Cour d’appel de Rouen, 5 février 2025, RG n° 24/00494
Cour d’appel de Rouen, 5 février 2025, RG n° 24/00494

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Rouen

Thématique : Responsabilité contractuelle et obligations de résultat dans la vente d’équipements agricoles

Résumé

Acquisition et Pannes de Matériel

Le 10 mars 2015, un exploitant agricole a acquis un engin télescopique auprès d’une société de vente de matériel agricole. À partir de septembre 2016, l’exploitant a signalé des pannes affectant le fonctionnement de l’engin, entraînant la délivrance de quinze factures de réparation sur une période de trois ans.

Procédures Judiciaires et Jugement Initial

Ne parvenant plus à régler les factures des réparations, la société de vente a obtenu, le 30 août 2019, une ordonnance d’injonction de payer contre l’exploitant, qui a formé opposition. Par un jugement du 17 janvier 2022, le tribunal a reçu l’opposition, condamné l’exploitant à payer une somme de 9 543,86 euros à la société de vente, ainsi qu’une indemnité de 1 500 euros au titre des frais de justice, tout en ordonnant l’exécution provisoire.

Appel et Radiation de l’Affaire

L’exploitant a formé appel du jugement le 27 avril 2022. Le 28 février 2023, un conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l’affaire et a condamné l’exploitant à payer 1 000 euros à la société de vente au titre des frais de justice.

Prétentions de l’Exploitant

Dans ses conclusions du 6 février 2024, l’exploitant a demandé à la cour de déclarer ses demandes recevables et fondées, d’infirmer le jugement initial, et de condamner la société de vente à lui verser diverses sommes pour préjudices matériels, immatériels et moraux, ainsi qu’à prendre en charge les frais de justice.

Réponse de la Société de Vente

La société de vente a, dans ses conclusions du 4 novembre 2024, demandé à la cour de déclarer l’appel de l’exploitant mal fondé et de confirmer le jugement initial. Elle a également formé un appel incident pour obtenir le paiement d’une facture impayée de 1 917,71 euros.

Analyse de l’Exception d’Inexécution

La cour a examiné l’exception d’inexécution soulevée par l’exploitant, qui soutenait que la société de vente n’avait pas respecté ses obligations contractuelles. Cependant, la cour a constaté que l’exploitant n’avait pas démontré la gravité des manquements allégués et que les interventions de la société de vente avaient été effectuées conformément aux demandes de l’exploitant.

Décision de la Cour

La cour a confirmé le jugement initial, sauf en ce qui concerne le montant à payer, qu’elle a réduit à 7 680,96 euros. Elle a débouté l’exploitant de ses demandes de dommages et intérêts et a condamné ce dernier à payer 3 000 euros à la société de vente au titre des frais de justice.

N° RG 24/00494 – N° Portalis DBV2-V-B7I-JSKJ

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 5 FEVRIER 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

19/03830

Tribunal judiciaire de Rouen du 17 janvier 2022

APPELANTE :

EARL [N]

RCS de Rouen 401 240 056

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée et assistée par Me Ahmed AKABA de la SELARL ADVOCARE, avocat au barreau de Rouen substitué par Me BECHE

INTIMEE :

SAS AGROTECH

RCS de Dieppe 326 162 013

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée et assistée par Me Rose-Marie CAPITAINE, avocat au barreau de Dieppe

plaidant par Me HUREL

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 18 décembre 2024 sans opposition des avocats devant Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l’audience publique du 18 décembre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 février 2025. Le délibéré a été avancé au 5 février 2025, les avocats en ayant été régulièrement avisés.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 5 février 2025, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 10 mars 2015, l’Earl [N] a fait l’acquisition d’un engin télescopique auprès de la Sas Agrotech. Dès septembre 2016, l’Earl [N] a déploré des pannes altérant le fonctionnement du matériel, quinze factures de réparation ayant été émises en trois ans.

L’Earl [N] ne réglant plus les factures des différentes interventions, la Sas Agrotech a obtenu le 30 août 2019, une ordonnance d’injonction de payer à l’encontre de la débitrice qui a formé opposition.

Par jugement contradictoire du 17 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Rouen a :

– reçu l’opposition formée par l’Earl [N] contre l’ordonnance,

– condamné l’Earl [N] à payer à la Sas Agrotech la somme de 9 543,86 euros avec intérêt au taux légal à compter du 20 octobre 2018,

– condamné l’Earl [N] à payer à la Sas Agrotech la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire,

– rejeté les demandes les plus amples ou contraires des parties,

– condamné l’Earl [N] aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 27 avril 2022, l’Earl [N] a formé appel du jugement.

Par ordonnance du 28 février 2023, le conseiller de la mise en état a :

– ordonné la radiation de l’affaire enregistrée sous le numéro RG 22/01415 du rôle de la cour,

– condamné l’Earl [N] à payer à la Sas Agrotech la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamné l’Earl [N] aux dépens.

Par conclusions notifiées le 6 février 2024, l’Earl [N] a sollicité la réinscription de l’affaire au rôle de la cour.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 6 février 2024, l’Earl [N] demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants, 1353 du code civil, de :

– déclarer recevable et bien fondé l’ensemble de ses demandes,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

. condamné l’Earl [N] à payer à la Sas Agrotech la somme de 9 543,86 euros avec intérêt au taux légal à compter du 20 octobre 2018,

. condamné l’Earl [N] aux dépens,

. condamné l’Earl [N] à payer à la Sas Agrotech la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

. ordonné l’exécution provisoire,

. rejeté toutes demandes plus amples ou contraires de l’Earl [N],

statuant à nouveau,

– déclarer irrecevables les demandes de la Sas Agrotech,

– condamner la Sas Agrotech à lui verser les sommes suivantes:

. 7 556,10 euros au titre des factures d’ores et déjà réglées par l’Earl [N],

. 30 000 euros au titre de la perte de valeur de l’engin télescopique immatriculé [Immatriculation 4] de marque Dieci,

. 10 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

. 1 500 euros au titre du préjudice moral

– condamner la Sas Agrotech à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Concernant l’exception d’inexécution, elle relève que l’obligation de la Sas Agrotech était une obligation de résultat, à savoir procéder aux réparations du matériel télescopique vendu en 2015 pour que celui-ci puisse fonctionner conformément à sa destination, la contrepartie étant le paiement du prix des travaux de réparation’; que la Sas Agrotech reconnaît en réalité sa responsabilité contractuelle puisque ces techniciens ont eux-mêmes constaté l’existence d’un code erreur, mais «’n’ont pas été en mesure d’enlever ce code’».

Elle soutient que la Sas Agrotech ne peut pas s’exonérer de toute responsabilité en qualité de revendeur de la marque Dieci en invoquant telle ou telle panne pour laquelle seul le fabriquant serait habilité à agir, et relève au surplus que ce n’est pas elle qui a placé l’engin sur chandelle.

A titre subsidiaire, concernant l’absence de valeur probante des pièces produites, elle relève que la Sas Agrotech, pour prouver sa créance, ne produit aux débats que cinq factures établies par ses soins et qu’aucun ordre de service ou devis n’est présenté’; qu’en l’absence de devis signé, la Sas Agrotech est dans l’impossibilité d’apporter la preuve du contenu du contrat et notamment l’accord sur la chose et son prix’; qu’elle n’a jamais donné son accord aux travaux de réparations qui ont été effectués par la Sas Agrotech.

Concernant les dommages et intérêts, elle déplore un préjudice matériel du fait de cette acquisition auprès de la Sas Agrotech et rapporte qu’entre la délivrance de l’engin en mars 2015 et mars 2018, 15 interventions ont dû être effectuées par la Sas Agrotech pour tenter de réparer les différentes pannes du matériel vendu alors que depuis mars 2018, l’engin agricole ne fonctionne plus. Elle a également subi un préjudice immatériel, se caractérisant tant dans l’existence d’un préjudice de jouissance que dans l’attitude de la Sas Agrotech qui n’a pas mis à sa disposition un matériel de remplacement. Elle a subi un préjudice moral dans la mesure où depuis son acquisition, ce matériel présente de nombreuses défectuosités et n’a jamais pu être utilisé convenablement, notamment en raison de l’inertie de la Sas Agrotech.

Par dernières conclusions notifiées le 4 novembre 2024, la Sas Agrotech demande à la cour, au visa des articles 1417 et suivants du code de procédure civile, 1193 et suivants, 1342 et suivants du code civil, de :

– déclarer recevable mais mal fondé, l’appel interjeté par l’Earl [N] à l’encontre du jugement entrepris,

en conséquence,

à titre principal

– confirmer le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

– débouter l’Earl [N] de toutes ses demandes plus amples ou contraires,

à titre incident,

– déclarer recevable l’appel incident formé par la Sas Agrotech à l’encontre l’Earl [N] limité au chef de dispositions du jugement entrepris en ce que la demande de la Sas Agrotech de condamnation de l’Earl [N] au paiement de la facture n°3110280158 du 30 novembre 2017 de 1 917,71 euros a été rejetée,

statuant à nouveau,

– condamner l’Earl [N] à lui payer la somme de 1 917,71 euros au titre de la facture n°3110280158 du 30 novembre 2017,

y ajoutant

– condamner l’Earl [N] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner l’Earl [N] à prendre en charge les entiers dépens.

A titre principal, elle relève qu’il revient à la partie qui soulève l’exception d’inexécution de démontrer la gravité des manquements du cocontractant, qu’il ressort de l’ensemble des pièces qu’elle est toujours intervenue et qu’après chaque intervention facturée, l’engin a fonctionné comme en atteste l’augmentation constante du nombre d’heures d’utilisation. Concernant la preuve de sa créance, les factures échues impayées ont été établies sur la base des ordres de réparations qui ont été produits et signés par M. [N], lequel ne conteste pas les interventions et les réparations effectuées’: chacune comporte un commentaire précis relatant le motif et la nature de l’intervention de son technicien.

Elle rapporte que le procès-verbal de constat d’huissier de justice du 12 février 2018 démontre que l’engin démarrait mais n’avançait pas, tout en constatant que cet engin était posé sur une chandelle côté gauche, immobilisé avec la roue arrière démontée et que dans ces conditions l’engin ne pouvait avancer. Concernant la présence de deux codes erreurs, ces techniciens ne disposant pas de la valise technique constructeur, ne pouvaient procéder à des interventions directes sur le moteur et n’étaient aucunement habilités à intervenir.

Elle retient que le simple constat du relevé des heures accomplies mentionnées sur les ordres de réparations établit non seulement que l’engin fonctionnait, mais que de surcroît, l’activité de la machine était très élevée’; qu’en tout état de cause, à défaut de démontrer un manquement fautif, une inexécution totale ou partielle des obligations imputables à sa société, l’Earl [N] n’est pas fondée à réclamer l’octroi de dommages et intérêts en réparation pour des préjudices qu’elle ne prouve pas.

A titre incident, elle rapporte que la somme de 1 917,71 euros correspond à une intervention de sa société après la visite d’un expert amiable, qu’elle a procédé au remplacement des pièces préconisées, qu’elle a pris en compte une partie de cette facture à titre commercial, mais qu’il en reste une partie à la charge de l’Earl [N].

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 27 novembre 2024.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Dans les limites de l’appel formé,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné l’Earl [N] à payer à la Sas Agrotech la somme de 9’543,86 euros avec intérêt au taux légal à compter du 20 octobre 2018,

L’infirme de ce chef,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne l’Earl [N] à payer à la Sas Agrotech la somme de 7’680,96 euros avec intérêt au taux légal à compter du 20 octobre 2018,

Déboute l’Earl [N] de ses demandes indemnitaires,

Condamne l’Earl [N] à payer à la Sas Agrotech la somme de 3’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne l’Earl [N] aux dépens.

Le greffier, La présidente de chambre,

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon