Cour d’appel de Toulouse, 18 janvier 2023, RG n° 23/00074
Cour d’appel de Toulouse, 18 janvier 2023, RG n° 23/00074

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Toulouse

Thématique : Rétention administrative et contestation de légalité : analyse d’une décision de la Cour d’appel de Toulouse

Résumé

Le 18 janvier 2023, la Cour d’appel de Toulouse a examiné l’appel de Monsieur [R] [L], né en Algérie, contre une ordonnance de maintien en rétention administrative. L’intéressé, sans documents d’identité, avait été interpellé pour vente illégale de cigarettes et se trouvait en situation irrégulière sur le territoire français. Son avocat a contesté la régularité de la procédure d’interpellation et la motivation du placement en rétention. Cependant, la Cour a confirmé la décision du juge des libertés, considérant que les motifs de la rétention étaient justifiés et que l’intéressé ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes.

18 janvier 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
23/00074

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 2023/77

N° RG 23/00074 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PGN6

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT TROIS et le 18 janvier à 15H55

Nous P. ROMANELLO, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 7 DECEMBRE 2022 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 13 Janvier 2023 à 19H04 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :

[R] [L]

né le 10 Décembre 1998 à [Localité 2] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

Vu l’appel formé le 16/01/2023 à 17 h 23 par courriel, par Me Thomas HERIN-AMABILE, avocat au barreau de TOULOUSE;

A l’audience publique du 18/01/2023 à 11h00, assisté de A.ASDRUBAL et K. MOKHTARI lors de la mise à disposition, greffiers avons entendu :

[R] [L]

assisté de Me Thomas HERIN-AMABILE, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [T] [G], interprète,

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En présence de M.[F] représentant la PREFECTURE DES PYRENEES ORIENTALES ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

Exposé des faits

Monsieur [R] [L] né le 10 décembre 1988 en Algérie a sollicité son admission au titre de l’asile auprès de la préfecture de Loire-Atlantique et sa demande a été enregistrée par l’OFPRA le 20 février 2020, avant d’être rejetée le 13 août 2020 comme notifiée à l’intéressé le 25 septembre 2020. N’ayant jamais introduit de recours auprès la cour nationale du droit d’asile dans le délai d’un mois, il a été définitivement débouté de sa demande d’asile.

Il a été condamné par le tribunal judiciaire de Perpignan le 21 septembre 2020 à trois mois d’emprisonnement avec sursis et cinq ans d’interdiction de détenir une arme pour vol en réunion et port illégal d’arme blanche.

Il a fait l’objet d’un arrêté préfectoral prononcé par le préfet des Pyrénées orientales en date du 28 janvier 2021 portant obligation de quitter le territoire français sans délai assorti d’une interdiction de retour d’un an, notifié le même jour par voie administrative. Il s’est maintenu sur le territoire français.

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Le 10 janvier 2023 à 15h15, les policiers municipaux de [Localité 1] en patrouille étaient alertés pour un individu qui procédait à la vente sauvage de cigarettes. Il était intercepté avec un sac à dos laissant entrevoir plusieurs paquets de cigarettes Philip Morris en provenance d’Espagne. Il confirmait que le sac à dos était à lui et qu’il s’adonnait à la vente de cigarettes. Il déclarait se nommer [R] [L] né le 10 décembre 1988 en Algérie.

Les policiers municipaux contactaient leurs homologues de la police nationale et demandaient à ce que l’individu soit passé au fichier des personnes recherchées. Il recevait ensuite construction de le remettre à la police.

Entendu le 10 janvier à 17h26 il reconnaissait les faits de vente sauvage de cigarettes depuis six mois environ, il gagnait de 10 à 20 € par jour pour manger. Il se déclarait SDF à [Localité 1], clandestin depuis 2018 et de temps en temps il était logé chez un cousin.

Le même jour à 18h21, les policiers étaient destinataires d’un rapport d’identification dactyloscopique positif.

Le 11 janvier à 11h35 ils étaient informés que la préfecture des Pyrénées orientales avait une place pour l’intéressé au centre de rétention administrative de [Localité 3].

Il était mis fin à la garde à vue le 11 janvier à 14h40, pour remise de l’individu aux autorités administratives et classement sans suite de l’infraction pénale.

Il était placé en rétention administrative le 11 janvier 2023 avec une demande de prolongation le 12 janvier 2023.

Le 12 janvier 2023 la préfecture de la Haute-Garonne sollicitait une nouvelle prolongation de la rétention pour une durée de 30 jours.

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Par ordonnance du 13 janvier 2023 à 19h04, le juge des libertés de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse a prononcé la jonction de la requête en contestation du placement en rétention et la requête en prolongation de la rétention administrative, à rejeter le moyen d’irrégularités soulevées par l’intéressé et a ordonné la prolongation de la rétention.

L’intéressé a interjeté appel le 16 janvier 2023 à 17h24.

Le conseil de Monsieur [L] demande à la Cour d’infirmer cette ordonnance par mémoire du 16 janvier 2023.

Monsieur [L] conteste cette décision aux motifs suivants :

– La procédure d’interpellation est irrégulière puisque, aucune information n’est donnée des personnes recherchées et encore moins quant à son habilitation à le faire ;

– à titre subsidiaire, la décision de placement en rétention est insuffisamment motivée et comporte une erreur manifeste d’appréciation puisque l’intéressé habite en France depuis quatre ans, il est hébergé chez sa compagne avec qui il existe une nouvelle communauté de vie, qu’il a des attaches familiales en France où vit et travaille sa s’ur qui a des enfants et qui atteste de l’aide qu’elle peut lui apporter ;

– à titre subsidiaire il présente des garanties de représentation et peut bénéficier d’une assignation à résidence.

Lors de l’audience du 18 janvier 2023 à 11h00, le conseil de Monsieur [L] a repris ses arguments en rappelant que rien ne permet de vérifier que le numéro d’utilisateur de l’OPJ est lié à une autorisation express de consulter le FPR.

Le préfet de la Haute-Garonne a demandé confirmation de l’ordonnance entreprise.

Monsieur [L] a eu la parole en dernier.

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SUR CE :

Sur la recevabilité de l’appel

A peine d’irrecevabilité, la déclaration d’appel doit être motivée, transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel et le délai de saisine de l’ordonnance du JLD est susceptible d’appel dans les 24 heures de son prononcé ou si l’étranger n’a pas assisté à l’audience, de la notification de la décision qui lui a été faite.

L’appel est recevable pour avoir été fait dans les délais et règles suscités.

Sur la régularité de la procédure

Il est expliqué que la procédure ayant précédé le placement en rétention administrative est irrégulière car il n’est pas établi que l’agent qui a procédé à la consultation du fichier des personnes recherchées était habilité à cet effet.

Pour rappel, le FPR est un outil de travail des gendarmes et des policiers et des agents des douanes qui servent à rechercher, surveiller ou contrôler certaines personnes à la demande des autorités judiciaires, des autorités administratives ou des services de police et gendarmerie.

Des personnes individuellement désignées et spécialement habilités peuvent le consulter et notamment les agents de police nationale, les agents des douanes. Les informations enregistrées sont dès lors communiquées à l’autorité judiciaire, un organisme de coopération internationale, un agent de police municipale par exemple.

En l’espèce il s’évince de la procédure versée aux débats que le 10 janvier 2023 à 15h15 la police municipale de [Localité 1] a contacté le commissariat de police de la même ville pour l’informer de l’appréhension de Monsieur [L] et de la nécessité de le passer au FPR puisqu’il se déclarait ressortissant algérien et qu’il ne donnait aucun document d’identité.

Il ressort du procès-verbal de mise à disposition rédigé par les policiers municipaux quasi concomitamment que Monsieur [L] faisait l’objet d’une fiche de recherche positive (Le fichier était consulté à 15h24) pour une obligation de quitter le territoire français et que dès lors ils devaient le remettre dans les plus brefs délais aux policiers nationaux.

Il ne ressort pas de ces éléments qu’un autre interlocuteur que l’OPJ [P] soit intervenu.

La fiche extraite porte le numéro 1142022 et rappelle que les informations contenues dans le document ont un caractère confidentiel et ne peuvent être communiquées qu’aux seules personnes autorisées en prendre connaissance.

Au surplus, il ressort du PV 2023/000458 établi par la police nationale que les services du parquet de PERPIGNAN ont été tenus informés dès le 10 janvier 2023 à 15h57 du contenu de l’affaire en cours et ont même donné des consignes le 11 janvier à 11h48.

Le membre du parquet appelé à gérer le dossier n’a suspecté aucun élément troublant quant à un excès de pouvoir que le brigadier [P] OPJ aurait commis.

C’est donc à bon droit que le premier juge a retenu que la consultation du FPR a été opérée par l’officier de police judiciaire [P] qui était spécialement donc habilité pour cette consultation et le moyen d’irrégularités sera donc rejeté.

Sur la contestation de la légalité de la décision

L’article L. 741-1 du CESEDA dispose : « L’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L.731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision. »

L’article L. 741-4 précise : « La décision de placement en rétention prend en compte l’état de vulnérabilité et tout handicap de l’étranger. »

En l’espèce, l’arrêté portant placement en rétention administrative expose les motifs suivants :

l’intéressé et démuni de tout document d’identité et de voyage en cours de validité, il n’a pas de billets de transport pour son retour en Algérie,

il se maintient sur le territoire national français de façon irrégulière depuis le rejet de sa demande d’asile ,

il s’est soustrait à l’exécution d’une précédente décision d’éloignement prononcée le 28 janvier 2021,

il ne justifie pas d’un domicile stable car il s’est déclaré lui-même SDF en indiquant une adresse à [Localité 1] mais sans en apporter la preuve,

il est célibataire sans charge de famille et ne justifie pas d’une réelle attache familiale ou personnelle sur le territoire national.

Cette motivation, correspond parfaitement à ce que l’intéressé a lui-même déclaré à la police nationale de [Localité 1] lors de sa garde à vue, indiquant vaguement l’existence d’une compagne putative qui ignorerait même sa présence en France, la possibilité d’être de temps en temps logé à l’occasion par un cousin sur lequel aucune précision n’est donnée, son désir de se maintenir en France quoi qu’il arrive alors même qu’il affirme n’avoir aucune attache amicale ou familiale.

Il s’ensuit que la décision de placement en rétention n’est pas suspecte d’insuffisance de motivation. Au surplus, au regard des propres déclarations de l’intéressé aucune autre mesure que le placement en rétention n’apparaît suffisante pour garantir efficacement l’exécution de la décision d’éloignement.

Sur cette base, la décision de placement en rétention est régulière.

Sur la demande assignation à résidence

Comme déjà expliqué, l’intéressé ne justifie absolument pas d’une résidence effective et permanente dans un local qui serait affecté à son habitation principale et, l’attestation d’hébergement produit à l’audience ne modifie pas cette donnée.

En effet, sa s’ur [Y] [L] soutient qu’elle l’a hébergé depuis le 1er janvier 2017 jusqu’au 30 juin 2021 et qu’il serait un soutien de famille. Outre que cette affirmation n’est en rien corroborée, elle contrevient totalement aux déclarations initiales de Monsieur [L] qui a affirmé être SDF.

Mais de surcroît, conformément aux dispositions de l’article L 743-13 du CESEDA, la remise en service de police ou à l’unité de gendarmerie de l’original d’un passeport ou d’un document d’identité est une formalité nécessaire pour permettre la mise en ‘uvre d’une assignation à résidence. Cette condition n’est pas remplie en l’espèce.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Déclarons recevable l’appel interjeté par Monsieur [R] [L],

Rejetons le moyen d’irrégularités et l’ensemble des arguments développés par Monsieur [R] [L],

Confirmons dans toutes ses dispositions l’ordonnance du juge des libertés et de la détention de Toulouse rendue le 13 janvier 2023 à 19h04,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture des PYRENEES-ORIENTALES, ainsi qu’au conseil de M. [R] [L], et communiquée au ministère public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

K. MOKHTARI P. ROMANELLO

 


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