Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Toulouse
Thématique : Licenciement contesté pour insuffisance professionnelle et heures supplémentaires non rémunérées
→ RésuméContexte de l’affaireDans cette affaire, un agent général d’assurances a embauché une collaboratrice d’agence sous contrat à durée indéterminée. Au fil des années, la salariée a évolué vers le poste de chargée de clientèle au sein d’une société en participation. La convention collective applicable est celle du personnel des agences générales d’assurances, et la société compte moins de 11 salariés. Licenciement et contestationLe 30 juin 2021, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui a eu lieu le 12 juillet 2021. Après un arrêt de travail, la société a notifié le licenciement pour insuffisance professionnelle le 19 juillet 2021. En réponse, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement et demander des indemnités pour diverses raisons, y compris le harcèlement moral et le travail dissimulé. Décision du conseil de prud’hommesLe jugement du 24 mars 2023 a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamnant solidairement l’employeur et le dirigeant à verser des dommages et intérêts à la salariée. Cependant, la cour a débouté la salariée de plusieurs de ses demandes, notamment celles relatives aux heures supplémentaires, au travail dissimulé, et au harcèlement moral. Appel de la décisionLes dirigeants de la société et la société elle-même ont interjeté appel, contestant la décision du conseil de prud’hommes. Ils ont demandé la réformation du jugement, arguant que le licenciement était justifié par une insuffisance professionnelle et que la salariée avait dénigré l’entreprise. Arguments de la salariée en appelEn réponse, la salariée a demandé à la cour de confirmer le jugement initial, tout en sollicitant des indemnités supplémentaires pour les heures supplémentaires non rémunérées, le travail dissimulé, et d’autres manquements de l’employeur. Elle a également contesté les demandes reconventionnelles des dirigeants. Analyse des heures de travailLa cour a examiné les éléments relatifs aux heures de travail et a constaté que l’employeur n’avait pas fourni de preuves suffisantes pour contester les heures supplémentaires revendiquées par la salariée. En conséquence, la cour a retenu un montant significatif pour les heures supplémentaires non rémunérées. Évaluation des manquements de l’employeurLa salariée a également invoqué des manquements de l’employeur, notamment en matière de harcèlement moral et de déloyauté. Cependant, la cour a jugé que les preuves fournies n’étaient pas suffisantes pour établir ces allégations. En revanche, un manquement à l’obligation de formation a été reconnu, entraînant une indemnisation. Conclusion de la courLa cour a confirmé en partie le jugement du conseil de prud’hommes, en augmentant le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en reconnaissant des rappels de salaire pour heures supplémentaires. Les demandes reconventionnelles des dirigeants ont été rejetées, et la cour a ordonné la remise des documents sociaux rectifiés. Les frais d’appel ont également été mis à la charge des appelants. |
06/02/2025
ARRÊT N°25/59
N° RG 23/01479
N° Portalis DBVI-V-B7H-PMWV
CB/ND
Décision déférée du 24 Mars 2023
Conseil de Prud’hommes
Formation paritaire de SAINT-GAUDENS
(22/00046)
Mme ANTICHAN
SECTION COMMERCE
[S] [V]
[L] [M]
Société [M] [V]
C/
[C] [E]
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU SIX FEVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTS
Monsieur [S] [V]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Monsieur [L] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Société [M] [V], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentés par Me Annie COHEN-TAPIA, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
Madame [C] [E]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Patrick JOLIBERT de la SELAS MORVILLIERS SENTENAC & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Décembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant,C. BRISSET, présidente chargée du rapport et AF. RIBEYRON, conseillère. Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
AF. RIBEYRON, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffière, lors des débats : M. TACHON
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [M] (agent général AXA assurances) a embauché Mme [E] selon contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 1er décembre 1997 en qualité de collaboratrice d’agence. Dans le dernier état de la relation contractuelle Mme [E] occupait les fonctions de chargée de clientèle. Le contrat de travail s’est poursuivi avec la société [M] [V], société en participation entre personnes physiques.
La convention collective applicable est celle, nationale, du personnel des agences générales d’assurances du 17 septembre 2019. La société emploie moins de 11 salariés.
Le 30 juin 2021, Mme [E] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 12 juillet 2021. Elle a été placée en arrêt de travail du 5 au 31 juillet 2021.
Le 19 juillet 2021, la société [M] [V] a notifié à Mme [E] son licenciement pour insuffisance professionnelle.
Elle a saisi, le 10 janvier 2022, le conseil de prud’hommes de Saint-Gaudens aux fins de voir son ancien employeur condamné au paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, d’un harcèlement moral, d’heures supplémentaires réalisées dans les conditions d’un travail dissimulé et manquement de l’employeur à ses obligations.
Par jugement en date du 24 mars 2023, le conseil de prud’hommes de Saint-Gaudens a :
– dit qu’il a été procédé à la réinscription de l’affaire suite à la radiation.
– dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
– condamné solidairement Messieurs [M] et [V] au versement de la somme de 37 068 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– débouté Mme [E] de ses demandes au titre de :
– rappel d’heures supplémentaires y compris de congés payés y afférents
– au titre du travail dissimulé
– au titre de l’obligation de sécurité
– au titre de la déloyauté de l’employeur.
– débouté Mme [E] au titre du harcèlement moral.
– débouté Mme [E] au titre de la formation professionnelle et des entretiens individuels.
– donné acte à M. [M] et M. [V] qu’ils reconnaissent devoir la somme de 2 548 euros et les y condamne.
– dit que l’exécution provisoire de droit est applicable en l’espèce.
– dit qu’il n’y a pas lieu à rectification des bulletins de paie et des documents de fin de contrat.
– condamné solidairement Messieurs [M] et [V] à l’article 700 du code de procédure civile pour un montant de 1800 euros.
– débouté la SPEC [M] [V] des dommages et intérêts pour dénigrement ;
– débouté la SPEC [M] [V] des dommages et intérêts pour avoir frauduleusement signé des chèques au profit de clients de l’agence.
– condamné solidairement Messieurs [M] et [V] aux dépens.
M. [V], M. [M] et la société [M] [V] ont interjeté appel de ce jugement le 21 avril 2023, en énonçant dans la déclaration d’appel les chefs critiqués de la décision.
Dans leurs dernières écritures en date du 10 juillet 2023, auxquelles il est fait expressément référence, M. [V], M. [M] et la société [M] [V] demandent à la cour de :
– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse
– condamné solidairement Messieurs [M] et [V] au versement de la somme de 37 068 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– condamné solidairement Messieurs [M] et [V] à l’article 700 du code de procédure civile pour un montant de 1 800 euros
– débouté la SPEC [M] [V] des dommages et intérêts pour dénigrement
– débouté la SPEC [M] [V] des dommages et intérêts pour avoir frauduleusement signé des chèques au profit de clients de l’agence
– condamné solidairement Messieurs [M] et [V] aux dépens.
– statuant à nouveau
– débouter Mme [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– condamner Mme [E] à payer à la SPEC [M] [V] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du dénigrement à son encontre,
– condamner Mme [E] à payer à la SPEC [M] [V] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir frauduleusement signé des chèques au profit de clients de l’agence,
– condamner Mme [E] à payer à la SPEC [M] [V] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l’instance.
Ils font valoir que le licenciement est bien justifié par une cause réelle et sérieuse. Ils invoquent un dénigrement de l’entreprise par la salariée et une signature frauduleuse de chèques et en déduisent des demandes indemnitaires.
Dans ses dernières écritures en date du 10 octobre 2023, auxquelles il est fait expressément référence, Mme [E] demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
– dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
– débouté la SPEC [M] [V] des dommages et intérêts pour dénigrement,
– débouté la SPEC [M] [V] des dommages et intérêts pour avoir frauduleusement signé des chèques au profit de clients de l’agence,
– donné acte à la SPEC [M] [V] qu’ils reconnaissent devoir la somme de
2 548 euros et les y condamne,
– condamné la SPEC [M] [V] au paiement d’une somme de 1 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a limité le montant de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 12 mois ;
– infirmer le jugement en ce qu’il a :
– débouté Mme [E] de ses demandes au titre de rappel d’heures supplémentaires, y compris de congés payés y afférent,
– débouté Mme [E] de ses demandes au titre du travail dissimulé,
– débouté Mme [E] de ses demandes au titre de dommages et intérêts pour déloyauté de l’employeur,
– débouté Mme [E] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de l’obligation de sécurité,
– débouté Mme [E] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de l’absence de formation professionnelle et des entretiens individuels professionnels,
– statuant à nouveau,
– condamner la SPEC [M] [V], et solidairement Messieurs [M] et [V], au paiement des sommes suivantes :
– 13 911 euros bruts euros au titre du rappel d’heures supplémentaires,
– 1 391,1 euros au titre des congés payés afférents,
– 21 296 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé,
– 5 000 euros au titre du manquement relatif à l’obligation de sécurité,
– 5 000 euros au titre de la déloyauté de l’employeur,
– 5 000 euros au titre du harcèlement moral ou à tout le moins au titre de l’atteinte à la dignité et de la dégradation des conditions de travail,
– 6 000 euros au titre du non-respect en matière de formation professionnelle du maintien de l’employabilité et de l’organisation des entretiens professionnels ;
– 60 340 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– 17 522 euros à titre d’indemnité à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dépassements des contingents des heures supplémentaires sans prise de repos compensateur ;
– à titre subsidiaire sur cette demande,
– condamner les défendeurs au paiement d’une somme de 2 802 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dépassements des contingents des heures supplémentaires sans prise de repos compensateur.
– ordonner la remise des documents de fin de contrat et bulletins de paie modifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 7ème jour après la signification de l’arrêt à intervenir ;
– préciser qu’en application de l’article L. 131-3 du code de procédure civile d’exécution, la cour se réserve le droit de liquider l’astreinte sur simple requête ;
– condamner la SPEC [M] [V] et solidairement Messieurs [M] et [V] au paiement des intérêts au taux légal sur les sommes de nature salariale mises à sa charge à compter du jour de la convocation des parties devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes de Toulouse, et pour les sommes à caractère indemnitaire à compter du prononcé de la décision à intervenir, les intérêts dus pour une année devant produire eux-mêmes intérêts selon les prescriptions de l’article 1343-2 du code civil ;
– condamner la SPEC [M] [V] et solidairement Messieurs [M] et [V] aux entiers dépens de l’instance ;
– condamner la SPEC [V] et solidairement Messieurs [M] et [V] au paiement de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle invoque des heures supplémentaires non rémunérées dans les conditions d’un travail dissimulé. Elle se prévaut d’un harcèlement moral et de différents manquements de l’employeur à ses obligations. Elle soutient que c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse mais soutient que les conséquences n’en ont pas été exactement appréciées. Elle s’oppose aux demandes reconventionnelles.
La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 19 novembre 2024.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Saint Gaudens du 24 mars 2023 sauf en ce qu’il a :
– fixé à 37 068 euros le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– rejeté les demandes au titre des heures supplémentaires et de la formation,
– condamné l’employeur au paiement de la somme de 2 548 euros au titre des repos compensateurs,
L’infirme de ces chefs,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Condamne solidairement la SPEC [M] et [V] et MM [M] et [V] à payer à Mme [E] les sommes de :
– 13 911 euros à titre de rappels de salaire pour heures supplémentaires,
– 1 391,10 euros au titre des congés payés afférents,
– 6 326,39 euros au titre des repos compensateurs,
– 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation,
– 45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
Ordonne la remise par l’employeur des documents sociaux rectifiés dans les termes du présent arrêt,
Rejette la demande d’astreinte,
Dit que les sommes en nature de salaire produiront intérêts à compter du 17 janvier 2022 et celles en nature de dommages et intérêts à compter du présent arrêt,
Ordonne la capitalisation des intérêts à compter de leur cours par année entière,
Condamne solidairement la SPEC [M] et [V] et MM [M] et [V] aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
M. TACHON C. BRISSET.
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