Cour d’appel de Toulouse, 17 janvier 2025, RG n° 23/00089
Cour d’appel de Toulouse, 17 janvier 2025, RG n° 23/00089

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Toulouse

Thématique : Licenciement pour insuffisance professionnelle et comportement inapproprié dans un contexte de crise.

Résumé

Faits de l’affaire

Mme [Y] [I] a été embauchée par la Sarl Holding Gestion Livraison (HGL) en tant que responsable administratif et financier à partir du 25 avril 2018, avec un salaire mensuel brut de 3750,79 euros. Le 6 novembre 2020, elle a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement pour motif disciplinaire, et mise à pied à titre conservatoire. Son licenciement a été notifié le 19 novembre 2020, invoquant à la fois une insuffisance professionnelle et des fautes graves.

Motifs du licenciement

La lettre de licenciement a détaillé plusieurs manquements, notamment un manque de rigueur dans l’exécution de ses tâches, des retards répétés, et des négligences dans le respect des procédures, comme l’oubli de suspendre des prélèvements SEPA et des erreurs dans le traitement des demandes d’activité partielle. Des problèmes de comportement ont également été signalés, tels que des retards fréquents et un non-respect des mesures sanitaires liées à la COVID-19.

Procédure judiciaire

Contestant son licenciement, Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 25 février 2021, demandant la requalification de son licenciement et des indemnités. Le jugement du 8 décembre 2022 a reconnu que son licenciement était fondé sur un motif réel et sérieux, mais a condamné HGL à lui verser des indemnités pour préavis et mise à pied.

Appel de la décision

La Sarl HGL a interjeté appel le 9 janvier 2023, demandant l’infirmation du jugement et le déboutement de Mme [I] de ses demandes. En réponse, Mme [I] a formé un appel incident, demandant la confirmation du jugement initial et des indemnités supplémentaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Décision de la cour

La cour a confirmé que le licenciement de Mme [I] reposait sur une cause réelle et sérieuse, mais a infirmé le jugement sur le montant des indemnités de rupture. Elle a condamné HGL à verser à Mme [I] des sommes pour son salaire de mise à pied et son indemnité de préavis, tout en déboutant les parties de leurs demandes supplémentaires.

17/01/2025

ARRÊT N°2025/10

N° RG 23/00089 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PF6R

NB/CD

Décision déférée du 08 Décembre 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 21/00322)

G. MONTAUT

Section Encadrement

S.A.R.L. HOLDING GESTION LIVRAISON

C/

[Y] [I]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT CINQ

***

APPELANTE

S.A.R.L. HOLDING GESTION LIVRAISON (HGL)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe ISOUX de la SELARL CABINET PH. ISOUX, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM »E

Madame [Y] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3] / FRANCE

Représentée par Me Virginie CHASSON, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Stéphane SAIDANI, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant N. BERGOUNIOU, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [Y] [I] a été embauchée à compter du 25 avril 2018 par la Sarl Holding Gestion Livraison (HGL), en qualité de responsable administratif et financier, niveau VII, coefficient 300, suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des prestations de service.

Dans le dernier état de la relation contractuelle, son salaire mensuel brut s’élevait à la somme de 3750,79 euros.

Par courrier remis en main propre le 6 novembre 2020, la Sarl HGL a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, envisagé pour un motif disciplinaire, et fixé au 16 novembre 2020 ; le même courrier lui notifiait sa mise à pied à titre conservatoire, dans l’attente de la décision à intervenir sur le licenciement.

Son licenciement a été notifié à la salariée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 19 novembre 2020, à la fois pour insuffisance professionnelle et fautes graves. La lettre de licenciement est ainsi motivée : ‘Vous êtes entrée au service de la société HGL le 25 avril 2018, en qualité de responsable administrative et financière alors que la structure et ses filiales étaient en phase de développement.

Il était en effet impératif de mettre en place une organisation, notamment administrative, sociale et financière, adaptée au redimensionnement des structures, en intégrant un collaborateur cadre compétent et rigoureux à même non seulement de diriger un service mais également d’épauler activement le dirigeant et de l’accompagner dans le cadre du développement du groupe.

Tout ceci avait été évoqué lors de nos pourparlers d’embauche et il avait été insisté sur le fait que vous deviez, impérativement :

– Vous approprier les valeurs de l’entreprise et les relayer,

– Etre force de proposition,

– Etre la garante de la conformité, dans votre périmètre de compétence.

Nous attendions donc de vous non seulement des compétences mais également des qualités de constance, de rigueur et de capacité de projection dans le cadre d’une collaboration positive faite de confiance, d’échanges et d’une volonté partagée de porter le fonctionnement du groupe à un niveau d’organisation et de performance lui permettant de prendre, dans de bonnes conditions, le virage auquel il se destine compte tenu de son fort développement.

Or, force est de constater que vous n’avez pas su prendre la mesure de la fonction confiée ni répondre aux composantes du poste.

Par ailleurs, nous déplorons, avec une accélération évidente au cours de la période récente, des problèmes de comportement faisant apparaître de graves négligences fautives, un manque de respect flagrant à l’égard de l’entreprise ainsi que des défaillances en termes de loyauté.

1-Vous n’avez pas su prendre la mesure de votre fonction ni en assumer les composantes.

Il est impossible de lister, compte tenu de leur nombre conséquent, les demandes qui vous ont été adressées, sur des sujets divers entrant dans votre champ de compétence, auxquelles vous n’avez jamais répondu.

Nous avons voulu, au début de notre collaboration, vous laisser le temps d’adaptation nécessaire.

Cependant, il s’avère qu’il y a un véritable manque de rigueur qui ne peut plus être toléré.

Ainsi, des sujets extrêmement importants ont été négligés sans aucune remise en question de votre part lorsque nous vous en avons fait la remarque.

Nous pensons, à titre d’exemples non limitatifs aux contrats de bail des dépôts de [Localité 5] et [Localité 6] qui vous avaient été confiés et que vous aviez égarés.

Avant de les chercher véritablement, et de vous rendre compte que vous les aviez mal classés, vous avez, avec une assurance et une insistance insupportable, affirmé que s’ils ne se trouvaient pas à leur place, la seule explication était que les documents ne vous avaient pas été remis.

Cet incident, qui peut paraître anecdotique -mais qui ne l’est pas – nous avait en son temps très fortement interpellés.

Même remarque, beaucoup plus récemment, concernant, lors de l’annonce du premier confinement et l’arrêt de toute notre activité de production, la demande qui vous avait été faite de suspendre immédiatement les prélèvements SEPA concernant le règlement des cotisations URSSAF.

Alors que la demande vous avait été faite très clairement et que le pays tout entier ne parlait que de ces sujets, vous avez tout simplement omis de procéder à la suspension des prélèvements. Lorsque la remarque vous en a été faite (après que nous ayons constaté que l’entreprise était toujours prélevée), vous avez, par une nouvelle inversion de la situation, considéré que nos reproches étaient ‘dévalorisants et anxiogènes’.

Plus récemment encore, concernant le sujet majeur du chômage partiel, lors d’une réunion de crise que nous avons tenu le lendemain de l’annonce du deuxième confinement, et en la présence des autres cadres, il vous a été demandé si vous aviez fait le nécessaire vis-a-vis de l’Administration.

Vous nous avez alors indiqué, de façon catégorique, que la demande initiale faite lors du premier confinement était valable jusqu’au 31 décembre 2020 pour nous dire le mardi 03 novembre, que vous aviez dû ‘loucher’ puisqu’en réalité notre autorisation d’activité partielle était arrivée à échéance le 31 août 2020.

Vous admettrez qu’un tel niveau d’approximations n’est pas concevable eu égard à la fonction qui vous a été confiée.

Même remarque s’agissant, à titre d’exemple également, de la facilité de paiement qui nous a été accordée par le prestataire en charge du développement de notre logiciel métier conscient des difficultés de ses clients.

En effet, alors que nous étions autorisés à différer des règlements jusqu’à 90 jours, et que vous ne pouvez ignorer la situation dramatique que nous traversons, vous avez systématiquement réglé le fournisseur comptant, à réception de ses factures.

Interrogée a ce sujet, vous avez cherché à transférer la responsabilité sur l’une de vos collaboratrices ce qui, sur le plan du management, est inconcevable.

Des exemples innombrables peuvent également être trouvés dans la gestion de la paye pour laquelle, pourtant, nous avons investi dans une solution NIBELIS.

Sur ce thème, relevant de la gestion courante, nous constatons également de très nombreuses erreurs comme par exemple le mauvais traitement des absences de fin de mois.

Si nous pouvons parfaitement comprendre que ces absences soient traitées et régularisées au titre de la paye du mois suivant, ainsi que vous nous l’avez indiqué lorsque nous vous avons interpellée à ce sujet, nous avons pourtant relevé, en procédant à une simple vérification par sondage, des exemples nombreux d’omission de régularisation (exemples non exhaustifs ; [W], [F] [U], [G]…)

Y compris sur ces sujets, il est devenu impossible d’avoir une discussion normale avec vous sauf à devoir nous exposer à des explications sans fin, polémiques, et sans aucune proposition de solution.

Même remarque pour la gestion des absences et le suivi des justificatifs pour lesquels, malgré des demandes répétées, vous n’avez pas assuré votre fonction de responsable administrative et financière.

Nous avons même appris à ce sujet par M. [Z] [M], notre gestionnaire RH, que vous lui aviez donné l’ordre de ne traiter que les absences injustifiées de plus de 3 jours (et pas les autres), allant ainsi totalement à l’encontre nos directives pourtant claires.

Sur le plan de la gestion des ressources humaines, nous constatons des insuffisances flagrantes sur de très nombreux sujets contraignant le dirigeant à assumer à votre place de très nombreuses tâches et non des moindres :

– Courriers comportant de très nombreuses fautes de frappe, d’orthographe, de syntaxe, voire de dates ;

– Procédures irrégulières ;

– Traitement défectueux des réserves à formuler lors de la survenance de certains accidents de travail ;

– Documents expédiés sans aucune relecture de votre part faisant apparaître un manque de rigueur patent ;

– Absence totale de prise en main du domaine de la formation professionnelle qui fait pourtant partie de vos attributions ;

– Absence totale de prise en main des grands sujets sociaux ;

– Etc…

Sur le plan du management, nous déplorons un turn-over tout à fait anormal au sein du service avec deux démissions en juin et juillet 2020 et une collaboratrice ayant purement et simplement abandonné son poste après une vive dispute avec vous.

Lorsque vous ne cherchez pas à transférer sur les membres de votre équipe les dysfonctionnements que nous avons constatés.

Parallèlement, vous vous êtes autorisée des jugements et des commentaires peu amènes à l’égard de certains collaborateurs anciens de l’entreprise en raison de leur prétendue manque de formation administrative et de compétences managériales ce qui, dans le contexte rappelé ci-dessus, nous semble particulièrement déplacé.

Ceci l’est d’autant plus que vous vous êtes autorisée, de votre coté, à négliger, de façon inadmissible, les appels à contribution qui vous ont été envoyés comme, par exemple, la réflexion sur les fiches de poste, les améliorations à porter à notre organisation, etc…

A ce sujet, les deux mails que vous nous avez adressés le 26 octobre 2020, dans la matinée, sont particulièrement édifiants et ne peuvent être acceptés, ni dans leur contenu, ni dans le délai de réponse, de la part d’une cadre, responsable administrative et financière.

En conclusion, et la liste des points d’insuffisance pourrait être développée de façon conséquente, notre conclusion est que vous n’avez pas pris la mesure de votre fonction contractuelle et n’avez donc pas répondu aux attentes de l’entreprise telles que celle-ci vous les avaient exposées lors de nos pourparlers d’embauche et au cours des très nombreuses discussions que nous avons eues depuis votre arrivée.

Vos lacunes, voire absence de traitement, ont conduit à d’innombrables dysfonctionnements qui ont contraint le dirigeant à devoir procéder à des contrôles excessivement nombreux lorsqu’il n’a pas dû lui-même assurer une partie de vos tâches à votre place.

2. Sur le plan du comportement

A l’observation, et compte tenu du temps conséquent dont vous avez bénéficié pour prendre vos marques et occuper réellement la fonction pour laquelle vous aviez été embauchée, nous sommes contraints de constater que nombre de vos écarts de comportement ne relèvent pas d’approximations mais portent sur des problèmes de respect et de loyauté.

Certaines de vos négligences sont par ailleurs gravement fautives.

Nous avions insisté sur la question des valeurs lors de nos pourparlers initiaux.

Votre contrat de travail y fait également référence.

L’entreprise évolue dans un secteur difficile et travaille avec des salariés de faible qualification, confrontés à des tâches éprouvantes, parfois ingrates, qui nécessitent impérativement que l’encadrement donne l’exemple.

Or, et alors que vous avez toujours abondé dans notre sens, dans le discours, votre comportement réel, malheureusement, est allé en se dégradant très fortement par exemple sur le terrain de la ponctualité.

Il était initialement convenu une prise de poste a 9 heures, du lundi au vendredi, ceci par cohérence avec les membres de votre équipe et vous étiez la première à dire qu’un responsable doit être ‘sur le pont’ avant l’arrivée de son équipe.

Or, et en totale duplicité vous n’avez jamais respecte vos engagements, arrivant quasi systématiquement avec une dizaine de minutes de retard, voire plus, entraînant un trouble évident auprès des membres de votre équipe.

En mai 2020, juste avant le déconfinement, il vous avait été rappelé à nouveau, l’importance de la ponctualité surtout en cette période difficile nécessitant une très forte mobilisation.

Vous avez à nouveau proclamé que vous respecteriez cette ponctualité qui, selon vous, était effectivement un élément important.

Malheureusement, ici encore, rien n’a changé, bien au contraire.

En septembre 2020, vous avez sollicité la possibilité de débuter vos journées à 8h30 au lieu de 9 heures, afin de terminer plus tôt.

Nous vous avons donné notre accord à la condition, cependant, que vous fassiez désormais preuve d’une ponctualité sans faille. Vous avez à nouveau promis non sans abonder dans le sens du devoir d’exemplarité de l’encadrement.

Or, non seulement vous n’avez pas respecté vos engagements mais en outre, vos retards ont été encore plus conséquents qu’auparavant puisque arrivant à l’entreprise entre 8h50 et 9 heures…

D’ailleurs, dans l’un de vos mails du 26 octobre 2020, vous prétendiez à nouveau vouloir vous améliorer sur votre heure d’arrivée reconnaissant avoir ‘dérapé’.

Ici encore, et toujours avec la même duplicité, vous n’avez même pas pris la peine d’arriver à l’heure les quelques jours qui out suivi.

Le lundi 02 novembre, vous vous êtes présentée à 9h10 ce qui, dans le contexte rappelé ci-dessus, est tout simplement inadmissible.

Etant en poste au bureau toute la semaine du 02 novembre, et faisant partie des responsables sanitaires, je vous ai moi-même accueillie du mardi au vendredi à chaque fois aux alentours de 9h.

Vous n’avez, lors de ces retards systématiques, manifesté aucune gêne faisant preuve au contraire d’une indifférence totale par rapport aux règles et par rapport à vos engagements, dépassant tout entendement.

Votre attitude n’a pas été responsable non plus dans le respect des mesures sanitaires imposées par la grave pandémie de COVID 19 et dans votre fonction de cadre.

En effet, et alors que nous avons consacré une énergie, des moyens et un temps conséquent à réfléchir, définir et mettre en oeuvre des dispositions destinées à sauver l’outil de travail tout en protégeant la santé de nos employés, vous vous êtes autorisée des attitudes négligentes, voire totalement irresponsables, en vous déplaçant dans les couloirs de l’entreprise sans masque.

Votre attention a été attirée à ce sujet, à plusieurs reprises et, à nouveau, il vous a été rappelé votre devoir d’exemplarité à l’égard de ces mesures de bon sens que chacun doit respecter dans l’entreprise, à commencer par l’encadrement.

Sur ce sujet également, vous avez toujours tenu un discours contraire à vos actes.

Le 30 septembre 2020, à la suite des nouvelles obligations faites aux entreprises, la Direction a informé l’ensemble du personnel sur le port du masque rendu obligatoire à tout instant dans l’enceinte des locaux.

Il a été rappelé aussi que les véhicules constituaient des espaces clos et qu’il devait donc également y être impérativement respectés les gestes barrière (en particulier port du masque lorsque plusieurs personnes se trouvent dans le même véhicule).

Ayant constaté ce jour-là que vous étiez partie déjeuner avec votre collaboratrice [E] sans port du masque à l’intérieur du véhicule, je vous ai demandé de faire attention et vous ai rappelé votre devoir d’exemplarité et de sécurité surtout vis à vis de vos propres collaborateurs.

Malheureusement là encore, vous n’en avez fait qu’à votre tête, au mépris de toutes règles sanitaires, vous mettant en danger et mettant en danger vos collaborateurs.

Ainsi, le 04 novembre 2020, au retour de la pause déjeuner, vous étiez au volant de votre véhicule avec, à l’intérieur, deux collaborateurs du service, sans masque.

Ceci en sus des innombrables fois où vous avez été vue dans les couloirs ou dans votre bureau, en présence d’autres salariés, avec votre masque sous le menton (ce qui, vous en conviendrez équivaut à l’absence de masque).

Enfin, comme déjà indiqué, après nous avoir affirmé à l’annonce du second confinement que notre autorisation initiale de chômage partiel courait jusqu’au 31 décembre, vous vous êtes finalement rendue compte, a posteriori, que tel n’était pas le cas et que ladite autorisation était arrivée à terme le 31 août.

Vous avez donc déposé le 03 novembre une nouvelle demande d’activité partielle.

Or, nous avons constaté que cette nouvelle demande avait encore été faite pour la période allant jusqu’au 31 août 2020 (période déjà échue).

Vous nous aviez pourtant bien assuré avoir fait le nécessaire sur le site de la DIRECCTE, avec les bonnes dates, et qu’il convenait simplement d’attendre 15 jours pour l’obtention de l’autorisation.

Cette grave erreur concerne 134 salaries.

Apres échange avec les services de le DIRECTTE, nous sommes désormais dans l’obligation d’attendre leur décision de refus, inévitable en raison de la non-conformité de vos demandes, avant de pouvoir redéposer correctement nos dossiers en espérant, d’ici quelques semaines, une réponse favorable.

Il est évident que si les demandes initiales avaient été réalisées correctement, nos dossiers seraient déjà valides et nous ne serions pas dans la crainte d’un refus de prise en charge du chômage partiel.

Vous n’êtes pas sans savoir que les salaires représentent plus de 50% de nos charges et que si nous devions nous passer des aides de 1’Etat, cela coûterait plusieurs centaines de milliers d’euros et pourrait nous amener à une fermeture définitive du groupe.

Il s’agit, dans le contexte actuel, d’une négligence gravement fautive qui va bien au-delà de la simple insuffisance professionnelle ou d’une étourderie supplémentaire.

Ces éléments constituent des fautes graves compte tenu non seulement de la patience dont nous avons fait preuve à votre égard mais également des risques considérables que vous faites prendre à l’entreprise avec une légèreté absolument insupportable.

Au cours de notre entretien préalable, vous n’avez formulé aucune observation nous permettant de tempérer notre appréciation de la situation.

Bien au contraire, vous avez reconnu, notamment, votre manque chronique de ponctualité, les libertés prises concernant le port du masque et votre négligence fautive dans le traitement des demandes d’autorisation d’activité partielle (chômage partiel).

Nous sommes contraints, par la présente, de vous notifier votre licenciement.

Ce licenciement a une nature mixte :

– Insuffisance professionnelle,

– et fautes graves.’

Contestant son licenciement, Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 25 février 2021afin d’entendre juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et en paiement de dommages et intérêts et d’indemnités de rupture.

Par jugement du 8 décembre 2022, le conseil de prud’hommes de Toulouse, section encadrement, a :

– jugé que tous les faits ne sont pas prescrits et jugé que Mme [I] a été licenciée en l’absence de faute grave avérée mais pour un motif réel et sérieux,

– condamné la Sarl Holding Gestion Livraison prise en la personne de son représentant légal ès-qualités à verser à Mme [I] les sommes suivantes :

*13 365 euros au titre du préavis,

*2 896 euros au titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire,

– débouté Mme [I] de sa demande au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la Sarl Holding Gestion Livraison prise en la personne de son représentant légal ès-qualités à verser la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Mme [I] de sa demande au titre de l’exécution provisoire sauf pour les éléments pour lesquels elle est de droit,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné la Sarl Holding Gestion Livraison prise en la personne de son représentant légal ès-qualités aux entiers dépens.

***

Par déclaration du 9 janvier 2023, la Sarl Holding Gestion Livraison Activité a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 21 décembre 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 2 octobre 2024, la Sarl Holding Gestion Livraison Activité demande à la cour de:

Sur son appel principal :

– infirmer le jugement en ce qu’il a jugé que Mme [I] a été licenciée en l’absence de faute grave avérée mais pour un motif réel et sérieux et qu’il a dès lors condamné la société HGL à régler à l’intimée une indemnité compensatrice de préavis, un rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire, une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

– Statuant à nouveau :

– débouter Mme [I] de l’intégralité de ses demandes, moyens et prétentions,

– subsidiairement, limiter toute condamnation éventuelle à :

*11 250 euros concernant le préavis,

*l 557,99 euros au titre de la mise à pied,

*1 280,80 euros à titre d’indemnité de congés sur préavis et mise à pied.

Sur l’appel incident formé par Mme [I] :

– débouter Mme [I] de son appel incident et de l’ensemble de ses demandes.

En toute hypothèse,

– condamner Mme [I] à lui régler la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 30 juin 2023, Mme [Y] [I], qui dorme appel incident, demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

* condamné la Sarl Holding HGL à lui payer la somme de 13 365 euros au titre du préavis,

* condamné la Sarl Holding HGL à lui payer la somme de 2 896 euros, soit 13 jours de mise à pied,

* condamné la Sarl Holding HGL à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

– le réformant pour le surplus,

– et statuant à nouveau,

– la juger recevable et bien fondée en son appel incident,

– juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la Sarl HGL à lui payer la somme de 53 460 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la Sarl HGL à lui payer la somme de 1 626 euros au titre des congés payés sur rappel de salaires,

– condamner la Sarl HGL à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la Sarl HGL aux entiers dépens.

***

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 11 octobre 2024.

***

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a jugé que le licenciement de Mme [I] reposait sur une cause réelle et sérieuse, a débouté la salariée de sa demande de dommages et intérêts, a condamné la société Holding Gestion Livraison au paiement d’une indemnité de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

L’infirme sur le montant des indemnités de rupture.

Et, statuant de nouveau sur le point infirmé et y ajoutant :

Condamne la société Holding Gestion Livraison à payer à Mme [Y] [I] les sommes suivantes :

– 1 557, 99 euros bruts au titre du salaire de la mise à pied, outre 155,79 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

– 11 252,37 euros brus au titre de l’indemnité de préavis, outre 1 125,23 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

Condamne la société Holding Gestion Livraison aux dépens de l’appel.

Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.

Le présent arrêt a été signé par C.BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C. DELVER C.BRISSET

.

 


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