Cour d’appel de Toulouse, 5 février 2025, RG n° 23/00768
Cour d’appel de Toulouse, 5 février 2025, RG n° 23/00768

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Toulouse

Thématique : Clause pénale et obligations contractuelles : la visite virtuelle comme preuve d’engagement

Résumé

Contexte de l’Affaire

Suite à un mandat exclusif de vente signé le 15 mai 2020, un vendeur et une vendeuse ont confié à une entreprise immobilière la vente de leur maison pour un prix de 540 800 euros. Les honoraires du mandataire étaient fixés à 20 800 euros, avec une clause interdisant aux vendeurs de traiter directement avec un acquéreur présenté par le mandataire pendant la durée du mandat et 24 mois après son expiration.

Résiliation du Mandat

Le 12 décembre 2020, les vendeurs ont résilié le mandat par courrier recommandé, effectif quinze jours après réception. Le 4 janvier 2021, ils ont signé un compromis de vente avec des acquéreurs. L’entreprise immobilière a alors réclamé le paiement des honoraires, arguant que la vente avait été conclue en fraude de ses droits.

Assignation en Justice

L’entreprise immobilière a assigné les vendeurs devant le tribunal judiciaire de Toulouse, demandant le paiement de 20 800 euros au titre de la clause pénale. Le tribunal a rendu un jugement le 3 février 2023, condamnant les vendeurs à verser cette somme, ainsi que des dépens et des frais supplémentaires.

Arguments des Parties

Les vendeurs ont fait appel, contestant le jugement et soutenant que les acquéreurs ne leur avaient jamais été présentés par l’agence. Ils ont également affirmé que l’absence d’information sur les visites effectuées par le mandataire devait annuler l’application de la clause pénale. De leur côté, l’entreprise immobilière a défendu la validité de la clause, arguant que les acquéreurs avaient réalisé une visite virtuelle du bien.

Décision du Tribunal

Le tribunal a confirmé que la clause pénale avait été enfreinte, car les acquéreurs avaient effectivement visité le bien virtuellement, ce qui satisfaisait les conditions de la clause. Il a également noté que le mandataire n’était pas tenu de rendre compte des visites pour que la clause pénale s’applique. Les vendeurs ont été condamnés à verser les sommes dues, et le jugement a été confirmé en appel.

Conclusion

En conclusion, les vendeurs ont été reconnus responsables de la violation de la clause pénale stipulée dans le mandat, et le jugement initial a été confirmé, les condamnant à verser des dommages et intérêts à l’entreprise immobilière ainsi qu’à couvrir les frais de justice.

05/02/2025

ARRÊT N° 40/25

N° RG 23/00768

N° Portalis DBVI-V-B7H-PJFR

MD – SC

Décision déférée du 03 Février 2023

TJ de Toulouse – 21/04154

S. GAUMET

[L] [J]

[K] [U]

C/

EURL GUY MAILHEAU IMMO

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le 05/02/2025

à

Me Faustine BARBIER

Me Gilles SOREL

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU CINQ FEVRIER DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTS

Madame [L] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Monsieur [K] [U]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentés par Me Faustine BARBIER, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)

Représentés par Me Gilles LAMARQUETTE, avocat au barreau de GERS (plaidant)

INTIMEE

EURL GUY MAILHEAU IMMO

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE (postulant)

Représentée par Me Cédric BEUTIER, avocat au barreau de NANTES (plaidant)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 novembre 2024 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. DEFIX, Président, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. DEFIX, président

A.M. ROBERT, conseillère

S. LECLERCQ, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière : lors des débats M. POZZOBON

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par M. DEFIX, président et par M. POZZOBON, greffière

EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Suivant acte sous seing privé du 15 mai 2020, M. [K] [U] et Mme [L] [J] ont confié à l’Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (Eurl) Guy Mailheau Immo exerçant sous l’enseigne Guy Hoquet, un mandat exclusif de vente de la maison leur appartenant sise [Adresse 4] à [Localité 6] (31), au prix de 540 800 euros.

Les honoraires du mandataire en cas de réalisation de la vente étaient fixés à la somme de 20 800 euros. Une clause prévoyait que le vendeur s’interdisait pendant la durée du mandat et dans les 24 mois qui suivent son expiration ou sa révocation, de traiter directement ou indirectement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui et qu’en cas de manquement à cette obligation, le mandant devrait verser au mandataire des dommages et intérêts d’un montant égal à celui des honoraires.

Par courrier recommandé du 12 décembre 2020 dont il a été accusé réception le 15 décembre 2020, les mandants ont résilié le mandat, avec effet quinze jours suivant la réception du courrier conformément aux prévisions contractuelles.

Suivant acte authentique du 4 janvier 2021, M. [U] et Mme [J] ont conclu un compromis de vente de leur bien avec M. [B] [S] et Mme [H] [T] épouse [S].

Par courrier recommandé de son conseil du 11 janvier 2021 dont il a été accusé réception le 15 janvier 2021, l’Eurl Guy Mailheau Immo a mis Mme [J] et M. [U] en demeure de lui verser la somme de 20 800 euros en paiement de la clause pénale prévue au mandat précédemment résilié, au motif qu’elle avait antérieurement présenté le bien aux acquéreurs et que le compromis avait été passé en fraude de ses droits.

Par acte authentique du 8 mars 2021, Mme [J] et M. [U] ont réitéré la vente a avec les mêmes acquéreurs.

-:-:-:-

Par exploit d’huissier des 29 juillet et 10 août 2021, l’Eurl Guy Mailheau Immo a fait assigner M. [K] [U] et Mme [L] [J], devant le tribunal judiciaire de Toulouse aux fins de les voir condamner in solidum à leur verser 20 800 euros à titre de dommages et intérêts dus au titre de la clause pénale.

-:-:-:-

Par un jugement du 3 février 2023, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

– condamné M. [K] [U] et Mme [L] [J] in solidum à payer à l’Eurl Guy Mailheau Immo la somme de 20 800 euros au titre de la clause pénale insérée au mandat du 15 mai 2020,

– condamné in solidum M. [K] [U] et Mme [L] [J] aux dépens de l’instance,

– condamné M. [K] [U] et Mme [L] [J] in solidum à payer à l’Eurl Guy Mailheau Immo la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rappelé que le jugement est exécutoire de plein droit par provision.

Pour statuer ainsi, le tribunal a estimé qu’il ressortait des échanges entre l’agent immobilier et M. [B] [S] produits devant elle que le premier avait permis au second de réaliser une visite virtuelle du bien finalement acquis, ce qui correspondait à la réalisation d’une visite telle que visée par la clause pénale, qui devait dès lors recevoir application.

Le premier juge a par ailleurs retenu qu’il était indifférent que les vendeurs n’aient pas eu connaissance de cette visite pour l’application de ladite clause et que l’absence de compte rendu par le mandataire au mandant ne saurait pas davantage donner lieu à déchéance des droits tirés par le mandataire de la clause pénale insérée à l’acte du 15 mai 2020.

Il a finalement été estimé que les circonstances de la cause ne permettaient pas de faire application de l’article 1343-5 du code civil, ni de donner lieu à réduction de la clause pénale.

-:-:-:-

Par déclaration du 2 mars 2023, Mme [L] [J] et M. [K] [U] ont relevé appel de ce jugement en en critiquant l’ensemble des dispositions.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 mai 2023, Mme [L] [J] et M. [K] [U], appelants, demandent à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris,

statuant à nouveau,

– débouter l’Eurl Guy Mailheau de ses demandes de condamnation à paiement au titre de la clause pénale,

– condamner l’Eurl Guy Mailheau à payer à Mme [J] et M. [U] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner l’Eurl Guy Mailheau à tous les dépens de première instance et d’appel.

Au soutien de ces prétentions, les appelants se fondent sur les stipulations de la clause pénale et font valoir que les acquéreurs ne leur ont jamais été présentés par l’agence immobilière et, surtout, que concernant la visite des locaux, l’application de la clause est conditionnée au respect par le mandataire de l’obligation d’informer son mandant des visites effectuées en application de l’article 1993 du code civil et de l’article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970.

Ils font valoir que les acquéreurs ne les ont jamais informés avoir procédé à une visite, ni même à une visite virtuelle. Ils soulignent qu’ils n’ont pas été destinataires d’une information suffisante de la part de leur mandataire, serait-ce à l’occasion du courrier officiel du 11 janvier 2021, qu’ils qualifient de ‘peu crédible’ et qui ne fournissait aucun détail quant à une éventuelle visite ayant été réalisée par l’entremise de l’agent immobilier.

Ils font valoir que l’absence d’information engage la responsabilité du mandataire, peu important que celle-ci ne se traduise pas par une déchéance du droit à la clause pénale, et avancent leur bonne foi.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 juillet 2023, l’Eurl Guy Mailheau Immo, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants du code civil, de :

– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse le 3 février 2023,

– débouter M. [U] et Mme [J] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– condamner M. [U] et Mme [J] à verser à la société Guy Mailheau Immo la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L’intimée met en avant les diligences accomplies par elle en exécution du mandat qui lui a été confié. Elle fait état d’un échange de courriels entre M. [S] et elle-même intervenu du 5 au 9 novembre 2020, mettant en lumière qu’un lien permettant la visite virtuelle du bien a été transmis aux futurs acquéreurs en raison des mesures sanitaires de confinement alors en vigueur, laquelle a donné lieu à un échange quant aux caractéristiques du bien qui s’est conclu par le témoignage de l’intérêt de M. [S] pour l’acquisition du bien et de sa volonté de se rapprocher de sa banque pour étudier ses capacités financières.

L’Eurl Guy Mailheau Immo souligne que la réalisation d’une visite virtuelle par l’intermédiaire de l’agence immobilière correspond bien à une visite du bien au sens de la clause pénale stipulée au contrat de mandat. Elle souligne que le caractère virtuel de la visite trouvait sa cause, d’une part, dans les mesures sanitaires imposées au niveau national à l’époque et, d’autre part, dans la reprise par M. [J] des clés du bien à cette date.

L’intimée soutient que, dans ces conditions, la révocation du mandat était fautive, en ce qu’elle avait pour unique vocation d’éviter le paiement de la commission prévue au mandat du 15 mai 2020, de sorte qu’il conviendrait de faire application de la clause pénale stipulée à l’acte.

Finalement, il est souligné qu’au moment de la réitération de la vente le 8 mars 2021, les vendeurs avaient connaissance du fait que le bien avait été présenté aux acquéreurs par l’agence immobilière en raison du courrier qui leur avait été envoyé le 11 janvier 2021, une semaine après la conclusion du compromis de vente le 4 janvier 2021.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 octobre 2024. L’affaire a été examinée à l’audience du mardi 19 novembre 2024 à 14h00.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse le 3 février 2023 en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne in solidum Mme [L] [J] et M. [K] [U] aux entiers dépens d’appel.

Condamne in solidum Mme [L] [J] et M. [K] [U] à verser à l’Eurl Guy Mailheau Immo la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Déboute Mme [L] [J] et M. [K] [U] de leurs demande présentée au même titre.

La greffière Le président

M. POZZOBON M. DEFIX

.

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon