Cour d’appel de Rouen, 5 février 2025, RG n° 24/01536
Cour d’appel de Rouen, 5 février 2025, RG n° 24/01536

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Rouen

Thématique : Responsabilité animale et preuve de causalité : un jugement sans appel

Résumé

Résumé des faits de l’affaire

Le 26 août 2020, une victime a été déséquilibrée lors d’une promenade avec son chien dans un camping, entraînant un traumatisme à la cheville droite. Cet incident s’est produit à proximité d’un bungalow occupé par une propriétaire de chien, qui était responsable d’un berger allemand. Suite à cet événement, la victime a assigné la propriétaire du chien, ainsi que son assureur, devant le tribunal judiciaire pour obtenir une indemnisation de ses préjudices.

Décision du tribunal

Le tribunal a rendu un jugement le 27 novembre 2023, déboutant la victime de toutes ses demandes et la condamnant à verser des sommes à la propriétaire du chien et à l’assureur, en application de l’article 700 du code de procédure civile. La décision a également confirmé l’exécution provisoire et a déclaré le jugement commun à la caisse primaire d’assurance maladie (Cpam) concernée. La victime a ensuite formé un appel contre ce jugement.

Prétentions de la victime

Dans ses conclusions, la victime a demandé l’infirmation du jugement, la reconnaissance de la responsabilité de la propriétaire du chien pour l’attaque subie, ainsi que la condamnation solidaire de celle-ci et de son assureur à lui verser des indemnités pour préjudice physique, financier et moral. Elle a soutenu que l’attaque du berger allemand avait causé son déséquilibre et son traumatisme.

Arguments de la propriétaire et de l’assureur

La propriétaire du chien et son assureur ont contesté les prétentions de la victime, arguant qu’elle n’avait pas prouvé le rôle actif du chien dans l’accident. Ils ont souligné l’absence de témoins et des contradictions dans les versions des faits. Ils ont également soutenu que la victime avait commis des fautes d’imprudence en ne tenant pas son propre chien en laisse et en empruntant une voie sans issue.

Analyse de la responsabilité

Le tribunal a examiné la responsabilité de la propriétaire du chien selon l’article 1243 du code civil, qui stipule que le propriétaire est responsable des dommages causés par son animal. Cependant, il a conclu que la victime n’avait pas établi le lien de causalité entre le comportement du chien et son dommage, ce qui a conduit à la confirmation du jugement initial.

Décision finale

La cour a confirmé le jugement du tribunal, rejetant les demandes de la victime et la condamnant aux dépens d’appel. Elle a également ordonné à la victime de verser des sommes à la propriétaire du chien et à l’assureur pour couvrir les frais de procédure.

N° RG 24/01536 – N° Portalis DBV2-V-B7I-JUSD

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 5 FEVRIER 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

23/00074

Tribunal judiciaire de Rouen du 27 novembre 2023

APPELANTE :

Madame [D] [O]

née le [Date naissance 4] 1952 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 11]

représentée et assistée par Me Diego CASTIONI, avocat au barreau de Rouen

INTIMES :

Madame [F] [R]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée et assistée par Me Isabelle DE THIER de la SELARL DE THIER AVOCATS, avocat au barreau de Rouen substituée par Me ALEXANDRE

SA THELEM ASSURANCES

[Adresse 7]

[Localité 3]

représentée et assistée par Me Isabelle DE THIER de la SELARL DE THIER AVOCATS, avocat au barreau de Rouen substituée par Me ALEXANDRE

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 11]

[Adresse 5]

[Localité 11]

non constituée bien que régulièrement assignée par acte d’huissier de justice remis le 24 juin 2024 à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 4 décembre 2024 sans opposition des avocats devant Mme Magali DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, présidente de chambre

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l’audience publique du 4 décembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 5 février 2025

ARRET :

REPUTE CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 5 février 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 26 août 2020, lors d’une promenade avec son chien dans une allée du camping ‘[8]’ à [Localité 10] (76), Mme [D] [O] a été déséquilibrée et a subi un traumatisme de la cheville droite à proximité du bungalow occupé par Mme [F] [R], propriétaire d’un berger allemand.

Suivant actes de commissaire de justice des 18 novembre et 21 décembre 2022, Mme [O] a fait assigner Mme [R], l’assureur de celle-ci : la société Thélem Assurances, et la Cpam de [Localité 11] devant le tribunal judiciaire de Rouen en indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 27 novembre 2023, le tribunal a :

– débouté Mme [D] [O] de l’ensemble de ses prétentions, fins et conclusions,

– condamné Mme [D] [O] à payer à Mme [F] [R] la somme de

500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [D] [O] à payer à la société Thélem Assurances la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire,

– déclaré le présent jugement commun à la Cpam de [Localité 11],

– condamné Mme [D] [O] aux dépens.

Par déclaration du 25 avril 2024, Mme [O] a formé un appel contre ce jugement.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées le 19 juin 2024 et signifiées à la Cpam de [Localité 11] le 24 juin 2024, Mme [D] [O] demande de voir :

– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 27 novembre 2023,

– déclarer Mme [R] civilement responsable de son chien et des conséquences de son attaque du 26 août 2020,

– dire que la société Thélem Assurances devra répondre des condamnations solidaires en sa qualité d’assureur de Mme [R],

– condamner solidairement Mme [R] et son assureur la société Thélem Assurances à lui payer les sommes suivantes :

. 6 000 euros en règlement de son préjudice physique,

. 238,17 euros au titre du préjudice financier,

. 500 euros au titre du préjudice moral,

. 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement Mme [R] et son assureur la société Thélem Assurances au paiement des dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Me Castioni conformément à l’article 699 du même code.

Elle expose que, le 26 août 2020, elle se promenait avec son chien Chihuahua dans les allées du camping et a été attaquée par un berger allemand qui a surgi sur elle, que son chien s’est réfugié dans ses bras, qu’elle a été déséquilibrée par la frayeur et s’est tordue la cheville droite ; que le berger allemand n’était pas attaché et a échappé à la surveillance de sa maîtresse Mme [R] laquelle s’est excusée pour le comportement agressif de son animal et a reconnu sa responsabilité en tant que propriétaire et gardienne de celui-ci.

Elle ajoute que son mari, à qui elle a téléphoné pour qu’il vienne la chercher car elle ne pouvait plus marcher, atteste que, lors de son arrivée sur place, elle était assise sur les marches du bungalow de Mme [R] ; que cette dernière reconnaît dans son écrit que Mme [O] a été déséquilibrée et a eu peur lorsque son berger allemand est soudainement arrivé en aboyant ; qu’il existe un lien de causalité direct et certain entre ces faits.

Elle précise que son préjudice physique ne fait nul doute ; qu’elle a été contrainte de quitter soudainement son lieu de vacances le 27 août 2020 car elle ne pouvait plus marcher et devait consulter un médecin, de sorte qu’elle a réglé trois nuits en pure perte ; qu’elle a également subi un préjudice moral puisqu’elle a tout tenté pour résoudre amiablement ce litige et s’est heurtée à la mauvaise foi de Mme [R] qui a effectué un revirement de sa position.

Par conclusions notifiées le 24 juin 2024, Mme [F] [R] et son assureur la société Thélem Assurances sollicitent de voir en application des articles 1243, 1353, et 1361 du code civil, 696 et 700 du code de procédure civile :

– à titre principal, confirmer le jugement dont appel en tous ses chefs,

– à titre subsidiaire, si toutefois la cour d’appel retenait l’existence d’une responsabilité, débouter Mme [O] de toutes ses demandes,

– en tout état de cause, condamner Mme [O] à leur payer une somme de

800 euros, chacune, en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, en plus des entiers dépens.

Elles font valoir que Mme [O] échoue à démontrer le rôle actif causal du berger allemand dans la survenue de son prétendu dommage ; qu’aucun témoin n’a assisté à la scène ; que les versions de celle-ci et de Mme [R] se contredisent ; que Mme [O] ne produit que le témoignage de son mari qui indique être arrivé après la chute de celle-ci de sorte qu’il n’apporte aucun élément probant sur le déroulé des faits ; que Mme [O] n’apporte aucun élément de preuve supplémentaire en cause d’appel.

Elles ajoutent que, si un quelconque rôle causal était retenu, il y aurait nécessairement lieu de constater que c’est la présence combinée des deux chiens qui serait à l’origine du dommage, que rien ne permet d’exclure que c’est le chien de Mme [O] qui serait à l’origine de sa prétendue chute ; que, dès lors, la responsabilité du prétendu dommage incomberait à chacun des propriétaires des chiens ; que Mme [O] a commis des fautes d’imprudence en se baladant dans le camping sans que son chien ne soit tenu en laisse et en empruntant une voie sans issue dans laquelle se trouvait le bungalow de Mme [R], qu’elle a ainsi concouru à la production de son propre dommage et sera déboutée de sa demande.

Elles indiquent que Mme [O], qui demande l’octroi d’une indemnité forfaitaire en réparation de son préjudice physique, ne le prouve pas, ni ne le qualifie, notamment au regard de la nomenclature Dintilhac, que l’indemnisation forfaitaire est censurée ; qu’au regard du compte-rendu de consultation du Dr [W] du 3 mai 2022, Mme [O] n’a pas subi d’entorse, mais souffre d’un ostéophyte dorsal causé par l’arthrose, pathologie qui n’est pas d’origine traumatique, et présente des antécédents (un pied bot varus équin opéré dans l’enfance et une chirurgie de transfert tendineux de la cheville droite réalisée en 2003) ; qu’une simple torsion de la cheville, qui n’est pas établie en l’espèce, ne peut pas causer cette excroissance osseuse.

Elles considèrent que les préjudices moral et financier allégués n’existent pas davantage ; que la causalité du dommage financier invoqué fait défaut, que Mme [O] n’établit pas que son état de santé lui interdisait de séjourner dans un camping.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens, il est renvoyé aux écritures des parties ci-dessus.

La Cpam de [Localité 11], à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 24 juin 2024 à personne habilitée, n’a pas constitué avocat.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 13 novembre 2024.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne Mme [D] [O] à payer à Mme [F] [R] et à la société Thélem Assurances, chacune, la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

Déboute les parties du surplus des demandes,

Condamne Mme [D] [O] aux dépens d’appel.

Le greffier, La présidente de chambre,

 


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