Cour d’appel de Toulouse, 26 novembre 2024, RG n° 22/03660
Cour d’appel de Toulouse, 26 novembre 2024, RG n° 22/03660

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Toulouse

Thématique : Évaluation de la proportionnalité des engagements de cautionnement et des obligations de mise en garde du créancier.

Résumé

Appel incident et révision de la clause pénale

L’appel incident a été formulé pour contester la réduction du montant de la clause pénale à 1 500 euros et la condamnation de [R] [V] à payer à la BPO la somme de 25 708 euros, avec intérêts légaux à partir du 13 novembre 2019. La cour a statué en faveur de la reconnaissance du montant de la clause pénale conformément au contrat de crédit, le fixant à 3 970,89 euros, et a condamné [R] [V] à verser 26 943,44 euros à la BPO, ainsi qu’une somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Intervention du Fonds commun de titrisation Cédrus

Le Fonds commun de titrisation Cédrus a été reconnu comme intervenant volontaire, prenant les droits de la BPO suite à un bordereau de cession de créances daté du 1er août 2023, conformément à l’article L313-27 du Code monétaire et financier.

Engagement de caution de [R] [V]

L’engagement de caution de [R] [V] a été examiné sous l’angle de l’article L.332-1 du code de la consommation, qui stipule qu’un créancier ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution. La cour a constaté que le cautionnement n’était pas disproportionné par rapport aux biens et revenus de [R] [V], qui avait rempli une fiche patrimoniale sans anomalies apparentes.

Obligation de mise en garde de la banque

[R] [V] a soutenu que la banque avait manqué à son obligation de mise en garde en ne l’informant pas des risques liés à l’octroi d’un prêt inadapté. Cependant, la cour a jugé que [R] [V], en tant que dirigeant d’entreprise, possédait une expérience suffisante pour être considéré comme averti des risques financiers, et a rejeté ses demandes de dommages et intérêts.

Indemnité forfaitaire et créance finale

Le Fonds Cédrus a demandé la condamnation de [R] [V] à 26 934,44 euros, représentant 50 % des sommes dues par la société. [R] [V] a contesté le montant de l’indemnité forfaitaire, arguant qu’elle devait être minorée. La cour a reconnu le caractère de clause pénale des indemnités et a décidé de réduire l’indemnité de 5 % tout en maintenant celle de 3 %.

Demande de délais de paiement

[R] [V] a sollicité des délais de paiement en raison de sa situation financière difficile, mais la cour a infirmé cette demande, constatant qu’il n’avait pas fourni de preuves suffisantes de sa situation économique actuelle.

Frais irrépétibles et dépens

Le jugement de première instance a été confirmé concernant les dépens et frais irrépétibles. [R] [V], en tant que partie succombante, a été condamné aux dépens d’appel, et aucune indemnité n’a été accordée en vertu de l’article 700 du code de procédure civile.

Décision finale de la cour

La cour a confirmé le jugement de première instance dans toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant de la créance finale du Fonds commun de titrisation Cédrus sur [R] [V] et l’octroi des délais de paiement. Elle a condamné [R] [V] à payer 26 162,61 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2019, tout en rejetant sa demande de délais de paiement.

26/11/2024

ARRÊT N° 422

N° RG 22/03660

N° Portalis DBVI-V-B7G-PBOA

MN/ND

Décision déférée du 26 Septembre 2022

Tribunal de Commerce de CASTRES

2020002109

M. LAUTTIER

[R] [V]

C/

S.A. BANQUE POPULAIRE OCCITANE

Société FONDS COMMUN DE TITRISATION CEDRUS REPRESENTE PAR MCS ET ASSOCIES

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [R] [V]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représenté par Me Jean christophe LAURENT de la SCP SCP BOONSTOPPEL LAURENT, avocat au barreau de CASTRES

INTIMEE

S.A. BANQUE POPULAIRE OCCITANE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Loïc ALRAN de la SCP ALRAN PERES RENIER, avocat au barreau de TOULOUSE

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE

FONDS COMMUN DE TITRISATION CEDRUS

prise en la personne de son représentant légal,

Ayant pour société de gestion IQ EQ MANAGEMENT, et représenté par son recouvreur la société MCS ET ASSOCIES,

Venant aux droits de la BANQUE POPULAIRE OCCITANE,

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Loïc ALRAN de la SCP ALRAN PERES RENIER, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. NORGUET conseillère,chargée du rapport et F. PENAVAYRE magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

M. NORGUET, conseillère

F. PENAVAYRE,magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.

Faits et procédure :

Le 15 avril 2016, la Banque Populaire Occitane (ci après la BPO ou la banque) a consenti à la Sarl Abadalbo, créée le 1er avril 2016 et ayant pour activité la vente de chaussures et de vêtements à [Localité 6] (81), un prêt équipement d’un montant de 90 500 euros, d’une durée de 84 mois, au taux fixe annuel de 2,10% et un TAEG de 3,923%.

Le même jour, son gérant [R] [V] s’est porté caution solidaire de cet engagement à hauteur de la somme de 45 250 euros dans la limite de 50 % des sommes restant dues par la société en capital, intérêts frais et commissions, sur 96 mois et avec le consentement exprès de son épouse, [B] [G], commune en biens.

Par jugement du 11 octobre 2019, le tribunal de commerce de Castres a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l’encontre de la Sarl Abadalbo avec désignation de Me [S] en qualité de mandataire liquidateur. La procédure a été clôturée pour insuffisance d’actifs le 11 juin 2020.

Le 11 janvier 2021, le mandataire liquidateur a délivré un certificat d’irrécouvrabilité à la BPO.

Par LRAR du 7 novembre 2019, la banque a déclaré sa créance entre les mains du mandataire liquidateur pour un montant de 53 607,32 euros au titre des sommes restant dues relativement au prêt du 15 avril 2016 comprenant le capital restant dû, les intérêts de retard au taux légal à compter du 11 octobre 2019 ainsi que l’indemnité forfaitaire de 8%

Le 13 novembre 2019, par lettre recommandée, la banque a mis [R] [V] en demeure d’honorer son engagement de caution.

Le 26 août 2020, la BPO a assigné [R] [V], en présence de [B] [V], devant le tribunal de commerce de Castres en paiement des sommes restant dues au titre de son engagement de caution, pour un montant de 26 943,44 euros, outre sa condamnation à lui verser 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Reconventionnellement, [R] [V] a soutenu le manquement de la banque à son devoir de mise en garde, en sollicitant des dommages et intérêts en réparation du préjudice ainsi subi et la disproportion manifeste de son engagement de caution à ses biens et revenus au jour de sa conclusion.

Le 26 septembre 2022, le tribunal de commerce de Castres a :

écarté le moyen tiré par [R] [V] de la disproportion entre ses facultés financières et son engagement,

débouté [R] [V] de sa demande indemnitaire formée contre la demanderesse au titre du devoir de mise en garde,

réduit le montant de la clause pénale à 1 500 euros,

condamné [R] [V] à payer à la BPO la somme de 25 708 euros outre les intérêts légaux à compter du 13 novembre 2019 et jusqu’à parfait paiement,

autorisé [R] [V] à se libérer de sa dette en 24 mensualités égales, la première devant intervenir dans les trente jours suivant la signification du présent jugement,

dit qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité échue [R] [V] sera déchu du bénéfice du terme, la totalité des sommes restant dues devenant immédiatement exigible,

condamné [R] [V] à verser à la BPO une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l’article T00 du Code de procédure civile,

condamné [R] [V] aux entiers dépens dont frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 84,48 euros TTC.

Par déclaration en date du 17 octobre 2022, [R] [V] a relevé appel du jugement du tribunal de commerce aux fins de le voir réformé en intégralité à l’exception des chefs de dispositif ayant réduit le montant de la clause pénale à 1 500 euros, l’ayant autorisé à se libérer de sa dette en 24 mensualités égales, la première devant intervenir dans les trente jours suivant la signification du présent jugement et dit qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité échue [R] [V] serait déchu du bénéfice du terme, la totalité des sommes restant dues devenant immédiatement exigible.

Par voie de conclusions, la BPO a formé appel incident de ces trois chefs de dispositif.

Le 1er août 2023, la BPO a cédé la créance détenue sur [R] [V] au fonds commun de titrisation Cédrus (ci après le Fct Cédrus), lequel est intervenu volontairement à l’instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue en date du 5 août 2024 et l’affaire a été fixée à l’audience du 11 septembre 2024.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions notifiées le 10 janvier 2023, auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, et dans lesquelles [R] [V] sollicite, au visa des articles L 332-1 du code de la consommation, 2313 du Code Civil, 1231-5 et 1343-5 du Code civil :

sur le fond, l’infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, et la reconnaissance du caractère disproportionné de l’engagement de caution,

la reconnaissance d’un défaut de justification par la banque d’une créance certaine, liquide et exigible,

et en conséquence, le rejet de l’ensemble des demandes de la BPO à son encontre,

en toute hypothèse, la reconnaissance que la BPO a manqué à son devoir de mise en garde à son égard,

en conséquence, la condamner à lui payer la somme de 26 943,44 euros suivant décompte arrêté au 17.01.2020, et prononcer la compensation avec le montant de l’ensemble des sommes dues en exécution de l’engagement de caution,

la condamnation de la BPO à payer à [R] [V] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC et les entiers dépens,

subsidiairement, si par extraordinaire la cour confirmait le jugement rendu en ce qu’il a admis le principe de l’obligation de Monsieur [R] [V] la reconnaissance de ce que l »indemnité forfaitaire de 8% constitue une clause pénale et la fixation de son montant à de un euro symbolique,

octroyer à [R] [V] un échéancier sur une période de deux ans, sur le fondement des dispositions de l’article 1343-5 du code civil et prescrire les sommes porteront intérêt à un taux réduit,

le rejet de la demande d’article 700 de la BPO,

et dans cette hypothèse, qu’il soit statué ce que de droit quant aux dépens.

Vu les conclusions d’intervention volontaire notifiées en date du 24 avril 2024, auxquelles il est fait expressément référence pour l’énoncé du détail de l’argumentation, et dans lesquelles le fonds commun de titrisation Cédrus demande, au visa des articles L.214-169 du code monétaire et financier et 328 et suivants du code de procédure civile :

que soit reçue son intervention volontaire,

la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a :

– écarté le moyen tiré par [R] [V] de la disproportion entre ses facultés financières et son engagement,

– débouté [R] [V] de sa demande indemnitaire formée contre la demanderesse au titre du devoir de mise en garde,

– autorisé [R] [V] à se libérer de sa dette en 24 mensualités égales, la première devant intervenir dans les 30 jours suivant la signification du jugement,

– dit qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité échue

[R] [V] sera déchu du bénéfice du terme, la totalité des sommes restant dues devenant immédiatement exigible,

– condamné [R] [V] à verser à la BPO, une indemnité de 1500 euros sur le fondement l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné [R] [V] aux entiers dépens dont frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 84,45 euros TTC,

sur son appel incident, l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il a réduit le montant de la clause pénale à 1 500 euros et condamné [R] [V] à payer à la BPO la somme de 25 708 euros outre les intérêts légaux à compter du 13 novembre 2019 et jusqu’à parfait paiement,

statuant à nouveau sur ces points, la reconnaissance de ce que le montant de la clause pénale doit être fixé conformément au contrat de crédit souscrit, soit la somme de 3 970,89 euros,

la condamnation de [R] [V] à payer à la BPO, la somme de 26 943,44 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2019,

la condamnation de [R] [V] au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de l’avocat soussigné.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf quant au montant de la créance finale du Fonds commun de titrisation Cédrus sur [R] [V] et sur l’octroi des délais de paiement,

Infirme le jugement entrepris sur le montant de la créance finale du Fonds commun de titrisation Cédrus sur [R] [V] et sur l’octroi des délais de paiement

Et, statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne [R] [V] à payer au Fonds commun de titrisation Cédrus le somme de 26 162,61 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2019 et jusqu’à parfait paiement,

Rejette sa demande d’octroi de délais de paiement,

Y ajoutant,

Condamne [R] [V] aux dépens d’appel,

Déboute [R] [V] et le Fonds commun de titrisation Cédrus de leurs demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier La Présidente .

 


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