Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Toulouse
Thématique : Évaluation des souffrances et des dommages liés à un accident du travail
→ RésuméM. [Y] [L], magasinier cariste, a subi un accident du travail le 30 décembre 2010, causé par un chariot élévateur d’une société. Reconnu consolidé avec un taux d’incapacité de 7%, il a saisi le tribunal pour faute inexcusable de son employeur. Le tribunal a débouté sa demande, mais la cour d’appel a infirmé ce jugement, reconnaissant la faute exclusive de la société et fixant une indemnité provisionnelle. Après le décès de M. [Y] [L], ses héritiers ont repris l’instance, demandant des indemnités pour préjudices. L’expert a évalué les souffrances et préjudices, conduisant à une décision d’indemnisation.
|
28/11/2024
ARRÊT N° 331/24
N° RG 18/02120 – N° Portalis DBVI-V-B7C-MI3L
MS/EB
Décision déférée du 30 Mars 2018 – Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de HAUTE-GARONNE (21501247)
JM.GAUCI
[S] [L]
[V] [L]
C/
Société [23] [Localité 22]
Société [21]
Organisme [14]
Société [20]
REJET
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4ème Chambre Section 3 – Chambre sociale
***
ARRÊT DU VINGT HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANTE
Madame [S] [L]
en sa qualité d’ayant droit de [Y] [L], décédé
[Adresse 11]
[Adresse 8]
[Localité 6]
représentée par Me Véronique L’HOTE de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE substituée par Me Margot GARCIA GRASSINI, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [V] [L]
en sa qualité d’ayant droit de [Y] [L], décédé
[Adresse 12]
[Adresse 7]
[Localité 6]
représenté par Me Véronique L’HOTE de la SCP CABINET SABATTE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de TOULOUSE substituée par Me Margot GARCIA GRASSINI, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEES
Société [23] [Localité 22]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Emmanuel GILLET de la SCP CARCY-GILLET, avocat au barreau de TOULOUSE substituée par Me Emilie MARCON, avocat au barreau de TOULOUSE
Société [21]
[Adresse 1]
[Localité 10]
représentée par Me Brigitte BEAUMONT de la SELEURL CABINET BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Laure FREXINOS-FERREOL, avocat au barreau de TOULOUSE
[15]
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Anthony PEILLET, avocat au barreau de TOULOUSE
SMABTP
[Adresse 2]
[Localité 9]
représentée par Me Emmanuel GILLET de la SCP CARCY-GILLET, avocat au barreau de TOULOUSE substituée par Me Emilie MARCON, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 octobre 2024, en audience publique, devant M. SEVILLA, conseillère chargée d’instruire l’affaire, les parties ne s’y étant pas opposées.
Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
N. PICCO, conseiller faisant fonction de président
M. SEVILLA, conseillère
M. DARIES, conseillère
Greffière : lors des débats E. BERTRAND
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
– signé par N. PICCO, conseiller faisant fonction de président et par
E. BERTRAND, greffière
EXPOSE DU LITIGE:
M. [Y] [L], employé en qualité de magasinier cariste par l’entreprise de travail temporaire [21] a été victime, alors qu’il était mis à disposition de la société [23], le 30 décembre 2010, d’un accident du travail, déclaré le lendemain par son employeur et pris en charge au titre de la législation professionnelle.
M. [Y] [L] s’est fait écraser le pied gauche par un charriot élévateur conduit par un salarié de l’entreprise [23].
La [13] ([16]) l’a déclaré consolidé à la date du 12 octobre 2012, en retenant un taux d’incapacité permanente partielle de 7%.
Après échec de la procédure de conciliation, M. [Y] [L] a saisi le 30 septembre 2015 le tribunal des affaires de sécurité sociale aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans son accident du travail.
Par jugement en date du 30 mars 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Garonne a :
déclaré le recours de M. [Y] [L] recevable mais mal fondé,
débouté M. [Y] [L] de l’ensemble de ses demandes.
M. [Y] [L] a interjeté régulièrement appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.
Par arrêt en date du 25 octobre 2019, la cour d’appel de Toulouse :
– a infirmé le jugement du 30 mars 2018 hormis en ce qu’il a jugé que le recours de M. [L] recevable,
– l’a confirmé à cet égard,
– a dit que l’accident du travail dont a été victime M. [L] le 30 décembre 2010 est dû à la faute inexcusable exclusive de la société [23] substituée dans la direction de la société [21],
– a fixé au maximum la majoration du taux de la rente allouée à M. [L] (soit à 2 884.94 euros),
– a avant dire droit sur l’indemnisation des préjudices de M. [L] :
– ordonné une expertise médicale confiée au docteur [W]
– alloué à M. [L] une indemnité provisionnelle de 5 000 euros à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices, – dit que la [15] fera l’avance des sommes allouées au titre de la majoration de la rente et des préjudices à M. [L] ainsi que des frais d’expertise et pourra en récupérer directement et immédiatement les montants auprès de la société [21],
– condamné la société [21] à payer à M. [Y] [L] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, condamné la société [23] à relever et garantir la société [21] des conséquences financières résultant de la faute inexcusable, ainsi que de la condamnation présentement prononcée sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Rappelé que le présent arrêt est opposable à la société [19], assureur de la société [23],
Par un arrêt du 19 février 2021, la Cour d’appel de Toulouse a constaté l’interruption de l’instance compte tenu du décès de M. [Y] [L] le 28 février 2020. Le 15 juin 2022, ses héritiers, Mme [O] [L] et M. [V] [L], ont déposé à la cour des conclusions de reprise de l’instance.
L’expertise confiée au docteur [W] a été réalisée le 7 octobre 2022 sur pièces. Le 28 novembre 2023, le docteur [W] a déposé son rapport.
Par conclusions en date du 28 août 2024, Mme [O] [L] et M. [V] [L] demandent à la cour de fixer les préjudices de M. [L] comme suit :
– 8000 euros au titre des souffrances endurées,
– 1 914, 26 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
– 1000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
– 1000 euros au titre du préjudice esthétique permanent
– Rectifier l’arrêt rendu le 25 octobre 2019 par la cour d’appel en précisant que la majoration doit porter sur l’indemnité en capital de 2 884,94 euros perçue par M. [L] pour une incapacité fonctionnelle permanente de 7%,
– Fixer le montant de l’indemnité en capital majorée au taux maximum à la somme de 2 884, 94 euros,
– Condamner la société européenne [21] à verser à M. [L] la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,
– Juger que la [18] fera l’avance de l’intégralité des sommes dans les conditions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale
Dans ses dernières écritures reprises oralement, la société [21] demande à la cour de réduire les demandes d’indemnisation des ayants droits, de dire que le doublement de l’indemnité en capital est d’ores et déjà versée par la [16], de déduire des sommes allouées la provision de 5.000 euros de débouter les appelants des autres demandes, de déclarer l’arrêt commun et opposable à la [20]. Dans ses dernières écritures la société [23] et son assureur la [20] demande à la cour de réduire les indemnisations, de déduire de ces sommes la provision de 5.000 euros , de rejeter les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de déclarer l’arrêt commun à la [20]. Dans ses dernières écritures la [17] sollicite de débouter les ayants droits de M. [L] de toute demande au titre de la majoration de rente dans la mesure où la somme de 2.884,91 euros a été versée et recouvrée et de déduire de la somme totale la provision de 5.000 euros.
Motifs :
Les parties s’accordent pour que l’arrêt soit déclaré commun à l’assureur de la société [23], la [20].
Sur le doublement de la majoration de la rente :
La caisse justifie que l’indemnité en capital versée à M. [L] a déjà fait l’objet du doublement sollicité.
La demande formulée par les ayants droits est donc sans objet et sera rejetée.
Sur l’indemnisation des préjudices de M. [L] :
Il résulte de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale que la victime d’une maladie professionnelle imputable à la faute inexcusable de l’employeur peut demander, en sus de la majoration de la rente qu’elle reçoit, indemnisation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétique et d’agrément, et du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Il résulte par ailleurs de la décision du conseil constitutionnel du 18 juin 2010 que la victime d’une faute inexcusable de l’employeur peut également demander réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, soit notamment le déficit fonctionnel temporaire, l’assistance par tierce personne avant consolidation, le préjudice sexuel et le préjudice exceptionnel.
L’expert a conclu son rapport dans les termes suivants :
– les lésions initiales secondaires au fait traumatique du 30 décembre 2010 sont un traumatisme du pied gauche avec hématome, dermabrasions et découverte secondaire d’une fracture de l’os sésamoïde latéral
– il n’est pas retenu un état antérieur,
– il est possible de retenir des souffrances endurées évaluées à 3/7,
– il est possible de retenir une incapacité fonctionnelle temporaire :
– totale le 30 décembre 2010, -partielle de classe I (de l’ordre de 10%) du 31 décembre 2010 au 12 octobre 2012,
– on peut retenir des souffrances endurées temporaires évaluées à 3/7,
– on ne peut pas retenir de souffrances endurées après consolidation, soit 0/7,
– on peut retenir un dommage esthétique temporaire du 30 décembre 2010 au 12 octobre 2012 évalué à 0.5/7,
– on peut retenir un dommage esthétique définitif évalué à 0.5/7,
– on ne peut pas retenir d’assistance tierce personne,
– on ne peut pas retenir un préjudice sexuel,
– on ne peut pas retenir de préjudice d’agrément,
– il n’est pas possible de retenir de perte de chance de promotion professionnelle,
– il n’est pas possible de retenir de frais de logement et/ou véhicule adapté,
– il n’est pas possible en l’état de retenir de préjudices permanents exceptionnel
Sur les souffrances endurées:
L’expert a indiqué qu’elles étaient caractérisées par le traumatisme initial du pied gauche, les traitements subis, la souffrance morale, des douleurs chroniques du pied gauche.
Cotées à 3/7 par l’expert, elles seront réparées par l’allocation de la somme de 8.000 euros.
Sur le préjudice esthétique temporaire et permanent :
Fixé à 0 ,5/7 à titre temporaire et définitif au regard des cicatrices, il justifie l’octroi de la somme totale de 2.000 euros.
Sur le déficit fonctionnel temporaire :Les troubles dans les conditions d’existence subis jusqu’à la consolidation, évalués à 100% pendant un jour puis à 10% pendant 651 jours justifient l’octroi d’une somme de 1.914,26 euros.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
La Cour d’appel a déjà alloué lasomme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il n’est pas justifié d’accorder une somme supplémentaire
La société [21] sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Rejette la demande de rectification et de majoration de l’indemnité en capital majorée au taux maximum à la somme de 2 884, 94 euros,
Fixe l’indemnisation des préjudices aux sommes suivantes :
– 8.000 euros au titre des souffrances endurées
– 1.914,26 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
– 2.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire et permanent
Dit que la réparation de ces préjudices doit être versée directement par la [17] après déduction des provisions déjà versées,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel;
Dit que la société [21] doit supporter les dépens d’appel.
Déclarer l’arrêt à intervenir opposable à la [18] ainsi qu’à la société [23] et à la société [19],
Juger que la [18] fera l’avance de l’intégralité des sommes dans les conditions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale.
Le présent arrêt a été signé par N.PICCO, conseiller faisant fonctionde président et E.BERTRAND, greffière,
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
E. BERTRAND N.PICCO
.
Laisser un commentaire