Cour d’appel de Toulouse, 17 janvier 2025, RG n° 23/00612
Cour d’appel de Toulouse, 17 janvier 2025, RG n° 23/00612

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Toulouse

Thématique : Requalification d’un contrat de travail et contestation d’une rupture non formalisée

Résumé

Faits de l’affaire

M. [I] [F] a été embauché le 1er septembre 2018 par la Sarl Pompes Funèbres Massoutie & Fils en tant que porteur, chauffeur petite remise, sous un contrat de travail à durée indéterminée intermittent. En janvier 2019, il a cessé de se présenter au travail sans formaliser sa démission. Le 6 octobre 2020, l’employeur a notifié à M. [F] son licenciement pour démission, bien qu’il n’ait pas démissionné par écrit à ce moment-là. M. [F] a finalement formalisé sa démission par courrier le 4 mars 2021, demandant également ses documents de fin de contrat.

Procédure judiciaire

M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes d’Albi le 21 septembre 2021 pour contester son licenciement et demander la requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet, ainsi que le versement de diverses sommes. Le 1er février 2023, le conseil de prud’hommes a débouté M. [F] de toutes ses demandes et a condamné ce dernier aux dépens. M. [F] a interjeté appel de cette décision le 20 février 2023.

Prétentions des parties

M. [F] demande à la cour de juger son appel recevable et fondé, de requalifier son contrat de travail en contrat à temps complet, de fixer son salaire de référence à 1 550 euros, et de condamner la Sarl Pompes Funèbres Massoutie à lui verser des rappels de salaire et des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. De son côté, la Sarl Pompes Funèbres Massoutie demande la confirmation du jugement de première instance, soutenant que M. [F] a démissionné de manière claire et non équivoque.

Décision de la cour

La cour a infirmé le jugement du conseil de prud’hommes, déclarant que l’action de M. [F] n’était pas prescrite. Elle a reconnu que le contrat de travail avait été rompu par la démission notifiée le 4 mars 2021. La Sarl Pompes Funèbres Massoutie a été condamnée à verser à M. [F] un rappel de salaire de 6 847,05 euros, ainsi que des congés payés afférents. La cour a également ordonné la délivrance des documents de fin de contrat rectifiés et a constaté que M. [F] ne s’était plus tenu à la disposition de l’employeur à partir du 1er avril 2019.

17/01/2025

ARRÊT N°2025/13

N° RG 23/00612 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PIQR

NB/CD

Décision déférée du 01 Février 2023 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’Albi ( F21/00111)

G.ROQUES

Section Commerce

[I] [F]

C/

S.A.R.L. POMPES FUNEBRES MASSOUTIE & FILS

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANT

Monsieur [I] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Philippe PRESSECQ de la SELARL TRIVIUM CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau D’ALBI

INTIM »E

S.A.R.L. POMPES FUNEBRES MASSOUTIE & FILS

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Pierre RAYNAUD LAUZERAL de la SARL RAYNAUD LAUZERAL, avocat au barreau D’ALBI

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Novembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant , N.BERGOUNIOU, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C.GILLOIS-GHERA, présidente

M. DARIES, conseillère

N.BERGOUNIOU, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C.GILLOIS-GHERA, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [I] [F] a été embauché à compter du 1er septembre 2018 par la Sarl Pompes Funèbres Massoutie & Fils en qualité de porteur, chauffeur petite remise, niveau 1 suivant contrat de travail à durée indéterminée intermittent régi par la convention collective nationale des pompes funèbres.

Par courrier du 6 octobre 2020, la Sarl Pompes Funèbres Massoutie & Fils a rappelé à M. [F] qu’il ne se présentait plus dans l’entreprise depuis le mois de janvier 2019, sans avoir formalisé par écrit la démission présentée oralement en janvier 2019. Elle lui a indiqué sa décision de procéder à son licenciement pour le motif de démission ; et lui notifiait par la même son licenciement.

M. [F] a formalisé sa démission par courrier du 4 mars 2021 ainsi rédigé : ‘Je vous prie de bien vouloir prendre en considération mon désir de vouloir quitter votre entreprise et ce depuis le mois de janvier 2019.

Par la présente, je mets donc un terme à mon contrat.

Merci de bien vouloir me faire parvenir dans les plus brefs délais mon certificat de travail, mon attestation Pôle Emploi, ainsi que mon solde de tout compte.’

La Sarl Pompes Funèbres Massoutie a adressé ces documents à M. [F] le 19 mai 2021.

M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes d’Albi le 21 septembre 2021 pour demander la requalification de son contrat de travail d’intermittent en contrat de travail à temps complet, contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.

Par jugement du 1er février 2023, le conseil de prud’hommes d’Albi, section commerce, a :

– débouté M. [F] de l’intégralité de ses demandes,

– dit qu’il n’y a lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [F] aux entiers dépens.

***

Par déclaration du 20 février 2023, M. [F] a régulièrement interjeté appel de ce jugement.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 18 septembre 2024, M. [I] [F] demande à la cour de :

En la forme

– juger l’appel recevable comme fait dans les formes et délais de la loi.

Au fond

– le juger bien fondé et justifié,

– réformer sans son intégralité la décision entreprise et statuant à nouveau,

– juger que son action n’est pas prescrite et par conséquent,

– requalifier le contrat de travail d’intermittent en contrat de travail à temps complet,

– fixer le salaire de référence à la somme de 1 550 euros,

– condamner la Sarl Pompes Funèbres Massoutie à lui régler la somme de 35 223,53 euros à titre de rappel de salaire, outre 3.522,35 euros au titre des congés payés afférents,

– juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

– condamner en conséquence la Sarl Pompes Funèbres Massoutie à lui régler les sommes suivantes :

*5 425 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*807,29 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

*3 100 euros pour le préavis, outre 310 euros au titre des congés payés afférents.

– condamner la Sarl Pompes Funèbres Massoutie à remettre les documents de fin de contrat et régler le solde de tout compte et ce, sous astreinte de 100 euros par jours de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,

– condamner la Sarl Pompes Funèbres Massoutie à lui régler la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens de l’instance.

M. [F] fait valoir, pour l’essentiel, que sa demande n’est pas prescrite, puisqu’il a été engagé en CDI et non en CDD, de sorte que la demande de requalification de son contrat intermittent en contrat en temps plein, qui s’analyse en une demande de rappel de salaire, est soumise à la prescription triennale de l’article L. 3245-1 du code civil ; que le contrat de travail intermittent conclu par M. [F] ne respecte pas les dispositions légales et conventionnelles, en ce qu’il ne précise pas les éléments de rémunération, la durée minimale de travail du salarié, les périodes de travail et la répartition des heures de travail à l’intérieur de ces périodes ; qu’il doit donc être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ; qu’à compter du mois de janvier 2019, la société employeur ne lui a plus confié suffisamment de missions, de sorte qu’il a été contraint de retrouver un travail en avril 2019 afin de subvenir à ses besoins ; que la démission ne se présume pas, et que c’est la lettre de licenciement du 6 octobre 2020 qui a mis fin à son contrat de travail ; que son licenciement intervenu dans ces conditions est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 18 octobre 2024, la Sarl Pompes Funèbres Massoutie & Fils demande à la cour de

A titre principal :

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [F] de l’intégralité de ses demandes et la condamner aux dépens.

A titre subsidiaire,

– fixer le montant total du rappel de salaire a la somme de 3 527,05 euros bruts, outre 352,70 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

En tout état de cause,

– juger que M. [F] a démissionné, d’une volonté claire et non équivoque,

– débouter M. [F] de ses demandes relatives au licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouter M. [F] de ses demandes relatives à l’irrégularité de la procédure de licenciement,

– lui allouer la somme de 3000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [F] aux entiers dépens.

Elle demande la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a jugé que l’action de M. [F] était prescrite. Elle indique que le salarié lui a fait part oralement, en janvier 2019, de sa volonté claire et non équivoque de démissionner, volonté qu’il a confirmée par écrit par lettre du 4 mars 2021 ; que sa lettre du 6 octobre 2020 n’est pas une lettre de licenciement ; que contrairement à ce qu’il soutient, M. [F] n’est pas resté à la disposition de son employeur, ayant exercé plusieurs emplois successifs à compter du mois d’avril 2019 ;

Sur la requalification de son contrat de travail intermittent en contrat à durée indéterminée à temps complet, elle indique que le non respect des conditions de forme, qu’elle ne conteste pas, n’entraîne pas automatiquement la requalification du contrat en un contrat à durée indéterminée à temps complet ; que les bulletins de salaire de M. [F] démontrent clairement qu’une durée mensuelle minimale de 50 heures était convenue entre les parties, et que M. [F] n’était pas constamment à la disposition de la Sarl Massoutie, puisqu’il occupait d’autres emplois.

***

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 31 octobre 2024.

***

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Albi le 1er février 2023.

Et, statuant de nouveau et y ajoutant :

Dit que les demandes de M. [I] [F] ne sont pas prescrites.

Dit que le contrat de travail de M. [I] [F] a été rompu du fait de sa démission notifiée par écrit à la société Pompes Funèbres Massoutie le 4 mars 2021,

Condamne la Sarl Pompes Funèbres Massoutie à payer à M. [I] [F] la somme de 6 847,05 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les mois de septembre 2018 à mars 2019, outre 685,75 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

Ordonne la délivrance par la Sarl Pompes Funèbres Massoutie au salarié des documents de fin de contrat rectifiés ainsi qu’un bulletin de salaire récapitulant les condamnations prononcées, sans astreinte,

Constate qu’à compter du 1er avril 2019, M. [I] [F] ne s’est plus tenu à la disposition permanente de la société employeur et le déboute du surplus de ses demandes,

Condamne la Sarl Pompes Funèbres Massoutie aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Condamne la Sarl Pompes Funèbres Massoutie à payer à M. [I] [F] une somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

La déboute de sa demande formée à ce même titre.

Le présent arrêt a été signé par C.GILLOIS-GHERA, présidente, et par C. DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C. DELVER C.GILLOIS-GHERA

.

 


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