Cour d’appel de Toulouse, 25 octobre 2024, RG n° 22/04305
Cour d’appel de Toulouse, 25 octobre 2024, RG n° 22/04305

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Toulouse

Thématique : Rupture de contrat et obligations de formation : enjeux et conséquences dans le secteur du bien-être

 

Résumé

La rupture de contrat dans le secteur du bien-être, comme illustré par l’affaire entre M. [E] et la SARL Haryana, soulève des enjeux cruciaux. M. [E], après avoir suivi une formation, a été licencié pour faute grave, ce qui a entraîné une contestation judiciaire. La cour a confirmé la légitimité de la rupture, tout en reconnaissant des rappels de salaire dus à M. [E] pour des périodes de travail non rémunérées. Cette affaire met en lumière l’importance des obligations de formation et des conditions de travail, ainsi que les conséquences juridiques d’une rupture de contrat mal justifiée.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

25 octobre 2024
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
22/04305

25/10/2024

ARRÊT N°2024/255

N° RG 22/04305

N° Portalis DBVI-V-B7G-PEUP

CP/ND

Décision déférée du 25 Octobre 2022

Conseil de Prud’hommes

Formation paritaire de toulouse

(20/01623)

C. FARRE

Section COMMERCE

[N] [I] [E]

C/

S.A.R.L. HARYANA

CONFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [N] [I] [E]

[Adresse 3]

[Localité 4] -GUADELOUPE

Représenté par Me Olivier BORDES-GOUGH de la SCP D’AVOCATS BORDES-GOUGH-GALINIE-LAPORTE, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555/2022/021283 du 26/12/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMEE

S.A.R.L. HARYANA

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Sébastien HERRI de la SELARL HERRI, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. PARANT, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargée du rapport.

Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

M. DARIES, conseillère

C. PARANT, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

EXPOSE DU LITIGE

La sarl Haryana exploite un institut de beauté au sein duquel sont pratiqués des massages à but non thérapeutique.

Elle a conclu avec M. [N] [I] [E] une convention de stage du 15 juillet au 31 août 2019 en vue d’une formation d’intervenant SPA et bien-être. La durée hebdomadaire de la formation était fixée à 39 heures.

Une seconde convention de stage a été conclue au terme de la première, du 1er septembre au 30 novembre 2019 en vue de la même formation d’intervenant SPA et bien-être.

M. [E] a été embauché en qualité de praticien massage bien-être suivant contrat de travail à durée déterminée du 1er décembre 2019 au 31 janvier 2020 pour accroissement temporaire d’activité. Ce contrat de travail a été renouvelé jusqu’au 15 février 2020.

La société Haryana, M. [E] et Pôle Emploi ont conclu une convention tripartite de préparation opérationnelle à l’emploi individuelle (en abrégé POEI) du 17 février au 22 avril 2020.

Par avenant du 9 juin 2020, le terme de cette convention a été modifié et fixé au 16 juin 2020.

Un contrat à durée déterminée à temps plein a été conclu le 16 juin 2020 entre la société Haryana et M. [E] du 17 juin 2020 au 16 juin 2021, M. [E] étant engagé en qualité de ‘praticienne (sic) massage bien-être’.

Par lettre du 30 juillet 2020, la société Haryana a notifié à M. [E] sa mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 30 juillet 2020, la société Haryana a convoqué M. [E] un entretien préalable à sanction disciplinaire.

Par lettre du 10 août 2020, M. [E] a contesté les griefs qui lui étaient reprochés et sollicité le paiement d’heures supplémentaires.

La société Haryana a notifié à M. [E] la rupture anticipée de son contrat pour faute grave par lettre du 14 août 2020.

M. [E] a contesté la rupture de son contrat de travail par courriers des 25 août et 6 octobre 2020.

M. [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 20 novembre 2020 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.

Par jugement du 25 octobre 2022, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

– dit que la rupture anticipée du contrat de travail de M. [E] est justifiée,

– débouté M. [E] de l’ensemble de ses demandes,

– condamné M. [E] à rembourser à la société Haryana la somme de 500 € au titre de l’avance sur salaire qu’il a perçue,

– débouté la société Haryana de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [E] aux dépens.

Par déclaration du 14 décembre 2022, M. [E] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 17 novembre 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

Par dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 8 mars 2023, auxquelles il est expressément fait référence, M. [E] demande à la cour de :

– réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

– juger que la rupture du contrat à durée déterminée pour faute grave est non fondée et abusive,

– condamner la société Haryana à lui payer les sommes suivantes :

*20 000 € à titre de dommages et intérêts en vertu de l’article L.1243-4 du code du travail,

*1 980 € à titre d’indemnité de précarité,

*374,56 € au titre des heures supplémentaires non payées,

*5 584,90 € à titre de rappel de salaire et à délivrer un bulletin de paie y afférent sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de l’arrêt à intervenir,

– ordonner la compensation au visa de l’article 1347 du code civil ‘s’agissant du remboursement à l’employeur de la somme de 500 € correspondant à une avance sur salaire’,

– condamner la société Haryana à payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ainsi qu’aux entiers dépens.

Par dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 5 juin 2023, la société Haryana demande à la cour de :

– débouter M. [E] de ses demandes,

– le condamner au remboursement de la somme de 500 € prêtée par la société,

– condamner M. [E] à la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 20 septembre 2024.

MOTIFS

Sur la demande de rappel de salaire pendant les périodes de stage et de préparation opérationnelle à l’emploi individuel ( POAI)

M. [E] demande des rappels de salaire, d’une part, pour la période courant du 31 octobre au 30 novembre 2019, contestant avoir exécuté des fonctions de stagiaire après avoir obtenu son diplôme d’intervenant SPA et bien-être le 31 octobre 2019 mais bien des fonctions correspondant à un titulaire du poste, et, d’autre part, pendant la période d’exécution de la convention POAI au cours de laquelle il n’a bénéficié d’aucune formation et exerçait les fonctions d’intervenant SPA bien-être.

La société Haryana s’y oppose, rappelant le contexte dans lequel ont été signées les diverses conventions avec M. [E] qui souhaitait bénéficier d’une formation puis de divers contrats lui permettant de repartir rapidement en Guadeloupe avec un diplôme. Elle indique que M. [E] a bénéficié d’une formation pendant la période de stage et qu’il n’établit pas avoir occupé un poste pendant ce stage ; qu’il est à l’origine de la convention signée avec Pôle Emploi convention qui a permis à M. [E] d’être formé et d’acquérir une compétence, dispositif non remis en cause par Pôle Emploi, parfaitement légal et adapté au cas d’espèce.

La demande de rappel de salaire pour la période courant du 31 octobre au 30 novembre 2019 sera rejetée par confirmation du jugement entrepris ; M. [E] était bien en formation au sein de la société Haryana depuis le 15 juillet 2019, apprenant à exercer les fonctions d’intervenant SPA et bien-être dans le cadre d’une première convention de stage, la seconde d’une durée de 3 mois lui permettant de parfaire sa formation. Il ne justifie nullement avoir, du 31 octobre au 30 novembre 2019, exécuté les fonctions d’intervenant SPA ou de praticien massage alors qu’il est constant qu’il a obtenu sa certification SPA et bien-être le 20 janvier 2020 à l’issue de la seconde convention de stage après des épreuves organisées le 31 octobre 2019.

En revanche, il résulte de la chronologie des conventions et contrats signés entre les parties qu’à l’issue de la seconde convention de stage, et après avoir obtenu son diplôme, M. [E] a été embauché par la société Haryana en qualité de praticien massage bien-être, suivant contrat de travail à durée déterminée du 1er décembre 2019 au 31 janvier 2020, pour accroissement temporaire d’activité. Ce contrat de travail a été renouvelé jusqu’au 15 février 2020, M. [E] exerçant les mêmes fonctions, comme il est constant qu’au terme de la convention POAI, il a encore signé un contrat à durée déterminée, ce dernier d’une durée de 12 mois aux fins d’exécuter les mêmes fonctions de praticien massage bien-être.

Contrairement à ce que soutient la société Haryana, les pièces versées aux débats par les parties, et notamment le planning du SPA et les attestations de salariés de la société Haryana, permettent d’établir que, pendant la période d’exécution de la convention conclue avec Pôle Emploi et subventionnée par elle, du 17 février au 16 juin 2020, M. [E] exécutait bien les fonctions de praticien massage bien-être comme les autres salariés de la société : son nom figure sur le planning avec les mêmes prestations que les autres salariés qui y figurent, les échanges de sms intervenus à cette période entre le gérant de la société Haryana et M. [E] ne font référence à aucune formation mais à l’exécution d’un travail et les exemples de comportement répréhensible donnés par les collègues de travail de M. [E] dans les attestations fournies par la société intimée ne font nullement état du statut de stagiaire pendant la période d’exécution de la convention.

Peu importent la partie à l’initiative de la signature de la convention POAI et la participation éclairée de Pôle Emploi à la signature de la convention démontrée effectivement par l’employeur par les correspondances échangées avec le représentant de Pôle Emploi.

M. [E] prétend, à juste titre, qu’il n’a pas bénéficié de la formation prévue par la convention dont l’objet était le suivant :’Par la présente convention, Pôle Emploi et/ou l’OPCA confient à l’employeur qui y souscrit la réalisation d’une préparation opérationnelle à l’emploi individuel (POEI) en vue de recruter un stagiaire sur une offre d’emploi déposée préalablement auprès de Pôle Emploi et, à cette fin de le former’.

Le stagiaire devait bénéficier d’un plan de formation personnalisé et précis et force est de constater que ce plan n’est pas versé aux débats.

Si la société Haryana justifie avoir bien rempli ses obligations en embauchant M. [E] à l’issue de cette convention en qualité de praticien massage bien-être, en revanche elle ne justifie pas avoir exécuté son obligation de formation au cours de la convention comme elle s’y était engagée lors de la signature de cette convention.

Il en résulte que M. [E] est bien fondé à solliciter la condamnation de la société Haryana au paiement du salaire qu’il aurait dû verser à M. [E] en paiement de ses prestations de praticien massage bien-être pendant la période courant du 17 février au 16 juin 2020, soit 1 650 € x 4 = 6 600 €, déduction faite des sommes perçues, selon M. [E], au titre de la convention POEI, dont le montant n’est pas discuté par la société intimée, soit 544 € x 4 = 2 176 €.

La société Haryana sera condamnée au paiement de la somme de 4 424 € à titre de rappel de salaire par infirmation du jugement dont appel.

Sur la demande en paiement d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires

Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties, et si l’employeur doit être en mesure de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir effectuées afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

M. [E] sollicite paiement d’un rappel de salaire de 374,56 € correspondant à 29,58 heures supplémentaires exécutées entre le 5 décembre 2019 et le 20 juillet 2020.

Il produit des extraits du logiciel de planning des horaires de travail de la société Haryana entre le 17 septembre 2019 et le 20 juillet 2020 ainsi qu’un décompte journalier des heures supplémentaires réalisées pendant cette période.

La société Haryana ne produit aucune pièce précisant les horaires effectivement réalisés par M. [E], expliquant que les nombreux retards de M. [E] dont elle justifie ne figurent pas sur les extraits du logiciel de temps de travail de sorte qu’il est mal fondé à prétendre avoir exécuté des heures supplémentaires.

L’examen du logiciel de temps de travail produit aux débats, du décompte individuel produit par M. [E] démontre l’existence d’heures supplémentaires dont la cour réduira le montant eu égard aux nombreux retards de l’appelant démontrés par les copies de sms versés aux débats et les attestations de salariés de l’entreprise.

Il sera alloué à M. [E] la somme de 150 € à titre de rappel de salaire en paiement des heures supplémentaires réalisées par lui du 5 décembre 2019 au 20 juillet 2020. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Il sera fait droit à la demande de délivrance de bulletins de paie afférents aux rappels de salaire alloués à M. [E] sans que le prononcé d’une astreinte soit justifié.

Sur la rupture anticipée du contrat de travail liant les parties

Il a été rappelé dans l’exposé du litige que la société Haryana a notifié à M. [E], par lettre du 14 août 2020, la rupture du contrat à durée déterminée du 16 juin 2020.

Il appartient à la société Haryana qui a procédé à la rupture du contrat à durée déterminée liant les parties pour faute grave conformément à l’article L.1243-1 du code du travail d’établir la réalité de la faute grave invoquée à l’encontre de M. [E], étant rappelé que la faute grave se définit comme un fait ou un ensemble de faits fautifs rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

La lettre de rupture du contrat de travail du 14 août 2020 est libellée comme suit (avec les fautes d’orthographe) :

‘…Le 06/07/2020, vous n’avez pas ouvert le spa, une cliente a dû nous contacter.

Le 11/07/2020, la direction à constater et rapporter par vos collègues que vous donnez des ordres à l’équipe alors que vous n’êtes en aucun cas manager ou adjoint du spa, vous ne refaites jamais votre cabine et vous vous permettez de parler aux clients de vos collègues comme si vous étiez le prioritaire des lieux.

Le 15/07/2020, vous nous avez contactés pour des congés du 22 août au 31 août 2020 par sms alors que nous n’étions pas au centre mais en congés. N’ayant pas eu de réponse 3 jours après, vous nous avez confirmé la prise de ces congés en ayant réservé votre séjour.

Le 18/07/2020, vous avez agressé verbalement plusieurs fois vos collègues surtout Mme [D], devant les clients, en reprochant une modification de RDV et vous l’avez suivi dans le spa pour l’empêcher de joindre la direction et rapporter ces faits en la menaçant.

De plus, vous êtes parti 30 minutes avant la fin de votre travail à 18h30 au lieu de 19h (constat très récurrent).

Le 20/07/2020, vous avez humilié une stagiaire (Mme [V]) devant les clientes (la cliente a souligné la malveillance envers sa collègue) et ce à plusieurs reprises. Vous avez déclaré à une cliente devant Mme [V] : « Si vous êtes massée par moi vous aurez des manoeuvres supplémentaires qu’elle ne connait pas et donc un massage bien meilleur ». La cliente offusquée vous a même répondu : « Sympa pour la collègue ».

Vous donnez vos coordonnées personnelles à des clients du spa et les contactez par WhatsApp.

Vous ne respectez pas les consignes du port du masque obligatoire, rapport avec les clients, et ce, malgré des rappels de la direction et de vos collègues.

Le 21/07/2020, une prestation de Kobido sur la cliente Mme [R], dont vous vous occupez très régulièrement, a duré plus de 2 heures au lieu d’1 heure, ce qui a occasionné 45 min de retard dans la prise en charge des clients suivants venus se faire masser en Duo.

Vous avez un comportement totalement inadapté avec cette cliente (amical, familier, non professionnel).

De plus vous avez insulté Mme [H] en l’accusant de ne pas avoir fait l’entretien client correctement et qu’elle était la cause du retard sur le rdv suivant.

Pour finir, ce jour-là vous êtes parti 30 min avant la fin de votre travail à 18h30 au lieu de 19h00.

Le 24/07/2020, vous avez quitté votre poste de travail pendant plus d’une heure, sans autorisation et sans prévenir personne.

Le 27/07/2020 vous avez offert des prestations à des clients car vous n’avez pas su respecter le temps initial de prestation (massage 1h au lieu de 1h30). Après que M. [K] vous ai fait la remarque, vous vous êtes permis donc d’offrir 30 minutes de massage pour un prochain rdv sans autorisation de la direction.

Le 30 juillet 2020 une notification de mise à pied conservatoire et le 31 juillet 2020 une convocation à un entretien préalable en vue d’une rupture vous ont été envoyées par lettres recommandées avec accusé réception.

Le 11 août 2020, vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien’

La gravité des faits constituent un manquement inacceptable à vos fonctions et obligations dans l’entreprise : nous ne pouvons plus vous y maintenir en activité sans préavis …’.

La société Haryana verse aux débats, au soutien de ses prétentions sur la réalité de la faute grave reprochée à M. [E], outre plusieurs échanges de sms qui confirment les nombreux retards dont M. [E] a prévenu son employeur pour des motifs aussi variés qu’un problème de voiture, une arrivée tardive à la gare, un bouchon, l’absence d’un VTC pour se rendre au travail, un retard d’avion, une mise au point à faire avec ses propriétaires, le fait qu’à plusieurs reprises, les clientes l’attendaient devant la grille et un sms de Mme [M] qui fait état des difficultés de comportement de M. [E] qui nécessitent que tout le monde s’adapte à lui, à sa négligence et à ses retards, trois attestations circonstanciées d’une ancienne salariée (Mme [D]) et de deux salariés de l’entreprise, attestations régulières en la forme qui dénoncent :

– Mme [D] : l’agression verbale dont elle a été victime le 18 juillet 2020 de la part de M. [E] devant les clients à propos de la modification d’un RV qu’il avait fixé lui même ; elle explique qu’alors qu’elle lui indiquait prévenir la direction de la difficulté, M. [E] l’a poursuivie au sein du SPA en la menaçant et que, le même jour, il a quitté le SPA une heure avant l’horaire prévu au planning et que ce constat était fréquent et récurrent (absence de plus d’une heure le 24 juillet sans prévenir) ; elle indique que M. [E] se permettait des retards permanents à sa prise de poste et également de rallonger des prestations avec la clientèle ; qu’il n’exécutait pas sa prestation lors de la mise en place du SPA, engendrant du stress au sein de l’équipe ; qu’il se permettait pendant ses heures de poste de passer sans cesse des appels personnels et d’utiliser son ordinateur personnel et de laver et de faire sécher son linge avec les machines du SPA. Elle dénonce un manquement aux règles d’hygiène mises en place pendant la période de crise sanitaire : pas de port de masque, pas de désinfection des cabines, nettoyage de sa transpiration avec la serviette destinée au client et rapporte une transmission à plusieurs clientes de son numéro de téléphone personnel en proposant à une cliente, le 21 juillet 2020, d’effectuer un soin plus long que prévu sans prévenir l’équipe de son retard ( 1h30) .

– Mme [V] rapporte les difficultés d’organisation et de prise en charge clientèle en raison des retards fréquents de M. [E] ; elle dénonce ses sautes d’humeur vis à vis de ses collègues engendrant une ambiance délétère au sein du service, rapporte les nombreux signes d’anxiété avec pleurs de Mme [D] à la suite d’échanges verbaux avec l’appelant. Elle expose que, le 20 juillet 2020, M. [E] a expliqué à deux clientes que celle qui se ferait masser par lui aurait droit à des manoeuvres supplémentaires non connues du témoin entraînant la réplique suivante ‘sympa pour la collègue’. Elle termine en indiquant que l’attitude de M. [E] avait entraîné de l’anxiété à la prise de service et pendant le service et qu’elle envisageait de mettre un terme à sa collaboration avec M. [E].

– M. [K] certifie avoir constaté lors du travail avec M. [E] plusieurs comportements non professionnels :

* non respect des temps impartis à la prise en charge des clients : temps de massage non respectés, entretiens qui s’éternisent et retards,

* comportements non professionnels : faire ses machines de linge personnel alors que le linge du spa était à laver, essuyer son visage avec la serviette prévue pour les clients, défaut de port du masque, arrivées en retard,

* le 27 juillet 2020, M. [E] est parti après 1 heure 10 de massage au lieu de l’heure et demi prévue ; il a offert 30 minutes de massage gratuites pour une autre fois sans l’aval de la direction,

* annulation par M. [E] d’un RV d’un duo en raison d’un pré-règlement non effectué alors qu’il avait été prévenu que la difficulté avait été réglée avec le bureau, M. [K] ayant dû rattraper l’erreur après l’appel téléphonique de la cliente.

La lecture de ces attestations précises confirme la réalité de la majeure partie des griefs contenus dans la lettre de licenciement et, notamment, la récurrence des retards, les manifestations d’agressivité envers ses collègues et la déstabilisation de ses dernières, le non respect répété des plannings entraînant des difficultés pour l’équipe de travail.

M. [E] qui conteste les griefs retenus dans la lettre de mise à pied conservatoire et dans la lettre de licenciement ne justifie que des échanges avec la direction relatifs à la fixation de ses congés, ce grief n’étant pas établi mais ne produit aucune pièce objective et aucune attestation contredisant le contenu des attestations concordantes de ses anciens collègues de travail et le contenu des sms échangés avec la direction.

La cour estime, comme le conseil de prud’hommes, que l’ensemble des faits fautifs établis par l’employeur est constitutif d’une faute grave empêchant la poursuite du contrat de travail eu égard au comportement récurrent non professionnel déstabilisant l’équipe de travail de M. [E] qui sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive par confirmation du jugement déféré.

Sur le surplus des demandes

M. [E] ne conteste pas ne pas avoir remboursé l’avance sur salaire de 500 € consentie par son employeur le 11 janvier 2020 qui a fait l’objet d’une reconnaissance de dette écrite. La condamnation au remboursement de cette avance par les premiers juges sera confirmée et il sera fait droit, par application de l’article 1347 du code civil , à la demande de compensation de M. [E] entre cette créance et les sommes dues à M. [E] par la société Haryana, par ajout au jugement déféré.

La société Haryana qui perd partiellement le procès sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel le jugement entrepris étant infirmé de ce chef.

Il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 2e du code de procédure civile au profit de M. [E] qui bénéficie de l’aide juridictionnelle totale. Le jugement dont appel sera confirmé sur les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris, à l’exception de ses dispositions sur la demande de rappel de salaire du 17 février au 16 juin 2020 et sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires ainsi que sur les dépens,

statuant à nouveau des chefs infirmés, et, y ajoutant,

Condamne la société Haryana à payer à M. [N] [I] [E] les sommes suivantes :

– 4 424 € à titre de rappel de salaire pour la période du 17 février au 16 juin 2020,

– 150 € à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

Ordonne la délivrance par la société Haryana à M. [E] d’un bulletin de paye relatif aux rappels de salaire et rejette la demande d’astreinte,

Autorise la compensation entre la créance de remboursement d’avance sur salaire de 500 € de la société Haryana et les créances de rappel de salaire de M. [E],

Dit n’y avoir lieu à faire application de l’article 700 2e du code de procédure civile,

Condamne la société Haryana aux dépens de première instance et d’appel, étant précisé que M. [E] bénéficie de l’aide juridictionnelle totale.

Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C. DELVER C. BRISSET


 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon