Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Toulouse
Thématique : Responsabilité de l’employeur en matière de prévoyance complémentaire d’invalidité
→ RésuméEmbauche et évolution de M. [Y]M. [L] [Y] a été embauché par la société EPSM le 14 décembre 2005 en tant qu’agent d’exploitation, avec une succession de contrats à durée déterminée. À partir du 27 novembre 2006, il a été engagé en contrat à durée indéterminée comme agent de sécurité mobile. Les relations de travail étaient régies par la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité. M. [Y] a également été élu au CSE et a exercé en tant que délégué syndical. Transfert de contrat et arrêt de travailLe contrat de travail de M. [Y] a été transféré à deux reprises : d’abord à la Sarl Gip Languedoc-Roussillon le 1er mars 2008, puis à la Sas Gip sécurité le 1er mai 2018. Le 26 août 2019, M. [Y] a été placé en arrêt de travail pour maladie non professionnelle, qui a été prolongé jusqu’au 2 février 2020. Le 18 février 2021, il a reçu un titre de pension d’invalidité à compter du 29 décembre 2020. Inaptitude et licenciementLe 30 mars 2021, le médecin du travail a déclaré M. [Y] inapte à son poste, indiquant que son état de santé ne permettait aucun reclassement. Après consultation, le CSE a donné un avis favorable au licenciement de M. [Y] le 19 avril 2021. Il a été convoqué à un entretien préalable au licenciement, mais ne s’est pas présenté. Le 21 septembre 2021, l’inspectrice du travail a autorisé son licenciement, qui a été notifié le 23 septembre 2021 pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Procédure judiciaireM. [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 9 février 2022, demandant la condamnation de la société Gip sécurité au versement de la rente complémentaire d’invalidité. Le jugement du 1er mars 2023 a condamné la société à verser 9 241,28 euros bruts pour le rappel de la rente complémentaire, ainsi qu’à des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail. Appel de la société Gip sécuritéLa société Gip sécurité a interjeté appel le 18 avril 2023, contestant plusieurs points du jugement, notamment la responsabilité de l’employeur dans le versement de la rente d’invalidité et la somme due à M. [Y]. Elle a soutenu que la garantie d’invalidité devait être fournie par les organismes de prévoyance, AG2R et GAN, et non par l’employeur. Arguments de M. [Y]M. [Y] a demandé à la cour d’infirmer le jugement en ce qui concerne le montant de la rente complémentaire et des dommages-intérêts, arguant que l’employeur était responsable de la bonne exécution des obligations de prévoyance. Il a également demandé la confirmation de la délivrance des documents de fin de contrat et la régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux. Décision de la courLa cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes concernant le versement de la somme de 9 241,28 euros bruts à M. [Y] pour le rappel de la rente complémentaire. Elle a également augmenté le montant des dommages et intérêts dus pour exécution fautive à 3 000 euros et a condamné la société à verser 9 367,09 euros bruts pour la période suivante. La société Gip sécurité a été condamnée aux dépens de l’appel et à verser 2 000 euros à M. [Y] au titre de l’article 700 du code de procédure civile. |
17/01/2025
ARRÊT N°25/16
N° RG 23/01425
N° Portalis DBVI-V-B7H-PMM5
ND/NB
Décision déférée du 01 Mars 2023
Conseil de Prud’hommes
Formation paritaire de TOULOUSE
(22/00221)
Mme CHOULET
SECTION ACTIVITES DIVERSES
SASU GIP SECURITE
C/
[L] [Y]
CONFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU DIX SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTE
SASU GIP SECURITE
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Mathias JOURDAN de la SELAS DELOITTE SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIM »
Monsieur [L] [Y]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Yannick MAMODABASSE, avocat au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant N. BERGOUNIOU, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. DARIES, conseillère, faisant fonction de présidente
AF. RIBEYRON conseillère
N.BERGOUNIOU, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
Greffière, lors des débats : M. TACHON
Greffière, lors du prononcé : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par M. DARIES, conseillère, faisant fonction de présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [L] [Y] a été embauché par la société EPSM à compter du 14 décembre 2005 en qualité d’agent d’exploitation selon une succession de contrats de travail à durée déterminée. A compter du 27 novembre 2006, M [Y] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité d’agent de sécurité mobile par cette même société.
Les relations contractuelles entre les parties étaient régies par la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.
M. [Y] était élu du CSE et délégué syndical au sein de cette même structure.
Le contrat de travail de M.[Y] a été transféré une première fois à la Sarl Gip Languedoc-Roussillon le 1er mars 2008, puis, une seconde fois à la Sas Gip sécurité le 1er mai 2018.
Le 26 août 2019, M. [Y] a été placé en arrêt de travail pour maladie non professionnelle jusqu’au 2 février 2020. Cet arrêt a été renouvelé.
Par décision du 18 février 2021, la caisse primaire d’assurance maladie de Vendée a notifié à M. [Y] un titre de pension d’invalidité à compter du 29 décembre 2020.
Le 30 mars 2021, le médecin du travail a déclaré M. [Y] inapte à son travail avec la mention : « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Suite à cette notification, la société employeur a interrogé la médecine du travail afin de déterminer si les postes en sa possession pouvaient convenir à M. [Y]. Le 9 avril 2021, le médecin du travail a répondu : « l’état de santé du salarié doit respecter les restrictions détaillées sur l’attestation remise lors de la consultation confirmant l’inaptitude à tout poste dans l’entreprise »
Consulté sur le projet de licenciement de M. [Y], le CSE de l’entreprise a émis, le 19 avril 2021, rendu un avis favorable au licenciement.
Par courrier du 4 mai 2021, M.[Y] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 17 mai 2021. Il ne s’y est pas présenté.
Le 21 septembre 2021, l’inspectrice du travail a autorisé le licenciement de M.[Y].
Par courrier du 23 septembre 2021, la société Gip sécurité a notifié M.[Y] son licenciement pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement.
M. [Y] a saisi le 9 février 2022 le conseil de prud’hommes de Toulouse afin d’entendre condamner la société Gip sécurité au versement de la rente complémentaire d’invalidité.
Par jugement du 1er mars 2023, le conseil de prud’hommes de Toulouse ‘ section activités diverses a :
– jugé qu’il revient à l’employeur d’assurer le paiement d’invalidité de la rente 2ème catégorie,
-condamné la Sasu Gip sécurité, prise en la personne de son représentant légal, ès qualités, au paiement de la somme de 9241,28 euros bruts (neuf mille deux cent quarante et un euro et vingt huit centimes) au titre du rappel de la rente complémentaire,
-condamné la Sasu Gip sécurité, prise en la personne de son représentant légal, ès qualités au paiement de la somme de 1000,00 euros (mille euros) à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail,
-ordonné la délivrance des documents sociaux, sans qu’il y ait lieu d’ordonner d’astreinte,
-ordonné la régularisation auprès des organismes sociaux sans astreinte,
– condamné la Sasu Gip sécurité, prise en la personne de son représentant légal, ès qualités au paiement de la somme de 1500,00 euros (mille cinq cent euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
-débouté les deux parties des autres demandes .
La Sasu Gip sécurité a interjeté appel de ce jugement le 18 avril 2023, en énonçant dans à sa déclaration d’appel les chefs du jugement critiqués.
Dans ses dernières écritures reçues au greffe par RPVA le 23 septembre 2024, auxquelles il est fait expressément référence, la Sasu Gip sécurité demande à la cour de :
-infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Toulouse le 1er mars 2023 en ce qu’il a :
– jugé qu’il revient à l’employeur d’assurer le paiement d’invalidité de la rente 2ème catégorie ;
-condamné la Sasu Gip sécurité prise en la personne de son représentant légal, ès qualités, au paiement de la somme de 9.241,28 euros brut au titre de rappel de la rente complémentaire ;
-condamné la Sasu Gip sécurité, prise en la personne de son représentant légal, ès qualités au paiement de la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail ;
-ordonné la délivrance des documents sociaux, sans qu’il y ait lieu d’ordonner d’astreinte ;
-ordonné la régularisation auprès des organismes sociaux sans astreinte ;
-condamné la Sasu Gip sécurité, prise la personne de son représentant légal, ès qualités au paiement de la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;
Et statuant à nouveau :
-déclarer que le présent litige est sans objet puisqu’il devrait opposer M. [Y] aux organismes de prévoyance Gan et Ag2r La Mondiale ;
-déclarer que la société Gip sécurité a exécuté de bonne foi le contrat de travail ;
En conséquence :
-mettre hors de cause la société Gip sécurité du présent litige ;
-débouter M. [Y] de l’ensemble de ses demandes afférentes au paiement de la rente complémentaire d’invalidité et de délivrance de documents rectifiés ;
-débouter M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’exécution fautive et déloyale du contrat de travail ;
-débouter M. [Y] du surplus de ses demandes ;
-condamner M. [Y] à lui payer une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La société Gip Sécurité fait valoir, pour l’essentiel, que la garantie d’invalidité à laquelle M. [Y] est en droit de prétendre est due par les deux organismes de prévoyance qui se sont succédé, AG2R jusqu’au 31 décembre 2019, puis GAN à compter du 1er janvier 2020, que M. [Y] n’a pas appelés dans la cause ; qu’il ne peut être reproché à la société un quelconque défaut de mise en ‘uvre de ses obligations en matière de prévoyance complémentaire, ni défaut d’accompagnement du salarié ; que l’employeur ne saurait être tenu de se substituer à l’organisme de prévoyance dans le versement de la rente complémentaire.
Dans ses dernières écritures reçues au greffe par RPVA le 16 septembre 2024, auxquelles il est fait expressément référence, M. [Y] demande à la cour de :
Sur la rente complémentaire due à M. [Y] au titre de son invalidité 2ème catégorie,
À titre principal,
-infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 1er mars 2023, en ce qu’il a limité la condamnation de la Sasu Gip sécurité à payer à M. [Y] la somme de 9.241,28 euros bruts à titre de rappel de rente complémentaire d’invalidité 2ème catégorie au titre de la période du 29 décembre 2020 au 31 octobre 2022 et ce en application de l’article 14 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité, et statuant à nouveau,
-condamner la Sasu Gip sécurité à payer à M. [Y] la somme de 19.097,52 euros bruts à titre de rappel de rente complémentaire d’invalidité 2ème catégorie au titre de la période du 29 décembre 2020 au 30 juin 2024 et ce en application de l’article 14 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.
À titre subsidiaire,
-condamner la Sasu Gip sécurité à payer à M. [Y] la somme de 19.097,52 euros nets à titre de dommages-intérêts ayant vocation à réparer le préjudice subi du fait du non-paiement de la rente complémentaire d’invalidité 2ème catégorie au titre de la période du 29 décembre 2020 au 30 juin 2024 et ce en application de l’article 14 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité,
Sur les dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail,
-confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 1er mars 2023, en ce qu’il a condamné la Sasu Gip sécurité à des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
-infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 1er mars 2023, en ce qu’il a limité la condamnation de la Sasu Gip sécurité à payer à M. [Y] la somme de 1.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail, et statuant à nouveau,
-condamner la Sasu Gip sécurité à payer à M. [Y] la somme de 5.000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail,
Sur la délivrance des documents de fin de contrat et bulletins de paie conformes,
-confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 1er mars 2023, en ce qu’il a ordonné à la Sasu Gip sécurité de délivrer à M. [Y] des bulletins de paie, un certificat de travail, ainsi qu’une attestation France travail conformes,
-infirmera le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse, en ce qu’il a refusé de prononcer une astreinte, et statuant à nouveau,
-condamner la Sasu Gip sécurité à remettre ces éléments sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ; la cour se réservant expressément le droit de liquider ladite astreinte,
Sur la régularisation de la situation auprès des organismes sociaux,
-confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 1er mars 2023, en ce qu’il a ordonné à la Sasu Gip sécurité de régulariser la situation de M. [Y] auprès des organismes sociaux compétents,
-infirmer le jugement, en ce qu’il a refusé de prononcer une astreinte, et statuant à nouveau,
-condamner la Sasu Gip sécurité à régulariser cette situation sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ; la cour se réservant expressément le droit de liquider ladite astreinte,
Sur les frais irrépétibles et les dépens,
-confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse du 1er mars 2023, en ce qu’il a condamné la Sasu Gip sécurité à payer à M. [Y] la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance, et y ajoutant,
-condamner la Sasu Gip sécurité à payer à M. [Y] la somme de 2.500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
M. [Y] soutient que l’employeur tenu d’appliquer un régime de protection sociale complémentaire est responsable de la bonne exécution de son obligation ; que la Sasu Gip sécurité a fait preuve d’inertie fautive dans la déclaration de la situation d’invalidité de M. [Y] auprès de l’organisme de prévoyance ; qu’en cas de défaillance de l’organisme de prévoyance ou d’assurance, c’est l’employeur qui doit lui-même assurer le versement des prestations, disposant d’une action récursoire contre l’organisme d’assurance ou de prévoyance ; qu’il est tenu en dernier ressort de l’exécution des garanties conventionnelles au titre de la prévoyance.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 24 septembre 2024.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 20 mars 2023 par le conseil de prud’hommes de Toulouse, notamment en ce qu’il a condamné la société Gip sécurité à verser à M. [L] [Y] une somme de 9.241,28 euros bruts à titre de rappel de rente complémentaire d’invalidité 2ème catégorie au titre de la période du 29 décembre 2020 au 31 octobre 2022.
L’infirme sur le montant des dommages et intérêts pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail ;
Et, statuant de nouveau sur le point infirmé et y ajoutant :
Porte à la somme de 3 000 euros le montant des dommages et intérêts dus par la Sasu Gip sécurité à M. [Y] pour exécution fautive et déloyale du contrat de travail ;
Condamne la Sasu Gip sécurité à verser à M. [Y] une somme de 9 367,09 euros bruts à titre de rappel de rente complémentaire d’invalidité pour la période allant du 1er novembre 2022 au 31 mai 2024 ;
Condamne la Sasu Gip sécurité aux dépens de l’appel ;
Condamne la Sasu Gip sécurité à payer à M. [Y], en cause d’appel, une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
La déboute de sa demande formée à ce même titre.
Le présent arrêt a été signé par M. DARIES, conseillère, faisant fonction de présidente, et par C. DELVER, greffière.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
C. DELVER M. DARIES
.
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