Cour d’appel de Toulouse, 15 novembre 2024, n° RG 24/01166
Cour d’appel de Toulouse, 15 novembre 2024, n° RG 24/01166

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Toulouse

Thématique : Inaptitude au travail : Clarification des Procédures et des avis médicaux en matière de contestation

 

Résumé

M. [C] a été déclaré inapte à son poste par le médecin du travail lors d’une visite de reprise le 20 novembre 2023. En réponse, le Syndicat intercommunal d’aménagement hydraulique de la basse Ariège (Siahbva) a contesté cette décision devant le conseil de prud’hommes. Le 2 avril 2024, le conseil a confirmé l’inaptitude de M. [C] et a ordonné le paiement de 1 400 euros pour ses frais. Malgré un appel du Siahbva, la cour a maintenu le jugement initial, soulignant que les éléments fournis ne remettaient pas en cause l’avis médical et a condamné l’employeur à des frais supplémentaires.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 novembre 2024
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
24/01166

15/11/2024

ARRÊT N°2024/273

N° RG 24/01166 – N° Portalis DBVI-V-B7I-QEK4

CB/CD

Décision déférée du 03 Avril 2024 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de FOIX (09)

( 23/00019)

B. DOUARCHE

Procédure accélérée au fond

Etablissement Public SYNDICAT INTERCOMMUNAL AMÉNAGEMENT HYDRAULIQUE BAS SE ARIÈGE – SIAHBVA

C/

[O] [C]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

*

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

*

ARRÊT DU QUINZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

*

APPELANT

Etablissement Public SYNDICAT INTERCOMMUNAL AMÉNAGEMENT HYDRAULIQUE BASSE ARIÈGE – SIAHBVA

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Marine CHATRY-LAFFORGUE de la SCP BABY PRADON-BABY CHATRY-LAFFORGUE, avocat au barreau D’ARIEGE

INTIM »

Monsieur [O] [C]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Stéphane ROSSI-LEFEVRE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. BRISSET, Présidente, chargée du rapport. Cette magistrate a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BRISSET, présidente

M. DARIES, conseillère

F. CROISILLE-CABROL, conseillère

Greffière, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [C] a été embauché par le Syndicat intercommunal d’aménagement hydraulique de la basse Ariège (ci-après Siahbva) selon contrat de travail à durée indéterminée du 15 novembre 2004 à effet au 13 novembre 2004 en qualité de technicien principal.

Dans le cadre d’une visite de reprise après maladie ou accident non professionnel, le salarié a été déclaré inapte par le médecin du travail selon fiche de visite du 20 novembre 2023.

Par requête du 4 décembre 2023, le Siahbva a saisi le conseil de prud’hommes de Foix selon la Procédure accélérée au fond aux fins de voir annuler l’avis d’inaptitude et subsidiairement ordonner une mesure d’expertise.

Par jugement du 2 avril 2024, le conseil a :

– débouté l’établissement public Siahbva de sa demande de déclarer Monsieur [O] [C] apte à son poste,

– considéré que la mention du 23 novembre 2023 est opérante et conforme aux dispositions prévues dans le cadre d’un licenciement pour inaptitude,

– débouté l’établissement public Siahbva de sa demande et considéré que l’avis du 11 décembre 2023 est opérant et constitue une deuxième visite,

– débouté l’établissement public Siahbva de sa demande d’ordonner une mesure d’expertise sur la personne de Monsieur [O] [C] à confier à tel médecin inspecteur,

– condamné l’établissement public Siahbva à payer à M. [O] [C] la somme de 1 400 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de Procédure civile,

– condamné l’établissement public Siahbva aux entiers dépens comprenant les éventuels frais de commissaire de justice en cas d’exécution forcée de la présente décision,

– ordonné l’exécution provisoire en toutes ses dispositions nonobstant appel et sans caution.

Le Siahbva a relevé appel de la décision le 5 avril 2024, énonçant dans sa déclaration les chefs critiqués de la décision.

L’affaire a fait l’objet le 29 avril 2024 d’un avis de fixation à bref délai à l’audience du 24 septembre 2024.

Dans ses dernières écritures en date du 23 septembre 2024, auxquelles il est fait expressément référence, le Siahbva demande à la cour de :

Infirmer la décision dont appel en toutes ses dispositions.

Statuant de nouveau,

Juger Monsieur [O] [C] apte à son poste.

Juger que la mention du 23 novembre 2023 est inopérante.

Juger que l’avis du 11 décembre 2023 est inopérant et ne peut constituer une deuxième visite.

A titre subsidiaire, et au besoin, ordonner une mesure d’expertise sur la personne de Monsieur [O] [C], à confier à tel médecin-inspecteur qu’il plaira, avec pour mission :

– de convoquer Monsieur [O] [C],

– de l’examiner,

– d’étudier son poste de travail, – de dire s’il existe une situation d’inaptitude à son poste de travail,

– de déterminer les préconisations sur les fonctions qu’il pourrait exercer et les éventuels postes de reclassement qui pourraient lui être proposés,

– et si au regard de sa santé, aucune mesure de reclassement ne semble envisageable, que la mention soit portée que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé » ou que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Juger que le Siahbva n’a pas à régler l’article 700 de Monsieur [C] devant le conseil de prud’hommes.

Débouter Monsieur [O] [C] de l’ensemble de ses demandes.

Statuer ce que de droit sur les dépens.

Il fait valoir que la saisine porte sur le seul avis du 20 novembre 2023 qui comprend l’unique mention inapte alors qu’il n’a pas reçu les documents produits par le salarié. Il ajoute que les précisions sont indispensables pour qu’il puisse satisfaire à son obligation de reclassement. Il soutient qu’en l’absence de difficultés relationnelles le salarié est en réalité apte. Il conteste toute valeur à l’avis du 11 décembre 2023.

Dans ses dernières écritures en date du 16 mai 2024, auxquelles il est fait expressément référence, M. [C] demande à la cour de :

– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté l’établissement public Syndicat intercommunal aménagement hydraulique basse Ariège ‘ Siahbva de sa demande de déclarer Monsieur [C] apte à son poste,

Sur l’avis du 23 novembre 2023,

– Confirmer le jugement en ce qu’il considéré que la mention du 23 novembre 2023 est opérante et conforme aux dispositions prévues dans le cadre d’un licenciement pour inaptitude,

Sur l’avis du 11 décembre 2023, à titre principal,

– Infirmer le jugement dont appel et constater que la demande relative à voir juger l’avis du 11 décembre 2023 opérant et constituant une deuxième visite est sans objet,

Sur l’avis du 11 décembre 2023, à titre subsidiaire,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté l’établissement public Syndicat intercommunal aménagement hydraulique basse Ariège ‘ Siahbva de sa demande et considéré que l’avis du 11 décembre 2023 est opérant et constitue une deuxième visite,

Sur la demande d’expertise,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté l’établissement public Syndicat intercommunal aménagement hydraulique basse Ariège ‘ Siahbva de sa demande d’ordonner une mesure d’expertise sur la personne de Monsieur [C], à confier à tel médecin inspecteur,

Sur l’article 700 du code de Procédure civile et les dépens,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’établissement public Syndicat intercommunal aménagement hydraulique basse Ariège ‘ Siahbva à payer à Monsieur [C] la somme de 1 400 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de Procédure civile,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné l’établissement public Syndicat intercommunal aménagement hydraulique basse Ariège ‘ Siahbva aux entiers dépens, comprenant les éventuels frais de commissaire de justice en cas d’exécution forcée de la présente décision,

– Condamner l’établissement public Syndicat intercommunal aménagement hydraulique basse Ariège ‘ Siahbva à régler à Monsieur [C] la somme supplémentaire de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de Procédure civile,

– Assortir la décision intervenir de l’exécution provisoire en toutes ses dispositions nonobstant appel et sans caution.

Il fait valoir que l’avis du 20 novembre 2023 n’était pas définitif dans la mesure où le médecin du travail prévoyait une seconde visite et que la juridiction n’a pas été saisie d’une contestation de l’avis du 11 décembre 2023 qui seul pouvait être utilement contesté.

À l’audience, les parties ont été invitées à s’expliquer par note en délibéré sous huit jours sur le cours du délai de recours à l’encontre de l’avis du 11 décembre 2023 au regard des mentions figurant sur le document.

Elles ont produit une note en délibéré le 26 septembre 2024 pour l’intimé et le 30 septembre 2024 pour l’appelant.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte des dispositions combinées des articles L. 4624-7 et R 4624-45 du code du travail que les avis du médecin du travail peuvent être contestés selon la Procédure accélérée au fond dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l’avis.

En l’espèce, l’employeur a saisi le conseil dans le délai de 15 jours d’une contestation portant sur l’avis daté du 20 novembre 2023 communiqué en pièce 3 comportant la simple mention « inapte ». L’employeur communiquait un autre document daté du 23 novembre 2023 émanant du service de santé au travail et mentionnant une absence d’avis.

Pour soutenir que la seule contestation dont la cour, comme le conseil, puisse être utilement saisie est l’avis du 20 novembre 2023 mais se trouve dépourvue d’objet s’agissant d’une inaptitude qui n’était pas définitive, l’intimé produit d’autres fiches d’aptitude émanant du médecin du travail.

Il en résulte (pièce 4 intimé) que dès le 20 novembre 2023, le médecin du travail avait prévu une seconde visite fixée au 11 décembre 2023. Cette visite ne respectait certes pas le délai de quinze jours. Toutefois, il n’en demeure pas moins qu’elle s’inscrivait bien, même implicitement, dans le cadre de l’article R. 4624-42 du code du travail puisqu’il était expressément prévu dans l’intervalle la réalisation de l’étude de poste.

L’employeur soutient que ce document ne lui a pas été adressé et qu’il ignorait lors de la notification de l’avis du 20 novembre 2023 qu’une seconde visite était programmée.

La situation est pour le moins confuse puisque deux avis ont été formulés le 20 novembre, sur deux formulaires différents, l’un comportant des précisions plus importantes que l’autre et sans que la cour puisse déterminer si les deux ont bien été transmis à l’employeur.

Celui-ci ne peut en revanche utilement soutenir qu’il ignorait qu’une autre visite était programmée. En effet, le salarié justifie (pièce 8) que la convocation à la visite du 11 décembre 2023 a bien été adressée à l’employeur de sorte qu’il en avait connaissance.

Il est également justifié de ce que l’avis du 11 décembre 2023 a été transmis à l’employeur (pièce 9 du salarié).

Il s’en déduit que c’est bien de ce dernier avis que l’employeur pouvait se prévaloir et non de celui du 20 novembre 2023 qui, au-delà de l’imprécision de la formulation, ne constituait pas un avis définitif. Le non-respect du délai de quinze jours entre les deux visites n’est pas de nature à lui faire perdre toute portée. La contestation de l’avis du 20 novembre 2023 est ainsi effectivement sans objet. Il en était de même pour la fiche de visite datée du 23 novembre 2023 (pièce 4 de l’employeur) qui ne fait mention d’aucun avis du médecin du travail.

Il est tout aussi exact que l’employeur ne pouvait le 4 décembre 2023 saisir le conseil d’une contestation portant sur un avis non émis.

Il ne s’en déduit toutefois pas l’impossibilité pour lui de contester cet avis en cours de Procédure. Or, le salarié se contente de faire valoir de ce chef que la contestation n’a pas été faite dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l’avis faite par courrier électronique le 14 décembre 2023 et qu’un avis matériellement erroné ne remet pas en cause le délai de contestation.

Toutefois, encore faut-il que ce délai ait couru. Or, il résulte des énonciations de l’avis qu’il comportait à la fois un délai et un mode de recours erronés comme correspondant à celui de l’ancien dispositif. Dès lors, la notification ne pouvait utilement faire courir le délai. Le conseil étant déjà saisi, la contestation formulée par l’employeur le 8 mars 2024 qui présentait un lien suffisant avec la demande initiale, ne pouvait être considérée comme tardive.

Sur le fond, le salarié a bien été déclaré inapte à son poste de travail. Si la cour doit prendre en considération tous les éléments de fait, il n’en demeure pas moins que les pièces produites par l’employeur ne sont pas de nature à remettre en cause l’avis du médecin du travail sur l’aptitude du salarié. Dans le dernier état des avis et aux termes d’une formulation relevant davantage du régime antérieur au 1er janvier 2017, le médecin du travail a conclu dans les termes suivants : inapte définitif au poste et à tous postes de l’entreprise. Ne pas mettre en contact avec quelques agents de la collectivité, même quelques minutes par jour.

Or, pour contester l’avis d’inaptitude l’employeur se contente de produire des attestations émanant d’autres salariés faisant mention de ce qu’ils ont peu de contacts avec M. [C] ou des contacts cordiaux. Il en déduit une absence de difficultés relationnelles et une aptitude du salarié.

Les témoins n’ont aucune qualification médicale et le fait qu’ils n’aient pas perçu de difficultés relationnelles ne saurait constituer même une présomption de remise en cause de l’inaptitude du salarié. Il n’y a donc pas davantage lieu à expertise médicale.

Dès lors, sauf pour la cour à retrancher les mentions du jugement inopérantes comme constituant des considérations et non une décision, il y a lieu à confirmation du jugement et ce y compris en ce qu’il a statué sur les frais et dépens, l’action de l’employeur étant mal fondée. La confirmation porte ainsi sur le débouté de l’employeur de sa demande tendant à voir le salarié déclaré apte et de sa demande d’expertise.

L’appel étant mal fondé, l’appelante sera condamnée au paiement de la somme complémentaire de 1 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de Procédure civile et aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Foix du 2 avril 2024 sauf pour la cour à retrancher les mentions du jugement consistant en de simples considérations,

Y ajoutant,

Condamne l’établissement public Syndicat intercommunal aménagement hydraulique basse Ariège ‘ Siahbva à payer à M. [C] la somme complémentaire de 1 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de Procédure civile,

Condamne l’établissement public Syndicat intercommunal aménagement hydraulique basse Ariège ‘ Siahbva aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par C. BRISSET, présidente, et par C. DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C. DELVER C. BRISSET


 


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