Cour d’appel de Toulouse, 26 novembre 2024, RG n° 23/01016
Cour d’appel de Toulouse, 26 novembre 2024, RG n° 23/01016

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Toulouse

Thématique : Engagement de caution : disproportion et obligation de mise en garde

Résumé

Prétentions de [R] [P]

[R] [P] sollicite la réformation du jugement qui a débouté ses demandes, en arguant que son engagement de caution était disproportionné par rapport à ses revenus et à son patrimoine au moment de sa souscription. Il conteste également son statut de caution avertie et soutient que la CRCAM a manqué à son obligation de mise en garde. En conséquence, il demande à être déchargé de son engagement de caution solidaire, le rejet des demandes de la CRCAM, ainsi que des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de mise en garde. Il requiert également la mainlevée de l’inscription hypothécaire sur son bien immobilier et, à titre subsidiaire, un échelonnement de sa dette.

Réponse du Fct Absus

Le Fct Absus, en réponse, demande la confirmation du jugement du tribunal de commerce, sauf en ce qui concerne l’échelonnement de la dette de [R] [P]. Il conteste la demande de délai de paiement et réclame le paiement de 2 000 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que le remboursement des dépens. Le Fct Absus se prévaut de la cession de créances et soutient que la caution était avertie et que le prêt était adapté aux capacités financières de l’emprunteur.

Analyse de l’engagement de caution

La cour examine l’engagement de caution de [R] [P] à la lumière des dispositions du code de la consommation. Elle conclut que l’engagement était manifestement disproportionné par rapport aux biens et revenus de la caution au moment de sa conclusion. Les éléments fournis par [R] [P] montrent des revenus annuels communs de 25 600 euros et un compte courant associé de 56 834 euros, tandis que le cautionnement s’élevait à 227 500 euros. La cour constate que le Fct Absus n’a pas prouvé que [R] [P] pouvait faire face à sa dette au moment de l’appel en paiement.

Manquement de la banque à son obligation de mise en garde

La cour examine également le manquement de la banque à son obligation de mise en garde envers [R] [P]. Elle conclut que la banque devait alerter la caution sur les risques d’endettement liés à l’octroi du prêt, surtout en raison de la disproportion manifeste de l’engagement. Le Fct Absus ne parvient pas à prouver que la banque a respecté son obligation de mise en garde, ce qui engage la responsabilité de la banque.

Décisions de la cour

La cour infirme le jugement de première instance en ce qui concerne la possibilité pour le Fct Absus de se prévaloir de l’engagement de caution. Elle constate la disproportion manifeste de l’engagement de [R] [P] et rejette toutes les demandes du Fct Absus. La cour ordonne également la mainlevée de l’inscription hypothécaire sur le bien immobilier de [R] [P] et condamne le Fct Absus aux dépens, ainsi qu’à verser 1 500 euros à [R] [P] en application de l’article 700 du code de procédure civile.

26/11/2024

ARRÊT N° 425

N° RG 23/01016 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PKMA

MN / CD

Décision déférée du 20 Février 2023 – Tribunal de Commerce de FOIX – 2021J00052

M. ROOSEN

[R] [P]

C/

Caisse CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MED ITERRANEE

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

Me Marion LAVAL

Me Regis DEGIOANNI

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [R] [P]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Marion LAVAL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIME

FONDS COMMUN DE TITRISATION ABSUS,

représenté par la société IQ EQ MANAGEMENT, société de gestion de portefeuille agréée par l’autorité des marchés financiers sous le numéro GP02-023 dûment représentée par son Mandataire social précité, ayant aux fins de recouvrement désigné MCS TM, venant aux droits de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MEDITERRANEE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Regis DEGIOANNI de la SCP DEGIOANNI – PONTACQ – GUY-FAVIER, avocat au barreau D’ARIEGE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. NORGUET, Conseillère, chargée du rapport et F. PENAVAYRE, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

M. NORGUET, conseillère

F. PENAVAYRE, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.

Faits et procédure :

Par acte authentique du 9 janvier 2014, l’Eurl Viandes et Délices Del Barot a souscrit auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Sud Méditerranée (ci-après le Crédit Agricole ou la banque), un prêt professionnel d’un montant de 175 000 euros, remboursable en 180 mensualités, au taux d’intérêt de 4,45% l’an, afin d’acquérir et restructurer des bâtiments d’exploitation.

Par acte sous seing privé du 20 décembre 2013, [R] [P], le gérant, et son épouse, [J] [P], s’étaient portés cautions personnelles et solidaires des engagements de l’Eurl Viandes et Délices Del Barot au bénéfice du Crédit Agricole dans la limite de la somme de 227 500 euros couvrant le principal, les intérêts et le cas échéant les pénalités ou intérêts de retard.

Par jugement du 14 février 2019, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de l’Eurl Viandes et Délices Del Barot, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 30 juillet 2019 et clôturée pour insuffisance d’actif par jugement du 1er juillet 2021.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 février 2019, le Crédit Agricole a déclaré sa créance entre les mains du mandataire liquidateur, Maître [S] pour la somme de 165 999,71 euros. Cette créance a été admise par ordonnance du juge commissaire du 3 mars 2020 pour un montant de 2 149,69 euros à titre privilégié hypothécaire échu et 153 621,31 euros.

Dans le cadre du règlement de la procédure de liquidation judiciaire, le Crédit Agricole a indiqué avoir reçu du mandataire liquidateur la somme de 20 186, 24 euros.

Par lettres recommandées du 9 août 2019, les cautions ont été mises en demeure d’avoir à régler les sommes restant dues au titre de leur engagement.

Le 17 septembre 2021, le Crédit Agricole a assigné [R] [P] devant le tribunal de commerce de Foix en paiement des sommes restant dues s’établissant à 136 916,20 euros selon décompte du 5 août 2021.

Suite à son assignation, en sa qualité de caution, par le Crédit Agricole devant le tribunal judiciaire de Toulouse, [J] [P] s’est vue déchargée de cet engagement, reconnu disproportionné à ses biens et revenus, par jugement le 13 février 2013.

Par jugement du 20 février 2023, le tribunal de commerce de Foix a :

condamné [R] [P] à payer, au titre de son engagement de caution, à la société Crédit Agricole la somme de 136 916,20 euros, outre intérêts au taux de 7,45% à compter du 5 août 2021 jusqu’à complet règlement,

dit que la société Crédit Agricole n’a pas manqué à son obligation de mise en garde,

rejeté la demande indemnitaire de [R] [P],

accordé à [R] [P] un échelonnement de la dette sur 24 mois à compter de la signification du présent jugement,

rejeté toute autre demande,

condamné [R] [P] à payer à la société Crédit Agricole une indemnité de 1000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

condamné [R] [P] aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 20 mars 2023, [R] [P] a relevé appel du jugement du tribunal de commerce de Foix aux fins de le voir réformé en intégralité.

Par conclusions d’incident du 7 août 2023, le Crédit Agricole a sollicité du conseiller de la cour d’appel de Toulouse en charge de la mise en état la radiation de l’affaire pour défaut d’exécution du jugement de première instance assorti de l’exécution provisoire. Le conseiller en charge de la mise en état a rejeté la demande de radiation par ordonnance du 14 décembre 2023.

La société Mcs et associés a acquis la créance du Crédit Agricole sur [R] [P] et inscrit le 27 septembre 2023, une hypothèque judiciaire provisoire sur un bien immobilier lui appartenant, sis commune de [Localité 11], section D n°[Cadastre 8].

Le 31 janvier 2024, la société Mcs et associés a cédé sa créance au Fonds commun de titrisation Absus (ci-après Fct Absus.)

L’ordonnance de clôture a été rendue en date du 5 août 2024. L’affaire a été fixée à l’audience du 11 septembre 2024.

Deux rappels ont été faits à l’intimée par message RPVA du greffe, envoyé le 10 octobre 2024 ainsi que, le 17 octobre 2024, l’invitant à régulariser le timbre. L’intimée a réglé celui-ci le 21 octobre 2024.

Prétentions et moyens des parties

Vu les conclusions notifiées le 30 janvier 2024, auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, et dans lesquelles [R] [P] sollicite, au visa des articles 2293 alinéa 2 et 1343-5 du code civil et L341-4 et L332-1 du Code de la consommation de :

à titre principal, la réformation du jugement entrepris en ce qu’il a débouté [R] [P] de ses demandes,

la reconnaissance que l’engagement de caution de [R] [P] était disproportionné au moment de sa souscription à ses patrimoine et revenus,

la reconnaissance qu'[R] [P] n’était pas une caution avertie,

la reconnaissance que la CRCAM a manqué à son obligation de mise en garde,

en conséquence, qu'[R] [P] soit déchargé de son engagement de caution solidaire souscrit au profit de l’Eurl Viandes et Délices Del Barot,

le rejet de l’ensemble de ses demandes de la CRCAM,

la condamnation de la CRCAM au paiement de la somme de 136 916,20 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de mise en garde,

que soit ordonnée la mainlevée de l’inscription hypothécaire prise sur le bien immobilier commune de [Localité 11] section D n°[Cadastre 8],

à titre subsidiaire, la constatation que la caution n’est pas, à ce jour, en mesure de faire face au paiement de sa dette,

l’octroi d’un échelonnement de la dette sur 24 mois,

en toutes hypothèses, la condamnation de la CRCAM au paiement de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel.

En réponse, vu les conclusions notifiées en date du 25 mars 2024, auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, et dans lesquelles le Fct Absus demande, au visa des articles L332-1 du Code de la consommation et 1343-5 du code civil :

la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Foix en date du 20 février 2023 en toutes ses dispositions à l’exception de celle ayant accordé à [R] [P] un échelonnement de sa dette de 24 mois,

statuant de nouveau de ce chef, le rejet de la demande de délai de paiement formulée par [R] [P],

en toute hypothèse, la condamnation d'[R] [P] à payer au Fct Absus, ayant pour société de gestion la société Iq Eq Management, au RCS de Paris sous le numéro 431 252 121, dont le siège social est à [Localité 9] [Adresse 7], et représenté par son entité en charge du recouvrement, la société Mcs Tm, société par action simplifiée, immatriculée au RCS de Paris ([Localité 6]), [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège venant aux droits de Mcs et Associés, société par actions simplifiée immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 334 537 206, dont le siège social est à [Localité 10] [Adresse 3], en vertu d’un bordereau de cession de créances conformes aux dispositions du code monétaire et financier, en date du 31 janvier 2024 elle-même venant aux droits du Crédit Agricole, en vertu d’un bordereau de cession conforme aux dispositions du code monétaire et financier en date du 2 mars 2023, une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté la demande indemnitaire d'[R] [P] au titre du devoir de mise en garde de la banque à son égard,

Et, statuant à nouveau des chefs infirmés,

Constate la disproportion manifeste de l’engagement de caution conclu par [R] [P] le 20 décembre 2013 à ses biens et revenus,

Constate l’absence de preuve de la possibilité pour la caution de faire face à sa dette au jour de l’appel en paiement,

En conséquence, déchoit le Fonds commun de titrisation Absus du droit de se prévaloir de cet engagement,

Rejette l’ensemble des demandes formulées par le Fonds commun de titrisation Absus à l’encontre d'[R] [P],

Y ajoutant,

Ordonne la mainlevée de l’inscription hypothécaire prise sur le bien immobilier appartenant à [R] [P], sis commune de Trun (61), section D n°[Cadastre 8] en exécution de la condamnation prononcée par le tribunal de commerce de Foix le 20 février 2023,

Condamne le Fonds commun de titrisation Absus aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne le Fonds commun de titrisation Absus à verser à [R] [P] la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute le Fonds commun de titrisation Absus de sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente.

 


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