Cour d’appel de Rouen, 8 janvier 2025, RG n° 25/00067
Cour d’appel de Rouen, 8 janvier 2025, RG n° 25/00067

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Rouen

Thématique : Évaluation des conditions de rétention administrative et des garanties de représentation des étrangers en situation irrégulière.

Résumé

Identité et situation de Mme [W] [F]

Mme [W] [F] est une ressortissante algérienne qui a fait l’objet d’un arrêté d’obligation de quitter le territoire français le 2 janvier 2025. Elle a été placée en rétention administrative à la suite d’une garde à vue, ayant refusé d’embarquer lors de son interpellation.

Procédure judiciaire

Le juge du tribunal judiciaire de Rouen a rejeté la requête du préfet de police de Paris visant à prolonger la rétention de Mme [W] [F] par une ordonnance du 6 janvier 2025, ordonnant sa mise en liberté. Le procureur de la République a interjeté appel de cette décision, entraînant un sursis à l’exécution de l’ordonnance initiale.

Arguments du procureur et du préfet

Le procureur a soutenu que Mme [W] [F] ne disposait pas de passeport, avait fourni une fausse identité et que son justificatif de domicile présentait des incohérences. Le préfet a également interjeté appel, arguant que l’arrêté de placement en rétention était suffisamment motivé et que Mme [W] [F] ne justifiait pas d’une résidence stable.

Réponse de la défense

Le conseil de Mme [W] [F] a demandé la confirmation de la décision initiale, affirmant que l’appel du procureur était irrecevable et que l’arrêté de placement en rétention n’était pas suffisamment motivé. Il a également souligné l’existence d’une résidence stable et contesté les motifs de la décision du préfet.

Motivation de la décision judiciaire

Le tribunal a ordonné la jonction des procédures et a déclaré recevables les appels du procureur et du préfet. Il a examiné la motivation de l’arrêté de placement en rétention, concluant que le préfet avait des raisons valables de considérer que Mme [W] [F] ne présentait pas de garanties de représentation suffisantes.

Conclusion du tribunal

Le tribunal a infirmé l’ordonnance du 6 janvier 2025, déclarant la décision de placement en rétention régulière et ordonnant le maintien de Mme [W] [F] en rétention pour une durée de vingt-six jours. La décision a été notifiée aux parties, leur permettant de former un pourvoi en cassation.

N° RG 25/00067 – N° Portalis DBV2-V-B7J-J3EL

N° RG 25/00074

COUR D’APPEL DE ROUEN

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 08 JANVIER 2025

Brigitte HOUZET, conseillère à la cour d’appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,

Assistée de Mme VESPIER, greffière ;

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile;

Vu l’arrêté du préfet de police de [Localité 3] en date du 2 janvier 2025 portant obligation de quitter le territoire français pour Mme [W] [F], née le 13 Juin 2004 à [Localité 5] (ALGERIE) ;

Vu l’arrêté du préfet de police de [Localité 3] en date du 2 janvier 2025 de placement en rétention administrative de Mme [W] [F] ayant pris effet le 2 janvier 2025 à 19h26 ;

Vu la requête de Mme [W] [F] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;

Vu la requête du préfet de police de [Localité 3] tendant à voir prolonger pour une durée de vingt six jours la mesure de rétention administrative qu’il a prise à l’égard de Mme [W] [F] ;

Vu l’ordonnance rendue le 06 Janvier 2025 à 14h00 par Juge des libertés et de la détention de ROUEN, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l’encontre de Mme [W] [F] irrégulière, ordonnant en conséquence sa mise en liberté, et disant n’y avoir lieu à statuer sur la demande de prolongation de la rétention administrative le concernant;

Vu l’appel interjeté le 06 janvier 2025 à 15h10 par monsieur le procureur de la République près le tribunal judiciaire de ROUEN, avec demande d’effet suspensif, parvenu au greffe de la cour d’appel de Rouen à 15h46, régulièrement notifié aux parties ;

Vu l’appel interjeté le 07 janvier 2025 à 11h07 par monsieur le préfet de police de Paris, représenté par Me Bruno MATHIEU, avocat au barreau de Paris ;

Vu l’ordonnance du 6 janvier 2025 disant qu’il sera sursis à l’exécution de l’ordonnance rendue le 06 Janvier 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen à l’égard de Mme [W] [F] dans l’attente de la décision sur l’appel interjeté par le ministère public à l’encontre de ladite ordonnance ;

Vu l’avis de la date de l’audience donné par le greffier de la cour d’appel de Rouen :

– aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 2],

– à l’intéressée,

– au préfet de police de [Localité 3],

– à Me Bruno MATHIEU, avocat au barreau de Paris,

– à Me CAMAIL Marie, avocat au barreau de Rouen, de permanence,

Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu la décision prise de tenir l’audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d’entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2];

Vu la demande de comparution présentée par Mme [W] [F] ;

Vu l’avis au ministère public ;

Vu les débats en audience publique, en présence de Me Aziz BENZINA, avocat au barreau du Val-de-Marne pour le cabinet TOMMASI, représentant le préfet de police de Paris et en l’absence du ministère public ;

Vu la comparution de Mme [W] [F] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 2] ;

Me CAMAIL Marie étant présente au palais de justice ;

Vu les réquisitions écrites du ministère public ;

Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties;

Mme [W] [F] et son conseil et le conseil du préfet ayant été entendus ;

****

Décision prononcée par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

****

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS

Mme [W] [F] déclare être ressortissante algérienne.

Elle a fait l’objet d’un arrêté portant obligation de quitter le territoire français en date du 2 janvier 2025.

Elle a été placée en rétention administrative selon arrêté du même 2 janvier 2025, à l’issue d’une mesure de garde à vue.

Ayant refusé d’embarquer, Mme [W] [F] a été placée en garde à vue le 15 novembre 2024.

Saisi d’une requête du préfet de police de Paris, aux fins de voir autoriser la prolongation de la rétention adminsitrative de Mme [W] [F], le juge du tribunal judiciaire de Rouen a, par ordonnance du 6 janvier 2025, rejeté la requête du préfet, dit n’y avoir lieu de prononcer l’une quelconque des mesures prévues par le le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et ordonné la mise en liberté de Mme [W] [F].

Le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Rouen a formé appel de cette ordonnance avec demande d’effet suspensif.

Suite à cet appel suspensif du procureur de la République, une ordonnance a été rendue par le magistrat délégué pour remplacer le premier président le 6 janvier 2025, laquelle a ordonné le sursis à l’exécution de l’ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention dans l’attente de la décision sur l’appel interjeté par le ministère public.

Au fond, le procureur de la République soutient que Mme [W] [F] est démunie de passeport, qu’elle a fourni, au cours de sa garde à vue, une fausse identité à l’appui d’une carte d’identité volée et menti à plusieurs reprises, que le justificatif de domicile qu’elle a produit présente plusieurs incohérences, que, daté du 3 janvier 2025, il n’a pas été soumis au préfet lorsque ce dernier a pris la décision de placement en rétention, laquelle date du 2 janvier 2025, que, par suite, il ne saurait être reproché au préfet d’avoir commis une erreur d’appréciation et que les garanties de représentation de Mme [W] [F] ne sont pas suffisantes pour permettre une assignation à résidence.

Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites du 6 janvier 2025 et 7 janvier 2025, sollicite l’infirmation de la décision.

Le préfet de police de [Localité 3] a également interjeté appel de la décision.

A l’audience, le conseil du préfet de police de [Localité 3] reprend les moyens soulevés dans ses conclusions d’appel et soutient que l’arrêté de placement en rétention administrative est suffisamment motivé et n’est pas entaché d’une erreur d’appréciation, l’intéressée, étant démunie de documents d’identité et de voyage, ayant fait usage d’une carte d’identité volée, ayant usurpé une identité, ne justifiant pas d’une résidence stable, l’attestation produite étant insuffisante et n’étant pas en mesure d’exécuter la mesure d’éloignement faute de ressources.

Le conseil de Mme [W] [F] demande la confirmation de la décision et fait valoir que l’appel formé par le procureur est irrecevable car dirigé à l’encontre d’une ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention et non le magistrat du siège, que l’arrêté de placement en rétention administrative n’est pas suffisamment motivé en ce qu’il ne prend pas cen compte la situation personnelle et familiale de l’intéressée, l’existence justifiée d’une résidence stable, qu’il est rédigé au moyen de formules stéréotypées, à savoir des cases cochées et que le préfet de police de [Localité 3] a commis une erreur manifeste d’appréciation.

Mme [W] [F] a été entendue en ses observations.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en dernier ressort,

Ordonne la jonction des procédures enrôlées sous les numéros RG 25/00067 et RG 25/00074 sous le numéro RG 25/00067.

Déclare recevables les appels interjetés par le procureur de la République de Rouen et le préfet de Police de Paris à l’encontre de l’ordonnance rendue le 06 Janvier 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de ce tribunal, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l’encontre de Mme [W] [F] irrégulière, ordonnant en conséquence sa mise en liberté, et disant n’y avoir lieu à statuer sur la demande de prolongation de la rétention administrative le concernant,

Infirme l’ordonnance rendue le 06 Janvier 2025 par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rouen en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare la décision prononcée à l’encontre de Mme [W] [F] régulière,

Ordonne en conséquence le maintien en rétention de Mme [W] [F] pour une durée de vingt six jours.

Fait à Rouen, le 08 Janvier 2025 à 12h40.

LE GREFFIER, LA CONSEILLERE,

NOTIFICATION

La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

 


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