Cour d’appel de Rouen, 5 février 2025, RG n° 23/03924
Cour d’appel de Rouen, 5 février 2025, RG n° 23/03924

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Rouen

Thématique : Retards et désordres dans l’exécution des travaux : enjeux de responsabilité et de réparation.

Résumé

Contexte de l’affaire

Dans cette affaire, une propriétaire d’une maison d’habitation a souhaité effectuer des travaux de recouvrement de sa terrasse et de la bordure entourant sa maison. Pour ce faire, elle a sollicité une entreprise de construction, qui a émis un devis pour un montant de 14 800 euros. Afin de financer ces travaux, la propriétaire a contracté un crédit auprès d’une institution financière pour un montant de 9 800 euros.

Déroulement des travaux

Après avoir accepté le devis et versé un acompte, la propriétaire a constaté que les travaux n’avaient pas été réalisés dans les délais convenus. L’entreprise n’est intervenue que sept mois après l’acceptation du devis. Suite à des désordres constatés, la propriétaire a refusé de signer le procès-verbal de réception et a fait appel à son assurance, qui a mandaté un expert pour évaluer la situation.

Réclamations et interventions

La propriétaire a adressé une réclamation à l’entreprise, qui a accepté de reprendre les travaux. Cependant, après une seconde intervention, la propriétaire a de nouveau signalé des dégradations. Un nouvel expert a été mandaté pour constater les désordres. En janvier 2021, la propriétaire a assigné l’entreprise devant le tribunal judiciaire.

Jugement du tribunal

Le tribunal a rendu un jugement en septembre 2023, condamnant l’entreprise à verser une indemnité pour préjudice moral, tout en déboutant la propriétaire de ses autres demandes. L’entreprise a été condamnée à payer des frais irrépétibles et aux dépens. En novembre 2023, l’entreprise a formé appel de ce jugement.

Demandes de l’entreprise

Dans ses conclusions, l’entreprise a demandé à la cour de déclarer son appel fondé, de réformer le jugement en ce qui concerne les indemnités versées à la propriétaire, et de rejeter l’ensemble de ses demandes. L’entreprise a également demandé le paiement d’un solde de marché.

Réponses de la propriétaire

La propriétaire a contesté l’appel de l’entreprise, demandant la confirmation du jugement initial et la résiliation du contrat. Elle a également sollicité des indemnités pour les travaux de réparation et un préjudice de jouissance, tout en demandant une expertise judiciaire pour évaluer les travaux réalisés.

Analyse des responsabilités

Le tribunal a examiné les conditions d’exécution du contrat et a constaté que la réception des travaux n’avait pas eu lieu, ce qui a empêché l’application de la garantie décennale. La propriétaire a été déboutée de sa demande de résolution du contrat, car elle n’a pas démontré d’inexécutions suffisamment graves de la part de l’entreprise.

Conclusion du jugement

Le jugement a été infirmé en ce qui concerne les condamnations prononcées contre l’entreprise, et la propriétaire a été condamnée à payer le solde du contrat ainsi que des frais irrépétibles. Les demandes de la propriétaire ont été rejetées, et elle a été condamnée aux dépens de la première instance et de l’appel.

N° RG 23/03924 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JQNV

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 5 FEVRIER 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

21/00562

Tribunal judiciaire de Rouen du 18 septembre 2023

APPELANTE :

SARL HAREVA

Siret 453 333 460

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée et assistée par Me Philippe DUBOS de la SCP DUBOS, avocat au barreau de Rouen

INTIMEE :

Madame [H] [L] épouse [Z]

née le 4 février 1960 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée et assistée par Me Patricia RIQUE-SEREZAT de la SELARL SELARL RIQUE-SEREZAT THEUBET, avocat au barreau du Havre

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 22 janvier 2025 sans opposition des avocats devant Mme WITTRANT, présidente de chambre, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l’audience publique du 22 janvier 2025, où l’affaire a été mise en délibéré au 26 février 2025 avancé au 5 février 2025.

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 février 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Mme [H] [Z] est propriétaire d’une maison d’habitation située au [Adresse 1] à [Localité 4]. Souhaitant faire des travaux de recouvrement de sa terrasse et de la bordure entourant sa maison, Mme [Z] s’est rapprochée de la Sarl Hareva, laquelle a émis un devis le 23 octobre 2017, pour la somme de 14 800 euros. Pour financer l’opération, Mme [Z] a conclu un contrat de crédit auprès de la Sa Cetelem pour un montant de 9 800 euros remboursable en 78 mensualités de 164,72 euros pour un taux effectif global de

5,45 %.

Mme [Z] a accepté le devis le 27 novembre 2017 et a versé un acompte de 1 500 euros.

Alors que l’achèvement des travaux était prévu contractuellement dans un délai de 6 à 18 semaines, la Sarl Hareva n’est intervenue que le 24 mai 2018, soit 7 mois après l’acceptation du devis. Se plaignant de divers désordres, Mme [Z] n’a pas signé le procès-verbal de réception et a fait intervenir son assurance qui a mandaté un expert amiable qui a procédé à des constatations le 5 juin 2018.

Par courrier du 23 juin 2018, Mme [Z] adressait à la Sarl Hareva un courrier de réclamation. Compte tenu de l’état de la terrasse et de la bordure, la société a accepté d’intervenir de nouveau pour reprendre les travaux. A la suite d’une seconde intervention de la Sarl Hareva le 27 février 2019, qui avait pour objectif l’enlèvement du béton litigieux, Mme [Z] s’est plainte de dégradations sur sa maison. L’expert amiable est de nouveau intervenu en septembre 2019 en présence de la Sarl Hareva.

Par acte d’huissier du 27 janvier 2021, Mme [Z] a assigné la société Hareva devant le tribunal judiciaire de Rouen.

Par jugement contradictoire du 18 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Rouen a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– condamné la Sarl Hareva à verser à Mme [Z] une somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral,

– débouté Mme [Z] de ses autres demandes,

– condamné la Sarl Hareva à payer à Mme [Z] une somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles,

– condamné la Sarl Hareva aux entiers dépens,

– débouté les parties de toute autre demande non présentement satisfaite.

Par déclaration reçu au greffe le 28 novembre 2023, la société Hareva a formé appel du jugement.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 18 juillet 2024, la Sarl Hareva demande à la cour de :

– la recevoir en son appel partiel et la déclarer bien fondée,

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

. condamné la Sarl Hareva à verser à Mme [Z] une somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral,

. condamné la Sarl Hareva à payer à Mme [Z] une somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles,

statuant à nouveau,

– rejeter l’ensemble des demandes de Mme [Z],

– condamner Mme [Z] à lui verser la somme de 3 500 euros au titre du solde du marché,

– rejeter l’appel incident de Mme [Z] et confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes sollicitant la résiliation du contrat,

– rejeter ses demandes au titre des travaux de réparation et d’un prétendu préjudice de jouissance,

– condamner Mme [Z] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Sur la demande de résolution judiciaire, pour prétendre qu’il n’existe aucune inexécution suffisamment grave de sa part pour justifier la résiliation du contrat, la Sarl Hareva soutient s’être engagée à reprendre les désordres ce que Mme [Z] aurait refusé en laissant sans réponse les relances de la société appelante des 8 janvier, 11 mars, 10 septembre et 9 novembre 2020. Elle souligne l’absence de caractère contradictoire de l’expertise amiable puisqu’elle n’a pas été convoquée à la première réunion, et les positions de Mme [Z] mises en cause par l’expert de son assureur.

Sur la demande portant sur la réception des travaux, pour considérer que Mme [Z] ne saurait rechercher sa responsabilité sur le fondement de la garantie décennale, la Sarl Hareva allègue qu’aucune réception n’a eu lieu y compris tacite, Mme [Z] indiquant elle-même qu’aucune réception n’est intervenue. Si la cour devait prononcer la réception judiciaire de l’ouvrage, notamment du fait du changement de Mme [Z] qui indique dorénavant vouloir réceptionner l’ouvrage, la Sarl Hareva estime que sa responsabilité ne saurait être engagée au titre de la garantie décennale dans la mesure où seules des reprises de finition restaient à réaliser mais que Mme [Z] s’est opposée à toute poursuite du chantier en s’abstenant de répondre aux différents courriers de l’entreprise.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, la Sarl Hareva estime que si Mme [Z] subit encore des désordres sur les travaux, cela est uniquement son fait depuis le 8 janvier 2020, et son refus systématique de laisser l’entreprise intervenir pour reprendre les quelques désordres constatés par l’expert, tout en ajoutant que l’intimée ne dispose d’aucune raison légitime pour échapper au paiement du solde du marché.

Par dernières conclusions notifiées le 22 août 2024, Mme [H] [Z] demande à la cour, au visa des articles 1217, 1231 et suivants et 1792 et suivants du code civil, de :

– déclarer recevable mais mal fondé l’appel interjeté par la Sarl Hareva,

– débouter la Sarl Hareva de l’ensemble de ses demandes,

– confirmer la décision entreprise en ce qu’elle lui a accordé une indemnité de

1 000 euros au titre du préjudice moral,

– la recevoir en son appel incident,

– infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau,

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de résiliation du contrat de prestation de service et d’indemnisation,

– résilier le contrat de construction ayant été conclu entre elle et la Sarl Hareva,

– condamner la Sarl Hareva à lui verser la somme de 28 721 euros à titre de travaux de réparation de la terrasse et de la bordure ainsi que des dégradations commises par la Sarl Hareva,

subsidiairement,

– ordonner une expertise et désigner tel expert qu’il plaira à la cour avec la mission décrite au dispositif de ses conclusions,

– réserver les dépens de l’expertise,

– condamner la Sarl Hareva à lui payer la somme de 12 600 euros au titre du préjudice de jouissance,

– condamner la Sarl Hareva à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la Sarl Hareva aux dépens de première instance et d’appel,

– dire que ceux d’appel pourront être recouvrés directement par la Selarl Risque-Serezat Theubet, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Sur la demande en paiement de la somme de 3 500 euros au titre du solde du marché, pour estimer que la Sarl Hareva est mal fondée à solliciter ce paiement, Mme [Z] soutient qu’il ne peut être retenue à son égard une quelconque responsabilité alors que dès le début du contrat, l’exécution s’est avérée tardive outre le fait que le professionnel n’ait pas eu la capacité technique d’effectuer les travaux en une seule intervention.

Sur les dommages et intérêts, pour affirmer que le principe de l’indemnité du préjudice moral ne peut être contesté, Mme [Z] rappelle que la Sarl Hareva n’a jamais été en 3 ans, et malgré plusieurs interventions, en capacité de faire les travaux auxquels elle s’était engagée.

Ainsi, pour solliciter la résiliation du contrat, Mme [Z] expose que la Sarl Hareva n’a pas respecté les obligations essentielles du contrat, même partiellement, tout en précisant que l’expert amiable considère que compte tenu du premier défaut d’exécution, il n’y a pas d’autre alternative que de casser la dalle et les trottoirs, pour un coût de 18 000 euros.

Sur la réception des travaux, relevant que la responsabilité de la Sarl Hareva a été reconnue par elle puisqu’elle a proposé de réaliser des travaux de reprise, elle est intervenue et a proposé de nouveau une action, Mme [Z] fait valoir que la prescription décennale a été interrompue par la reconnaissance de responsabilité de la société appelante et qu’elle devra donc faire intervenir son assurance au titre de la garantie décennale.

Compte tenu de l’étalement des travaux, des interventions et tracasseries des nombreux rendez-vous et de l’état de sa terrasse et de son bien immobilier, Mme [Z] s’estime bien fondée à solliciter la somme de 150 euros par mois depuis la réalisation des travaux, soit novembre 2017, à ce jour, soit un total de

12 600 euros.

Subsidiairement, si la cour s’estimait insuffisamment informée des conditions de réalisation des travaux et de la qualité de ceux-ci, Mme [Z] sollicite l’organisation d’une mesure d’expertise.

La clôture de l’instruction est intervenue le 18 décembre 2024.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

– condamné la Sarl Hareva à verser à Mme [Z] une somme de 1 000 euros au titre de son préjudice moral,

– condamné la Sarl Hareva à payer à Mme [Z] une somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles,

– condamné la Sarl Hareva aux entiers dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Mme [H] [Z] à payer à la Sarl Hareva :

– la somme de 3 500 euros pour solde du marché,

– la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,

Déboute les parties pour le surplus des demandes,

Condamne Mme [H] [Z] aux dépens de première instance et d’appel.

Le greffier, La présidente de chambre,

 


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