujours répondu aux questions posées en langue française, qu’il a eu connaissance de tous ses droits. Le mention « lecture faite » est vraisemblablement en erreur de frappe.
Monsieur [N] [D] a eu la parole.
SUR CE :
Sur la recevabilité de l’appel
A peine d’irrecevabilité, la déclaration d’appel doit être motivée, transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel.
L’ordonnance du JLD est susceptible d’appel dans les 24 heures de son prononcé ou si l’étranger n’a pas assisté à l’audience, de la notification de la décision qui lui a été faite.
En l’espèce, l’appel est recevable pour avoir été fait dans les termes et délais légaux.
SUR LE CONTROLE DE LA PROCEDURE PREALABLE A LA RETENTION ADMINISTRATIVE
Il est expliqué que la procédure ayant précédé le placement en rétention administrative est irrégulière car il n’est pas établi que l’agent qui a procédé à la consultation du fichier des personnes recherchées était habilité à cet effet.
Pour rappel, le FPR est un outil de travail des gendarmes et des policiers et des agents des douanes qui sert à rechercher, surveiller ou contrôler certaines personnes à la demande des autorités judiciaires, des autorités administratives ou des services de police et gendarmerie.
Des personnes individuellement désignées et spécialement habilitées peuvent le consulter et notamment les agents de police nationale, les agents des douanes. Les informations enregistrées sont dès lors communiquées à l’autorité judiciaire, un organisme de coopération internationale, un agent de police municipale par exemple.
En l’espèce il s’évince de la procédure versée aux débats que le 1er février 2023 à 21h30 le brigadier-chef de police [V] [S], a procédé à la consultation du fichier des personnes recherchées au moment du contrôle routier dont faisait l’objet Monsieur [D].
Il ne peut donc pas être fait grief à la procédure de taire l’identité de la personne qui a procédé à la consultation puisqu’elle est clairement identifiée et qu’elle n’aurait pas pu accéder au fichier si elle n’avait pas été habilitée comme le rappelle le premier juge dont l’ordonnance est discutée.
De plus, aux termes des dispositions de l’article 15-5 du code de procédure pénale créé par la loi du 24 janvier 2023, applicable à l’espèce, « Seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d’une enquête ou d’une instruction » »..La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d’une personne intéressée. L’absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n’emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure. ».
Dès lors que Monsieur [D] ne justifie d’aucun grief, l’argument est d’autant plus inefficace.
Il est ensuite reproché à cette décision de valider une prise d’empreintes digitales sans que le parquet en ait été informé.
L’article L 813-10 CESEDA disposent à cet égard que l’étranger qui ne fournit pas d’éléments permettant d’apprécier son droit de circulation peut faire l’objet d’une prise d’empreintes digitales après information du procureur de la république.
En l’espèce, le non-respect de cette disposition ne fait pas nécessairement grief et il appartient à l’intéressé de justifier d’un grief. Or, il ne s’en explique pas et il ne l’allègue même pas. C’est donc à bon escient que le premier juge a estimé que l’absence d’avis préalable parqué au sujet de la prise d’empreintes n’était pas de nature à entacher la régularité de la procédure.
Enfin, il est reproché à la procédure d’avoir ignoré les difficultés de Monsieur [D] dans la compréhension et la lecture de la langue française. En effet, l’étranger, placé en retenue, tout comme la personne placée en garde à vue (article 63-1 du CPP), doit se voir notifier ses droits et être assisté par un interprète le cas échéant enfin de pouvoir bénéficier de l’ensemble de ses droits dans une langue qu’il comprend.
En l’occurrence, le 1er février 2023 à 22 heures, les policiers lui ont notifié en langue française les nécessités de l’exécution d’un jugement prononcé à son encontre le 8 juin 2022, et son placement en retenue. Lecture a été faite par lui-même et il a signé le procès-verbal. Il a également signé la déclaration d’information des droits.
À 22h50, il s’est expliqué sur sa situation, puis le lendemain deux février à huit heures, il s’est à nouveau longuement expliqué sur son périple et sur ce qu’il avait fait en France depuis son arrivée.
Toujours le 2 février à 12 heures, les policiers lui notifient son placement en retenue et la possibilité d’être dirigé vers un centre de rétention administrative.
Pour la première fois, depuis le début de la procédure il refuse de signer le procès-verbal, revendique sa situation matrimoniale, devient excité dans sa cellule, se met à vociférer et à insulter les policiers en les traitant de racistes et de chiens.
Il n’y a donc pas lieu de constater la nullité de la procédure de retenue au motif que l’intéressé n’aurait pas bénéficié de l’assistance d’un interprète pour la lecture de ses droits alors qu’il est démontré qu’il a une connaissance suffisante de la langue française, que ses droits lui ont été notifiés et qu’il en a fait une utilisation dans la langue française qu’il comprenait et qu’il n’est nullement fait mention d’une difficulté d’expression, de compréhension ou de lecture, que les policiers auraient dû noter par procès-verbal.
Les exceptions de procédure seront donc toutes rejetées et l’ordonnance déférée sera confirmée dans toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,
Déclarons recevable l’appel interjeté par Monsieur [N] [D] à l’encontre de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Toulouse en date du 4 février 2023,
Rejetons les exceptions de procédure soulevées par M. [D],
Confirmons ladite ordonnance en toutes ses dispositions,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture des Pyrénées orientales, ainsi qu’au conseil de M. X se disant [N] [D] et communiquée au ministère public.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE
K. MOKHTARI Ph. ROMANELLO conseiller
Laisser un commentaire