Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Toulouse
Thématique : Conflit sur la validité d’une clause de non-concurrence et la recherche de preuves associées
→ RésuméContexte de l’affaireLa présente affaire concerne un dirigeant d’entreprise, représentant légal de plusieurs sociétés d’un groupe opérant dans le secteur de l’aéronautique, qui a décidé de créer un groupement européen d’intérêt économique (GEIE) pour favoriser la coopération entre ses membres. En 2017, une société spécialisée dans l’ingénierie a intégré ce GEIE. Embauche et démission d’un salariéUn salarié, engagé en tant qu’ingénieur certification, a signé un contrat de travail incluant une clause de non-concurrence. Après avoir démissionné, il a été rappelé par son ancien employeur que cette clause devait être respectée. Des échanges de courriers ont eu lieu entre le salarié et son ancien employeur jusqu’en 2023. Litige et assignation en référéEn janvier 2023, l’ancienne société du salarié a assigné en référé le GEIE et deux autres sociétés du groupe pour violation d’une clause de non-sollicitation. Le tribunal a rejeté cette demande, considérant qu’elle dépassait les pouvoirs du juge des référés. Demande de mesures d’instructionEn mai 2023, l’ancienne société a demandé au tribunal de désigner un huissier pour récupérer des documents liés au salarié. Le tribunal a autorisé la récupération de l’identité de l’employeur du salarié, mais a limité les autres mesures. En juin 2023, une nouvelle demande a été faite pour récupérer des documents supplémentaires, qui a été acceptée par le tribunal. Rétractation de l’ordonnanceEn septembre 2023, la société du groupe a contesté l’ordonnance autorisant la récupération de documents, arguant que les mesures n’étaient pas proportionnées. En décembre 2023, le tribunal a rejeté cette demande de rétractation, confirmant la légitimité des mesures ordonnées. Prétentions des partiesLes deux sociétés ont formulé des demandes contradictoires concernant la compétence du tribunal et la validité de la clause de non-concurrence. L’ancienne société a soutenu que la clause était nulle, tandis que l’autre société a affirmé que les mesures étaient nécessaires pour prouver une violation de cette clause. Décision du tribunalLe tribunal a confirmé la compétence du tribunal judiciaire pour traiter l’affaire, rejetant les arguments de l’ancienne société. Il a également statué que les mesures d’instruction étaient légalement admissibles et proportionnées, tout en rétractant partiellement l’ordonnance concernant la récupération de certaines factures. Les dépens ont été mis à la charge de l’ancienne société. |
05/02/2025
ARRÊT N° 84/2025
N° RG 23/04441 – N° Portalis DBVI-V-B7H-P4WN
SG/KM
Décision déférée du 19 Décembre 2023
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE
( 23/01804)
MICHEL
[E] [B]
SAS UUDS AERO CONCEPT
C/
S.A.S. AEROTEC & CONCEPT
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU CINQ FEVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTS
Monsieur [E] [B]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Ordonnance de caducité partielle, n°2024/60 du 03/04/2024, de la déclaration partielle à l’égard de [E] [B]
SAS UUDS AERO CONCEPT prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au dit siège social
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me DECKER ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
S.A.S. AEROTEC & CONCEPT prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Thomas FERNANDEZ-BONI de la SELARL NORTHERN LIGHTS, avocat postulant au barreau de TOULOUSE
et par Me Abdelkader HAMIDA, avocat plaidant au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. GAUMET, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
E. VET, conseiller faisant fonction de président
P. BALISTA, conseiller
S. GAUMET, conseiller
Greffier, lors des débats : K. MOKHTARI
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par E. VET, président, et par K. MOKHTARI, greffier de chambre
FAITS
M. [S] [U], représentant légal de diverses sociétés faisant partie du groupe UUDS (Un Univers de Service), dont la SAS UUDS Aero Concept, intervenant dans le secteur de l’aéronautique a décidé de regrouper ses diverses sociétés du groupe dans un groupement européen d’intérêt économique (GEIE) qu’il a créé le 26 mars 2012 afin de mettre en place et renforcer entre les membres du groupement une communication et une coopération commune.
Le 11 octobre 2017, la SAS Aerotec Concept, devenue Aerotec & Concept, spécialisée notamment dans l’ingénierie et les études techniques intéressant le même secteur de l’aéronautique, a intégré le GEIE UUDS.
En vertu d’un contrat de travail du 02 janvier 2019 comportant une clause de non-concurrence, M. [E] [B] a été embauché en tant que salarié par la SAS Aerotec & Concept en qualité d’ingénieur certification / CVE – Responsable projet – Key account manager – Adjoint responsable de navigabilité. M. [B] a donné sa démission par courrier du 17 mars 2022 à effet du 17 juin suivant, après un préavis de trois mois.
Par courrier du 07 juin 2022, la SAS Aerotec & Concept a adressé au GEIE UUDS une mise en demeure de cesser toute activité de » design, conception, certification et libération des documents sous agrément Part 21 » au motif qu’il s’agissait d’une activité qui lui serait exclusivement réservée selon la convention d’intégration au GEIE UUDS.
Par courrier du 24 juin 2022, le GEIE UUDS contestait toute violation de la convention.
Par courrier du 08 juin 2022, la SAS Aerotec & Concept a rappelé à M. [B] que son contrat de travail contenait une clause de non-concurrence qu’elle entendait voir appliquée.
Plusieurs échanges de courriers ont eu lieu avec M. [B] jusqu’en juin 2023.
Par acte en date du 12 janvier 2023, la SAS Aerotec & Concept a fait assigner en référé devant le tribunal de commerce de Pontoise le GEIE UUDS, la SAS UUDS Aero et la SAS UUDS Aero Concept afin qu’elles soient condamnées, notamment au paiement de la somme de 63 396,80 euros pour violation la clause 2.7 de la convention d’intégration au GEIE UUDS sur l’obligation de non-sollicitation du personnel.
Par ordonnance en date du 9 mars 2023, le tribunal de commerce de Pontoise a rejeté la demande de la SAS Aerotec & Concept comme dépassant les pouvoirs du juge des référés.
PROCÉDURE
Par requête enregistrée au greffe le 05 mai 2023, la société Aerotec & Concept a saisi le président du tribunal judiciaire de Toulouse pour obtenir la désignation d’un huissier aux fins de :
– récupérer auprès des URSSAF l’identité de l’employeur de M. [E] [B],
– se rendre au domicile de M. [B] et dans les locaux des sociétés UUDS Aero et Aero Concept, UUDS Aerospace et UUDS Aero Services ainsi qu’en tout autre lieu où des faits litigieux ont pu être commis, afin d’y récupérer divers documents afférents au contrat de travail et fiches de paie de M. [B], outre des échanges de mails, pièces techniques et listes de clients pris en charge par M. [B], projets sur lesquels ce dernier était intervenuet diverses factures, ainsi que toute pièce, document ou correspondance entretenus par ces sociétés et M. [B] entre le 17 mars 2022 et la date de réalisation du constat, en usant de divers mots-clé.
Par ordonnance du même jour, le président du tribunal judiciaire de Toulouse a seulement autorisé la récupération auprès des URSSAF de l’identité de l’employeur de M. [B] et désigné l’étude Iacono Di Cacito-Marty pour procéder à la mesure, qui a été réalisée suivant constat du 31 mai 2023 et a révélé que M. [B] était salarié, depuis le 20 juin 2022 de la société UUDS Aero Concept.
Par requête enregistrée au greffe le 16 juin 2023, la SAS Aerotec & Concept a saisi le président du tribunal judiciaire de Toulouse afin que soient désignés deux huissiers exerçant aux lieux des établissements de la SAS UUDS Aero Concept à Colomiers (31) et Roissy (93) pour procéder aux constats et récupérer les mêmes éléments que ceux visés dans la requête du 05 mai 2023.
Par ordonnance en date du 10 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Toulouse a fait droit à cette demande. L’ordonnance a reçu exécution le 08 septembre 2023.
Suivant acte d’huissier du 28 septembre 2023, la SAS UUDS Aero Concept a fait assigner la SAS Aerotec & Concept en référé en vue d’obtenir la rétractation de l’ordonnance rendue le 10 juillet 2023 au motif que les mesures ordonnées n’étaient pas légalement admissibles ni proportionnées, ainsi que la nullité des procès-verbaux de constat dressés ou qui pourraient l’être en vertu de cette ordonnance.
Par ordonnance rendue le 19 décembre 2023, le président du tribunal judiciaire de Toulouse statuant en référé a :
– Déclaré recevable l’intervention volontaire de M. [E] [B],
– Rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la SAS UUDS Aero Concept et M. [E] [B],
– Débouté la SAS UUDS Aero Concept et M. [E] [B] de leur demande en rétractation de l’ordonnance sur requête du 10 juillet 2023,
– Condamné la SAS UUDS Aero Concept aux dépens, ainsi qu’à payer à la SAS Aerotec & Concept la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La SAS UUDS Aero Concept dans ses dernières conclusions en date du 5 février 2024, demande à la cour au visa des articles 145, 493 et suivants du code de procédure civile et l’article L721-3 du code de commerce, de :
in limine litis,
– réformer l’ordonnance du 19 décembre 2023 en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence du tribunal judiciaire de Toulouse au profit du tribunal de commerce de Toulouse,
– juger que le président du tribunal judiciaire de Toulouse n’était pas matériellement compétent pour connaître de la requête présentée par la SAS Aerotec & Concept et que seul le président du tribunal de commerce était compétent,
à titre principal,
– réformer l’ordonnance du 19 décembre 2023 en ce qu’elle a retenu l’existence d’un motif légitime,
– juger que la requête du 15 juin 2023 ne fait pas la preuve d’un motif légitime, la nullité de la clause de non-concurrence étant manifeste,
– juger que la SAS Aerotec & Concept a fait, dans sa requête, une présentation déloyale des faits de l’espèce, notamment en ne mentionnant pas la coopération issue du GEIE et la nullité de la clause de non-concurrence,
– rétracter en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 10 juillet 2023 par le président du tribunal judiciaire de Toulouse,
– prononcer la nullité des procès verbaux de constat qui ont été dressés ou qui pourraient l’être et dire qu’ils seront exclus, ainsi que leur contenu, de tous débats,
– ordonner à la SAS Aerotec & Concept de détruire toute copie des procès verbaux de constat dressés qui serait en sa possession ou en celle de son conseil,
– ordonner, dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, la restitution de l’intégralité des documents saisis en original ou en copie quels qu’en soient les supports (informatique, papier ou autre) et ce, sous astreinte 500 euros par jour de retard,
– interdire l’utilisation future des procès-verbaux de constat d’huissier, des déclarations recueillies, documents sur le fondement de l’ordonnance du 10 juillet 2023,
à titre subsidiaire,
– réformer l’ordonnance du 19 décembre 2023 en ce qu’elle a considéré que les mesures étaient proportionnées et non contraires à la protection du secret des affaires,
– juger que les mesures ordonnées par l’ordonnance du 10 juillet 2023 ne sont pas légalement admissibles, ni proportionnées,
– rétracter en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 10 juillet 2023 par le tribunal judiciaire de Toulouse,
– prononcer la nullité des procès-verbaux de constat qui ont été dressés ou qui pourraient l’être et dire qu’ils seront exclus, ainsi que leur contenu, de tous débats,
– ordonner dans un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir, la restitution de l’intégralité des documents saisis en original ou en copie quels qu’en soient le support (informatique, papier ou autre), et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
– interdire l’utilisation futur des procès-verbaux de constat d’huissier, des déclarations recueillie, documents et informations saisies sur le fondement de l’ordonnance du 10 juillet 2023,
à titre infiniment subsidiaire,
– réformer l’ordonnance du 19 décembre 2023 en ce qu’elle a considéré que les mesures étaient non contraire à la protection du secret des affaires,
– ordonner une utilisation des documents saisis limitée au contentieux prud’homal,
en tout état de cause,
– condamner la SAS Aerotec & Concept aux entiers dépens de l’instance.
La SAS Aerotec & Concept dans ses dernières conclusions en date du 5 mars 2024 demande à la cour de :
– juger que le président du tribunal judiciaire de Toulouse était compétent pour rendre l’ordonnance du 10 juillet 2023,
– juger que la requête du 15 juin 2023 déposée par la SAS Aerotec est fondée sur un motif légitime et qu’elle sollicitait la réalisation de mesures légalement admissibles,
– juger l’absence de violation du principe de loyauté par la SAS Aerotec & Concept,
en conséquence,
– confirmer en tous points l’ordonnance du 19 décembre 2023 frappée d’appel,
y ajoutant,
– condamner la SAS UUDS Aero Concept au versement de la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SAS UUDS Aero Concept aux dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 28 octobre 2024.
PAR CES MOTIFS
La cour,
– Confirme l’ordonnance rendue le 19 décembre 2023 par le président du tribunal judiciaire de Toulouse statuant en référé, sauf en ce qu’elle a rejeté la demande de rétractation formée par la SAS UUDS Aero Concept quant à l’autorisation donnée à la SAS Aerotec et Concept de récupérer les factures éditées par la SAS UUDS Aero Concept à l’égard des sociétés Air France, Fedex, Emirates, Air Mauritius, Air Austral, China Southern, China Airline, Sabena Technics, Corsair, Air Austral, Zodiac Seat, Zodiac Services, Tarmac, KLM, Air Mauritius, Air Caraibes, French Blue, RAM, ATI, IGO, JAMCO, DHIEL, Sabena Technics, Leonardo, Airbus, Zodiac, Macquarie, Air Austral, Tarmac, AerCap, Avolon, Appollo, ACS, ACH/New DEA, La Compagnie, Regio Lease, RTE/STH, Regourd Aviation,
Statuant à nouveau,
– Rétracte l’ordonnance rendue sur requête le 10 juillet 2023 en ce qu’elle a autorisé
la SAS Aerotec et Concept de récupérer les factures éditées par la SAS UUDS Aero Concept à l’égard des sociétés Air France, Fedex, Emirates, Air Mauritius, Air Austral, China Southern, China Airline, Sabena Technics, Corsair, Air Austral, Zodiac Seat, Zodiac Services, Tarmac, KLM, Air Mauritius, Air Caraibes, French Blue, RAM, ATI, IGO, JAMCO, DHIEL, Sabena Technics, Leonardo, Airbus, Zodiac, Macquarie, Air Austral, Tarmac, AerCap, Avolon, Appollo, ACS, ACH/New DEA, La Compagnie, Regio Lease, RTE/STH, Regourd Aviation,
– Autorise la SAS Aerotec et Concept à récupérer les factures éditées entre le 20 juin 2022 et le 16 juin 2023 par la SAS UUDS Aero Concept à l’égard des sociétés Air France, Fedex, Emirates, Air Mauritius, Air Austral, China Southern, China Airline, Sabena Technics, Corsair, Air Austral, Zodiac Seat, Zodiac Services, Tarmac, KLM, Air Mauritius, Air Caraibes, French Blue, RAM, ATI, IGO, JAMCO, DHIEL, Sabena Technics, Leonardo, Airbus, Zodiac, Macquarie, Air Austral, Tarmac, AerCap, Avolon, Appollo, ACS, ACH/New DEA, La Compagnie, Regio Lease, RTE/STH, Regourd Aviation,
– Condamne la SAS Aerotec & Concept aux dépens d’appel,
– Déboute la SAS Aerotec & Concept et la SAS UUDS Aero Concept de leurs demandes respectives formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
K.MOKHTARI E.VET
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