Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Toulouse
Thématique : Rupture conventionnelle et allégations de harcèlement : enjeux de consentement et obligations de l’employeur.
→ RésuméEmbauche et évolution du contrat de travailMme [P] [I] a été engagée le 4 mars 2020 par l’EURL Château de Longpré en tant que réceptionniste polyvalente, avec un contrat à durée indéterminée à temps complet. Un avenant au contrat a été signé le 1er février 2021, ajoutant des fonctions de chargée de communication. Rupture conventionnelleLe 18 mars 2021, Mme [I] a demandé une rupture conventionnelle de son contrat. L’EURL Château de Longpré a organisé un entretien préparatoire le 30 mars 2021, au cours duquel la rupture a été signée, prenant effet le 10 mai 2021. Actions en justiceLe 16 septembre 2021, Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Foix, alléguant du travail dissimulé, la nullité de la rupture conventionnelle pour vice de consentement, ainsi que diverses demandes d’indemnités. Le jugement du 20 janvier 2023 a débouté Mme [I] de toutes ses demandes. Appel de Mme [I]Le 10 février 2023, Mme [I] a interjeté appel du jugement, demandant l’infirmation de celui-ci et la reconnaissance de ses demandes, notamment en matière de harcèlement moral et de violation de l’obligation de sécurité par l’employeur. Prétentions de Mme [I]Dans ses conclusions du 26 septembre 2023, Mme [I] a demandé à la cour de reconnaître le harcèlement moral subi, de condamner l’employeur à des dommages et intérêts, et de déclarer la nullité de la rupture conventionnelle en raison de la violence morale et du harcèlement. Réponse de l’EURL Château de LongpréL’EURL Château de Longpré a demandé la confirmation du jugement initial, rejetant toutes les demandes de Mme [I], y compris celles relatives au harcèlement moral et à la nullité de la rupture conventionnelle. Contexte de l’affaireLe restaurant avait un effectif réduit de trois personnes, et plusieurs d’entre elles avaient également engagé des actions contre l’employeur. Mme [I] a affirmé avoir travaillé pendant des périodes de chômage partiel, ce que l’employeur a contesté. Harcèlement moral et conditions de travailMme [I] a dénoncé des actes de harcèlement moral, notamment des instructions discriminatoires concernant des clients de certaines origines. Elle a également mentionné des pressions pour être constamment disponible et des modifications de son contrat sans augmentation de salaire. Jugement sur le harcèlement et la rupture conventionnelleLa cour a conclu que les éléments présentés par Mme [I] ne démontraient pas l’existence d’un harcèlement moral. De plus, la rupture conventionnelle a été jugée valide, car Mme [I] avait demandé cette rupture avant les incidents allégués. Obligation de sécurité et remise des documents de fin de contratConcernant l’obligation de sécurité, la cour a noté que l’absence de document unique d’évaluation des risques n’avait pas causé de préjudice à Mme [I]. En ce qui concerne la remise tardive des documents de fin de contrat, la cour a accordé des dommages et intérêts pour le retard dans la remise de l’attestation Pôle emploi. Conclusion de la courLa cour a confirmé le jugement initial, sauf en ce qui concerne la remise tardive des documents sociaux, pour laquelle elle a accordé des dommages et intérêts. Mme [I] a été déboutée de ses autres demandes, et l’EURL Château de Longpré a été condamnée aux dépens. |
31/01/2025
ARRÊT N°2025/26
N° RG 23/00484 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PH6Y
MD/CD
Décision déférée du 20 Janvier 2023 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FOIX ( 21/00070)
O. HEBERT
Section Commerce
[P] [I]
C/
E.U.R.L. CHATEAU DE LONGPRE
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
*
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
*
ARRÊT DU TRENTE ET UN JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ
*
APPELANTE
Madame [P] [I]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Me Christine CASTEX de la SAS CABINET CASTEX, avocat au barreau D’ARIEGE
INTIM »E
E.U.R.L. CHATEAU DE LONGPRE
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Philippe ISOUX de la SELARL CABINET PH. ISOUX, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. DARIES, Conseillère, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C.GILLOIS-GHERA, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffière, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C.GILLOIS-GHERA, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [P] [I] a été embauchée le 4 mars 2020 par l’EURL Château de Longpré en qualité de réceptionniste polyvalente suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, régi par la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants.
Les parties ont convenu d’adjoindre aux fonctions de Mme [I] celles de chargée de communication suivant avenant du 1er février 2021.
Par courrier du 18 mars 2021, M. [I] a sollicité une rupture conventionnelle de son contrat de travail.
Par courrier du 20 mars 2021, l’EURL Château de Longpré a convoqué Mme [I] à un entretien préparatoire fixé au 30 mars 2021. Ladite rupture conventionnelle a été signée entre les parties lors de cet entretien, avec une prise d’effet fixée au 10 mai 2021.
Mme [I] a dénoncé son reçu pour solde de tout compte suivant courrier du 11 août 2021.
Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Foix le 16 septembre 2021 pour demander la condamnation de son employeur au titre de travail dissimulé, demander la nullité de la rupture conventionnelle signée en ce que son consentement aurait été vicié par la violence morale et le harcèlement subis. Elle demandait enfin le versement de diverses sommes.
Le conseil de prud’hommes de Foix, section commerce, par jugement du 20 janvier 2023, a :
– débouté Mme [I] de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle.
– débouté Mme [I] de sa demande d’indemnité au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
– débouté Mme [I] de sa demande d’indemnité au titre de la violation de l’obligation de sécurité à la charge de l’employeur.
– débouté Mme [I] de sa demande d’indemnité au titre de la non remise des documents de fin de contrat à la date de rupture.
– débouté Mme [I] de sa demande d’indemnité pour la perte de droit au titre du chômage et de la retraite.
– débouté Mme [I] de sa demande d’indemnité au titre du travail dissimulé.
– débouté Mme [I] de sa demande d’indemnité au titre du préavis.
– débouté Mme [I] de sa demande d’indemnité au titre des congés payés sur préavis.
– débouté Mme [I] de sa demande d’indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– débouté Mme [I] de sa demande au titre de la reprise des salaires à compter du 10 mai 2021.
– débouté Mme [I] de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– débouté la société Château de Longpré de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamné chaque partie pour moitié aux dépens de l’instance.
– débouté Mme [I] de sa demande au titre de l’exécution provisoire.
Par déclaration du 10 février 2023, Mme [P] [I] a interjeté appel de ce jugement.
PRETENTIONS DES PARTIES
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 26 septembre 2023, Mme [P] [I] demande à la cour de :
– infirmer et réformer le jugement dans son intégralité et en toutes ses dispositions.
Statuer à nouveau,
– ordonner la recevabilité et le bien fondé de ses demandes.
En conséquence
Sur le harcèlement moral
– ordonner Mme [I] a fait l’objet d’un harcèlement moral par son employeur, la dirigeante de la société Château de Longpré.
– en conséquence, condamner la société Château de Longpré à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
Sur les violations par l’employeur de la prévention et de l’obligation de sécurité :
– ordonner que la société Château de Longpré a manqué à son obligation de prévention et de sécurité,
– ordonner que le document unique en application des articles R4121-1 du code du travail pour l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs et en application de l’article L4121-3 du même code, ni de son annexe prévue à l’article R4121-1-1 de ce code, n’a pas été mis à sa disposition dans les conditions prévues à l’article R4121-4 du code du travail et ne vise ce type de risque,
– ordonner que l’employeur ne la pas informé de ses droits, des moyens à sa disposition et les situations d’harcèlement au visa des articles L 1153 -1 à L 1153-6 du code du travail,
– ordonner que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité résultant des dispositions des articles L4121-1 et L4121-2 du code du travail, du fait de l’absence de mise en ‘uvre du ‘document unique’ susvisé et des manquements à l’obligation de prévention susvisée,
– condamner la société Château de Longpré à lui verser la somme de 10 000 euros à titre d’indemnité pour violation de l’obligation de sécurité à la charge de l’employeur.
Sur la nullité de la rupture conventionnelle
– ordonner que la violence morale et le harcèlement subi a vicié son consentement,
– ordonner que son consentement a été vicié en raison du harcèlement moral subi et de la fatigue psychologique causée,
– ordonner la nullité de la rupture conventionnelle en raison d’un vice du consentement,
– ordonner que les documents de fin de contrat lui ont été remis tardivement, et cette remise tardive lui a nécessairement occasionné un préjudice,
– ordonner que la société Château de Longpré est coupable de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié la concernant, qui a travaillé durant son chômage partiel.
En conséquence
– vu son salaire de référence, pour une rémunération mensuelle brut de 1923 euros, condamner la société Château de Longpré à lui payer les sommes suivantes :
la somme de 500 euros pour non remise des documents de fin de contrat à la date de rupture
la somme de 4 104,68 euros pour la perte de droit au titre du chômage et de la retraite en étant placé en chômage partiel lors de l’exercice d’une activité réelle
la somme de 1 1538 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé
la somme brute de 1 928 euros au titre de l’indemnité de préavis
la somme brute de 192,3 euros au titre des congés payés
la somme de 5 769 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– condamner la société Château de Longpré à lui payer :
la somme de 3 000 euros pour sanctionner la déloyauté de l’employeur en application de l’article 1240 du code civil,
la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamner la société Château de Longpré aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 9 mai 2023, l’EURL Château de Longpré demande à la cour de :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement.
En conséquence :
– rejeter la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
– rejeter la demande de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité,
– rejeter la demande de nullité de la rupture conventionnelle et l’ensemble des demandes relatives à la rupture du contrat de travail et, notamment, les demandes d’indemnité de préavis et de congés afférents et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– rejeter la demande de « reprise des salaires à compter du 10 mai 2021 sur la base du salaire mensuel brut de 1923 euros jusqu’à la décision à intervenir’,
– rejeter la demande de dommages et intérêts pour ‘non remise des documents de fin de contrat à la date de la rupture’,
– rejeter la demande d’indemnité pour travail dissimulé,
– rejeter la demande de dommages et intérêts pour ‘perte de droit au titre du chômage et de la retraite’,
– rejeter la demande relative à l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter Mme [I] du surplus de ses demandes, fins et prétentions.
Et y ajoutant :
– condamner Mme [I] à lui payer la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Suite à requête déposée par Mme [I] pour obtenir communication de pièces, par ordonnance du 10 octobre 2023, le conseiller de la mise en état a jugé qu’il n’était plus saisi d’une demande, l’employeur ayant communiqué à l’appelante le récapitulatif du chiffre d’affaires hebdomadaire sur la période de juin 2020 à juin 2021.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 25 octobre 2024.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté Mme [I] de sa demande au titre de la remise tardive des documents sociaux et a condamné chaque partie pour moitié aux dépens,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant:
Condamne la SAS Château de Longpré à payer à Mme [G] [I] la somme de:
-300,00 euros de dommages et intérêts pour remise tardive des documents sociaux,
Déboute Mme [I] de sa demande sur le fondement de l’article 1240 du code civil,
La déboute du surplus de ses demandes,
Condamne la SAS Château de Longpré aux dépens d’appel et à payer à Mme [I] la somme de 1000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la SAS Château de Longpré de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par C.GILLOIS-GHERA, présidente, et par C. DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C. DELVER C.GILLOIS-GHERA
.
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