Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Rouen
Thématique : Rétention administrative et droits fondamentaux : analyse d’une décision de la Cour d’appel de Rouen
→ RésuméLe 23 juin 2022, la Cour d’appel de Rouen a examiné l’appel de M. [U] [M] contre l’ordonnance du juge des libertés et de la détention, qui avait ordonné son maintien en rétention administrative. M. [M], ressortissant tunisien, contestait la régularité de son placement en rétention, arguant d’une situation familiale stable et de l’absence de notification d’une mesure d’éloignement. La cour a confirmé la décision du juge, considérant que la mesure de rétention était proportionnée et justifiée par des éléments factuels, notamment le risque de fuite et l’absence de démarches de régularisation de sa situation.
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23 juin 2022
Cour d’appel de Rouen
RG n°
22/02080
N° RG 22/02080 – N° Portalis DBV2-V-B7G-JDPM
COUR D’APPEL DE ROUEN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 23 JUIN 2022
Nous, Jocelyne LABAYE, conseillère à la cour d’appel de Rouen, spécialement désignée par ordonnance de la première présidente de ladite cour pour la suppléer dans les fonctions qui lui sont spécialement attribuées,
Assistée de Catherine CHEVALIER, greffier lors des débats, et de Fanny GUILLARD, greffier présent lors du délibéré ;
Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu l’arrêté duPréfet de SEINE-MARITIME en date du 17 mai 2022 portant interdiction d’entrée et de séjour sur le territoire français pour M. [U] [M], né le 14 Août 1998 à [Localité 2] (TUNISIE);
Vu l’arrêté duPréfet de SEINE-MARITIME en date du 18 juin 2022 de placement en rétention administrative de M. [U] [M] ayant pris effet le 18 juin 2022 à 16 heures 30 ;
Vu la requête de M. [U] [M] en contestation de la régularité de la décision de placement en rétention administrative ;
Vu la requête duPréfet de SEINE-MARITIME tendant à voir prolonger pour une durée de vingt huit jours la mesure de rétention administrative qu’il a prise à l’égard de M. [U] [M] ;
Vu l’ordonnance rendue le 21 Juin 2022 à 12 heures 05 par le juge des libertés et de la détention de Rouen, déclarant la décision de placement en rétention prononcée à l’encontre de M. [U] [M] régulière, et ordonnant en conséquence son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours à compter du 20 juin 2022 à 16 heures 30 jusqu’au 18 juillet 2022 à la même heure ;
Vu l’appel interjeté par M. [U] [M], parvenu au greffe de la cour d’appel de Rouen le 21 juin 2022 à 15 heures 39 ;
Vu l’avis de la date de l’audience donné par le greffier de la cour d’appel de Rouen :
– aux services du directeur du centre de rétention de [Localité 3],
– à l’intéressé,
– au Préfet de SEINE-MARITIME,
– à Me Joseph Mukendi Ndonki, avocat au barreau de Rouen,
– à M. [K] [Y] [P] interprète en langue arabe ;
Vu les dispositions des articles L 743-8 et R 743-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu la décision prise de tenir l’audience grâce à un moyen de télécommunication audiovisuelle et d’entendre la personne retenue par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 3] ;
Vu la demande de comparution présentée par M. [U] [M] ;
Vu l’avis au ministère public ;
Vu les observations du préfet de SEINE-MARITIME ;
Vu les débats en audience publique, en présence de M. [K] [Y] [P], interprète en langue arabe, expert assermenté, de Mme [C], représentant le préfet de SEINE-MARITIME, de Mme [W] [I], compagne de M. [U] [M], et en l’absence du ministère public ;
Vu la comparution de M. [U] [M] par visioconférence depuis les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 3] ;
Me Vincent Souty, avocat au barreau de Rouen, étant présent au palais de justice ;
Vu les réquisitions écrites du ministère public ;
Les réquisitions et les conclusions ont été mises à la disposition des parties ;
L’appelant et son conseil ayant été entendus ;
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Décision prononcée par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
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FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS
Après un contrôle routier pour circulation en sens interdit, M. [U] [M], ne pouvant présenter de document l’autorisant à circuler ou séjourner en France, a été placé en retenue administrative, le 17 juin 2022, puis placé en rétention administrative le 18 juin 2022 à l’issue de la mesure de retenue.
Saisi d’une requête du préfet de la Seine-Maritime en prolongation de la rétention et d’une requête de M. [M] contestant la mesure de rétention, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen a, par ordonnance du 21 juin 2022 autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt huit jours, décision contre laquelle M. [M] a formé un recours.
A l’appui de son recours, l’appelant expose être ressortissant tunisien, arrivé en France en 2018, il serait ensuite parti deux ans en Italie suite à une obligation de quitter le territoire français, il vit à nouveau en France, en couple depuis un an et demi avec Mme [I] [W] qui est enceinte de huit semaines. Il a une résidence stable avec sa concubine au [Adresse 1]. Il conclut à :
– l’insuffisance de la motivation de la décision du juge des libertés et de la détention qui n’a pas examiné tous les moyens soulevés devant lui,
– l’insuffisance de motivation de l’arrêté de placement en rétention lequel ne mentionne pas son adresse ni le fait qu’il soit en possession d’un passeport,
– le défaut de base légale de l’arrêté de placement en rétention : il explique que, le 18 juin 2022, la préfecture de la Seine-et-Marne a pris à mon encontre un arrêté de placement en rétention, or, la mesure d’éloignement ne lui a jamais été notifiée, dès lors, il estime que l’interdiction administrative du territoire ne lui est pas opposable et ne peut servir de base légale à l’arrêté de placement, contrairement à ce qu’affirme le juge des libertés et de la détention,
– la violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l’homme et l’absence d’examen réel de la possibilité de l’assigner à résidence dans la mesure où il vit en couple, qu’il a une adresse stable, que sa compagne est enceinte, qu’il a un passeport en cours de validité.
M. [M] allègue la violation de ses droits fondamentaux, indique reprendre les moyens de nullité soulevés en première instance devant le juge des libertés et de la détention et argue de :
– la demande d’assignation à résidence judiciaire à l’adresse de sa compagne,
– le défaut de pièce utile et absence de registre de rétention actualisé : il a remis son passeport aux autorités du centre de rétention administrative, ce qui aurait dû être inscrit dans le registre joint à la requête de la préfecture, le registre n’étant pas actualisé, la requête n’est pas accompagnée de toutes les pièces utiles et elle est irrecevable.
M. [M] demande au premier président de réformer l’ordonnance et de dire qu’il n’y a pas lieu de le maintenir en rétention.
A l’audience, le conseil de M. [M] développe certains des moyens soulevés dans la déclaration d’appel et en évoquent de nouveaux :
– s’agissant des moyens soulevés en première instance, à aucun moment, l’avocat Me [F], n’a abandonné les moyens évoqués dans la requête établie par France Terre d’Asile, les moyens développés à l’audience ne s’y substituaient pas, le juge aurait dû répondre aux moyens de la requête, il y déni de justice, refus de statuer, atteinte à l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l’homme, M. [M] n’a pas eu droit à un procès équitable, le juge n’a notamment pas répondu sur la demande d’assignation à résidence judiciaire en disant que M. [M] n’avait pas de passeport, or, le passeport avait été remis entre les mains des policiers, ce que note la requête du préfet en saisine du juge des libertés et de la détention, ce dernier n’a pas lu le dossier, sa décision doit être sanctionnée,
– M. [M] conteste ce qui est évoqué par la préfecture sur l’atteinte à l’ordre public, l’interdiction du territoire est illégale, M. [M] n’ayant pas quitté le territoire français, l’acte ne mentionne aucun pays de destination, il ne permet pas l’éloignement, le préfet n’a pas pris d’arrêté fixant le pays de renvoi, il n’y a donc aucune perspective d’éloignement, le dossier n’était pas complet pour la saisine du juge des libertés et de la détention qui n’aurait pas du statuer,
sur question du conseiller, le conseil de M. [M] estime le juge judiciaire compétent en la matière s’agissant de l’absence de perspectives d’éloignement,
– à supposer qu’il y ait un risque pour l’ordre public, le préfet avait des mesures à sa disposition depuis la loi Silt, le code de la sécurité intérieure lui permet une Micas, qui permet un contrôle strict voire un pointage tous les jours, M. [M] ne partira pas, sa compagne est enceinte,
– les autres moyens sont tous maintenus.
Le fonctionnement de la visioconférence s’étant interrompu, quelques secondes, à plusieurs reprises pendant l’audience, le conseil de l’appelant remarque que, contrairement à ce que prévoit le texte du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le procès-verbal au centre de rétention n’est pas rédigé par un greffier, qui peut vérifier au centre si le retenu voit et entend son juge puisqu’il n’y a personne dans la salle (‘) ce n’est pas au retenu de le signaler, l’audience ne se tient pas dans des conditions dignes ni dans le respect du droit applicable.
La représentante du préfet de la Seine-Maritime demande la confirmation de l’ordonnance pour les motifs suivants :
– s’agissant de l’insuffisance de motivation de la décision du premier juge, le conseil de M. [M] n’a pas développé les moyens retenus par France Terre d’Asile dans sa requête mais ses propres moyens, qui se substituaient à ceux de France Terre d’Asile, censés être abandonnés, le juge n’avait pas à y répondre,
– lors de l’audience devant le juge des libertés et de la détention, il n’a pas été question du passeport, les policiers ne l’avaient pas d’où la décision du juge, et c’est aussi pourquoi il n’y avait pas de mention sur le registre,
– après l’audience, les policiers ont procédé à une fouille minutieuse des affaires de
M. [M], le passeport y a été trouvé, même si Mme [W] devait le donner aux policiers, M. [M] ne l’a pas donné à son arrivée au centre, le fait que
M. [M] ait un passeport a depuis était noté au registre dont copie actualisée est donnée à l’audience,
– l’arrêté de placement en rétention est motivé au vu de la situation administrative de l’intéressé et de sa situation familiale,
– l’interdiction du territoire est exécutoire même s’il y a une irrégularité de notification, cela n’affecte pas la validité de l’acte, le juge administratif quand il est saisi se positionne sur le pays de destination,
– le fait d’avoir un enfant à naître ne donne pas de droit au séjour à M. [M], Mme [W] peut aller le voir au centre et lui téléphoner, les liens ne sont pas rompus,
– l’assignation à résidence n’était pas possible, ce n’est pas M. [M] qui a remis son passeport, Mme [W] devait le donner mais il n’y a pas de procès-verbal de remise aux policiers, le préfet ne l’avait pas, d’ailleurs comme déjà expliqué, le passeport a été trouvé dans sa fouille après l’audience, M. [M] a déclaré ne pas vouloir repartir, un vol était prévu demain 24 juin mais le 21 juin, il a refusé de passer le test PCR, il y a un doute sur le respect de l’obligation de pointage.
Le conseil de M. [M] réplique qu’il n’est pas justifié que l’avocat de première instance ait abandonné les moyens soulevés dans la requête France Terre d’Asile, il n’était pas obligé de développer tous les moyens oralement, le refus de test ne peut être retenu, c’est un élément postérieur à l’ordonnance du juge des libertés et de la détention qui ne doit pas être pris en compte, M. [M] ne souhaite pas repartir, c’est son droit à un recours effectif contre la décision administrative, Mme [W] a donné le passeport aux policiers, il n’a pas été trouvé dans la fouille, le procès-verbal a été établi pour pallier une erreur de la police, on est pas loin d’un faux en écriture publique.
M. [U] [M] souligne avoir un passeport, sans répondre à la question du conseiller sur la découverte du passeport dans sa fouille. Il demande une assignation à résidence et dit vouloir la respecter. Il est arrivé en France en 2018, reparti ensuite puis revenu en 2021. Il a rencontré Mme [W] avec laquelle il est depuis un an et demi, ils attendent un enfant qu’il va reconnaître. Il a rencontré sa femme à la gare, il vit avec elle, elle a fait une attestation d’hébergement. Il a refusé le test PCR parce qu’il ne veut pas repartir, il souhaite faire régulariser sa situation administrative et familiale, après il partira.
Mme [W], présente à l’audience, indique qu’elle connaissait la situation irrégulière de son compagnon, mais ils étaient amoureux et dans une bulle, ils n’ont pas considéré les risques. M. [M] lui a permis de se reconstruire, il est important pour elle. Aujourd’hui elle a un logement et un travail. Elle a besoin de lui. Elle souhaite pouvoir vivre avec lui et leur enfant.
Le dossier a été communiqué au parquet général qui, par conclusions écrites non motivées du 22 juin 2022, sollicite la confirmation de la décision.
MOTIVATION DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l’appel
Il résulte des énonciations qui précédent que l’appel interjeté par M. [U] [M] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 21 Juin 2022 par le juge des libertés et de la détention de Rouen est recevable.
Sur le fond
Sur la visioconférence :
Selon l’article L 743-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : par décision du juge prise sur une proposition de l’autorité administrative, les audiences prévues au présent chapitre peuvent se dérouler avec l’utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité de la transmission. Il est alors dressé, dans chacune des deux salles d’audience ouvertes au public, un procès-verbal des opérations effectuées.
L’audience s’est tenue par visioconférence, M. [M] se trouvant dans les locaux dédiés à proximité du centre de rétention administrative de [Localité 3]. Des micro-coupures de quelques secondes ont affecté la retransmission mais l’audience a été à chaque fois interrompue jusqu’à nouvelle réception de l’image et du son, sans grief pour le retenu.
S’agissant de simples éléments techniques sur le déroulement de l’audience et non d’éléments juridiques sur le dossier lui-même, ce procès-verbal ne constatant ni une infraction ni une audition, il importe peu que le procès-verbal établi au centre de rétention ne le soit pas par un fonctionnaire du greffe judiciaire, d’autant que les mêmes éléments sont consignés à la cour par le greffier du premier président (ou son délégué). Il ne s’agit en effet pas des notes d’audience prises par le greffier dans les locaux de la cour sur lesquelles peut s’appuyer le juge pour prendre sa décision. Demander à un greffier (de la cour d’appel) de se déplacer au centre de rétention administrative de [Localité 3] pour dresser le procès-verbal afin de garantir l’indépendance de la justice viendrait en contradiction avec la volonté d’une bonne administration de la justice et des deniers publics censée motiver le recours à la visioconférence. Le moyen ne sera pas retenu.
Sur le défaut de motivation de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention :
M. [M] affirme que le premier juge n’a pas répondu à tous les moyens qu’il avait soulevés, soit dans la requête rédigée par France Terre d’Asile, soit oralement à l’audience. Le conseil de M. [M] a développé certains moyens de la requête France Terre d’Asile mais il n’est pas précisé dans l’ordonnance qu’il aurait abandonné les autres. La circonstance que le premier juge n’a pas statué sur l’ensemble des moyens soulevés devant lui ne saurait entraîner, par elle-même, le prononcé de l’illégalité de sa décision, ni la remise en liberté de l’étranger. Par effet dévolutif de l’appel, la cour statue sur l’ensemble des arguments soulevés en première instance et en appel, y compris ceux qui auraient été omis par le premier juge.
Le fait que le premier juge ait considéré qu’il n’était pas justifié de la remise du passeport ni aux forces de police ni au centre de rétention administrative pourrait éventuellement constituer une motivation erronée mais pas une absence de réponse à moyens.
De l’examen de la requête déposée devant lui, le premier juge n’a pas statué sur les moyens suivants :
– irrecevabilité de la requête du préfet pour ne pas avoir déposé avec, les pièces justificatives utiles : M. [M] n’indique pas quelles pièces le préfet aurait omis de donner, il sera en outre remarqué que, dans la nouvelle rédaction de l’article R 743-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la production de ‘toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre’ n’est plus prévue à peine d’irrecevabilité de la requête,
– défaut de compétence du signataire de l’arrêté de placement en rétention : l’arrêté de placement en rétention a été signé par M. [T] [J], sous-préfet de Dieppe, sous-préfet de permanence le samedi 18 juin 2022, bénéficiaire pour ce faire d’une délégation de signature aux termes de l’article 6 de l’arrêté du préfet de la Seine-Maritime n° 22-025 du 27 avril 2022. Le moyen sera rejeté.
Sur le défaut de base légale de l’arrêté de placement en rétention :
Il sera préalablement noté qu’il appartient à l’autorité administrative d’appliquer ou non les dispositions lui permettant de recourir à une MICAS, mesure individuelle de contrôle administratif et de surveillance, permise par le code de sécurité intérieure, sans que le juge judiciaire ne puisse apprécier sa décision.
M. [M] soutient que la mesure d’éloignement ne lui a pas été notifiée et qu’elle ne pouvait pas fonder l’arrêté de placement en rétention.
S’agissant de la notification de l’arrêté d’interdiction du territoire pris à l’encontre de M. [M] le 17 mai 2022 par le ministre de l’intérieur, il est indiqué qu’il a été notifié à l’étranger le 18 juin 2022 lors de sa retenue, la notification ne porte effectivement que la signature de l’agent notificateur et la signature de l’interprète, mais pas celle de l’étranger, sans mention de refus de signature.
A supposer que la décision administrative d’interdiction du territoire n’ait pas été régulièrement notifiée, ce qu’il n’appartient pas au juge judiciaire de décider, l’absence de notification permet à l’intéressé de contester sans condition de délai la décision en cause, elle n’affecte pas, par elle-même, la légalité de cette dernière et il n’en résulte pas que le placement en rétention n’a pas de base légale.
Le ministre de l’intérieur a pris une décision d’interdiction administrative du territoire sur le fondement des articles L 321-1 et suivants, R 321-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en indiquant notamment que M. [M] n’est pas sur le territoire français, qu’il n’y réside pas habituellement, ce qui est contesté par M. [M], il n’appartient toutefois pas au juge judiciaire de se prononcer sur cet acte. Cette décision a pour but d’interdire l’entrée sur le territoire français, elle n’a pas à mentionner un pays de destination.
L’article L 322-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : lorsque l’étranger qui fait l’objet d’une interdiction administrative du territoire est présent sur le territoire français, il peut être reconduit d’office à la frontière dans les conditions prévues au livre VII.
Il résulte notamment des articles L 731-1- 8°, L 740-0, L 741-1 du même code visés à l’arrêté de placement en rétention que le préfet peut ordonner un placement en rétention quand :
(…) 8° l’étranger doit être éloigné en exécution d’une interdiction administrative du territoire français.
Le moyen sur le défaut de base légale est inopérant.
Sur le défaut de dépôt pièce utile et l’absence de registre de rétention actualisé en ce qu’il n’est pas mentionné la remise du passeport :
Le document produit, copie du registre rempli à l’arrivée au centre de rétention administrative, mentionne que M. [M] avait en sa possession un téléphone portable, mais la case relative au passeport n’est pas cochée, étant précisé qu’une copie ‘actualisée’ est celle remise lors des demandes prolongations postérieures à la première comme en l’espèce.
La préfecture a produit à l’audience une main courante du 22 juin à 11 heures 30, qui n’est pas utilement arguée de faux à l’audience, selon laquelle les policiers ont effectué ce jour là une fouille minutieuse dans les effets personnels de M [M], se trouvant dans la bagagerie du centre de rétention administratif de [Localité 3], casier n°4 qu’ils ont découvert un passeport algérien n°11388463 au nom de [M] [U] qui a été remise sans délai dans son dossier administratif, le registre a été renseigné et mis à jour, la mention du passeport figurant que la copie remise à l’audience.
M. [M] n’ayant pas remis son passeport à l’entrée au centre, la mention ne pouvait y figurer avant la découverte du document, le moyen sera rejeté.
Sur la violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des libertés fondamentales et des droits de l’homme, le défaut de motivation de l’arrêté de placement en rétention, le défaut d’examen de la possibilité d’assigner à résidence :
L’obligation de motivation ne saurait s’étendre au-delà de l’exposé des éléments de droit et de fait qui sous-tendent la décision en cause et la décision du préfet n’a pas à faire état de l’ensemble de la situation de l’intéressé mais seulement des éléments pertinents, notamment l’autorité administrative n’a pas à énoncer, puis à expliquer pourquoi elle a écarté les éléments favorables à une autre solution que la privation de liberté et elle n’a pas à relater avec exhaustivité l’intégralité des allégations de la personne concernée. Pour autant, l’arrêté doit expliciter la raison ou les raisons pour lesquelles la personne a été placée en rétention au regard d’éléments factuels pertinents liés à la situation individuelle et personnelle de l’intéressé, au regard des éléments de fait connus de l’autorité administrative et établis à la date d’édiction de l’acte.
L’arrêté de placement en rétention décrit la situation administrative de l’intéressé, rappelle que M. [M] était inscrit au fichier des personnes recherchées, que ces documents attestent de son implication dans des actes susceptibles de troubler gravement l’ordre public, qu’il dit craindre pour sa vie dans son pays d’origine sans avoir fait de demande d’asile, qu’il ne justifie pas avoir respecté une précédente décision d’éloignement, s’agissant de la situation personnelle, il rappelle les déclarations de l’intéressé selon lesquelles il refusait d’être assigné à résidence ou placé en centre de rétention, il s’est déclaré en concubinage et père d’une enfant à naître sans pouvoir prouver ses dires, qu’il ne justifie d’aucun emploi et d’aucune ressource, que, s’il prétend disposer d’une adresse à [Localité 4], il n’en apporte pas la preuve.
M. [M] produit une attestation d’hébergement de Mme [W], qui serait sa compagne depuis un an et demi, des factures EDF récentes à leurs deux noms, une attestation de concubinage établie par Mme [W] elle-même pas par une personne extérieure ou une administration, des documents justifiant de la grossesse.
Une mesure de rétention administrative, qui a pour but de maintenir à disposition de l’administration un ressortissant étranger en situation irrégulière sur le territoire français n’entre pas en contradiction, en soi, avec le droit au respect de la vie privée et familiale prévu à l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.
Comme noté par la préfecture, le fait d’avoir un enfant à naître ne donne pas de droit au séjour à M. [M]. Les liens entre Mme [W] et M. [M] peuvent être maintenus, il peut recevoir des appels téléphoniques et des visites au centre de rétention administrative. Soutenir que le renvoyer dans son pays romprait la cellule familiale revient en fait à critiquer la décision d’interdiction du territoire, laquelle ne dépend pas du juge judiciaire.
La décision du préfet est donc motivée en fait et en droit. La mesure de rétention était proportionnée au but poursuivi et le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation sur la situation de l’intéressé.
Il est justifié de ce que M. [M] vivrait au domicile de Mme [W], mais les factures et documents sont récents (depuis décembre 2021), une relation stable et durable n’est pas réellement établie, M. [M] est sans emploi ni ressources sur le territoire français, il a fait l’objet d’une précédente décision d’éloignement qu’il dit avoir exécutée sans que cela ne soit démontré, il ne justifie d’aucune démarche de régularisation de sa situation, il a clairement déclaré ne pas vouloir quitter la France, il a d’ailleurs refusé le 21 juin de passer le test PCR nécessaire à son embarquement sur un vol prévu le 24 juin, élément certes postérieur à l’ordonnance du juge des libertés et de la détention mais pouvant être pris en compte puisque débattu contradictoirement à l’audience, le refus de test manifestant la volonté de ne pas respecter la décision d’éloignement.
Au vu du risque de fuite et de soustraction à l’obligation de quitter le territoire français, du risque de non respect des obligations d’une éventuelle assignation à résidence, de garanties de représentation insuffisantes, il ne peut être fait droit à la demande d’assignation à résidence judiciaire.
La décision du premier juge sera en conséquence confirmée.
L’aide juridictionnelle provisoire sera accordé à Me Vincent Souty, avocat au barreau de Rouen.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en dernier ressort,
Accordons l’aide juridictionnelle provisoire à Me Vincent Souty, avocat au barreau de Rouen,
Déclarons recevable l’appel interjeté par M. [U] [M] à l’encontre de l’ordonnance rendue le 21 juin 2022 par le juge des libertés et de la détention de Rouen, ordonnant en son maintien en rétention pour une durée de vingt-huit jours,
Confirmons la décision entreprise en toutes ses dispositions
Fait à Rouen, le 23 Juin 2022 à 14h45
LE GREFFIER,LE CONSEILLER,
NOTIFICATION
La présente ordonnance est immédiatement notifiée contre récépissé à toutes les parties qui en reçoivent une expédition et sont informées de leur droit de former un pourvoi en cassation dans les deux mois de la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
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