Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Toulouse
Thématique : Historique internet au travail : attention au licenciement
→ RésuméL’abus de navigation sur Internet par un salarié, sans lien avec ses fonctions, peut justifier un licenciement pour faute. Dans cette affaire, un huissier a constaté que le salarié se connectait à des sites personnels durant ses heures de travail, ce qui a été jugé incompatible avec un travail sérieux. Bien que l’employeur ait respecté les procédures, la juridiction a estimé que la faute n’était pas grave, mais constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement. Le salarié a donc droit à des indemnités, mais son comportement a été reconnu comme fautif.
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L’abus, par le salarié, de navigation internet sans relation avec ses fonctions, est incompatible avec un travail sérieux pour l’entreprise et peut justifier un licenciement pour faute.
Constat par huissier validé
L’employeur est en droit de faire constater par huissier l’affichage de l’onglet ‘historique’ du navigateur internet du salarié. Celui-ci a relevé que le salarié s’était connecté à différents sites commerciaux (Amazon, sites de téléchargement de films) et à sa boîte mail personnelle tout au long de la journée et durant ses horaires de travail, restant connecté parfois pendant plusieurs heures dans la journée.
Principe du contradictoire
Pour être valable, il n’est pas nécessaire qu’un constat d’huissier soit établi de manière contradictoire ; il n’était donc pas indispensable que le salarié soit présent ; en pratique, il était nécessaire qu’un représentant de la société soit présent pour permettre à l’huissier d’accéder aux locaux de la société et au matériel informatique, mais il n’est pas établi que l’employeur aurait influé les constatations de l’huissier.
L’huissier s’est connecté sur l’ordinateur que l’employeur lui a indiqué comme étant celui du salarié, sans utilisation d’un stratagème puisqu’il suffisait d’indiquer le prénom de l’utilisateur pour se connecter ; c’est donc bien l’ordinateur utilisé par le salarié qui était examiné. Il s’agissait d’un ordinateur professionnel appartenant à l’employeur et non d’un ordinateur appartenant personnellement au salarié, et l’huissier pouvait accéder aux fichiers figurant sur cet ordinateur sauf s’ils étaient expressément identifiés comme ‘personnels’, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Il s’est borné à examiner le disque dur contenant l’historique des recherches sur Internet, sans aller lui-même sur Internet, de sorte que les vérifications préalables sur le flux Internet et le respect des normes AFNOR sur le mode opératoire de procès-verbal de constat sur Internet n’avaient pas lieu d’être. Certes, l’huissier a annexé un historique de connexion remis par l’employeur mais surtout il en a imprimé un personnellement, ce dernier historique étant parfaitement probant.
Aucune déclaration CNIL nécessaire
Enfin, l’employeur n’avait pas mis en place de modalités de contrôle de l’utilisation d’Internet, ni récolté de données personnelles sur les salariés, mais seulement rappelé, dans son règlement intérieur, que l’utilisation d’Internet était réservée à un usage professionnel, de sorte qu’aucune consultation des institutions représentatives du personnel ni aucune déclaration à la CNIL ne devaient être effectuées. Il n’y avait donc pas lieu d’écarter des débats le constat d’huissier.
Importance du règlement intérieur
Le règlement intérieur réservait l’utilisation d’Internet à un usage professionnel et interdisait la consultation de sites Internet à des fins personnelles ; il indiquait qu’étaient notamment considérés comme fautifs, sans que cette liste ne soit limitative, la consultation de sites pornographiques, xénophobes, racistes, de jeux d’argent, le téléchargement d’informations ou logiciels ou documents à des fins personnelles, et la communication d’informations confidentielles sans respect des procédures et l’utilisation d’Internet dans des conditions susceptibles de porter atteinte à l’image de la société.
Or, en l’espèce, il ressortait du constat d’huissier que le salarié s’est connecté, pendant ses heures de travail, à de nombreuses reprises et pendant de longues durées, sur sa boîte mail personnelle et sur des sites Internet sans aucun rapport avec son activité professionnelle (sites commerciaux tels qu’Amazon ou Darty, sites de sport, sites de téléchargement illégaux de films etc…), peu important de savoir si le salarié avait ou non effectivement téléchargé illégalement des films.
Contrôle de proportionnalité sur la faute du salarié
La juridiction a estimé que les faits étaient avérés. Toutefois, eu égard à l’absence d’antécédent disciplinaire et à la nature de la faute, la juridiction a estimé que cette faute n’était pas une faute grave mais une simple faute constitutive d’une cause réelle et sérieuse de licenciement.
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
ARRÊT DU 1er AVRIL 2022
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ARRÊT N° 2022/149
N° RG 20/01162 – N° Portalis DBVI-V-B7E-NRJX
Décision déférée du 05 Mars 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 18/01496)
APPELANT
Monsieur D Y
[…]
[…]
Représenté par Me Stéphane ROSSI-LEFEVRE, avocat au barreau de TOULOUSE INTIMÉE
SAS SOCIÉTÉ LAURAGAISE DE BÂTIMENT (SLB)
[…]
[…]
Représentée par Me Olivier ROMIEU de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F. CROISILLE-CABROL, conseillère chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée
de :
C. BRISSET, présidente
A. F-BLANCHARD, conseillère
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffière, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
M. D Y a été embauché suivant contrat à durée indéterminée à compter du 2 mai 2012 par la SAS Société Lauragaise de Bâtiment (SLB), sise à […], en qualité d’adjoint au responsable du bureau d’études, statut cadre. En dernier lieu, M. Y était responsable du bureau d’études. La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des cadres du bâtiment.
Par LRAR du 19 octobre 2017, la SAS SLB a convoqué M. Y à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 31 octobre 2017, avec mise à pied à titre conservatoire, puis l’a licencié pour faute grave par LRAR du 6 novembre 2017, pour des connexions sur son ordinateur étrangères à son activité professionnelle.
M. Y a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 20 septembre 2018 aux fins notamment de paiement d’heures supplémentaires, d’une indemnité pour travail dissimulé, du salaire pendant la mise à pied conservatoire, de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement du 5 mars 2020, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :
– dit et jugé que le licenciement de M. Y reposait sur un motif disciplinaire qui relevait de la faute grave,
– débouté M. Y de l’intégralité de ses prétentions,
– laissé à la charge de chacune des parties les frais, non compris dans les dépens, qu’elles ont dû engager dans l’instance, en application de l’article 700 alinéa 1er 1° du code de procédure civile,
– condamné M. Y aux dépens.
M. Y a relevé appel de ce jugement le 28 avril 2020, dans des conditions de forme et de délai non discutées, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 6 septembre 2021, auxquelles il est expressément fait référence, M. Y demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. Y de l’intégralité de ses demandes,
En conséquence,
– prononcer l’irrecevabilité du procès-verbal de constat d’huissier établi le 13 octobre 2017,
– constater que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
– condamner la SAS SLB à régler à M. Y les sommes suivantes :
* 43.869,54 € au titre des heures supplémentaires, outre l’indemnité de congés payés y afférents de 4.386,95 €,
* 28.768 € d’indemnité au titre du travail dissimulé,
* 2.432,53 € au titre du salaire pendant la mise à pied conservatoire, outre l’indemnité de congés payés y afférents de 243,25 €,
* 14.384,40 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis correspondant à 3 mois de salaire, outre l’indemnité de congés payés y afférents de 1.438,44 €,
* 8.789 € au titre de l’indemnité de licenciement conventionnelle,
* 43.153 € de dommages-intérêts correspondant à 9 mois de salaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 janvier 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la SAS SLB demande à la cour de :
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
– juger que le licenciement de M. Y repose sur une faute grave,
– juger que M. Y est impuissant à rapporter la preuve d’éléments de nature à étayer sa demande en paiement d’heures supplémentaires,
En conséquence,
– rejeter l’intégralité des demandes indemnitaires de M. Y,
– condamner M. Y à verser à la SAS SLB la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
MOTIFS
1 – Sur les heures supplémentaires et l’indemnité pour travail dissimulé :
Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
M. Y expose qu’il était rémunéré sur une base de 151,67 heures par mois ; il soutient qu’en réalité, il travaillait en moyenne 8,5 heures par jour, de 8h à 12h et de 14h à 18h30, soit 42,5 heures par semaine ou 184 heures par mois, soit un différentiel mensuel de 32,33 heures supplémentaires. Il réclame ainsi un total de 1.163,88 heures supplémentaires sur la période non prescrite de novembre 2014 à octobre 2017 (36 mois), soit un rappel de salaire de 43.869,54 €.
Il verse aux débats des attestations de MM. Z et A, conducteurs de travaux, affirmant tous deux que ‘M. Y était présent dans l’entreprise SLB suivant les horaires de 8h à 12h et de 14h à 18h30, et ce, durant ma présence au sein de la société’.
En premier lieu, la cour ne peut que s’étonner de ce que les deux attestations soient rédigées à l’identique, au mot près ; de plus, les attestants qui travaillent beaucoup sur les chantiers n’expliquent pas à quelle occasion ils ont pu constater personnellement les horaires de travail de M. Y qui était adjoint au responsable du bureau d’études puis responsable du bureau d’études. Surtout, M. Y ne produit aucun tableau récapitulatif de ses horaires de travail, jour par jour ou a minima semaine par semaine, tenant compte des jours réellement travaillés hors jours fériés, congés payés, absences etc ; il se borne à une évaluation forfaitaire mensuelle de ses heures supplémentaires, sur toute la durée non prescrite, ce qui le conduit à réclamer des heures supplémentaires pendant des jours non travaillés.
La cour estime donc que les éléments fournis par M. Y sont insuffisamment précis pour permettre un débat contradictoire, et, confirmant le jugement, déboutera le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires.
Par suite, en l’absence d’heures supplémentaires impayées, la cour déboutera également M. Y de sa demande au titre du travail dissimulé, le jugement étant confirmé de ce chef.
2 – Sur le licenciement :
Dans sa lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, l’employeur a licencié le salarié pour faute grave. La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l’entreprise ; la charge de la preuve de la faute grave pèse sur l’employeur.
La lettre de licenciement pour faute grave était ainsi rédigée :
‘Vous travaillez au sein de notre société en qualité de responsable bureau d’études relevant de la catégorie des cadres – position C, coefficient 130.
A ce titre, il vous appartient de réaliser les travaux qui vous sont confiés dans les règles de l’art et avec toute l’attention et l’application qu’ils requièrent.
Votre rémunération mensuelle brute s’établit à 4794 € bruts.
Etonné puis agacé de constater que depuis le début de l’année 2017, vous réalisez en moyenne deux fois moins d’études que votre collègue de travail, pourtant moins qualifié que vous, nous avons cherché à en comprendre la cause.
En examinant les connexions internet de votre ordinateur professionnel, nous nous sommes alors rendu compte que vous passiez de très nombreuses heures à naviguer sur Internet pour des motifs totalement étrangers à votre activité professionnelle.
Nous avons alors missionné un huissier de justice qui a relevé vos horaires de navigation jour par jour du 7 septembre au 13 octobre 2017.
Nous lui avons aussi communiqué vos horaires de navigation du 24 au 29 Août 2017.
La lecture de ces relevés est éloquente.
L’huissier de justice a ainsi pu constater que, chaque jour de travail, vous vous connectiez tout au long de la journée et pour des durées plus ou moins longues et parfois plusieurs heures sur différents sites.
Ces connexions concernaient votre boîte mail personnelle Y.D@gmail.com mais aussi des téléchargements de films, des visites sur AMAZON, l’organisation de rencontres de tennis de table etc… Pour ne prendre que la journée du 13 octobre, vos connexions personnelles ont démarré à 8h20 jusqu’à 8h51, ont repris à 11h05 pour s’interrompre à 11h17 puis à nouveau de 15h42 jusqu’à 16h39. C’est donc 1h45 sur la journée qui a été passé à surfer sur Internet, en pleine journée de travail, sans aucun motif valable.
Malheureusement, cet exemple n’est pas isolé et chaque jour de chaque semaine sur la période courant du 24 août 2017 au 13 octobre 2017 contient de nombreuses plages de surf sur Internet à des fins personnelles. Cela est inadmissible à double titre.
Vous êtes responsable du bureau d’études et vous travaillez avec un collaborateur non cadre auprès duquel vous devez vous montrer exemplaire.
C’est l’inverse qui se produit, ce collaborateur ne comprenant pas qu’il chiffre deux fois plus alors que vous devriez travailler au moins au même rythme.
Votre rémunération est en outre largement supérieur au salaire minimum conventionnel de la catégorie, nous attendons donc de votre part un réel investissement de travail et à tout le moins que votre temps de travail payé soit exclusivement consacré à l’exécution de vos missions.
Lors de l’entretien préalable, vous avez expliqué que vous étiez démotivé car nous avions refusé de vous accorder une augmentation de salaire et un nouveau véhicule de fonction.
Cette explication ne justifie pas votre désengagement de l’entreprise alors que vous êtes l’un des trois cadres qu’elle compte.
Vous avez également indiqué que si les études que vous chiffriez étaient moindres que celle de votre subordonné, c’est en raison du contrôle que nous effectuiez sur son travail.
Nous avons alors souligné que pendant ce contrôle réalisé avec lui, il ne chiffrait donc pas.
S’agissant enfin des connections, vous avez soutenu que vous vous connectiez mais que vous continuiez à travailler en laissant la connexion active.
La lecture des relevés montre au contraire que vous passiez d’un site à l’autre fréquemment sur les plages de surf, ce qui est incompatible avec un travail sérieux pour l’entreprise ».
La SAS SLB a, le 13 octobre 2017, fait établir par Me Barthe, huissier de justice à Saint Gaudens, un constat. En présence de M. B, président de la SAS SLB, Me Barthe a indiqué effectuer des constatations sur le poste informatique utilisé par M. Y après avoir tapé ‘D’ et d’être connecté à sa session. A partir de l’onglet ‘historique’, il a relevé que M. Y s’était connecté à différents sites commerciaux (Amazon, sites de téléchargement de films) et à sa boîte mail personnelle (Y.D@gmail.com) tout au long de la journée et durant ses horaires de travail, restant connecté parfois pendant plusieurs heures dans la journée. Il a joint l’historique de connexion du 7 septembre au 12 octobre 2017 qu’il a imprimé, ainsi que l’historique de connexion du 24 au 29 août 2017 imprimé par M. B lui-même.
M. Y estime que ce procès-verbal d’huissier est irrecevable aux motifs qu’il a été dressé en présence du président de la société et en l’absence du salarié, que l’huissier a usé d’un ‘stratagème’ pour se faire passer pour le salarié en tapant le mot de passe ‘D’, qui est un attribut personnel, et accéder au contenu privé de l’ordinateur, que le procès-verbal ne mentionne pas l’adresse IP, ni l’existence d’un serveur Proxy, ni les diligences techniques préalables imposées par la norme AFNOR, de sorte qu’il n’est pas établi que l’ordinateur examiné soit celui utilisé par M. Y, que les impressions d’écran sont inexploitables, qu’il n’est pas établi que l’historique du 24 au 29 août 2017 émane de l’ordinateur de M. Y, et que la SAS SLB ne justifie pas avoir consulté et informé le comité d’entreprise des modalités de contrôle de l’utilisation d’Internet ni avoir effectué une déclaration à la CNIL.
Or, pour être valable, il n’est pas nécessaire qu’un constat d’huissier soit établi de manière contradictoire ; il n’était donc pas indispensable que M. Y soit présent ; en pratique, il était nécessaire qu’un représentant de la société soit présent pour permettre à l’huissier d’accéder aux locaux de la société et au matériel informatique, mais il n’est pas établi que M. B aurait influé les constatations de l’huissier. L’huissier s’est connecté sur l’ordinateur que M. B lui a indiqué comme étant celui de M. Y, sans utilisation d’un stratagème puisqu’il suffisait d’indiquer le prénom de l’utilisateur ‘D’ pour se connecter ; c’est donc bien l’ordinateur utilisé par M. Y qui était examiné. Il s’agissait d’un ordinateur professionnel appartenant à la SAS SLB et non d’un ordinateur appartenant personnellement à M. Y, et l’huissier pouvait accéder aux fichiers figurant sur cet ordinateur sauf s’ils étaient expressément identifiés comme ‘personnels’, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Il s’est borné à examiner le disque dur contenant l’historique des recherches sur Internet, sans aller lui-même sur Internet, de sorte que les vérifications préalables sur le flux Internet et le respect des normes AFNOR sur le mode opératoire de procès-verbal de constat sur Internet n’avaient pas lieu d’être. Certes, l’huissier a annexé un historique de connexion remis par M. B sur la période du 24 au 29 août 2017, mais surtout il en a imprimé un personnellement sur la période du 7 septembre au 12 octobre 2017, ce dernier historique étant parfaitement probant. Enfin, la SAS SLB n’avait pas mis en place de modalités de contrôle de l’utilisation d’Internet, ni récolté de données personnelles sur les salariés, mais seulement rappelé, dans son règlement intérieur, que l’utilisation d’Internet était réservée à un usage professionnel, de sorte qu’aucune consultation des institutions représentatives du personnel ni aucune déclaration à la CNIL ne devaient être effectuées.
Il n’y a donc pas lieu d’écarter des débats le constat d’huissier.
Le règlement intérieur réservait l’utilisation d’Internet à un usage professionnel et interdisait la consultation de sites Internet à des fins personnelles ; il indiquait qu’étaient notamment considérés comme fautifs, sans que cette liste ne soit limitative, la consultation de sites pornographiques, xénophobes, racistes, de jeux d’argent, le téléchargement d’informations ou logiciels ou documents à des fins personnelles, et la communication d’informations confidentielles sans respect des procédures et l’utilisation d’Internet dans des conditions susceptibles de porter atteinte à l’image de la société. Or, en l’espèce, il ressort du constat d’huissier que M. Y s’est connecté, pendant ses heures de travail, à de nombreuses reprises et pendant de longues durées, sur sa boîte mail personnelle et sur des sites Internet sans aucun rapport avec son activité professionnelle (sites commerciaux tels qu’Amazon ou Darty, sites de sport, sites de téléchargement illégaux de films etc…), peu important de savoir si M. Y avait ou non effectivement téléchargé illégalement des films.
M. Y soutient que la SAS SLB ne démontre pas qu’il ne pouvait pas travailler en laissant une connexion active.
La SAS SLB réplique que la multiplicité des sites consultés, M. Y passant de l’un à l’autre, était de nature à perturber son travail, et produit un document intitulé ‘ratio services études du 01/02/2017 au 13/10/2017’ comparant le nombre de dossiers traités par M. Y avec celui traité par M. C, le premier en ayant traité moins que le second. Toutefois, les deux salariés n’ayant pas les mêmes fonctions puisque le premier était responsable du bureau d’études et le second métreur-chargé d’études de prix gros oeuvre, la comparaison n’est pas probante.
La cour estime donc que les faits sont avérés. Toutefois, eu égard à l’absence d’antécédent disciplinaire et à la nature de la faute, la cour estime que cette faute n’est pas une faute grave mais une simple faute constitutive d’une cause réelle et sérieuse de licenciement.
3 – Sur les conséquences financières du licenciement :
Le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, le jugement sera confirmé sur le débouté au titre des dommages et intérêts.
M. Y allègue un salaire mensuel de 4.794,80 € bruts que la SAS SLB ne discute pas.
Le licenciement ne reposant pas sur une faute grave, le salarié pouvait prétendre à :
– un rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire de 1.618,37 € (octobre 2017) + 814,16 € (novembre 2017) = 2.432,53 € bruts outre congés payés de 243,25 € bruts;
– une indemnité compensatrice de préavis de 3 mois en application de la convention collective des cadres du bâtiment, le salarié ayant au moins 2 ans d’ancienneté, soit 14.384,40 € bruts, outre congés payés de 1.438,44 € bruts ;
– une indemnité de licenciement égale à 3/10e de mois de salaire par année d’ancienneté, le salarié ayant une ancienneté comprise entre 2 et 10 ans, soit 7.911,42€.
L’employeur qui perd en partie au principal supportera les entiers dépens de première instance et d’appel, ainsi que ses frais irrépétibles, et ceux exposés par le salarié soit 2.500 €.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes au titre des heures supplémentaires outre congés payés, de l’indemnité pour travail dissimulé et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et a débouté la SAS SLB de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à déclarer irrecevable le constat d’huissier du 13 octobre 2017,
Dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave mais qu’il reposait sur une faute constitutive d’une cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS SLB à payer à M. D Y les sommes suivantes :
– 2.432,53 € bruts au titre de la mise à pied conservatoire, outre 243,25 € bruts de congés payés,
– 14.384,40 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1.438,44 € bruts de congés payés,
– 7.911,42 € d’indemnité de licenciement,
– 2.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS SLB aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine BRISSET, présidente, et par Arielle RAVEANE, greffière.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
A. RAVEANE C. BRISSET
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