Cour d’appel de Saint-Denis, 18 avril 2018
Cour d’appel de Saint-Denis, 18 avril 2018

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Saint-Denis

Résumé

Un distributeur cinématographique a été accusé de contrefaçon par un concurrent, qui a demandé le retrait d’une communication associant des partenaires non autorisés au film Fast & Furious 7. En réponse, le distributeur a rappelé à ses partenaires la protection des droits d’auteur. Le tribunal a jugé que cette démarche ne constituait pas un dénigrement, car elle visait à faire respecter les droits légaux, et non à nuire à la réputation du concurrent. Cependant, le concessionnaire exclusif a été condamné pour avoir incité des internautes à poster des commentaires favorables sur sa page Facebook, ce qui a été considéré comme un acte de concurrence déloyale.

Accusation de contrefaçon

Un distributeur cinématographique a poursuivi une société en dénigrement aux motifs que cette dernière avait porté sur lui des accusations de contrefaçon de droits d‘auteur sur des éléments du film Fast & Furious 7. A l’occasion de la sortie de ce film, le distributeur avait organisé deux journées spéciales de promotion au moyen d’un visuel constitué d’une affiche reproduisant l’affiche du film sur laquelle étaient apposés les logos des partenaires participants (Coca cola, NRJ, Renault …). Le concurrent, concessionnaire exclusif du film, avait demandé le retrait immédiat de toute communication illicite associant à ce film un partenaire non autorisé. La société avait également envoyé des mails directement auprès des partenaires commerciaux du distributeur pour les alerter sur ces agissements.

Conditions du dénigrement

Pour rappel, en application de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement de son fait mais encore par sa négligence ou son imprudence.

Si en matière commerciale la liberté du commerce et la libre concurrence sont des principes fondamentaux, la concurrence doit s’exercer dans le respect des usages loyaux du commerce. L’emploi de tout procédé déloyal constitue une faute qui expose son auteur à une action en responsabilité et à l’octroi de dommages et intérêts.

Le dénigrement a été écarté. Il ressortait du contrat cadre liant la société au producteur du film, que le concessionnaire avait mandat du concédant pour assurer la protection légale des droits du concédant sur les films concédés et était tenu à ce titre, de prendre toutes actions qu’il jugerait nécessaire pour empêcher toute violation de ces droits, pour poursuivre devant les tribunaux tous tiers pour l’utilisation, la reproduction, sans autorisation de l’un quelconque des films ou de toute version de ceux-ci.

En adressant aux partenaires commerciaux participant à l’événement, un rappel concernant la protection de l’image du film et une mise en demeure d’avoir à cesser toute utilisation illicite, laquelle était caractérisée par l’association à l’image du film de sociétés commerciales non agréées par le concédant, la société n’a commis aucune faute constitutive d’un dénigrement. En effet, sa démarche ne tendait pas à jeter le discrédit sur un concurrent mais à faire respecter la protection légale accordée aux droits du concédant.

Question accessoire de la diffamation

D’autres emails adressés aux partenaires commerciaux, imputaient au distributeur des faits de blanchissement d’argent sur la distribution de films, avec coupure de presse à l’appui. Les abus de la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi du 28 juillet 1881 ne pouvant être réparés sur le fondement de l’article 1240 du code civil, l’action a été jugée irrecevable. Ces emails visaient uniquement la personne morale et non les produits services ou prestations proposées par le distributeur. Ils relevaient donc du champ d’application de la loi du 29 juillet 1881 et devaient donc être analysés dans ce cadre.

Concurrence déloyale sur Facebook sanctionnée

Le concessionnaire exclusif des droits sur le film a tout de même été condamné pour dénigrement pour avoir organisé sur sa page Facebook un concours invitant les internautes, moyennant un mois de cinéma gratuit, à aller poster un commentaire sur la page Facebook du concurrent en citant le nom de la société (« I like « xxx », je veux un mois de cinoch »). Le commentaire ne contenant aucune critique et ne jetant pas le discrédit sur ce distributeur, puisqu’il ne faisait que la publicité du concurrent, le dénigrement n’était pas caractérisé. Cependant le procédé utilisé, consistant à inciter des internautes clients potentiels, à poster sur le site d’un concurrent un commentaire qui peut être lu par les clients du site, faisant la publicité du concurrent s’analyse plus exactement en un détournement de clientèle par l’utilisation d’un procédé déloyal (faits de concurrence déloyale). Compte tenu du nombre de message publiés sur la page Facebook du distributeur, le préjudice a été évalué à la somme de 10 000,00 euros.

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Questions / Réponses juridiques

Quelles accusations ont été portées contre le distributeur cinématographique ?

Le distributeur cinématographique a été accusé de contrefaçon de droits d’auteur par une société concurrente. Cette accusation est survenue lors de la promotion du film Fast & Furious 7, où le distributeur avait utilisé un visuel incluant l’affiche du film et les logos de partenaires tels que Coca-Cola, NRJ et Renault.

Cette société concurrente, qui était le concessionnaire exclusif du film, a exigé le retrait immédiat de toute communication jugée illicite. Elle a également contacté directement les partenaires commerciaux du distributeur pour les alerter sur ces prétendues violations de droits d’auteur.

Quelles sont les conditions du dénigrement selon le code civil ?

Selon l’article 1240 du code civil, toute personne qui cause un dommage à autrui par sa faute est tenue de le réparer. Cela inclut non seulement les actes intentionnels, mais aussi les négligences ou imprudences.

Dans le cadre commercial, la liberté de commerce et la libre concurrence doivent être exercées dans le respect des usages loyaux. L’utilisation de procédés déloyaux est considérée comme une faute, exposant l’auteur à des actions en responsabilité et à des dommages-intérêts.

Pourquoi le dénigrement a-t-il été écarté dans cette affaire ?

Le dénigrement a été écarté car le contrat entre la société et le producteur du film stipulait que le concessionnaire avait le mandat de protéger les droits du concédant. Cela incluait la prise de mesures pour empêcher toute violation de ces droits.

En envoyant des rappels aux partenaires commerciaux sur la protection de l’image du film, la société n’a pas cherché à discréditer un concurrent, mais à faire respecter les droits légaux du concédant. Ainsi, sa démarche était justifiée et ne constituait pas un acte de dénigrement.

Quelle était la question accessoire de diffamation dans cette affaire ?

Des emails envoyés aux partenaires commerciaux accusaient le distributeur de blanchiment d’argent dans la distribution de films, accompagnés de coupures de presse. Cependant, ces accusations ne pouvaient pas être réparées sur la base de l’article 1240 du code civil, car elles relevaient de la loi du 28 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Ces emails visaient uniquement la personne morale du distributeur et non ses produits ou services. Par conséquent, ils devaient être analysés dans le cadre de la loi de 1881, ce qui a conduit à l’irrecevabilité de l’action.

Quelles sanctions ont été appliquées pour concurrence déloyale sur Facebook ?

Le concessionnaire exclusif des droits sur le film a été condamné pour dénigrement après avoir organisé un concours sur Facebook. Ce concours incitait les internautes à poster des commentaires sur la page du concurrent, en échange d’un mois de cinéma gratuit.

Bien que les commentaires ne contenaient pas de critiques, le procédé utilisé a été jugé comme un détournement de clientèle, car il incitait les clients potentiels à faire de la publicité pour le concurrent. En raison du nombre de messages publiés, le préjudice a été évalué à 10 000 euros.

 


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