Cour d’appel de Toulouse, 19 janvier 2024
Cour d’appel de Toulouse, 19 janvier 2024

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Toulouse

Thématique : Droit d’accès aux publications Facebook du salarié

Résumé

Dans cette affaire, le licenciement de Mme [F], coiffeuse, a été contesté pour faute grave, notamment en raison de propos tenus sur Facebook. Bien que la page soit privée, l’employeur a pu prouver que les propos étaient accessibles à des tiers, justifiant ainsi la sanction. Le tribunal a requalifié le licenciement en absence de cause réelle et sérieuse, en raison d’une double sanction. Mme [F] a obtenu des indemnités pour licenciement abusif, tandis que l’employeur a été condamné à verser des rappels de salaire et des dommages et intérêts pour irrégularité de procédure.

Même si la page Facebook d’un salarié est configurée en mode privé, l’employeur peut le sanctionner sur le fondement de tout compte publié sur les réseaux sociaux, dès lors qu’il a obtenu la preuve de manière loyale, que l’atteinte au droit au respect de la vie privée est proportionnée à l’objectif poursuivi par lui et que la collecte de la preuve est strictement nécessaire à la poursuite de l’objectif.

Mme [U] [F] a été embauchée en tant que coiffeuse par Mme [B] [L] le 3 novembre 2016. Suite à une procédure disciplinaire, elle a été licenciée pour faute grave le 16 juin 2017. Mme [F] a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes de Toulouse, qui a requalifié la rupture du contrat en licenciement pour cause réelle et sérieuse. Des sommes ont été allouées à Mme [F] au titre de diverses indemnités. Mme [L] a interjeté appel de ce jugement, demandant la confirmation de certaines décisions et la réformation sur d’autres points. Mme [F] a également interjeté appel, demandant notamment un rappel de salaire, des heures supplémentaires non rémunérées, et des dommages et intérêts pour licenciement nul. L’affaire est en attente de jugement de la Cour d’appel de Toulouse.

Les points essentiels

Classification conventionnelle

Dans cette affaire, le litige porte sur la classification professionnelle d’une salariée dans le secteur de la coiffure. La salariée revendique le statut de manager confirmé, tandis que l’employeur l’a classée en tant que coiffeuse très hautement qualifiée. Après examen des fonctions effectivement exercées par la salariée, le tribunal a confirmé la classification initiale, jugée appropriée aux missions effectuées.

Heures supplémentaires

La salariée réclame le paiement de 194 heures supplémentaires non rémunérées sur une période de 7 mois. Cependant, après analyse des éléments fournis par les deux parties, le tribunal a conclu qu’il n’était pas établi que ces heures supplémentaires avaient effectivement été réalisées. Par conséquent, la salariée a été déboutée de ses demandes de rappels de salaire pour heures supplémentaires.

Licenciement

Le licenciement de la salariée a été contesté pour violation d’une liberté fondamentale et pour absence de cause réelle et sérieuse. Le tribunal a jugé que le licenciement était justifié, notamment en raison de propos diffamatoires tenus sur les réseaux sociaux par la salariée. Cependant, le licenciement a été déclaré sans cause réelle et sérieuse en raison d’une double sanction infligée par l’employeur.

Indemnisation

En l’absence de reclassification conventionnelle, l’employeur a été condamné à verser à la salariée des rappels de salaire, une indemnité de préavis et des dommages et intérêts pour irrégularité de procédure et licenciement sans cause réelle et sérieuse. La salariée a également obtenu des dommages et intérêts pour licenciement abusif, malgré une demande de dommages et intérêts rejetée pour caractère vexatoire du licenciement.

Demandes annexes

Enfin, l’employeur a été condamné à remettre à la salariée des documents sociaux conformes, sans astreinte. Des frais non compris dans les dépens ont été indemnisés, et l’employeur a été condamné aux dépens d’appel.

Les montants alloués dans cette affaire: – M. [X] [H] est condamné aux dépens d’appel.
– Pas d’application de l’article 700 du code de procédure civile, donc pas de somme allouée à ce titre.

Réglementation applicable

En application de l’article L 1121-1 du code du travail et de l’article 10 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.

De même le salarié a droit au respect de sa vie privée.

En cas de pluralité de motifs de licenciement, l’atteinte à une liberté fondamentale causée par l’un des griefs emporte la nullité de la rupture.

Aux termes de l’article L 1232-6 du code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer dans la lettre de licenciement, le ou les motifs du licenciement. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Corinne GABRIEL
– Me Margaux PIANTONI

Mots clefs associés & définitions

– Uber B.V.
– Uber France SAS
– Conducteur VTC
– Contrat de partenariat commercial
– Application électronique
– Conseil de prud’hommes de Paris
– Tribunal de commerce de Paris
– Requalification de contrat en contrat de travail
– Indemnités
– Juridiction compétente
– Article 700 du code de procédure civile
– Dépens
– Appel
– Assignation à jour fixe
– Audience
– Pièces adverses
– Article 568 du code de procédure civile
– Mise en état

– Uber B.V.: société néerlandaise exploitant la plateforme Uber
– Uber France SAS: filiale française de la société Uber
– Conducteur VTC: chauffeur de véhicule de transport avec chauffeur
– Contrat de partenariat commercial: accord entre deux parties pour collaborer dans le cadre d’une activité commerciale
– Application électronique: logiciel permettant d’accéder à des services en ligne
– Conseil de prud’hommes de Paris: juridiction compétente pour les litiges relatifs au droit du travail à Paris
– Tribunal de commerce de Paris: juridiction compétente pour les litiges commerciaux à Paris
– Requalification de contrat en contrat de travail: changement de la nature d’un contrat de prestation de services en contrat de travail
– Indemnités: sommes versées en compensation d’un préjudice subi
– Juridiction compétente: tribunal ou cour ayant la compétence pour juger un litige
– Article 700 du code de procédure civile: disposition permettant au juge d’allouer une somme à une partie pour ses frais de justice
– Dépens: frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Appel: recours permettant à une partie de contester une décision de justice devant une juridiction supérieure
– Assignation à jour fixe: convocation à comparaître à une date précise devant un tribunal
– Audience: séance au cours de laquelle les parties exposent leurs arguments devant le tribunal
– Pièces adverses: documents présentés par la partie adverse dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Article 568 du code de procédure civile: disposition relative à la mise en état d’une affaire devant le tribunal

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

19 janvier 2024
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
23/02698
19/01/2024

ARRÊT N° 2024/20

N° RG 23/02698 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PTK3

MD/CD

Décision déférée du 15 Octobre 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 19/01021)

P. MUNOZ

Section Encadrement

[B] [L]

C/

[U] [F]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 19/1/24

à Me GABRIEL, Me PIANTONI

Le 19/1/24

Ccc à Pôle Emploi

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

*

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

*

ARRÊT DU DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE

*

APPELANTE

Madame [B] [L]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Corinne GABRIEL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM »E

Madame [U] [F]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Margaux PIANTONI de l’AARPI FAIVRE-VILOTTE & PIANTONI ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2021.003727 du 22/02/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant , M. DARIES, conseillère chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUM », présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par S. BLUM », présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
FAITS ET PROCÉDURE

Mme [U] [F] a été embauchée le 3 novembre 2016 par Mme [B] [L], gérante du commerce Mod’Passion, en qualité de coiffeuse suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale de la coiffure.

Par courrier du 24 mai 2017, Mme [L] a notifié à Mme [F] l’engagement d’une procédure de sanction disciplinaire à son égard ainsi que sa mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier du 29 mai 2017, Mme [L] a convoqué Mme [F] à un entretien préalable à sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement fixé le 8 juin 2017.

Mme [F] a été licenciée par courrier du 16 juin 2017 pour faute grave.

Mme [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 4 août 2017 pour contester son licenciement, et demander le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section encadrement, par jugement du 15 octobre 2020 :

In limine litis,

– s’est déclaré incompétent quant à la demande reconventionnelle de Mme [L] au profit du tribunal correctionnel de Toulouse.

Sur le fond, a:

– dit que Mme [F] ne pouvait prétendre à un statut de cadre,

– débouté Mme [F] de ses demandes de requalification de son statut et de son salaire mensuel,

– jugé que le licenciement pour faute grave de Mme [F] est infondé mais fondé au titre de la cause réelle et sérieuse,

– requalifié la rupture du contrat de travail de Mme [F] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

– condamné Mme [L] à payer à Mme [F] les sommes de :

1376,68 euros brut au titre du remboursement de la mise à pied conservatoire,

137,67 euros brut au titre des congés payés y afférents,

5400 euros brut au titre du préavis,

540 euros brut au titre des congés payés y afférents.

– jugé que le surplus des demandes de Mme [F] est infondé,

– débouté Mme [F] du surplus de ses demandes,

– ordonné à Mme [L] d’établir l’ensemble des documents sociaux rectificatifs et le bulletin de paie y afférent de Mme [F], sans astreinte,

– jugé que Mme [F] n’apporte aucun élément probant concernant la somme réclamée au titre de l’article 700 du code de procédure civile mais qu’elle a dû néanmoins engager des frais pour faire valoir ses droits,

– condamné Mme [L] à payer à Mme [F] la somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– jugé que Mme [L], qui de plus succombe en partie, n’apporte n’apporte aucun élément probant concernant la somme réclamée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Mme [L] de sa demande d’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné aux entiers dépens Mme [L].

Par déclaration du 26 novembre 2020, Mme [B] [L] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 28 octobre 2020, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

Par ordonnance de référé du 24 mars 2021, la Cour d’appel de Toulouse a débouté Mme [L] de sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire.

Par ordonnance du 23 juillet 2021, la chambre sociale de la Cour d’appel de Toulouse a ordonné la radiation de l’affaire du rôle, faute de diligence des parties.

L’affaire a été réinscrite au rôle par conclusions du 15 juillet 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 15 juillet 2023, Mme [B] [L] demande à la cour de :

– réinscrire l’affaire au rôle de la chambre sociale de la cour d’appel,

– déclarer l’appel recevable,

– confirmer le jugement entrepris en ce que :

* Mme [F] a été déboutée de ses demandes de dommages et intérêts au titre du manquement à l’obligation de sécurité,

* les demandes de Mme [F] de requalification de son statut et de son salaire sont infondées, et que Mme [F] a été déboutée de ses demandes de ces chefs,

* les demandes de Mme [F] concernant le paiement d’heures supplémentaires et de dommages et intérêts pour travail dissimulé ont été déclarées infondées, et que Mme [F] a été déboutée de ses demandes de ces chefs,

* jugé la mise à pied à titre conservatoire et la procédure de licenciement régulières, et débouté Mme [F] de ses demandes à ce titre,

* débouté Mme [F] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

– réformer le jugement entrepris sur les autres chefs.

Statuant à nouveau:

– juger le licenciement pour faute grave de Mme [F] fondé, et la débouter en conséquence de l’intégralité de ses demandes à ce titre,

A titre subsidiaire si la Cour confirmait la requalification de la rupture du contrat de travail de Mme [F] en licenciement pour cause réelle et sérieuse :

– juger que le montant des condamnations prononcées au titre du préavis et congés payés afférents ne saurait être supérieur à 1 mois de salaire, soit 1800 euros bruts au titre du préavis et 180 euros bruts au titre des congés payés afférents.

En tout état de cause:

– condamner Mme [F] à lui verser la somme de 3500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [F] aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 28 juillet 2023, Mme [U] [F] demande à la cour de :

– la déclarer recevable en son appel incident,

– réformer le jugement en ce qu’il :

* a dit qu’elle ne pouvait prétendre à un statut de cadre,

* l’a déboutée de ses demandes de requalification de son statut et de son salaire mensuel,

* a jugé que son licenciement pour faute grave est infondé mais fondé au titre d’une cause réelle et sérieuse,

* a requalifié la rupture de son contrat de travail en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

* a condamné Mme [L] à lui payer les sommes de :

1376,68 euros brut au titre du remboursement de la mise à pied conservatoire

137,67 euros brut au titre des congés payés y afférents

5400 euros brut au titre du préavis

540 euros brut au titre des congés payés y afférents.

* a jugé le surplus de ses demandes infondé,

* l’a déboutée du surplus de ses demandes.

– confirmer le jugement pour le surplus.

Statuant à nouveau comme suit :

Sur l’exécution du contrat de travail,

– juger que les fonctions qu’elle exerçait réellement relèvent du niveau 3 échelon 2 de la grille des emplois de la convention collective nationale de la coiffure, correspondant à une rémunération de 2 289 euros bruts par mois,

– fixer le salaire de référence à prendre en compte à 2 289 euros brut par mois.

En conséquence,

– condamner Mme [L] à lui payer un rappel de salaire à hauteur de 3 215,59 euros outre 321,56 euros de congés payés y afférents,

– juger qu’elle a effectué des heures supplémentaires non rémunérées,

– juger que Mme [L] a commis l’infraction de travail dissimulé.

En conséquence,

– condamner à titre principal Mme [L] à lui verser une somme de 3659,33 euros à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre 365,93 euros de congés payés y afférents, et subsidiairement, si la Cour ne faisait pas droit à la demande de revalorisation salariale, au paiement d’une somme de 2 878,48 euros outre 287,84 euros de congés payés y afférents,

– condamner à titre principal Mme [L] à lui verser une indemnité de 13.734 euros au titre du travail dissimulé, et subsidiairement, si la Cour ne faisait pas droit à la demande de revalorisation salariale, au paiement d’une indemnité de 10 800 euros au titre du travail dissimulé.

Sur le licenciement,

A titre principal,

– juger que son licenciement pour faute est nul en vertu de l’article L1235-3-1 du code du travail pour violation de la liberté d’expression et de la vie privée de la salariée.

En conséquence,

– condamner Mme [L] à lui verser une somme de 13734 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, et subsidiairement, si la Cour ne faisait pas droit à la demande de revalorisation salariale, au paiement d’une somme de 10 800 euros.

A titre subsidiaire,

– juger que la mise à pied à titre conservatoire doit être requalifiée en une mise à pied disciplinaire.

En conséquence,

– juger que son licenciement doit être requalifié en un licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l’épuisement du pouvoir disciplinaire de l’employeur.

A titre infiniment subsidiaire,

– déclarer irrecevable la pièce rapportant les propos tenus par la salariée sur Facebook en raison de la violation du principe de la loyauté de la preuve,

– juger que la matérialité, l’imputabilité et la gravité des faits qui lui sont reprochés ne sont pas rapportées,

– juger que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

– condamner à titre principal Mme [L] à lui verser une somme de 6 867 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et subsidiairement, si la Cour ne faisait pas droit à la demande de revalorisation salariale, au paiement d’une somme de 5400 euros.

En toutes hypothèses,

– annuler la mise à pied disciplinaire ou conservatoire,

– juger que son licenciement a été brutal et vexatoire,

– juger que son licenciement est irrégulier.

En conséquence,

– condamner à titre principal Mme [L] à lui verser une somme de 1750,44 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied, outre 175,04 euros de congés payés y afférents, et subsidiairement, si la Cour ne faisait pas droit à la demande de revalorisation salariale, confirmer le jugement entrepris,

– condamner à titre principal Mme [L] à lui verser une somme de 6867 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 686,70 euros de congés payés y afférents, et subsidiairement, si la Cour ne faisait pas droit à la demande de revalorisation salariale, confirmer le jugement entrepris,

– condamner Mme [L] à lui verser une somme de 5000 euros au titre du préjudice distinct résultant du licenciement brutal et vexatoire,

– condamner à titre principal Mme [L] à lui verser une somme de 2289 euros au titre de l’indemnité pour licenciement irrégulier, et subsidiairement, si la Cour ne faisait pas droit à la demande de revalorisation salariale, au paiement d’une somme de 1 800 euros,

– condamner Mme [L] à établir les documents de fin de contrat rectificatifs et le bulletin de paie y afférent sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

– condamner Mme [L] à lui verser une somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [L] aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 10 novembre 2023.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION

Sur la classification conventionnelle 

En cas de différend sur la catégorie professionnelle d’une convention collective qui doit être attribuée à un salarié, il convient de rechercher la nature de l’emploi effectivement occupé et la qualification qu’elle requiert. Il appartient au salarié d’apporter la preuve qu’il exerce effectivement les fonctions correspondant à la qualification qu’il revendique

Mme [F] expose que Mme [L] exerçant à [Localité 4] une activité de vente de détail d’habillement a créé à compter de novembre 2016 au sein de son magasin un espace dédié à la coiffure ‘salon Mod’Passion’ pour lequel elle n’avait pas de qualification réglementaire, ce qui n’est pas dénié par Mme [L].

Mme [F] a donc été engagée en qualité de coiffeuse très hautement qualifiée au coefficient II échelon 3, statut agent de maîtrise, pour un salaire brut mensuel de 1800 euros pour 35 heures hebdomadaires.

Elle dispose des diplômes utiles (CAP coiffure du 03-07-2000 – diplôme brevet professionnel coiffure option styliste visagiste depuis 2002) et d’une expérience professionnelle de 20 ans (certificats de travail salons de coiffure Constans – Jean Louis David – Malagnou Coiffures).

L’intimée allègue ne pas avoir été embauchée au coefficient conventionnel aux fonctions exercées soit le niveau III échelon 2, de manager confirmé qu’elle revendique.

Selon la grille de classification de la convention collective nationale de la coiffure et profession connexes , les emplois sont classés en trois niveaux et trois échelons:

Niveau I :

échelon 1: coiffeur débutant – échelon 2: coiffeur – échelon 3: coiffeur confirmé.

Niveau II :

échelon 1: coiffeur qualifié ou technicien – échelon 2: coiffeur hautement qualifié ou technicien qualifié – échelon 3: coiffeur très hautement qualifié ou assistant manager ou technicien hautement qualifié.

Niveau III :

échelon 1: manager – échelon 2: manager confirmé ou animateur de réseau ‘ échelon 3: manager hautement qualifié ou animateur de réseau confirmé.

Au niveau II échelon 3, le coiffeur très hautement qualifié doit faire face aux situations sans assistance hiérarchique mais sous le contrôle de son supérieur hiérarchique et doit prendre les initiatives nécessaires aux différents modes opératoires en accord avec son supérieur hiérarchique.

Les compétences requises sont de maîtriser la polyvalence et l’organiser sur les actes techniques de coiffure et de services, maîtriser la gestion des stocks et de caisse, savoir gérer et suivre une action commerciale, maîtriser la gestion du client, appliquer les règles d’hygiène et de sécurité.

Les tâches exercées sont la maîtrise des outils et supports liés à son activité, la gestion et l’optimisation des stocks produits, des outils de caisse, le tutorat d’un jeune en alternance, savoir écouter, motiver l’équipe dans l’atteinte des objectifs fixés, assister à la mise en ‘uvre des opérations commerciales décidées par le chef d’entreprise.

Au niveau III échelon 2, le manager confirmé fait face aux situations sans assistance hiérarchique mais sous le contrôle de celui-ci, sait prendre les initiatives nécessaires aux différents modes opératoires en rendant compte au supérieur hiérarchique, assume les erreurs et décisions prises, participe à la performance opérationnelle des entités sous sa responsabilité, prend les décisions opérationnelles appropriées.

Les compétences requises sont de maîtriser la gestion clients, de posséder les compétences nécessaires à la gestion des stocks, à l’application de la réglementation économique et sociale, d’optimiser les relations humaines et maîtriser les techniques pour atteindre les objectifs, de savoir lire et préparer un tableau de bord. Il exerce des fonctions d’encadrement.

Les tâches exercées sont de structurer les ressources humaines et matérielles, analyser, synthétiser et rédiger les rapports d’activité, convaincre en vue d’atteindre les objectifs fixés, élaborer une fiche de poste de travail et participer au recrutement des salariés et à leur intégration dans l’entreprise, élaborer un plan d’action commerciale.

La rémunération minimale est de 2248 €uros.

Le fait que les parties aient discuté lors du recrutement du coefficient applicable et que Mme [F] ait adressé par sms du 17 octobre 2016, la grille des salaires en entourant l’échelon de coiffeur hautement qualifié ou assistant manager, n’exclut pas une modification de la classification au regard des fonctions effectivement exercées.

Mme [F] soutient qu’elle bénéficiait d’une pleine autonomie dans la gestion de ce salon, Mme [L] lui ayant confié la responsabilité au niveau de la coiffure et des techniques à appliquer, de la gestion des stocks, des clients ou de la valorisation du salon.

Il est constant que l’employeur n’ayant pas les compétences professionnelles nécessaires pour exercer en tant que coiffeur, l’intimée, du fait de ses diplômes et de son expérience, disposait d’une liberté d’exercice et d’initiative plus importante qu’un simple technicien et elle avait en charge la gestion de la clientèle.

Le fait d’avoir récupéré des produits chez des fournisseurs ne démontre pas, contrairement à ce qu’elle affirme, qu’elle passait l’intégralité des commandes par téléphone, ce qui est contesté par Mme [L], laquelle réplique qu’elle se chargeait des commandes et achats suite aux demandes de réassort de produits de la salariée. Elle produit ainsi une attestation du responsable du magasin Boy Diffusion, certifiant que Mme [L] avait l’habitude de venir au magasin pour effectuer les achats pour les besoins du salon.

L’appelante ajoute qu’elle effectuait chaque soir la caisse du salon et la comptabilité.

Mme [F] n’effectuait donc aucune gestion comptable ou salariale et elle n’établit pas avoir déterminé la politique du salon ou des objectifs, le simple fait de distribuer des flyers pour publicité des techniques de coiffure réalisées au sein du salon ne permettant pas de le caractériser.

Elle n’avait pas de fonction d’encadrement, étant seule salariée.

Quant au tutorat qu’elle a exercé dans le cadre d’une convention relative à l’organisation de séquences d’observation en milieu professionnel, cette mission relève de la compétence du coiffeur hautement qualifié.

Enfin l’intimée fait valoir qu’elle a précédemment exercé les fonctions de manager, en produisant une attestation de Mme [D], coiffeuse, selon laquelle Mme [F] aurait été son manager au salon Jean-Claude Aubry en 2012. Or il n’est pas communiqué de certificat de travail en ce sens et en tout état de cause, seules les fonctions effectivement accomplies sont déterminantes pour apprécier le niveau de classification.

Au regard des éléments développés, le niveau attribué à l’embauche est approprié aux missions exercées.

Mme [F] sera donc déboutée de ses demandes au titre d’une reclassification conventionnelle au statut cadre par confirmation du jugement déféré.

Sur les heures supplémentaires

L’article L 3171-4 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié . Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié au soutien de sa demande, le juge forge sa conviction, après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Les horaires de travail contractuel étaient fixés le lundi de 14 heures à 18 heures, les mardi, jeudi, vendredi et samedi de 09 heures 30 à 18 heures, le mercredi étant jour de repos.

Mme [F] soutient avoir accompli 194 heures supplémentaires non rémunérées, déduction faite de quelques mercredis travaillés et récupérés, pendant 7 mois et à cet effet elle produit:

– un tableau manuscrit des heures effectuées du 03-11-2016 au 31-05-2017 par mois et selon les jours de la semaine, précisant qu’elle embauchait tous les matins à 09 H pour coiffer la patronne avant l’arrivée des clients et pour distribuer des prospectus du salon sur le parking du centre commercial et du collège se situant en face.

– des attestations:

– Mme [H] [G], ancienne salariée :

« J’ai été embauchée dans l’entreprise de Mme [L] le vendredi où Mme [F] a été mise a pied, je me trouvais à l’intérieur du salon pour commencer ma première journée de travail. Pendant 1 mois Mme [L] n’a pas voulu me déclarer et m’a payée que pour quelques heures de travail, alors que j’ai travaillé tout le mois du lundi après-midi au samedi de 9H à 19H. Mon CDI a pris effet que le 15 juin 2017. Je certifie que les attestations faites par Mme [L] auprès des clientes à l’encontre de Mme [F] sont injustifiées. Puisque moi-même ai effectué un certain nombre d’heures qui n’ont jamais été payées. Pour la raison où j’ai mis fin à mon contrat en pleine période d’essai, et que je suis toujours dans l’attente de mes reversements de salaire et d’heures supplémentaires que Mme [L] refuse de me payer. Cette attestation contre atteste l’attestation que j’ai faite à Mme [L] sous son influence ainsi que j’ai pu marquer.  »,

Mme [K], voisine de Mme [F], indique qu’il lui arrivait de croiser « Mme [F] rentrer tard du travail avec sa fille plusieurs fois  ».

Les éléments versés par la salariée sont suffisamment précis pour que l’employeur y réponde.

Mme [L] réfute tout accomplissement d’heures supplémentaires n’ayant pas donné lieu à compensation ou rémunération, les quelques mercredis travaillés (2 fois au mois de décembre 2016) ayant fait l’objet de récupération. Elle verse le carnet de rendez-vous sur la période d’emploi de Mme [F], en original et copie et des fiches d’heures remplies et signées.

A la lecture du carnet de rendez-vous, il ne ressort pas un dépassement horaire de travail, certains jours comportant un nombre très limité de rendez-vous par rapport à l’amplitude horaire, le premier rendez-vous étant au plus tôt à 09 heures 30 et le dernier au plus tard à 17 heures 30, le carnet mentionnant également les absences.

Selon compte-rendu de l’entretien préalable, signé du seul conseiller de la salariée, Mme [L] a ‘ reproché à Mme [F] de ne pas assez remplir le carnet de rendez-vous et de ne pas être disponible quand il y a beaucoup de rendez-vous hors du temps de travail’, ce qui tend à corréler les mentions du carnet.

S’il résulte de l’examen des feuilles mensuelles pour heures supplémentaires, retards et absences établies pour les mois de novembre 2016 à mars 2017, des similudes entre les signatures contestées de Mme [F] sur chaque feuille, celles-ci ne permettent pas d’établir qu’elles ont fait l’objet, comme l’intimée l’allègue, d’un ‘copié-collé’.

Mme [L] reconnaît l’accomplissement d’heures supplémentaires:

. les mercredis 21 et 28 décembre 2016 pour 8H15 mais les parties s’accordent pour dire que les heures réalisées ont fait l’objet d’une récupération,

. le lundi 07 février 2017 pour 1 heure,

. le vendredi 21 avril 2017 pour 30 minutes,

. le samedi 06 mai 2017 pour 15 minutes,

mais concomittament elle retient des retards et absences en novembre et décembre 2016, janvier, février et mai 2017 qui mettent à néant le surplus horaire accompli ponctuellement.

Ces éléments sont donc en contradiction avec le tableau manuscrit de Mme [F] qui n’établit pas, tel qu’elle l’invoque, que:

. elle devait arriver une demi-heure plus tôt chaque jour pour peigner sa patronne,

. M. [J], époux de Mme [L] allait fréquemment chercher sa fille à 16 heures pour qu’elle travaille jusqu’à 18H30.

Elle reconnaît par ailleurs des absences liées à la maladie de sa fille en décembre 2016, un retard de 30 minutes suite au retour d’un voyage en janvier 2017.

L’attestation de Mme [G], qui a remplacé Mme [F], ne peut être retenue, d’une part car elle ne concerne que sa propre situation et d’autre part car elle avait préalablement attesté en faveur de l’employeur en écrivant que les heures supplémentaires au bon vouloir de l’employée sont payées ou récupérables selon l’entente des deux parties.

De même le témoignage de la voisine indiquant avoir rencontré tardivement Mme [F] avec sa fille, ne permet pas de démontrer que la tardiveté était due à l’accomplissement d’heures supplémentaires.

Enfin, selon d’autres témoignages, Mme [F] n’était pas présente au salon avant 09 heures 30 ni après 18 heures 30, ce qui est conforté par les horaires de rendez-vous du carnet et avait pu refuser des clients pour finir à l’heure.

Les retards ou absences s’évincent en outre des échanges de sms et mails avec l’employeur communiqués à la procédure.

Ainsi, au vu de l’ensemble des éléments développés, il n’est pas établi que Mme [F] a accompli des heures supplémentaires et elle sera déboutée de ses demandes de rappels de salaire et de ce fait au titre du travail dissimulé, par confirmation du jugement déféré.

Sur le licenciement

Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.

Aux termes de l’article L 1232-6 du code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer dans la lettre de licenciement, le ou les motifs du licenciement. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.

La lettre de licenciement est ainsi libellée:

‘ (..) Je vous notifie donc par la présente votre licenciement fondé sur les motifs suivants:

– dénigrement et diffamation sur facebook mis en ligne le mercredi 24 mai 2017 à 9 heures,

– photographie du carnet de rendez-vous le mardi 23 mai 2017 et le diffuser sur facebook sans l’accord des clientes le mercredi 24 mai 2017, en vous rappelant que les réseaux sociaux sont du domaine public et non privé, et que vous étiez rattachée au compte facebook du magasin,

– agression verbale sur le lieux de travail à mon égard en donnant ordre de faire une rupture conventionnelle de travail avant le vendredi 26 mai 2017 en présence d’une cliente,

– refus régulier des clients à partir de 17 heures,

– départ de l’entreprise pratiquement tous les jours à 17h40, alors que vous finissez à 18 heures.

Par conséquent, au regard de tous ces motifs, je vous confirme que je ne peux pas poursuivre notre collaboration, puisque les faits que j’ai constaté constituent une faute grave justifiant ainsi votre licenciement sans indemnités ni préavis. (..)’

Mme [F] sollicite, à titre principal, que le licenciement soit déclaré nul pour violation d’une liberté fondamentale et à titre subsidiaire, dépourvu de cause réelle et sérieuse, motifs pris d’un épuisement du pouvoir disciplinaire de l’employeur et de griefs non avérés.

Sur la violation d’une liberté fondamentale

En application de l’article L 1121-1 du code du travail et de l’article 10 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.

De même le salarié a droit au respect de sa vie privée.

En cas de pluralité de motifs de licenciement, l’atteinte à une liberté fondamentale causée par l’un des griefs emporte la nullité de la rupture.

Mme [F] invoque une violation de sa vie privée et une atteinte à sa liberté d’expression par l’employeur.

L’intimée ne conteste pas avoir rédigé le texte suivant publié sur Facebook ( pièce adverse n°8):

« Après 7 mois de travail, je suis malade une fois, juste une fois et pour bien me montrer leurs mécontentements mes patrons ont bien noté les rdv refusés et le montant des prestations perdues. Aaaaahhhh .

Je crois que je ne suis plus faite pour bosser chez quelqu’un. Quand tu bosses tout va bien mais t’as pas intérêt d’être malade. »

Est également publié sous ce message un extrait du registre des rendez-vous du salon de coiffure.

Mme [F] argue que:

. il s’agit d’un message écrit relevant du domaine privé, publié sur son «mur» Facebook, compte privé, impliquant que seuls « ses contacts » y ont accès, tel n’est pas le cas de Mme [L], laquelle en tant qu’administrateur de sa propre page, ne peut accéder aux informations de ses membres,

. ni Mme [L] ni le salon ne sont déterminés ou identifiables,

. les propos diffusés ne sont pas diffamatoires ni abusifs, seulement indélicats.

Telle n’est pas la position de l’appelante qui a déposé plainte.

Sur ce:

Mme [L] explique lors de son dépôt de plainte le 24 mai 2017 auprès de la gendarmerie qu »en consultant sa page Facebook, elle s’est aperçue que Mme [F] tenait des propos diffamatoires sur sa page personnelle à l’égard du magasin et du salon’.

Si l’on distingue sur l’extrait édité de la page Facebook de Mme [F] une icône correspondant au paramétrage d’accès ‘amis’ induisant une publication privée, il n’est pas démontré que Mme [L] en était exclue alors que cette page était rattachée au compte Facebook du magasin et que des clients y ont eu accès.

Ainsi M. [S], prestataire, atteste avoir vu les propos que Mme [F] a tenus sur Facebook au sujet de son employeur comme d’autres personnes.

Mme [J] déclare qu’un matin, vers 8 heures où elle prenait sa pause au travail, en allant faire un tour sur Facebook, elle a vu aux actualités sur le réseau social Mme [F] qui parlait de la responsable du salon de coiffure Mod’Passion. Elle a également vu la photo du carnet de rendez-vous et a averti Mme [L].

Par ailleurs, même si la page Facebook d’un salarié est configurée en mode privé, l’employeur peut le sanctionner sur le fondement de tout compte publié sur les réseaux sociaux, dès lors qu’il a obtenu la preuve de manière loyale, que l’atteinte au droit au respect de la vie privée est proportionnée à l’objectif poursuivi par lui et que la collecte de la preuve est strictement nécessaire à la poursuite de l’objectif.

En l’espèce, il n’est pas rapporté de manoeuvres de l’employeur pour accéder à la page de la salariée et une cliente atteste avoir averti Mme [L], dès qu’elle a pris connaissance de la publication.

Mme [L] n’avait pas d’autre moyen de preuve pour établir la violation par la salariée:

. de son obligation de confidentialité contractuelle, ayant mis en ligne la copie d’une page du carnet de rendez-vous du salon sur lequel figure le nom de clientes pour certaines identifiables,

. de son obligation d’exécution de bonne foi de la relation de travail par l’expression accessible à des tiers et des clients du salon identifiable, de propos induisant un jugement de valeur négatif sur l’employeur allant au-delà d’une critique de fonctionnement du salon.

Aussi la cour estime que l’appelant n’a pas porté atteinte à la vie privée de Mme [F] ni à sa liberté d’expression.

L’intimée sera déboutée de ses demandes au titre d’un licenciement nul par confirmation du jugement déféré.

Sur l’épuisement du pouvoir disciplinaire de l’employeur:

La convocation du salarié à l’entretien préalable de licenciement doit être concomitante à la notification de la mise à pied conservatoire ou intervenir dans un bref délai.

Par lettre recommandée du 24 mai 2017, a été notifiée une mise à pied conservatoire au motif que l’employeur a eu connaissance d’un comportement fautif de la part de Mme [F].

Celle-ci fait valoir que cette notification n’a pas visé l’intention de l’employeur d’engager une procédure de licenciement et que la convocation à entretien préalable à licenciement n’est intervenue que le 29 mai soit 5 jours plus tard.

L’intimée estime que la mise à pied conservatoire doit être requalifiée en mise à pied disciplinaire, l’engagement de la procédure de licenciement n’étant pas concomitant et l’employeur ayant fait l’aveu, dans le courrier de convocation à l’entretien préalable d’une telle mise à pied disciplinaire, en écrivant:

« Je vous informe que j’ai pris à votre encontre une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. ».

Ainsi il ne pouvait alléguer des mêmes faits en prononçant un licenciement pour faute grave, au regard du principe ‘non bis in idem’.

Sur ce:

S’agissant du délai, il sera considéré que l’envoi de la convocation a été effectué dans un délai bref au regard des explications données sur les circonstances temporelles par l’employeur qui indique avoir été victime d’une agression de la part de Mme [F] le 23 mai, avoir adressé la mise pied le 24 mai et la convocation le lundi 29 mai du fait que le jeudi 25, jour de l’ascension était un jour férié, précédant un week-end.

La lettre de convocation à entretien préalable est ainsi libellée:

‘ objet: entretien suite à une sanction disciplinaire

Je vous informe que j’ai pris à votre encontre une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. (..)

Lors de cet entretien je vous expliquerai les raisons qui m’ont conduit à prendre cette sanction. (..)’.

Si la formulation apparaît ambigüe s’agissant de la phrase faisant référence au licenciement, il s’évince de la répétition des mots ‘ prise de sanction disciplinaire’ que l’employeur considérait appliquer dès ce stade un caractère disciplinaire à la mesure et non conservatoire, sanctionnant le comportement allégué fautif de la salariée.

Dès lors le licenciement prononcé apparaissant comme une double sanction, ce qui est prohibé, sera déclaré sans cause réelle et sérieuse, par infirmation du jugement déféré.

Sur l’indemnisation:

En l’absence de reclassification conventionnelle, le salaire mensuel brut de Mme [F] étant de 1800,00 euros, il y a lieu de confirmer la décision de condamnation de l’employeur par le conseil de prud’hommes à payer à la salariée les sommes de:

– 1376,68 euros au titre du rappel de salaire pour la période de mise à pied outre 137, 68 euros de congés payés afférents,

– 5400,00 euros d’indemnité de préavis ( 3 mois pour les agents de maîtrise, selon l’article 7-4-1 dela convention collective sans précision de durée d’ancienneté dans l’entreprise contrairement aux employés) et 540,00 euros de congés payés afférents,

Aux termes de l’article L 1235-5 du code du travail ( dans sa rédaction applicable au litige), ne sont pas applicables au licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives :

1° Aux irrégularités de procédure, prévues à l’article L. 1235-2 ;

2° A l’absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l’article L. 1235-3 ;

3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l’article L. 1235-4, en cas de méconnaissance des articles L. 1235-3 et L. 1235-11.

Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Aussi l’employeur sera condamné à verser les sommes de:

– 500,00 euros de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure,

– 1300,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse , la salariée ayant moins d’un an d’ancienneté dans l’entreprise, ayant bénéficié d’indemnité chômage et travaillant depuis 2021 comme conductrice de bus.

Mme [F] sollicite des dommages et intérêts pour caractère vexatoire du licenciement au motif que l’employeur a déposé plainte contre elle à 2 reprises le 24 mai 2017 pour des faits de diffamations et le 18 décembre 2017 pour dénonciation calomnieuse.

Les faits du 18 décembre ne peuvent être pris en compte étant postérieurs au licenciement et la publication sur Facebook a été considérée par la Cour comme une violation de ses obligations par la salariée qui sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les demandes annexes

L’employeur devra remettre à Mme [F] des documents sociaux conformes au présent arrêt, sans qu’il y ait lieu à astreinte,

Mme [L], partie partiellement perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.

La condamnation de première instance de Mme [L] aux dépens est confirmée.

Mme [F] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l’occasion de cette procédure. Mme [L] sera condamnée à lui verser une somme de 1500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Mme [L] sera déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a déclaré la mise à pied conservatoire régulière et le licenciement régulier et fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant:

Dit que la mise à pied conservatoire s’analyse en une mise à pied disciplinaire,

Déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse et irrégulier,

Condamne Mme [B] [L] à payer à Mme [U] [F] les sommes suivantes:

– 500,00 euros de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,

– 1300,00 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que Mme [L] devra remettre à la salariée des documents sociaux conformes au présent arrêt sans qu’il y ait lieu à astreinte,

Déboute Mme [F] du surplus de ses demandes,

Condamne Mme [L] aux dépens d’appel et à payer à Mme [F] la somme de 1500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

Déboute Mme [L] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par S. BLUM », présidente et C. DELVER, greffière de chambre.

LA GREFFI’RE LA PR »SIDENTE

C. DELVER S. BLUM »

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