Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Toulouse
Thématique : Reconnaissance d’une maladie professionnelle : enjeux de l’expertise et des critères d’évaluation
→ RésuméContexte de l’affaireDans cette affaire, une employée, en qualité de technicienne manutentionnaire, a déclaré une maladie professionnelle à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne. Cette déclaration, faite le 13 mai 2020, concernait un syndrome canalaire du nerf ulnaire au coude gauche, accompagné d’une tendinopathie quadricipitale bilatérale. Un certificat médical a été joint à sa demande. Refus de prise en chargeLe 30 octobre 2020, la CPAM a refusé de prendre en charge la maladie, arguant que les conditions réglementaires pour la reconnaissance d’une maladie professionnelle n’étaient pas remplies. Suite à ce refus, l’employée a contesté la décision devant le tribunal judiciaire de Toulouse, après un rejet implicite de son recours par la commission de recours amiable. Décisions judiciairesLe 15 juin 2021, la commission de recours amiable a confirmé le rejet de la demande de l’employée. Par la suite, le tribunal judiciaire de Toulouse a également confirmé ce refus par un jugement rendu le 12 avril 2023, déboutant l’employée de toutes ses demandes et laissant les dépens à sa charge. L’employée a alors interjeté appel de ce jugement le 26 juillet 2023. Arguments de l’employéeDans son appel, l’employée a demandé l’infirmation du jugement et a sollicité une expertise pour déterminer si sa maladie était incluse dans le tableau des maladies professionnelles. Elle a soutenu que sa maladie devait être reconnue comme professionnelle, en raison des travaux effectués qui impliquaient des mouvements répétitifs et des postures contraignantes. Elle a également contesté la validité de l’électroneuromyographie (EMG) négative, la qualifiant de faux négatif. Position de la CPAMLa CPAM a demandé la confirmation du jugement initial, arguant que la maladie de l’employée ne correspondait pas aux critères du tableau des maladies professionnelles, notamment en raison de l’absence d’EMG positif. Elle a également affirmé qu’elle n’était pas tenue de poursuivre l’instruction au titre des maladies hors tableau. Analyse juridiqueSelon l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale, une maladie peut être reconnue d’origine professionnelle si elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles. En l’absence de confirmation par EMG, la maladie déclarée par l’employée ne correspondait pas strictement à celle décrite dans le tableau 57B. Cependant, il a été reconnu que la CPAM aurait dû examiner la demande au titre des maladies hors tableau, ce qui n’a pas été fait. Décision de la cour d’appelLa cour d’appel a infirmé le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse, enjoignant à la CPAM de poursuivre l’instruction de la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle de l’employée sur le fondement des maladies hors tableau. La CPAM a été condamnée aux dépens, tandis que les autres demandes des parties ont été rejetées. |
06/02/2025
ARRÊT N° 49/25
N° RG 23/02855 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PUAD
MS/RL
Décision déférée du 12 Avril 2023 – Pole social du TJ de TOULOUSE (21/00275)
C.LERMIGNY
[V] [I]
C/
CPAM DE LA HAUTE GARONNE
INFIRMATION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 3 – Chambre sociale
***
ARRÊT DU SIX FEVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTE
Madame [V] [I]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Marc LE HOUEROU, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C-31555-2023-3860 du 20/11/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)
INTIMEE
CPAM DE LA HAUTE GARONNE
SERVICE CONTENTIEUX
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Anthony PEILLET, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 décembre 2024, en audience publique, devant M. SEVILLA, conseillère chargée d’instruire l’affaire, les parties ne s’y étant pas opposées.
Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
N. PICCO, conseiller faisant fonction de président
M. SEVILLA, conseillère
N.BERGOUNIOU, conseillère
Greffière : lors des débats E. BERTRAND
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
– signé par N. PICCO, conseiller faisant fonction de président et par E. BERTRAND, greffière
EXPOSE DU LITIGE
Mme [V] [I] employée par la société [5] depuis le 4 novembre 2019 en qualité de technicienne manutentionnaire a déclaré à la caisse primaire d’assurance maladie(CPAM) de la Haute-Garonne le 13 mai 2020, être atteinte ‘d’un syndrome canalaire du nerf ulnaire coude gauche douleur même bras tendu’, en joignant un certificat médical initial de maladie professionnelle mentionnant ‘un syndrome du canal ulnaire du coude gauche et une tendinopathie quadricipitale bilatérale max à droite’ daté du 11 mai 2020.
Par notification du 30 octobre 2020, la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Garonne a refusé la prise en charge de cette maladie inscrite au tableau n°57, au titre de la législation professionnelle, au motif que les conditions réglementaires relatives aux maladies professionnelles n’étaient pas remplies.
Après rejet implicite de son recours par la commission de recours amiable, Mme [V] [I] a porté sa contestation devant le tribunal judiciaire de Toulouse, par requête du 15 mars 2021.
Le 15 juin 2021, la commission de recours amiable a rejeté le recours de Mme [V] [I].
Par jugement du 12 avril 2023, le tribunal judiciaire de Toulouse a confirmé la décision de rejet de la caisse du 30 octobre 2020 relative à la demande de reconnaissance d’une maladie professionnelle de Mme [V] [I] en date du 13 mai 2020, a débouté Mme [V] [I] de l’ensemble de ses demandes et a laissé les éventuels dépens à la charge de Mme [V] [I] qui seront recouvrés conformément aux règles applicables en matière d’aide juridictionnelle.
Mme [V] [I] a relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 26 juillet 2023.
Mme [V] [I] conclut à l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions. Elle demande à la cour avant dire droit d’ordonner une expertise dont l’objet serait de déterminer si la maladie déclarée est celle désignée dans le tableau n°57B des maladies professionnelles. A titre principal, elle demande à la cour de juger que la maladie professionnelle déclarée doit être prise en charge au titre de la législation professionnelle. A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où il serait jugé que la maladie déclarée ne s’intégrerait pas au tableau des maladies professionnelles n°57B, elle demande à la cour d’ordonner la saisine du CRRMP afin que ce dernier transmette un avis sur le lien entre la pathologie visée et le travail exécuté par cette dernière. En tout état de cause, elle demande à la cour d’infirmer la décision initiale de refus du 30 octobre 2020 et la décision de rejet de la commission, d’ordonner la prise en charge de la maladie professionnelle et de ses suites dans le cadre de la législation sur les risques professionnels et de condamner la CPAM de la Haute-Garonne aux entiers dépens d’instance ainsi qu’à 1500 euros sur le fondement du 2° de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que la maladie déclarée à savoir ‘syndrome du canal ulnaire du coude gauche’ est visée dans le tableau n°57 des maladies professionnelles et ajoute que l’EMG négatif est un faux négatif.
Elle ajoute que le délai de prise en charge a été respecté et que l’emploi qu’elle exerçait comprenait la liste des travaux mentionnée dans le tableau des maladies professionnelles. En effet, elle fait valoir que son emploi lui imposait de réaliser de manière quotidienne des travaux comportant habituellement des mouvements répétitifs et des postures maintenues en flexion forcée du bras. Elle indique en outre que la CPAM aurait dû poursuivre l’instruction de la demande au titre des maladies ‘hors tableau’ dès lors qu’elle estimait que la maladie n’était pas désignée dans un tableau de maladie professionnelle.
La CPAM de la Haute-Garonne demande confirmation du jugement. Elle demande à la cour de débouter Mme [V] [I] de ses demandes, fins et conclusions et de rejeter toute demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que la maladie dont souffre Mme [V] [I] ne correspond pas aux exigences du tableau n°57B des maladies professionnelles à défaut d’EMG positif.
De plus, elle soutient que la caisse n’avait aucune obligation de poursuivre une instruction de la demande au titre des maladies hors tableau dès lors qu’elle estimait que la maladie n’était pas désignée dans un tableau de maladies professionnelles.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par arrêt contradictoire, publiquement, en dernier ressort,
Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Toulouse du 12 avril 2023,
Enjoint à la CPAM de Haute Garonne de poursuivre l’instruction de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle de Mme [I] sur le fondement des maladies professionnelles hors tableau,
Condamne la CPAM de Haute Garonne aux dépens
Rejette les autres demandes des parties.
Le présent arrêt a été signé par N. PICCO, conseiller faisant fonction de président et par E. BERTRAND, greffière,
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
E. BERTRAND N. PICCO.
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