Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Rouen
Thématique : Indemnisation du journaliste professionnel licencié
→ RésuméMme [P] [J], employée par la Société normande d’information et de communication (SNIC) depuis 2000, a été licenciée pour motif économique en juillet 2020. Contestant son statut de journaliste, elle a saisi la commission arbitrale pour établir son indemnité de licenciement, revendiquant une ancienneté de plus de 15 ans. Les liquidateurs ont contesté son statut avant 2006, entraînant une suspension de la décision. En novembre 2022, elle a saisi le conseil de prud’hommes, qui a déclaré ses demandes irrecevables pour cause de prescription. En appel, la cour a infirmé ce jugement, reconnaissant son statut de journaliste et ordonnant la fixation de son indemnité.
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Mme [P] [J] a été employée par la Société normande d’information et de communication (SNIC) en tant que sténo de presse à partir du 2 juin 2000, avec un contrat à durée indéterminée. Elle a occupé le poste de secrétaire de rédaction et était soumise à la convention collective nationale des journalistes. Le 21 avril 2020, le tribunal de commerce de Rouen a ouvert une procédure de liquidation judiciaire pour la SNIC, suivie d’une cession de ses actifs à La Voix du Nord le 15 juin 2020, entraînant le licenciement de Mme [J] pour motif économique, effectif le 15 juillet 2020.
Le 16 octobre 2020, elle a saisi la commission arbitrale des journalistes pour établir le montant de son indemnité de licenciement, revendiquant une ancienneté de plus de 15 ans. La SNIC et les liquidateurs ont contesté son statut de journaliste avant 2006, ce qui a conduit la commission à suspendre sa décision. Le 15 novembre 2022, Mme [J] a saisi le conseil de prud’hommes pour faire reconnaître son statut de journaliste et demander des dommages et intérêts pour résistance abusive. Le 28 mars 2023, le conseil a déclaré ses demandes irrecevables pour cause de prescription.
Mme [J] a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et la reconnaissance de son statut de journaliste, tandis que les liquidateurs ont demandé la confirmation du jugement. Ils soutiennent que la demande de Mme [J] est prescrite et qu’elle n’a pas justifié de son statut de journaliste depuis son embauche. Les dernières conclusions ont été signifiées à l’AGS CGEA, partie défaillante.
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Rouen
RG n°
23/01560
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 29 AOUT 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 28 Mars 2023
APPELANTE :
Madame [P] [J]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
comparante en personne, assistée de Me Vianney FERAUD, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Marie DE GRIVEL, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Maître [L] [F] es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS SOCIÉTÉ NORMANDE D’INFORMATION ET DE COMMUNICATION
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Céline BART de la SELARL SELARL EMMANUELLE BOURDON- CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Marie PRIOULT-PARRAULT, avocat au barreau de ROUEN
Maître [D] [H] es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS SOCIETE NORMANDE D’INFORMATION ET DE COMMUNICATION
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Céline BART de la SELARL SELARL EMMANUELLE BOURDON- CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Marie PRIOULT-PARRAULT, avocat au barreau de ROUEN
AGS CGEA [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 4]
n’ayant pas constitué avocat
régulièrement assignée par acte d’huissier en date du 11 mai 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 14 Juin 2024 sans opposition des parties devant Madame ALVARADE, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame ALVARADE, Présidente
Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente
Madame BACHELET, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme DUBUC, Greffière
DÉBATS :
A l’audience publique du 14 juin 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 29 août 2024
ARRÊT :
RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
Prononcé le 29 Août 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame ALVARADE, Présidente et par Mme DUBUC, Greffière.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des journalistes.
Suivant jugement du 21 avril 2020, le tribunal de commerce de Rouen a ouvert une procédure de liquidation judiciaire avec poursuite d’activité de trois mois au bénéfice de la SNIC, désigné Mme [F] et M. [H] en qualité de liquidateurs judiciaires, la Selarl AJA, représentée par M. [X] et la Selarl FHB, représentée par Mme [Y] et M. [N], en qualité d’administrateurs judiciaires.
Par jugement du 15 juin 2020, le tribunal de commerce de Rouen a arrêté la cession des actifs et activités de la SNIC au profit de la société La Voix du Nord, ordonné le transfert au cessionnaire des contrats de travail des salariés occupant un poste repris et autorisé la suppression du poste de Mme [J], non repris dans la catégorie professionnelle journaliste, sur le fondement de l’article L. 642-5 du code de commerce.
Mme [J] a ainsi fait l’objet d’un licenciement pour motif économique. Son contrat a pris fin le 15 juillet 2020 à la suite de son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.
Le 16 octobre 2020, Mme [J] a saisi la commission arbitrale des journalises aux fins de voir fixer le montant de son indemnité de licenciement, conformément aux dispositions de l’article L. 7112 ‘ 4 du code du travail, se prévalant d’une ancienneté de plus de 15 ans.
La SNIC, Mme [F] et M. [H], liquidateurs judiciaires, la Selarl AJA et la Selarl FHB, administrateurs judiciaires, ont contesté son statut de journaliste au cours de la période antérieure à 2006 et soutenu qu’elle n’avait que 14 ans d’ancienneté en cette qualité, la commission arbitrale des journalises a, par décision du 4 juillet 2022, ordonné le sursis à statuer sur ses demandes.
C’est dans ces circonstances que suivant requête du 15 novembre 2022, enregistrée au greffe le 17 novembre 2022, Mme [J] a saisi le conseil de prud’hommes aux fins de voir reconnaître son statut de journaliste depuis son embauche par la SNIC, le 2 juin 2000, jusqu’à la rupture de son contrat de travail, le 15 juillet 2020 et fixé au passif de la société une somme à titre de dommages et intérêts du fait de la résistance abusive des défendeurs à l’instance arbitrale.
Par jugement du 28 mars 2023, le conseil de prud’hommes de Rouen a dit que les demandes de Mme [J] relatives à la reconnaissance de son ancienneté au statut de journaliste étaient prescrites et irrecevables, l’a déboutée de ses demandes et a laissé les dépens à la charge de chaque partie.
Mme [J] a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 23 mai 2024.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 mai 2023, Mme [J] demande à la cour de :
-voir infirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé que ses demandes relatives la reconnaissance de son ancienneté au statut de journaliste sont prescrites et irrecevables, et qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes principales et subsidiaires, de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens à charge de chaque partie,
Et statuant à nouveau,
– juger qu’elle a été employée sous le statut de journaliste professionnelle par la société SNIC du 2 juin 2000 au 15 juillet 2020,
– renvoyer de ce fait les parties devant la commission arbitrale des journalistes pour qu’elle fixe le montant total de l’indemnité de licenciement qui lui est due,
– fixer au passif de la SNIC la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de son refus abusif de lui reconnaître le statut de journaliste,
– dire le jugement opposable au CGEA (AGS) et qu’il sera tenu de garantir les condamnations prononcées dans les limites de sa garantie,
– condamner Mme [L] [F] et M. [D] [H], ès-qualités de mandataires judiciaires de la SNIC aux entiers dépens et les fixer au passif de la liquidation judiciaire de cette société,
– fixer au passif de la SNIC la somme de 2 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La salariée fait valoir que c’est à tort que le conseil de prud’hommes a retenu que l’action en reconnaissance de l’ancienneté au statut de journaliste était directement liée à l’exécution du contrat de travail et qu’elle était prescrite par application de l’article L. 1471-1 du code du travail,
que subsidiairement, le point de départ ne pouvait se fixer à la date retenue par le conseil, mais à la date où elle a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit, soit lors de la contestation de son statut de journaliste pendant l’instance arbitrale,
qu’encore plus subsidiairement, la prescription s’est trouvée interrompue par la saisine de la commission arbitrale des journalistes, qui constitue une véritable juridiction, ainsi que cela résulte d’une décision du conseil constitutionnel en date du 14 mai 2012, la Cour de cassation, considérant en outre que si en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions tendent à un même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première,
que sur le fond, le statut de journaliste ne peut lui être dénié, dès lors qu’elle en justifie, et ce depuis son embauche.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 août 2023, Mme [F] et M. [H], ès qualités de liquidateurs judiciaires de la SNIC, demandent à la cour de :
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions, notamment en ce qu’il a :
– dit que les demandes de Mme [J] relatives à la reconnaissance de son ancienneté au statut de journaliste sont prescrites et irrecevables,
– débouté Mme [J] de l’ensemble de ses demandes principales et subsidiaires,
– débouté Mme [J] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– déclarer les demandes de Mme [P] [J] relatives à la reconnaissance de son ancienneté au statut de journaliste professionnelle à compter du 2 juin 2000 prescrites et irrecevables,
– débouter Mme [J] de l’ensemble de ses demandes sauf celles relatives à l’opposabilité du jugement au CGEA et sauf en tant que de besoin, à celles relatives à la demande de garantie du CGEA,
En tout état de cause :
– juger que les éventuelles condamnations devront être inscrites au passif de la SNIC,
– juger le jugement opposable au CGEA et dire qu’il sera tenu de garantir les condamnations dans les limites de sa garantie,
– condamner Mme [J] au paiement de la somme de 2 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Les intimés répondent que l’action de la salariée aux fins de se voir reconnaître l’ancienneté de son statut de journaliste au 2 juin 2000 est irrecevable car prescrite en application de l’article L.1471-1 du code du travail, le point de départ de cette prescription se fixant à la date à laquelle la relation contractuelle a cessé,
que sa demande ne porte pas sur le statut professionnel de journaliste mais sur la fixation de l’ancienneté lui permettant d’obtenir une indemnité de la commission arbitrale des journalistes si cette ancienneté est supérieure à 15 ans,
que l’action introduite plus de deux ans après la rupture du contrat de travail est prescrite,
que sur le fond, la salariée a déclaré avoir occupé un poste de sténo de presse puis un poste de secrétaire de rédaction à compter de septembre 2006,
qu’elle n’a pas justifié de son statut de journaliste et ne prétend pas être titulaire de la carte de journaliste depuis le 2 juin 2000,
qu’aucune résistance abusive à reconnaître la qualité de journaliste ne peut être reprochée aux organes de la procédure.
Les dernières conclusions ont été signifiées le 31 août 2023 à l’AGS CGEA délégation de [Localité 4], partie défaillante.
Aux termes de l’article L. 7111-3 du code du travail, est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources.
Les journalistes se définissent comme ceux qui apportent une collaboration intellectuelle et permanente à une publication périodique en vue de l’information des lecteurs.
Aux termes de l’article L. 7111-4 du même code, sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction, rédacteurs-traducteurs, sténographes rédacteurs, rédacteurs réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters photographes, à l’exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n’apportent, à un titre quelconque, qu’une collaboration occasionnelle.
La convention collective des journalistes prévoit que le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques, ou dans une ou plusieurs agences de presse ou dans une ou plusieurs entreprises de communication audiovisuelle et qui en tire le principal de ses ressources.
Par ailleurs, en application de l’article L. 7112-3 du code du travail, en cas de rupture du contrat de travail si l’employeur est à l’initiative de la rupture, le salarié a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à la somme représentant un mois, par année ou fraction d’année de collaboration, des derniers appointements. Le maximum des mensualités est fixé à quinze.
L’article L. 7112-4 dispose en outre que lorsque l’ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l’indemnité due.
Il résulte du dossier que la salariée a été embauchée le 2 juin 2000 en qualité de sténographe de presse, coefficient 100 selon la grille des journalistes employés par des sociétés de presse quotidienne régionale, qu’elle occupait en dernier lieu le poste de rédacteur, la relation de travail ayant cessé le 15 juillet 2020, que le 16 octobre 2020, elle a saisi la commission arbitrale des journalises aux fins de se voir verser l’indemnité de licenciement à laquelle elle pouvait prétendre en application de l’article L.7112-3 précité, que suivant mémoire déposée le 23 juin 2022, la SNIC, représentée par ses administrateurs et liquidateurs judiciaires, ayant contesté sa qualité de journaliste antérieurement à 2006 et par voie de conséquence son droit à ladite indemnité, suivant décision du 4 juillet 2022, la commission arbitrale des journalises a ordonné le sursis à statuer sur ces demandes jusqu’à ce qu’une décision exécutoire ait été rendue par la juridiction prud’homale sur son ancienneté en qualité de journaliste,
que suivant requête du 17 novembre 2022, la salariée a saisi la juridiction prud’homale aux fins notamment de voir reconnaître qu’elle a été employée sous le statut de journaliste depuis son embauche le 2 juin 2000 jusqu’au 15 juillet 2020, soit une ancienneté de 20 ans révolus.
Sur la prescription
Les intimés concluent à l’irrecevabilité des demandes, considérant l’action prescrite en application de l’article L. 1471-1 du code du travail, dès lors qu’elle porte sur l’exécution du contrat de travail et que le point de départ de cette prescription se fixe à la date de la rupture de la relation contractuelle, soit le 15 juillet 2020.
La salariée estime qu’il y a lieu d’appliquer la prescription quinquennale prévue aux dispositions de l’article 2224 du code civil, alors que sa requête portait sur le statut professionnel sous lequel elle était employée,
qu’elle disposait donc jusqu’au 15 juillet 2025 pour agir, faisant référence à deux arrêts rendus le 11 mai 2022 par la Cour de cassation qui a considéré que l’action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat dont la nature juridique est indécise ou contestée, revêt le caractère d’une action personnelle et relève donc de la prescription de l’article 2224 du code civil, relevant en outre que la cour suprême retient par ailleurs que le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation contractuelle a cessé (RG n°20-14421 et RG n°20-18084),
S’il est constant que l’action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée revêt le caractère d’une action personnelle et relève de la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil, force est de constater en l’espèce que la nature juridique du contrat n’est pas contestée, les parties ayant régularisé un contrat de travail, qu’est en réalité débattue la question des fonctions exercées par la salariée sur la période du 2 juin 2000 à 2006, que l’action tendant à voir reconnaître son ancienneté à compter de son embauche relève bien de l’exécution du contrat de travail.
Le point de départ de la prescription se fixe, selon les termes de l’article L. 1471-1 du code du travail « au jour où celui qui exerce l’action a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit », qui ne se confond pas en l’espèce avec la date de cessation du contrat de travail, dès lors que le statut de journaliste sur la période en cause a été dénié à la salariée suivant mémoire des défendeurs à l’instance arbitrale déposée le 23 juin 2022, et que celle-ci, au regard des pièces produites pouvaient légitimement croire bénéficier de ce statut dès son embauche. La salariée verse ainsi notamment aux débats la lettre d’embauche en date du 1er juin 2005, indiquant qu’elle est employée « à compter du 1er juin 2005, son ancienneté société partant du 2 juin 2000 » et qu’elle est « affectée à la rédaction en qualité de rédacteur premier échelon coefficient 100 de la grille des journalistes de la presse quotidienne régionale » et l’attestation rédigée par le directeur des ressources humaines le 2 décembre 2004 certifiant que « Mme [P] [J] fait partie de notre personnel journaliste en qualité de secrétaire sténo de presse ».
La prescription biennale ne saurait être opposée à la salariée, alors que son action a été introduite le 17 novembre 2022, le jugement étant infirmé en ce qu’il a dit que l’action était irrecevable.
Sur l’ancienneté au statut de journaliste professionnelle
La salariée revendique une ancienneté en qualité de journaliste professionnelle de 20 ans 1 mois et 14 jours.
Selon les intimés, la salariée n’aurait obtenu le statut de journaliste qu’après 2006, année au cours de laquelle elle a suivi la formation de journaliste pour l’obtenir, ce que celle-ci conteste.
Les pièces présentées par la salariée au soutien de ses demandes, en particulier la lettre d’embauche du 1er juin 2005 et l’attestation rédigée par le directeur des ressources humaines de l’époque, permettent de lui attribuer le statut revendiqué sur cette période, ces éléments étant corroborés par les mentions portées aux bulletins de salaire quant aux fonctions exercées, sténo de presse, quant au coefficient appliqué lors de l’embauche, soit le coefficient 100 correspondant au poste de journaliste occupant les fonctions de sténographe de presse selon le barème conventionnel des journalistes employés par des sociétés de presse éditant des quotidiens régionaux, quant à la convention collective à laquelle était soumise la relation travaillée, soit celle des journalistes, dont l’article 1 rappelle qu’elle « règle les rapports entre les employeurs et des journalistes professionnels », la salariée justifiant en outre du versement à compter de juin 2005, d’une prime d’ancienneté de 2%, correspondant, selon l’article 23 de la convention collective des journalistes, à 5 années de présence dans l’entreprise « en qualité de journaliste professionnel ».
Le fait que la salariée ait indiqué lors des débats à l’audience de la commission arbitrale des journalistes du 28 juin 2022 avoir occupé un poste de sténo de presse et ensuite un poste de secrétaire de rédaction à compter de septembre 2006 n’est pas de nature à remettre en cause son statut, au regard des pièces du dossier. En outre, s’il est exact qu’elle a ajouté qu’en 2006, il lui a été proposé une formation de journaliste et avoir par suite occupé le poste de secrétaire de rédaction jusqu’en juillet 2020, elle a également en page 3 de la décision de la commission arbitrale des journalises qualifié cette formation d’« expérience enrichissante qui lui a permis de découvrir un autre aspect du travail de journaliste’ ».
Il découle de ces observations que la qualification de journaliste doit être reconnue à la salariée sur l’ensemble de la relation contractuelle, alors qu’il n’est pas démontré par ailleurs qu’elle a exercé des fonctions différentes de celles correspondant à son statut, peu important qu’elle n’ait pas été titulaire de la carte de journaliste depuis le 2 juin 2000, celle-ci créant une présomption simple de cette qualité sans être une condition nécessaire pour être journaliste au sens de l’article L. 7111-3 du code du travail.
Il appartiendra à la salariée de saisir la commission arbitrale des journalistes afin de voir afin fixer le solde de son indemnité de licenciement.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
La salariée reproche aux intimés d’avoir contesté son statut de journaliste avant 2006 dans le but de la priver de son droit à indemnité de licenciement, arguant d’une prétendue formation qu’elle aurait suivie en 2006 pour obtenir le statut en cause, sans pour autant verser aux débats d’éléments à l’appui et sans développer le moindre argument valable. Elle sollicite une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.
La salariée ne rapporte pas la preuve que la contestation élevée à l’occasion de l’instance arbitrale relativement à son statut de journaliste a un caractère abusif, d’autant que les déclarations faites devant la commission arbitrale des journalises, quant à la formation suivie en 2006 et l’absence de carte professionnelle avant cette date, pouvaient prêter à confusion.
Sa demande de dommages intérêts sera donc rejetée et le jugement qui l’a déboutée de sa demande dommages intérêts sera confirmé.
Sur l’intervention de l’UNEDIC, délégation AGS CGEA de [Localité 4]
Il conviendra de déclarer le présent arrêt opposable à l’AGS CGEA et de dire qu’elle devra sa garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail.
Sur les frais du procès
En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner Mme [F] et M. [H], ès qualités de liquidateurs judiciaires de la SNIC aux entiers dépens, y compris ceux de première instance et de les condamner à payer à l’appelante la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Déclare l’action en reconnaissance de l’ancienneté de Mme [P] [J] au statut de journaliste non prescrite,
Dit que Mme [P] [J] a été employée sous le statut de journaliste professionnelle par la Société normande d’information et de communication du 2 juin 2000 au 15 juillet 2020,
Dit qu’il appartiendra à Mme [P] [J] de saisir la commission arbitrale des journalistes afin de voir fixer le solde de son indemnité de licenciement,
Y ajoutant,
Déclare l’arrêt opposable à l’UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 4] et dit qu’elle sera tenue à garantie dans les termes des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, en l’absence de fonds disponibles,
Condamne Mme [F] et M. [H], ès qualités de liquidateurs judiciaires de la Société normande d’information et de communication aux dépens de première instance et d’appel,
Condamne Mme [F] et M. [H], ès qualités de liquidateurs judiciaires de la Société normande d’information et de communication à payer à Mme [P] [J] une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,
Rejette toute autre demande.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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