Cour d’appel de Toulouse, 26 novembre 2024, RG n° 22/03986
Cour d’appel de Toulouse, 26 novembre 2024, RG n° 22/03986

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Toulouse

Thématique : Cautionnement et disproportion : enjeux de la responsabilité financière face à l’insolvabilité.

Résumé

Engagement de caution

[E] [R] a agi en tant que caution pour la SA Le Crédit Lyonnais, garantissant des prêts souscrits par la SCI Camboulan, d’un montant de 100.000 euros en janvier 2007 et de 240.000 euros en décembre 2005, ainsi qu’un solde débiteur de 78.000 euros pour la SARL [R] Group.

Procédures collectives

La SCI Camboulan et la SARL [R] Group, toutes deux gérées par [E] [R], ont été soumises à des procédures collectives. La SCI a été placée sous redressement judiciaire en juin 2015, avec un plan de redressement arrêté en octobre 2016. La SARL [R] Group a été mise en redressement judiciaire en mars 2015, puis en liquidation judiciaire en février 2016.

Surendettement et décisions judiciaires

En avril 2016, la commission de surendettement a déclaré recevable la requête de [E] [R]. En juillet 2017, le tribunal d’instance a fixé les créances du Crédit Lyonnais. Une demande de prolongation des mesures de suspension des créances a été rejetée en novembre 2018. En août 2019, la commission a accordé à [E] [R] un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, entraînant l’effacement des créances du Crédit Lyonnais.

Contestation par le Crédit Lyonnais

Le Crédit Lyonnais a contesté cette décision, alléguant une dissimulation de patrimoine par [E] [R]. En octobre 2020, le tribunal a prononcé la déchéance de [E] [R] du bénéfice de la procédure de surendettement, en raison de la fraude aux droits des créanciers. Cette décision a été confirmée par la cour d’appel en mars 2021.

Assignation en paiement

En janvier 2021, le Crédit Lyonnais a assigné [E] [R] pour le paiement des sommes dues en tant que caution. En décembre 2021, le tribunal a déclaré irrecevables les conclusions de [E] [R] et a condamné ce dernier à payer des sommes au Crédit Lyonnais, tout en déduisant les intérêts conventionnels et les pénalités.

Appel et décisions ultérieures

En novembre 2022, [E] [R] a fait appel de ce jugement. En octobre 2023, l’appel a été déclaré recevable, et le Crédit Lyonnais a été débouté de ses demandes, tout en étant condamné aux dépens.

Nullité de l’engagement de caution

La cour a constaté que l’engagement de caution du 23 janvier 2007 était nul, car [E] [R] n’avait pas apposé sa signature. De plus, les engagements de caution du 21 décembre 2005 et du 5 décembre 2007 ont été jugés manifestement disproportionnés par rapport à la situation financière de [E] [R].

Conclusion sur les demandes

La cour a infirmé le jugement de décembre 2021, prononcé la nullité de l’engagement de caution du 23 janvier 2007, et a déclaré le Crédit Lyonnais déchu de ses droits sur les autres engagements de caution. Les demandes des deux parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile ont été déboutées.

26/11/2024

ARRÊT N°417

N° RG 22/03986 – N° Portalis DBVI-V-B7G-PC4R

VS / CD

Décision déférée du 06 Décembre 2021 – TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE – 21/00238

M. GUICHARD

[E] [R]

C/

S.A. LCL LE CREDIT LYONNAIS

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

Me Laurie DELAS

Me Olivier THEVENOT

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [E] [R]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Laurie DELAS, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 31555/2022/017568 du 21/11/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMEE

S.A. LCL LE CREDIT LYONNAIS,

représenté par ses dirigeants légaux demeurant en leur qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Olivier THEVENOT de la SELARL THEVENOT MAYS BOSSON, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Avril 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant V. SALMERON, Présidente, chargée du rapport et M. NORGUET, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère

M. NORGUET, conseillère

Greffier, lors des débats : A. CAVAN

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure :

[E] [R] s’est porté caution auprès de la SA Le Crédit Lyonnais

– d’une part au titre de prêts souscrits par la SCI Camboulan, pour :

100.000 euros le 18 janvier 2007 au taux de 4,506%,

240.000 euros le 8 décembre 2005 au taux de 3,25%.

– d’autre part au titre du solde débiteur du compte courant de la société SARL [R] Group dans la limite de 78 000 euros.

La SCI Camboulan et la SARL [R] group, gérées par [E] [R] associé majoritaire, ont fait l’objet de procédures collectives.

Par jugement du TGI de Toulouse du 23 juin 2015, la SCI a été placée sous redressement judiciaire. Le 27 octobre 2016, un plan de redressement a été arrêté.

La SARL [R] group a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 24 mars 2015, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 9 février 2016.

Parallèlement, par décision du 28 avril 2016 la commission de surendettement des particuliers du Tarn et Garonne a déclaré recevable la requête en surendettement de [E] [R].

Par jugement du tribunal d’instance de Montauban du 28 juillet 2017 devenu définitif, les 4 créances du Crédit Lyonnais ont été fixées dans leur montant.

Par courrier du 18 avril 2018, [E] [R] a demandé à bénéficier de la prolongation des mesures de suspension des créances ; laquelle a été rejetée par le tribunal d’instance de Montauban par jugement du 5 novembre 2018.

Par LRAR du 29 août 2019, la commission de surendettement a notifié au Crédit Lyonnais qu’elle avait décidé de faire bénéficier [E] [R] d’une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire emportant effacement des créances détenues par le Crédit Lyonnais à son égard compte tenu de sa situation irrémédiablement compromise et le défaut d’actifs réalisables.

Après contestation de la décision par le Crédit lyonnais pour dissimulation d’une partie de son patrimoine et organisation de son insolvabilité,, par jugement du 1er octobre 2020, le tribunal d’instance de Montauban a prononcé la déchéance à l’encontre de [E] [R] du bénéfice de la procédure de surendettement pour avoir  » délibérément détourné une partie de son patrimoine de la procédure de surendettement en fraude aux droits de ses créanciers  » en diluant sa participation dans le capital social de la SCI le Camboulan et en cédant ses parts à son fils pour 1 euro. [E] [R] a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt du 18 mars 2021, la cour d’appel de Toulouse a confirmé le jugement en précisant que [E] [R] avait contrevenu à l’interdiction de procéder à des actes de disposition et dissimulé un patrimoine successoral.

Par acte d’huissier de justice du 7 janvier 2021, la SA le Crédit Lyonnais LCL a assigné [E] [R] pour le voir condamné à payer diverses sommes en exécution de ses engagements de caution de la SCI Camboulan et de la sarl [R] Group et pour dire inopposables des opérations intervenues au capital de la société civile, sur le fondement de l’action paulienne.

Par jugement en date du 6 décembre 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :

– dit irrecevables les conclusions et le dossier déposés par [E] [R], gérant de la SCI Le Camboulan

– dit que le plan de redressement dont bénéficie la SCI Le Camboulan est sans effet sur l’exigibilité des créances de la banque contre la caution

– déchu la banque LCL du droit de percevoir les intérêts conventionnels et l’a déchu de même du droit de percevoir les pénalités et dit que les sommes versées par le débiteur s’imputent d’abord sur le principal de la dette

– en conséquence, condamné [E] [R] à payer à la SA le Crédit lyonnais LCL la somme de 75 563,12 euros et la somme de 14.259,30 euros avec les intérêts au taux légal à compter de l’assignation

– débouté [E] [R] de sa demande de délais de paiement

– condamné [E] [R] aux dépens de l’action en paiement et à payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– sur l’action paulienne invité la demanderesse à fournir toutes explications de droit et au demandeur à y répondre s’il l’entend

– dit que l’affaire serait rappelée à l’audience de mise en état électronique du 27 avril 2022

– ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration en date du 16 novembre 2022, [E] [R] a relevé appel des chefs du jugement qui ont :

– dit que le plan de redressement dont bénéficie la SCI Le Camboulan est sans effet sur l’exigibilité des créances de la banque contre la caution

– déchu la banque LCL du droit de percevoir les intérêts conventionnels et l’a déchu de même du droit de percevoir les pénalités et dit que les sommes versées par le débiteur s’imputent d’abord sur le principal de la dette

– en conséquence, condamné [E] [R] à payer à la SA le Crédit lyonnais LCL la somme de 75 563,12 euros et la somme de 14.259,30 euros avec les intérêts au taux légal à compter de l’assignation

– débouté [E] [R] de sa demande de délais de payement

– condamné [E] [R] aux dépens de l’action en paiement et à payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 12 octobre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a :

– déclaré l’appel de [E] [R] du 16 novembre 2022 recevable

– débouté la SA LCL Crédit Lyonnais de ses demandes

– condamné la SA LCL Crédit Lyonnais aux dépens de l’incident

– condamné la SA LCL Crédit Lyonnais à verser à [E] [R] la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du cpc.

La clôture est intervenue le 12 avril 2024.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions notifiées le 14 février 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de [E] [R] demandant, au visa des articles L341-2 ancien, L341-4 ancien et L341-4 ancien devenu L333-2 du Code de la Consommation, L622-29 et L631-14 du Code de Commerce, de :

A titre principal :

– Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il condamne Monsieur [E] [R] à payer à la SA LE CREDIT LYONNAIS LCL la somme de 75.563,12 € et la somme de 14.259,30 € avec les intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

Statuant à nouveau

– Prononcer la nullité de l’engagement de caution du 23 janvier 2007,

– Déclarer inopposables à Monsieur [E] [R] les engagements de caution des 21 décembre 2005, 23 janvier 2007 et 5 décembre 2007 auprès de la SA LE CREDIT LYONNAIS LCL,

– Juger que Monsieur [E] [R] est déchargé de toute obligation au titre des engagements de caution des 21 décembre 2005, 23 janvier 2007 et 5 décembre 2007 auprès de la SA LE CREDIT LYONNAIS LCL,

– Débouter par conséquent le CREDIT LYONNAIS LCL de l’intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire :

– Confirmer le Jugement dont appel en ce qu’il a déchu le CREDIT LYONNAIS LCL du droit de percevoir les intérêts conventionnels et l’a déchu de même du droit de percevoir les pénalités et dit que les sommes versées par le débiteur s’imputent d’abord sur le principal de la dette.

– Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il condamne Monsieur [E] [R] à payer à la SA LE CREDIT LYONNAIS LCL la somme de 75.563,12 € et la somme de 14.259,30 € avec les intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

– Statuant à nouveau :

– Juger que Monsieur [E] [R] n’est redevable d’aucune somme au titre de l’engagement de caution du 21 décembre 2005, en garantie du contrat de prêt de 240.000 € consenti par la SA LE CREDIT LYONNAIS LCL à la SCI LE CAMBOULAN,

– Juger que Monsieur [E] [R] n’est redevable d’aucune somme au titre de l’engagement de caution du 23 janvier 2007, en garantie du contrat de prêt de 100.000 € consenti par la SA LE CREDIT LYONNAIS LCL à la SCI LE CAMBOULAN,

– Limiter les sommes dues au titre de l’engagement de caution du 5 janvier 2007 à la somme de 13.852,31 €,

– Débouter par conséquent la SA LE CREDIT LYONNAIS de l’intégralité de ses demandes,

A titre très subsidiaire :

– Infirmer le jugement dont appel en ce qu’il :

– Dit que le plan de redressement dont bénéficie la SCI LE CAMBOULAN est sans effet sur l’exigibilité des créances de la banque contre la caution,

– Condamne Monsieur [E] [R] à payer à la SA LE CREDIT LYONNAIS LCL la somme de 75.563,12 €,

– Juger que les sommes dues au titre des contrats de prêt de 100.000 € et 240.000 € consentis par le CREDIT LYONNAIS LCL à la SCI LE CAMBOULAN ne sont pas exigibles,

En toutes hypothèses :

– Condamner la SA LCL LE CREDIT LYONNAIS à payer à Monsieur [E] [R] la somme de 4.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

-Condamner la SA LCL LE CREDIT LYONNAIS aux entiers dépens.

Vu les conclusions notifiées le 11 avril 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, de la SA LCL demandant de :

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Mr [E] [R] à lui payer la somme de 75 563,12 € et la somme de 14 259,30 € avec intérêts au taux légal au jour de l’assignation, en ce qu’il a débouté Mr [E] [R] de sa demande de délai de paiement et en ce qu’il a condamné Mr [E] [R] à lui payer une somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC ;

– Débouter Mr [E] [R] de sa demande en réformation du jugement du 6 décembre 2021,

Et statuant à nouveau,

– Condamner Mr [E] [R] au paiement d’une somme de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC et au paiement des entiers dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant en dernier ressort, de manière contradictoire et par mise à disposition au greffe,

-Infirme le jugement du 6 décembre 2021 sauf en ce qu’il a :

-dit que le plan de redressement dont bénéficie la SCI Le Camboulan est sans effet sur l’exigibilité des créances de la banque contre la caution

– déchu la banque LCL du droit de percevoir les intérêts conventionnels et l’a déchu de même du droit de percevoir les pénalités et dit que les sommes versées par le débiteur s’imputent d’abord sur le principal de la dette

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

– Prononce la nullité de l’engagement de caution de [E] [R] du 23 janvier 2007 ;

– Dit que la SA Le Crédit Lyonnais LCL sera déchue du droit de se prévaloir de l’engagement de caution de [E] [R] du 21 décembre 2005 ;

– Dit que la SA Le Crédit Lyonnais LCL sera déchue du droit de se prévaloir de l’engagement de caution de [E] [R] du 5 décembre 2007 ;

– Condamne la SA Le Crédit Lyonnais LCL aux entiers dépens de première instance et d’appel,

– Déboute [E] [R] et la SA Le Crédit Lyonnais LCL de leurs demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Le Greffier La Présidente.

 


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