Cour d’appel de Toulouse, 18 avril 2023, RG n° 23/00395
Cour d’appel de Toulouse, 18 avril 2023, RG n° 23/00395

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Toulouse

Thématique : Rétention administrative et contrôle de légalité en matière d’éloignement des étrangers

Résumé

Le 18 avril 2023, la Cour d’appel de Toulouse a examiné l’appel de M. [Y] [N], interpellé le 12 avril 2023 et placé en rétention administrative. Ce dernier, de nationalité croate, contestait la légalité de son maintien, arguant d’une erreur manifeste d’appréciation de sa situation personnelle. Il a souligné qu’il disposait d’un passeport et qu’il était en France pour des raisons familiales. La préfète de Vaucluse a justifié la décision de rétention par le non-respect d’une interdiction judiciaire du territoire. La Cour a confirmé la régularité de la procédure et la prolongation de la rétention, considérant qu’aucune mesure moins coercitive n’était envisageable.

18 avril 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
23/00395

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 2023/397

N° RG 23/00395 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PMF6

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT TROIS et le 18 avril à 14h35

Nous A. MAFFRE, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 7 DECEMBRE 2022 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 14 Avril 2023 à 16H57 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse ordonnant le maintien au centre de rétention de :

[Y] [N]

né le 07 Janvier 2002 à [Localité 4] (ITALIE)

de nationalité Italienne

Vu l’appel formé le 17/04/2023 à 14 h 55 par courriel, par Me Juliette BELLET, avocat au barreau de TOULOUSE;

A l’audience publique du 18/04/2023 à 09h45, assisté de K. MOKHTARI, greffier avons entendu :

[Y] [N]

assisté de Me Juliette BELLET, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [E] [L], interprète,

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En présence de M.[K] représentant la PREFECTURE DU VAUCLUSE ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

M. [Y] [N], âgé de 21 ans et de nationalité croate, a été interpellé le 12 avril 2023 à 13h10 à [Adresse 2] et a été placé en garde à vue à 13h35.

Il avait fait l’objet d’une condamnation à une peine de prison prononcée le 18 mai 2022 par le tribunal correctionnel de Grasse assortie d’une peine d’interdiction du territoire français pour une durée de 5 ans.

Et le 10 novembre 2022, le préfet des Alpes-Maritimes avait pris à son encontre un arrêté portant exécution d’une interdiction judiciaire du territoire avec libération conditionnelle expulsion, notifié le 23 novembre 2022.

Le 12 avril 2023, la préfète de Vaucluse a décider de le placer en rétention administrative, suivant arrêté notifié le même jour à 19h00 à l’issue de la garde à vue.

M. [N] a été conduit au centre de rétention administrative de [Localité 3] (31) en exécution de cette décision.

Indiquant n’avoir pu l’éloigner dans le délai de rétention initial de quarante huit heures, la préfète de Vaucluse a sollicité du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse, la prolongation du maintien de M. [Y] [N] en rétention pour une durée de vingt huit jours suivant requête du 13 avril 2023 parvenue au greffe du tribunal le même jour à 11h50.

Ce magistrat a ordonné la jonction des requêtes, rejeté moyens d’irrégularité, et ordonné la prolongation de la mesure de rétention par ordonnance du 14 avril 2023 à 16h57.

M. [Y] [N] a interjeté appel de cette décision, par courriel de son conseil adressé au greffe de la cour le 17 avril 2023 à 14h55.

A l’appui de sa demande d’infirmation de l’ordonnance entreprise et de mise en liberté, le conseil de M. [N] a principalement soutenu que :

– à titre liminaire, sur la nullité de la garde à vue, le procès-verbal d’interpellation mentionne que le fichier des personnes recherchées a été consulté sur place et la fiche de recherches jointe porte l’identifiant de Mme [P] qui n’était pas présente lors de l’interpellation : il est donc impossible de vérifier que les fonctionnaires présents lors de l’interpellation étaient habilités à consulter son dossier, de sorte que le placement en rétention administrative est irrégulier,

– sur l’erreur manifeste d’appréciation de sa situation personnelle, son recours a été transmis le 15 avril à 15h25, soit dans le délai de 24 heures et devait être pris en compte et ses arguments ont été écartés à tort, alors que le préfet n’a pas pris en compte la réalité de sa situation : il dispose d’un passeport, était en France depuis quelques jours seulemennt pour voir la grand-mère de sa compagne, en fin de vie, sa proche famille est en France, sa femme et leur bébé résident actuellement dans un hôtel d'[Localité 1] et il souhaite repartir en Croatie.

À l’audience, Maître Bellet a repris oralement les termes de son recours et justifié de la saisine du juge des libertés et de la détention par M. [N] dans les délais de la contestation.

M. [N] qui a demandé à comparaître, déclare ne pas comprendre pourquoi il est retenu alors qu’il est européen et dispose d’un passeport. Il ne savait pas qu’il faisait l’objet d’une interdiction du territoire mais il a compris, veut rentrer chez lui, dans sa famille, en Croatie, et ne reviendra pas.

La préfète de Vaucluse, régulièrement représentée à l’audience, a sollicité la confirmation de la décision entreprise en s’en remettant à la motivation de celle-ci et en soulignant notamment que Mme [P] est l’OPJ qui a signé électroniquement l’ensemble de la procédure et non l’agent qui a consulté le fichier des personnes recherchées, à savoir M. [Z]

Le ministère public, avisé de la date d’audience, est absent et n’a pas formulé d’observations.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la procédure

Aux termes de l’article 15-5 du code de procédure pénale, seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d’une enquête ou d’une instruction.

La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d’une personne intéressée. L’absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n’emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure.

Au cas d’espèce, il résulte du procès-verbal d’interpellation que le policier rédacteur a procédé à la consultation du fichier des personnes recherchées : il précise y être dûment habilité et joint la fiche de recherches et il est indifférent qu’a posteriori, un autre agent ait visé la procédure.

Le grief énoncé n’est donc pas établi.

Sur la contestation de l’arrêté de placement en rétention administrative

Il est justifié de l’envoi d’une contestation de l’arrêté de placement en rétention administrative le 13 avril 2023 à 15h25, soit dans le délai imparti par l’article L741-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Le recours doit donc être déclaré recevable.

En application des articles L741-1 et 4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3.

La décision de placement en rétention prend en compte l’état de vulnérabilité et tout handicap de l’étranger.

Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d’accompagnement de l’étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention.

Il résulte de l’article L741-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que la décision de placement en rétention administrative doit être écrite et motivée. Pour satisfaire à l’exigence de motivation, la décision doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision.

En l’espèce, l’arrêté critiqué met en avant le non-respect de l’interdiction judiciaire du territoire à l’origine de la libération expulsion dont M.[N] a bénéficié et le souhait exprimé par celui-ci de rester en France où résident sa femme et leur enfant.

De fait, s’il déclare aujourd’hui le contraire, le fait est que lors de son audition en garde à vue, l’appelant a indiqué vouloir s’installer en France si c’est possible, et sa famille y réside bien actuellement en hôtel. Il ne peut donc être reproché à la préfète d’avoir commis une erreur d’appréciation de sa situation, considérant que l’interdiction du territoire ne lui permet pas pendant 5 ans de séjourner en France même quelques jours.

Dans ces conditions, l’appréciation de la situation faite par le préfet est exempte d’erreur manifeste, de sorte que l’arrêté de placement en rétention administrative est régulier.

Sur la prolongation

La prolongation de la rétention s’avérant le seul moyen de prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et de garantir efficacement l’exécution effective de cette décision en l’absence de toute autre mesure moins coercitive possible au regard de l’absence de résidence stable en France, il y a lieu de faire droit à la demande préfectorale.

La décision déférée sera donc confirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties,

Confirmons l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention de Toulouse le 14 avril 2023,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée à la préfecture la préfère de Vaucluse, service des étrangers, à M. [Y] [N], ainsi qu’à son conseil et communiquée au ministère public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

K. MOKHTARI A. MAFFRE

 


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