Cour d’appel de Toulouse, 15 juin 2023, RG n° 23/00647
Cour d’appel de Toulouse, 15 juin 2023, RG n° 23/00647

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Toulouse

Thématique : Prolongation de rétention administrative annulée pour irrégularités procédurales

Résumé

Le 15 juin 2023, la Cour d’appel de Toulouse a examiné l’appel de M. X, de nationalité polonaise, contesté son placement en rétention administrative. Le juge des libertés avait ordonné la prolongation de cette mesure pour 28 jours, suite à un arrêté de la préfecture de l’Hérault. M. X a soulevé plusieurs irrégularités, notamment l’absence de justification pour son contrôle d’identité et des erreurs dans la procédure. Après délibération, la Cour a infirmé la décision précédente, ordonnant la libération immédiate de M. X, tout en lui rappelant son obligation de quitter le territoire français.

15 juin 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
23/00647

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

Minute 2023/650

N° RG 23/00647 – N° Portalis DBVI-V-B7H-PQMA

O R D O N N A N C E

L’an DEUX MILLE VINGT TROIS et le 15 juin à 16h20

Nous E. VET Conseiller, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président en date du 7 DECEMBRE 2022 pour connaître des recours prévus par les articles L. 743-21 et L.342-12, R.743-10 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu l’ordonnance rendue le 13 Juin 2023 à 17H26 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Toulouse statuant sur la régularité du placement en rétention et ordonnant la prolongation du maintien au centre de rétention de

[Z] X SE DISANT [P]

né le 29 Avril 1985 à [Localité 2] (POLOGNE)

de nationalité Polonaise

Vu l’appel formé le 14/06/2023 à 16 h 27 par courriel, par Me Stéphanie MOURA, avocat au barreau de TOULOUSE;

A l’audience publique du 15 juin 2023 à 14h30, assisté de P.GORDON, adjoint administratif faisant fonction de greffier, avons entendu :

[Z] X SE DISANT [P]

assisté de Me Stéphanie MOURA, avocat au barreau de TOULOUSE

qui a eu la parole en dernier ;

avec le concours de [R] [K], interprète,

En l’absence du représentant du Ministère public, régulièrement avisé;

En l’absence du représentant de la PREFECTURE DE L’HERAULT régulièrement avisée ;

avons rendu l’ordonnance suivante :

M. X se disant [Z] [P], de nationalité polonaise, a fait l’objet le 11 juin 2023 d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire émanant de la préfecture de l’Hérault.

Par décision du même jour, il a fait l’objet d’un placement en rétention administrative par la préfecture de l’Hérault.

Par requête du 12 juin 2023, le préfet de l’Hérault a sollicité la prolongation de la rétention de M. X se disant [P] pour une durée de 28 jours.

Par requête du même jour, M. X se disant [P] a contesté la régularité de la décision de placement en rétention administrative.

Aux termes d’une ordonnance prononcée le 13 juin 2023 à 17h26, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Toulouse a ordonné la jonction des deux requêtes, déclaré la procédure régulière et ordonné la prolongation de la mesure de rétention pour une durée de 28 jours.

M. X se disant [P] a interjeté appel de cette décision par courrier de son conseil adressé par voie électronique au greffe de la cour, le 14 juin 2023 à 16h27.

À l’appui de sa demande en constat de l’irrégularité de la procédure et de demande de remise en liberté il soutient que :

‘ son contrôle d’identité n’est pas motivé et non retranscrit dans un procès-verbal spécifique rédigé par le policier ayant réalisé le contrôle,

‘ la notification de ses droits a été différée sans qu’il soit justifié de son taux d’alcoolémie nécessitant de différer cette notification puis de la permettre,

‘ des consultations de fichiers ont été réalisées alors qu’il était en garde à vue sans que l’habilitation de l’auteur des consultations soit justifiée malgré la demande présentée en première instance,

‘ la garde à vue a été détournée de son objet pénal entre le 10 juin à 17h50 et le 11 juin à 11h05,

‘ il a été recouru à l’interprétariat téléphonique sans nécessité dans le cadre de la notification des droits en matière d’asile,

‘ la requête est irrecevable en l’absence du procès-verbal des policiers ayant procédé au contrôle d’identité et de la justification des habilitations des personnes ayant consulté les fichiers, qui constituent des pièces utiles,

‘ l’arrêté de placement en rétention est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation alors qu’il présente des troubles de nature psychiatrique,

‘ l’administration a manqué à son obligation de diligence, la demande d’identification faite par la préfecture au consulat général de [Localité 1] ayant été transmise à une adresse qui n’est pas celle du consulat général de [Localité 1] qui figure sur un site dédié.

M. X se disant [P] a déclaré à l’audience qu’il voulait être libéré

Le préfet de l’Hérault, avisé de la date d’audience, est absent.

Le ministère public, avisé de la date d’audience, est absent et n’a pas formulé d’observations.

MOTIFS:

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel est recevable pour avoir été interjeté dans les formes et les délais légaux.

Sur la procédure :

Le procès-verbal d’interpellation du 10 juin 2023 à 11 heures relate précisément les conditions d’interpellation de M. [P] suite à l’appel de la station directrice à 9h37. Il précise que l’agent rédacteur, Mme [S], brigadier majeur, « étant de service. Agissant conformément aux instructions reçues de notre hiérarchie. Assisté du gardien de la paix [J] [O] et du policier adjoint [V] [Y] du service. Tous trois revêtus de notre tenue d’uniforme et de nos insignes extérieurs réglementaires’ » suit la description de l’interpellation.

Ce procès-verbal, qui décrit précisément les conditions d’interpellation de M. X se disant [P], est conforme aux dispositions de l’article 78-2 du code de procédure pénale en ce qu’il précise que l’interpellation est dans le cadre d’une procédure en flagrant délit suite à la dénonciation de faits de violence.

La notification des droits en garde à vue de M. [P] a été différée de 11h10 à 17 heures le 10 juin.

Le procès-verbal d’interpellation mentionne « l’individu sent fortement l’alcool, titube et présente des signes d’ivresse. ». Cette description est conforme au procès-verbal établi à 10 juin à 12h40 relatant une conversation téléphonique avec la personne ayant appelé les services de police, un employé du bar « le saloon » selon lequel cette personne paraissait ivre ce procès-verbaux sont suffisants établir que l’état de l’intéressé ne permettait pas une notification immédiate de ses droits. Finalement ses droits lui ont été notifiés le 10 juin à 17 heures. À 17h10 il était entendu. Au regard de la parfaite cohérence de son audition, il convient d’en déduire qu’il était en état de comprendre ses droits lorsqu’ils lui ont été notifiés. Il convient enfin de préciser que l’état de compréhension d’un individu ne dépend pas d’un test d’alcoolémie et qu’il suffit aux services de police de décrire suffisamment précisément pour permettre le contrôle du juge l’état de la personne dont il peut être considéré qu’elle ne peut permettre une parfaite compréhension de ses droits.

Aux termes des articles L142-2 et R 142-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les données des traitements automatisés des empreintes digitales mis en ‘uvre par le ministère de l’intérieur peuvent être consultées par les agents expressément habilités des services de la police nationale.

En vertu de l’article 15-5 du code de procédure pénale, seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d’une enquête ou d’une instruction.

La réalité de cette habilitation spéciale et individuelle peut être contrôlée à tout moment par un magistrat, à son initiative ou à la demande d’une personne intéressée. L’absence de la mention de cette habilitation sur les différentes pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n’emporte pas, par elle-même, nullité de la procédure.

En l’espèce, il est fait mention dans le procès-verbal établi le 10 juin 2023 à 11 heures « mentionnons que le nommé [P] [Z] » n’est pas connu sur le fichier des personnes recherchées auxquels nous sommes dûment habilités ». Cette mention est suffisante pour considérer que la procédure était respectée.

Cependant, la fiche de demande de placement CRA Zone Sud fait référence à une consultation du Taj et du Faed. Il n’y est fait mention d’aucune référence au nom du policier ayant procédé à la consultation ni à son habilitation ni la date de la consultation les fichiers. En l’absence totale de référence sur la procédure qui a été suivie, il ne peut être fait application de la présomption prévue à l’article 15-5 du code de procédure pénale.

Cette irrégularité doit entraîner la nullité de la procédure et celle subséquente du placement de M. X se disant [P] en rétention dont la libération doit être ordonnée par infirmation de la décision déférée.

PAR CES MOTIFS

Statuant, au terme de débats tenus publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe après avis aux parties ;

REÇOIT l’appel ;

INFIRME l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de TOULOUSE le 13 juin 2023,

ORDONNE la mainlevée de la mesure de maintien en rétention sans délai de M. X se disant [Z] [P],

RAPPELLE à M. X se disant [Z] [P] qu’il a l’obligation de quitter le territoire francais,

DIT que la présente ordonnance sera notifiée à la PREFECTURE de l’Hérault, service des étrangers, à M. X se disant [Z] [P], ainsi qu’à son conseil et communiquée au Ministère Public.

LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE

P.GORDON E. VET Conseiller

 


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