Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Toulouse
Thématique : Prolongation de rétention administrative : décision de la Cour d’appel de Toulouse
→ RésuméLe 4 septembre 2023, la Cour d’appel de Toulouse a examiné l’appel formé par la Préfecture des Hautes-Pyrénées concernant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [D] [W], de nationalité roumaine. L’ordonnance du juge des libertés du 1er septembre 2023 avait refusé cette prolongation, invoquant une irrégularité dans la signature de la requête. Cependant, la Cour a jugé l’appel recevable et a infirmé l’ordonnance contestée, déclarant la procédure régulière. En conséquence, la rétention de Monsieur [D] [W] a été prolongée de vingt-huit jours, avec notification aux parties concernées.
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4 septembre 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
23/00960
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
Minute 2023/966
N° RG 23/00960 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PVRL
O R D O N N A N C E
L’an DEUX MILLE VINGT TROIS et le 04 septembre à 17h00
Nous P. ROMANELLO magistrat délégué par ordonnance de la première présidente en date du 17 JUILLET 2023 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L. 342-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Vu l’ordonnance rendue le 01 Septembre 2023 à 15H34 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant la prolongation du maintien au centre de rétention de :
[D] [W]
né le 26 Décembre 1969 à [Localité 1] ( ROUMANIE)
de nationalité Roumaine
Vu l’appel formé le 01/09/2023 à 17 h 35 par courriel, par la PREFECTURE DES HAUTES PYRENEES.
A l’audience publique du 04 septembre 2023 à 10h00, assisté de P.GORDON, adjoint administratif faisant fonction de greffier, avons entendu:
La PREFECTURE DES HAUTES PYRENEES non représentée;
Me Laure GALINON, avocat au barreau de TOULOUSE et conseil de [D] [W];
En l’absence de [D] [W];
En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;
avons rendu l’ordonnance suivante :
Exposé des faits
Vu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et les dispositions du CESEDA,
Vu l’arrêté de Monsieur le préfet des Hautes-Pyrénées en date du 30 août 2023, décidant le placement en rétention administrative de Monsieur [D] [W] ;
Vu l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse en date du 1er septembre 2023 à 15h34, disant n’y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de Monsieur [D] [W], au motif que l’autorité administrative n’apporte pas la preuve que Madame [F] [B], secrétaire générale, avait compétence pour signer la requête en prolongation de la rétention,
Vu l’appel interjeté par Monsieur le préfet des Hautes-Pyrénées le 1er septembre 2013 à 17h35, aux termes duquel il sollicite l’annulation de l’ordonnance du juge des libertés de la détention,
Vu les débats lors de l’audience du 4 septembre 2023 à 9h45, au cours desquels le conseil de Monsieur [D] [W] a repris ses arguments s’agissant de la fin de non-recevoir ainsi que des irrégularités de procédure déjà soulevées en première instance ;
Vu l’absence du préfet ;
Vu l’absence de Monsieur [D] [W] ;
SUR CE :
Sur la recevabilité de l’appel
A peine d’irrecevabilité, la déclaration d’appel doit être motivée, transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel.
L’ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d’appel dans les 24 heures de son prononcé ou si l’étranger n’a pas assisté à l’audience, de la notification de la décision qui lui a été faite.
En l’espèce, l’appel est recevable pour avoir été fait dans les termes et délais légaux.
Sur la fin de non-recevoir
Aux termes des dispositions de l’article R 743-2 du CESEDA, à peine d’irrecevabilité, la requête est motivée, daté et signé et accompagné de toutes les pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre de rétention prévu à l’article L.744-2 du CESEDA.
En l’espèce, par arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées en date du 30 septembre 2022, Madame [F] [B], secrétaire générale, a reçu délégation de signature pour signer « tous les arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances, documents et l’ensemble des mesures à présenter devant les juridictions administratives et judiciaires. Cette délégation comprend la signature des mesures prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ».
Pour contester la compétence de Madame la secrétaire générale, le conseil de Monsieur [D] [W] fait référence à un arrêt de la Cour de cassation en date du 7 juillet 2021 qui censure une cour d’appel qui a validé une délégation de signature qui ne visait pas de manière spécifique la possibilité de signaler requête saisissant le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation d’une rétention administrative.
Toutefois, cette décision de la cour suprême ne vise pas les mêmes circonstances que le cas d’espèce dont la cour d’appel de Toulouse est saisie.
En effet, il sera relevé en l’occurrence que le préfet des Hautes-Pyrénées a expressément visé les mesures devant être présentées devant les juridictions judiciaires, soulignant à cet effet qu’il pouvait s’agir des mesures prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
La délégation de signature donne donc compétence à la secrétaire générale pour signer un arrêté de placement en rétention administrative, ce qui n’est pas contesté par la défense. Mais en outre, elle prévoit de façon non équivoque l’ensemble des mesures à présenter devant une juridiction judiciaire à laquelle appartient forcément le juge des libertés et de la détention. Parmi les mesures qui peuvent être présentées devant ce magistrat par la secrétaire générale sur délégation de signature, figurent celles prévues par le CESEDA, comme évoqué par la délégation, et donc une requête en prolongation de la rétention administrative.
La fin de non-recevoir sera dès lors écartée et l’ordonnance discutée sera infirmée en ce sens.
Sur le contrôle de la procédure préalable à la rétention administrative
Par application des dispositions de l’article 568 du code de procédure civile, la cour est appelée à statuer sur l’entier litige puisque l’ordonnance disputée n’a statué que sur une exception de procédure.
Pour mémoire, les irrégularités de procédure relative à la retenue de Monsieur [D] [W] ont déjà été exposées en première instance.
Contrôle identité
Il est reproché à la procédure une imprécision faisant nécessairement grief à Monsieur [D] [W] quant au cadre légal par lequel il a fait l’objet d’un contrôle identité.
Néanmoins, il s’évince des documents versés aux débats, que le 30 août 2023, le major de police [M] [P] assisté des gardiens de la paix [Y] [G] et [E] [N], ont reçu instruction de Monsieur le commandant divisionnaire chef de la circonscription de police nationale de [Localité 2], d’enquêter sur un individu qui depuis plusieurs jours s’était introduit dans des salles de classe du sanctuaire.
Le 30 août 2023, cet individu a été aperçu à l’entrée de la basilique supérieure du sanctuaire où les trois policiers se sont immédiatement rendus pour procéder à son contrôle d’identité. Le même procès-verbal indique qu’il s’agit d’un contrôle identité réalisé dans le cadre de l’article 78-2 du code de procédure pénale (procès-verbal 2023/01141).
Dès lors l’argument est inefficace.
Consultation fichiers
Il est expliqué que la procédure ayant précédé le placement en rétention administrative est irrégulière car il n’est pas établi que l’agent qui a procédé à la consultation du fichier des personnes recherchées était habilité à cet effet.
Aux termes des dispositions de l’article 15-5 du code de procédure pénale créé par la loi du 24 janvier 2023, applicable à l’espèce, « Seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d’une enquête ou d’une instruction » »..La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d’une personne intéressée. L’absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n’emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure».
Le même procès-verbal 2023/001141 daté du 30 août à 8h35 expose que le major de police [M] [P] assisté des gardiens de la paix [Y] [G] et [E] [N], ont procédé au contrôle de l’identité de Monsieur [D] [W] et qu’ils l’ont passé au fichier des personnes recherchées pour découvrir qu’il faisait l’objet d’une interdiction de circuler sur le territoire national.
Certes, la procédure ne précise pas lequel de ces trois policiers dispose de l’habilitation spéciale.
Toutefois, le juge judiciaire possède des renseignements quant à leur identité et leur qualité et il est en mesure de pouvoir vérifier cette habilitation.
Dès lors que le juge judiciaire est en capacité de vérifier l’habilitation, il appartient à Monsieur [D] [W] de justifier d’un grief. En l’absence de démonstration à cet égard l’argument est inefficace.
La notification tardive des droits en retenue
Aux termes des dispositions de l’article L813-5, l’étranger auquel est notifié un placement en retenue est aussitôt informé par l’officier de police judiciaire dans une langue qu’il comprend, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend, des motifs de son placement en retenue, de la durée maximale de la mesure et du fait qu’il bénéficie de certains droits. Lorsque l’étranger ne parle pas le français il est fait application des dispositions de l’article L 141-2. Donc, l’étranger doit indiquait qu’il ne parle pas le français, indiquer quelle est la langue qu’il comprend et est fortement s’il sait lire. Cette mention permet d’utiliser jusqu’à la fin de la procédure la langue que l’étranger a déclaré comprendre.
En l’espèce, lorsqu’il a été contrôlé sur place dans la rue à 8h35 le 30 août 2023, Monsieur [D] [W] a décliné son identité. Il s’est exprimé avec beaucoup de difficultés en langue française et l’officier de police judiciaire a précisé à 8h42 que la mesure de retenue devait donc lui être notifiée par procès-verbal distinct en présence d’un interprète en langue roumaine.
17 minutes plus tard, de retour au commissariat, les policiers ont contacté Madame [H] [T] interprète en langue roumaine. Dès l’arrivée de cette dernière au commissariat le même jour à 11h55, les droits lui ont été notifiés en langue roumaine.
Il s’est donc écoulé un délai de deux heures et 17 minutes entre le moment où Monsieur [D] [W] est arrivé au commissariat et le moment où les droits lui ont été notifiés.
Certes, l’interprète n’a pas donné d’explication quant à ce délai pour arriver au commissariat. La cour note cependant que l’interprète réside à Oloron dans le 64 et que le temps normal pour se rendre à [Localité 2] est d’environ 1h30.
Ce qui correspond au délai d’attente de cette procédure.
Mais surtout, entre le moment où l’interprète a été requise et la notification des droits, Monsieur [D] [W] n’a pas été entendu et aucun acte lui faisant grief n’a été noté en procédure.
Dès lors l’argument de la défense est inefficace.
Le placement dans un local ne relevant pas des locaux de garde à vue
Il est reproché à la procédure de ne pas préciser dans quel endroit a été retenu Monsieur [D] [W]. Cependant, la procédure précise qu’il est retenu dans les locaux du commissariat de police et n’indique pas qu’il aurait été placé dans les pièces destinées aux mesures de garde à vue.
L’argument est donc inefficace.
En conclusion, la procédure antérieure au placement en rétention administrative est régulière et le conseil de Monsieur [W] ne conteste pas sur le fond la décision de placement.
Il conviendra donc en dernier lieu de faire droit à la requête de première demande de prolongation.
PAR CES MOTIFS
Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,
Déclarons recevable l’appel interjeté par la préfecture des Hautes-Pyrénées à l’encontre de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Toulouse en date du 1er septembre 2023,
Infirmons ladite ordonnance,
Statuant à nouveau,
Écartons la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [D] [W],
Déclarons régulière la procédure préalable au placement en rétention administrative,
Et par application des dispositions de l’article 568 du code de procédure civile,
Prononçons la jonction de la requête en contestation du placement en rétention et de la requête en prolongation de la rétention administrative,
Ordonnons la prolongation de la rétention de Monsieur [D] [W] pour une durée de VINGT HUIT JOURS,
Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture des Hautes-Pyrénées, ainsi qu’au conseil de M. X se disant [D] [W] et communiquée au ministère public.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE
P.GORDON Ph. ROMANELLO, conseiller
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