Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Toulouse
Thématique : Conflit autour de la classification professionnelle et des conséquences d’une mutation refusée dans le cadre d’un contrat de travail
→ RésuméLe conflit entre M. [I] et la SAS Chronodrive découle d’un refus de mutation, entraînant son licenciement pour faute grave. Embauché en 2010, M. [I] a évolué au sein de l’entreprise, mais en janvier 2021, il refuse une mutation vers un autre magasin, arguant d’une rétrogradation. La cour d’appel a requalifié son licenciement en faute simple, considérant que son refus ne justifiait pas une telle mesure. Elle a condamné Chronodrive à lui verser des indemnités, confirmant que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, mais sans gravité suffisante pour justifier une faute grave.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
23/00754
ARRÊT N°24/330
N° RG 23/00754 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PJDS
MT/FCC
Décision déférée du 24 Janvier 2023 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 21/01031)
P. GUERIN
[V] [I]
C/
S.A.S. CHRONODRIVE
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU VINGT CINQ OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANT
Monsieur [V] [I]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Solène MERIEUX, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉE
S.A.S. CHRONODRIVE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Julie REMOLEUX de la SELARL CAPSTAN NORD EUROPE, avocat au barreau de LILLE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. BRISSET présidente et F.CROISILLE-CABROL, conseillère chargées du rapport. Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
AF. RIBEYRON, conseillère
Greffière, lors des débats : M. TACHON
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière de chambre
La SAS Chronodrive qui fait partie du groupe Auchan a une activité de vente à distance dans le cadre des commandes des clients au drive.
M. [V] [I] a été embauché selon contrat à durée indéterminée à temps plein à compter du 3 mai 2010 par la SAS Chronodrive en qualité de préparateur de commandes, niveau II coefficient 150. M. [I] était affecté au magasin de [Localité 6].
La convention collective applicable est celle du commerce à distance.
Suivant avenants des 27 juin 2011 et 1er novembre 2012, M. [I] est devenu assistant accueil, puis responsable de secteur magasin, statut agent de maîtrise, niveau V coefficient 215 ; ce dernier avenant stipulait un forfait-jours annuel de 218 jours. L’avenant du 1er novembre 2012 contenait une clause de mobilité, le salarié pouvant être affecté dans tout autre établissement ou lieu de travail suivant les nécessités liées à la bonne marche de l’entreprise. Suivant avenant du 1er septembre 2014, M. [I] a été muté au magasin de [Localité 5]. Il a ensuite été de nouveau muté au magasin de [Localité 6] à compter du 1er mai 2019. Ses derniers bulletins de paie mentionnaient une classification TAM D.
En janvier 2021, la SAS Chronodrive a décidé de l’affectation de M. [I] au magasin de [Localité 7] Basso Cambo sur un poste de responsable de secteur magasin (secteur frais), ce que le salarié a refusé par mails des 22 janvier, 8, 18 et 26 février 2021. Par mails des 26 janvier et 9 février 2021, la société a maintenu sa décision, M. [I] étant en dernier lieu attendu à son nouveau poste le 1er mars 2021. Il ne s’est toutefois pas présenté au magasin de Basso Cambo le 1er mars 2021, mais sur celui de [Localité 6]. La société l’a mis en demeure de se présenter au magasin de Basso Cambo par mail du 2 mars 2021, en vain.
Par courrier du 4 mars 2021, la société Chronodrive a notifié à M. [I] une mise à pied à titre conservatoire ainsi qu’une convocation à un entretien préalable au licenciement fixé au 15 mars 2021. M. [I] a été licencié pour faute grave selon LRAR du 18 mars 2021.
Le 8 juillet 2021, M. [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse aux fins notamment de paiement de rappels de salaires en qualité de cadre catégorie F débutant, des salaires pendant la mise à pied conservatoire, de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 24 janvier 2023, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :
– dit et jugé infondée la demande formulée par M. [I] au titre de la classification au statut de cadre,
– dit et jugé bien fondé le licenciement pour faute grave,
– débouté M. [I] de l’ensemble de ses demandes,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la SAS Chronodrive de sa demande reconventionnelle,
– condamné M. [I] aux entiers dépens de l’instance.
Le 1er mars 2023, M. [V] [I] a interjeté appel du jugement, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision.
Par conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 18 septembre 2023, auxquelles il est fait expressément référence, M. [I] demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé infondé la demande formulée par M. [I] au titre de la classification au statut cadre, dit et jugé bien fondé le licenciement pour faute grave, débouté M. [I] de l’ensemble de ses demandes et condamné M. [I] aux entiers dépens,
A titre principal,
– dire et juger que compte tenu des fonctions occupées par M. [I], la classification devait être fixée cadre, catégorie F, débutant,
– dire et juger que le licenciement pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la SAS Chronodrive à payer à M. [I] les sommes suivantes :
* 3.196,57 € bruts à titre de rappel de salaire correspondant à la classification cadre, catégorie F, débutant,
* 319,66 € bruts au titre des congés payés afférents,
* 929,45 € bruts à titre de rappel de salaires relatifs à la mise à pied conservatoire,
* 92,95 € bruts au titre des congés payés afférents,
* 7.254 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
* 725,40 € bruts au titre des congés payés afférents,
* 13.917,40 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
* 29.125,67 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A titre subsidiaire, si la cour ne faisait pas droit à la classification cadre, catégorie F, débutant :
– dire et juger que le licenciement pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse,
– condamner la SAS Chronodrive à payer à M. [I] les sommes suivantes :
* 845,65 € bruts à titre de rappel de salaires relatifs à la mise à pied conservatoire,
* 5.322,68 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
* 532,27 € bruts au titre des congés payés afférents,
* 10.098,49 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
* 26.895,67 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En toute hypothèse,
– condamner la SAS Chronodrive au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 juillet 2023, auxquelles il est fait expressément référence, la SAS Chronodrive demande à la cour de :
À titre principal,
– confirmer l’intégralité du jugement,
Et y ajoutant :
– condamner M. [I] à la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
À titre subsidiaire,
– juger que le licenciement de M. [I] repose sur une cause réelle et sérieuse,
– par conséquent, limiter le montant de ses demandes aux sommes suivantes :
* le rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire : 845,65 € bruts,
* l’indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 4.499,62 € bruts, outre les congés payés y afférents pour un montant de 449,96 € bruts,
* l’indemnité conventionnelle de licenciement d’un montant de 9.786,01 €,
A titre infiniment subsidiaire,
– limiter le montant de l’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 7.499,62 € correspondant à 3 mois de salaire brut.
La clôture de la procédure a été prononcée selon ordonnance du 3 septembre 2024.
1 – Sur la classification :
La classification se détermine par les fonctions réellement exercées par le salarié. En cas de contestation sur la catégorie professionnelle dont relève le salarié, il appartient au juge de rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu’il requiert au regard des dispositions de la grille de classification fixée par la convention collective.
La charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une classification autre que celle qui lui a été attribuée. Ainsi, le salarié ne peut prétendre à obtenir la classification qu’il revendique que s’il remplit les conditions prévues par la convention collective.
Il ressort de la nouvelle classification de la convention collective du commerce à distance et de l’avenant relatif aux classifications du 24 juin 2011 que :
– le TAM D référent domine l’emploi au point d’être reconnu comme un expert (résout des problèmes complexes, rédige les procédures et transmet les savoir-faire, assure des missions complémentaires dans le périmètre de son emploi, agit en support technique ou en assistance à ses collègues TAM, anime des groupes de travail transversaux…) ; ses programmes ou plannings de travail sont préétablis et la bonne réalisation du travail à la fin des opérations est contrôlée par le responsable hiérarchique ; il réalise des dossiers ou travaux présentant des spécificités techniques pouvant nécessiter de réunir et de communiquer des informations de nature et de sources diverses ; il anime et manage un groupe de salariés ; il propose des solutions, met en oeuvre, contrôle et adapte les méthodes, procédures et moyens mis à sa disposition pour obtenir les résultats attendus ; il est le relais de l’information de l’entreprise ; les connaissances requises sont le BTS, le DUT ou la licence professionnelle, le niveau étant acquis par voie scolaire ou formation équivalente ou expérience professionnelle reconnue le cas échéant par VAE ; parmi les emplois-repères, figurent ceux d’assistant métier, de responsable d’équipe, de conseiller commercial etc ;
– le cadre F débutant peut être un TAM changeant de statut ; il peut avoir besoin d’assistance, de contrôle et d’accompagnement ; après 18 mois maximum, il est classé au niveau maîtrisant ; il reçoit des directives fixant les objectifs et les moyens à mettre en oeuvre et est contrôlé par des évaluations régulières et portant sur les écarts entre objectifs et réalisations ; il a en charge un ensemble d’activités pouvant impliquer des relations régulières avec d’autres services internes ou des interlocuteurs externes et des prestataires de services ; il peut aussi être sans responsabilité hiérarchique, intervenant dans des domaines de spécialité et pouvant se voir confier des missions et la conduite de projets sur une durée limitée faisant intervenir des personnes de divers métiers à orienter et mobiliser ; il est garant par son action de l’amélioration des process, élabore les techniques nouvelles, analyse et adapte les méthodes et détermine les moyens en vue d’atteindre les objectifs ; les connaissances requises sont un diplôme de l’enseignement supérieur (ingénieur, master ou équivalent), le niveau étant acquis par formation initiale, formation professionnelle ou expérience professionnelle reconnue le cas échéant par VAE ; parmi les emplois-repères, figurent ceux de directeur de magasin, de responsable développement commercial etc.
Les derniers bulletins de paie de M. [I] mentionnaient un emploi de responsable de secteur magasin et une classification TAM D de la convention collective nationale du commerce à distance. La SAS Chronodrive précise qu’il avait le niveau ‘référent’ soit le plus haut de la catégorie D laquelle comprend les niveaux débutant, maîtrisant et référent.
Lors des échanges de mails de janvier et février 2021, M. [I] soutenait qu’il avait en réalité, au sein du magasin de [Localité 6], des fonctions de direction, étant ‘seul à la tête du magasin’.
Dans ses conclusions, il soutient qu’en réalité il était directeur adjoint de magasin et aurait dû être classé cadre F débutant, ce qui justifie un rappel de salaire de novembre 2019 à mars 2021. Il affirme que, depuis sa mutation au sein du magasin de [Localité 6] en mai 2019, il gérait ce magasin et non pas simplement l’équipe ‘accueil clients’, en secondant d’abord M. [G] puis à compter de novembre 2019 M. [P], directeurs successifs des magasins de [Localité 5] et [Localité 6] mais essentiellement présents au magasin de [Localité 5], gérait la partie RH (signature des contrats de travail et avenants, direction des RSM – suivi mensuel, fixation des objectifs, conduite des entretiens d’évaluation, gestion des congés payés), participait aux budgets prévisionnels, fixait les dates d’inventaires, supervisait les travaux, recevait les informations sur les décisions stratégiques.
La fiche de poste de responsable de secteur magasin résumait ses missions et moteurs ainsi : ‘tu organises et garantis la gestion de l’activité du magasin, de ton secteur pour une plus grande satisfaction client ; tu crées une ambiance de travail enviable alliant excellence opérationnelle et plaisir au travail’, ‘concilier satisfaction clients, efficacité opérationnelle et développement des collaborateurs’.
La fiche de poste de directeur de magasin résumait ses missions et moteurs ainsi : ‘faire vivre le commerce de ton magasin et instaurer, en lien avec nos partis-pris de différenciation, une relation client incomparable ; piloter l’exploitation d’un centre de profits intégré conformément aux stratégies et aux valeurs de l’entreprise ; créer une ambiance de travail des plus enviables alliant excellence opérationnelle et plaisir au travail’, ‘concilier satisfaction clients, développement et bien-être des collaborateurs, commerce et efficacité opérationnelle ; tu aimes générer du résultat, tu te retrouves dans les valeurs de Chronodrive’.
La cour constate en premier lieu que le poste de directeur adjoint de magasin n’existe pas parmi les emplois-repères de la convention collective – même si ces emplois-repères ne sont qu’indicatifs, n’existe pas officiellement au sein de la SAS Chronodrive, et qu’il n’y a pas de fiche de poste de directeur adjoint de magasin, ce qui pose une difficulté pour identifier les attributions qui y sont attachées.
Il importe peu que des salariés se soient prévalus de ce poste sur leur profil Linkedin ; il est également indifférent que M. [I] ait signé ses mails comme ‘responsable Chronodrive’ et non comme ‘responsable secteur’ ou ‘manager Chronodrive’, que son évolution professionnelle au sein de la société fût susceptible de le conduire à terme à occuper un poste de directeur de magasin, et que son directeur régional M. [X] ait indiqué par mail du 29 octobre 2019 qu’il souhaitait positionner M. [I] comme le ‘bras droit’ de M. [P] directeur des magasins de [Localité 6] et [Localité 5], sans contredire M. [I] lorsque par mail du 23 octobre 2019 celui-ci disait accepter la proposition de ‘directeur adjoint’. De même, aucune conséquence ne peut être tirée du compte-rendu de l’entretien d’évaluation du 28 mai 2020 dans lequel M. [P] reconnaissait que M. [I] avait ‘repris beaucoup de responsabilité sur le magasin’, au-delà de sa fiche de poste de responsable de secteur magasin (RSM) – la SAS Chronodrive qualifiant dans ses conclusions le poste de M. [I] de responsable de secteur magasin ‘expert’ en référence à la convention collective concernant le TAM D référent. En effet, seules comptent les tâches effectivement exercées par M. [I] au regard de la classification de la convention collective.
Il est exact que M. [I] a effectué en 2019 et 2020 des entretiens mensuels ou annuels de salariés, y compris de RSM, notamment MM. [H] et [B] et qu’il signait dans la case ‘DM’ ; toutefois, le management de son équipe (recrutement, intégration, suivi de la formation, rendez-vous managériaux – entretiens, réunions, briefs) faisait partie de ses attributions de RSM selon sa fiche de poste, et il ne réalisait les entretiens de RSM que sur délégation de M. [P] à qui il rendait compte. S’agissant des objectifs, M. [I] verse un tableau d’objectifs pour M. [H] de janvier 2019 qu’il a signé, toutefois à l’époque M. [H] n’était pas encore RSM – il ne l’est devenu qu’en décembre 2019 – mais seulement préparateur de commandes ; la SAS Chronodrive verse des mails de M. [P] de janvier 2020 à février 2021 montrant que c’était lui qui fixait les objectifs de MM. [H] et [B] comme RSM et que ces derniers s’adressaient à lui, d’ailleurs M. [P] fixait également les objectifs de M. [I]. Concernant les congés payés, s’il était l’interlocuteur de MM. [H] et [B], conformément à la fiche de poste de RSM (‘organisation et planification des équipes’), c’était M. [P] qui les validait. Enfin, si M. [I] a pu donner son avis sur un budget, des dates d’inventaires ou des travaux et était informé des directives dans le contexte de crise sanitaire, il ne participait pas à l’élaboration du budget et de la stratégie de l’entreprise.
La cour considère donc que M. [I] ne démontre pas avoir exercé des tâches relevant du niveau F de la convention collective.
Le jugement qui l’a débouté de sa demande de rappels de salaires au niveau F sera confirmé.
2 – Sur le licenciement :
Dans sa lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, l’employeur a licencié le salarié pour faute grave. La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise ; la charge de la preuve de la faute grave pèse sur l’employeur.
La lettre de licenciement était ainsi rédigée :
‘…Par la présente, nous te notifions ton licenciement, et ceci pour le motif mentionné ci-dessous :
– Non-respect de tes obligations contractuelles
Tu occupes le poste de responsable de secteur magasin depuis le 1er juillet 2013, et exerces ce métier sur le magasin de [Localité 6] depuis le 1er mai 2019.
Etant reconnu en tant qu’expert dans ton métier, au cours de mois de janvier 2021, c’est tout naturellement que je t’ai expliqué que tu serais affecté à compter du 1er février 2021 dans un autre magasin de la métropole de [Localité 7] (Chronodrive [Localité 7] Basso Cambo).
Je t’ai expliqué que cette mutation constituée une opportunité professionnelle liée à ton projet professionnel de devenir directeur magasin et que tu participerais à contribuer à l’atteinte des objectifs du magasin de [Localité 7] Basso Cambo.
Cependant par mail du 22 janvier 2021 adressé à [R] [D], responsable ressources humaines opérationnel, [J] [T], directrice exploitation, et moi, tu as manifesté ton refus par rapport à cette mutation, qui selon toi constituait une ‘rétrogradation professionnelle’ (…) ‘On me propose un poste de responsable secteur (même si cela est dans un plus gros magasin) alors que j’occupe actuellement des fonctions liées au métier de directeur’.
Cette dernière affirmation est totalement fausse, tu n’occupes pas les fonctions de directeur de magasin, mais bien celles de responsable de secteur magasin. Pour ma part, étant directeur de magasin pour 2 magasins ([Localité 6] et [Localité 5]), c’est pour des raisons d’organisation que je t’ai missionné sur certaines tâches précises en mon absence. Mais à aucun moment tu n’as occupé les fonctions de directeur de magasin, ni même endossées les responsabilités de cette fonction.
Le 26 janvier 2021, [R] [D] répondait à ton mail, et t’expliquait qu’il ne s’agissait pas d’une rétrogradation, te rappelant que tu exerçais effectivement le métier de responsable de secteur magasin et, que cette mutation s’inscrivait dans ‘ton projet professionnel est de devenir directeur de magasin, c’est pourquoi au cours de ces derniers mois, en tant que RSM confirmé, nous t’avons donné l’opportunité de te former et de te préparer à devenir directeur de magasin’.
[R] [D] t’a également rappelé qu’il s’agissait d’une opportunité pour toi et quels étaient les enjeux : ‘Dans le cadre de ton parcours professionnel, il est à présent temps que tu exerces tes fonctions de RSM dans un magasin ayant un chiffre d’affaires bien plus important, constitué d’une équipe de collaborateurs plus grande, ayant d’autres enjeux économiques. C’est pourquoi, comme [F] a pu te l’expliquer, ta mutation sur le magasin de [Localité 7] Basso Cambo est une opportunité professionnelle. En effet, Basso Cambo a réalisé en 2020 le 6ème CA société (18 millions d’euros), contre le 39ème pour [Localité 6] (7 millions d’euros), l’effectif de Basso est de 120 collaborateurs, contre 50 pour [Localité 6]. Par ailleurs, ton expérience et ton professionnalisme permettront aux équipes de Basso Cambo de progresser et de se professionnaliser’.
Afin que tu ais plus de temps pour te préparer, nous avons décalé le changement de lieu de travail au 1er mars 2021.
Par mail du 8 février 2021, adressé à [R] [D], [J] [T] et moi, tu manifestais à nouveau ton refus : « Cette proposition représente pour moi un déclassement professionnel et une perte de responsabilité ce qui est assimilable à une rétrogradation ».
Le 9 février 2021, [R] [D] te répondait que ce changement intervenait dans le cadre de l’exécution de ton contrat de travail que nous t’avions expliqué les raisons de ta mutation au sein du magasin de [Localité 7] Basso Cambo, et que nous t’attendions à compter du 1er mars 2021 sur ton nouveau lieu de travail.
Cependant, le 2 mars 2021, tu ne t’es pas présenté à ton poste de travail à [Localité 7] Basso Cambo, mais à ton ancien (Chronodrive [Localité 6]).
Le 2 mars 2021, étant en déplacement ce jour-là, je t’ai adressé un mail, te rappelant de prendre ton poste dès le lendemain à [Localité 7] Basso Cambo.
Le 3 mars 2021, tu as continué de venir travailler à [Localité 6].
Le 4 mars 2021, je t’ai notifié ta mise à pied conservatoire avec convocation à entretien préalable.
Au cours de notre entretien du 15 mars 2021, je t’ai rappelé qu’en tant que responsable de secteur magasin, il a été prévu dans ton contrat de travail, ton lieu de travail pourrait être modifié : « il est expressément convenu que la société conserve l’entière liberté d’affecter le salarié, au cours du contrat, dans tout autre établissement ou lieu de travail où elle exerce ou exercera ses activités, suivant les nécessités liées à la bonne marche de l’entreprise ».
D’autant plus que ce nouveau lieu de travail se situait dans la même zone géographique.
Tu as confirmé ton refus de changement de lieu de travail, car selon toi il s’agit d’une rétrogradation.
De ce fait, ton refus manifeste nous met donc dans l’obligation de constater que tu ne respectes pas tes engagements et tes obligations contractuelles, et en particulier ta clause de mobilité ; d’autant que nous sommes en droit de te solliciter pour une nouvelle affectation, d’autant qu’il s’agit d’un magasin de la même région dont tu connais les enjeux.
Ton refus de mutation manifeste une volonté de ta part allant à l’encontre de l’exécution de la clause de mobilité de ton contrat de travail et est constitutif d’une faute grave, qui nous amène à te signifier notre décision de te licencier pour faute grave…’
Dans ses conclusions, M. [I] soutient que, jusqu’alors, il occupait de fait les fonctions de directeur adjoint du magasin de [Localité 6], et que le poste qui était envisagé au sein du magasin de Basso Cambo était un simple poste de responsable de secteur magasin, sans responsabilités étendues, sous la subordination de M. [Z] qui était officiellement responsable de secteur magasin mais était de fait directeur adjoint de magasin, ce qui aurait constitué une rétrogradation et une modification du contrat de travail qui ne pouvait pas lui être imposée.
La SAS Chronodrive réplique qu’il ne s’agissait pas d’une modification du contrat de travail mais d’un simple changement dans les conditions de travail que le salarié ne pouvait pas refuser, les fonctions et responsabilités étant les mêmes, seul le lieu de travail changeant. Elle estime qu’il s’agissait pour lui d’une opportunité d’évolution professionnelle vers un poste de directeur de magasin car le magasin de Basso Cambo était plus important. Elle ajoute que M. [I] serait resté ‘responsable de secteur magasin expert’ comme M. [Z], la taille du magasin de Basso Cambo le justifiant. Elle conclut que le refus de M. [I] d’une mutation en vertu de la clause de mobilité contractuelle, dans le même secteur géographique, constituait une faute grave.
Or, il a été jugé qu’au magasin de [Localité 6], M. [I] n’était pas directeur adjoint de magasin, mais responsable de secteur magasin, statut agent de maîtrise, niveau D. Il ressort des échanges de mails de janvier et février 2021 que le poste de Basso Cambo était un poste de responsable de secteur magasin. M. [I] ne démontre pas qu’au poste de Basso Cambo, ses responsabilités auraient été diminuées ce qui aurait vidé son poste de sa substance, ni qu’il aurait été sous la subordination d’un autre responsable de secteur magasin ce qui aurait entraîné une modification de niveau hiérarchique ; par ailleurs, il ne prétend pas que sa rémunération aurait baissé, et il ne conteste ni la validité de la clause de mobilité contractuelle ni ses conditions de mise en oeuvre conformément aux intérêts de l’entreprise. Il ne s’agissait donc pas d’une modification du contrat de travail mais d’un simple changement de ses conditions de travail.
Le refus de M. [I] d’appliquer la clause de mobilité était donc fautif. Néanmoins, il ne s’est pas accompagné d’autres circonstances ; un seul poste, celui de Basso Cambo, lui a été proposé ; si M. [I] a refusé de prendre ce poste à compter du 1er mars 2021, il a toutefois continué à se présenter au magasin de [Localité 6] les 1er, 2, 3 et 4 mars, aucun abandon de poste n’existant. La cour considère donc que le comportement fautif de M. [I] ne permet pas de justifier un licenciement pour faute grave en ce qu’il ne rendait pas impossible son maintien dans l’entreprise, mais caractérise une faute simple constitutive d’une cause réelle et sérieuse.
3 – Sur les conséquences financières du licenciement :
Le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, le débouté de la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera confirmé.
Sur les salaires pendant la mise à pied conservatoire :
En l’absence de faute grave, l’employeur doit les salaires pendant la période de la mise à pied conservatoire.
M. [I] ne peut pas réclamer, à titre principal, le paiement de ses salaires au niveau cadre F qui a été écarté, mais seulement, à titre subsidiaire au niveau TAM D, soit 845,65 € bruts, étant relevé que sa demande subsidiaire ne vise pas les congés payés.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis :
En application de l’avenant relatif aux agents de maîtrise, le préavis pour le salarié licencié est de 2 mois + le mois en cours.
M. [I] se fonde sur le salaire de base de 2.200 € bruts.
Le licenciement ayant été prononcé au 18 mars 2021, il est dû à M. [I] une indemnité compensatrice de 922,68 € + 2.200 € + 2.200 € = 5.322,68 € bruts, outre congés payés de 532,27 € bruts.
Sur l’indemnité légale de licenciement :
En vertu de l’avenant relatif aux agents de maîtrise, le salarié licencié alors qu’il compte au moins 2 ans d’ancienneté a droit à une indemnité de licenciement égale à 3/10e de mois par année d’ancienneté de 0 à 5 ans, 4/10e de mois de 5 à 10 ans et 5/10e de mois au-delà de 10 ans.
Les parties s’accordent sur un salaire de référence de 2.499,63 €.
Compte tenu d’une ancienneté au 3 mai 2010, l’indemnité de licenciement calculée à la fin du préavis au 31 mai 2021 est donc de 10.098,49 €.
4 – Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
L’employeur qui perd au principal supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi que ses propres frais irrépétibles, et ceux exposés par M. [I] soit 3.000 €.
La cour,
Infirme le jugement, sauf en ce qu’il a débouté M. [V] [I] de sa demande de rappel de salaire en qualité de cadre niveau F et de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et débouté la SAS Chronodrive de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ces chefs étant confirmés,
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,
Dit que le licenciement reposait, non pas sur une faute grave, mais sur une faute simple constitutive d’une cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS Chronodrive à payer à M. [V] [I] les sommes suivantes :
– 845,65 € bruts au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire,
– 5.322,68 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés de 532,27 € bruts,
– 10.098,49 € au titre de l’indemnité de licenciement,
– 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Chronodrive aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par M. TACHON, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
M. TACHON C. BRISSET.
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