Type de juridiction : Cour d’Appel
Juridiction : Cour d’Appel de Rouen
Thématique : Publicité des médecins sur les réseaux sociaux
→ RésuméLa publicité des médecins sur les réseaux sociaux soulève des enjeux déontologiques majeurs. En effet, un médecin salarié peut être sanctionné pour avoir utilisé des plateformes comme YouTube à des fins promotionnelles, comme l’illustre le cas d’un médecin à Rouen. Ses vidéos, clairement publicitaires, enfreignaient les règles de son contrat de travail et le code de déontologie, qui interdisent toute forme de publicité. De plus, cette démarche a été jugée comme un abus de fonction, nuisant à l’intégrité de l’établissement de santé. La diffusion d’images sans autorisation constitue également une violation des obligations de confidentialité.
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Tenter de développer une patientèle sur les réseaux sociaux par les médecins salariés et autres professions réglementées, peut être problématique, voir sanctionné par l’employeur et/ou le Conseil de l’ordre.
Licenciement pour faute grave d’un médecin
En
l’occurrence, la légende des vidéos Youtube du médecin ne laissait pas de doute
sur leur caractère publicitaire : «Un
soulagement de la douleur. Une amélioration rapide’, ‘A Rouen, le Dr X assure
avec succès la rééducation des lombalgies et TMS’, ‘le Dr X, à Rouen, incite
ses patients à se soigner dans la bonne humeur». Cette démarche
publicitaire s’inscrivait en violation flagrante des articles du contrat de
travail du médecin: «Le
médecin doit se garder (…) de toute attitude publicitaire, soit personnelle,
soit en faveur des organismes où il exerce ou auxquels il prête son concours,
soit en faveur d’une cause qui ne soit pas d’intérêt général» et «La médecine ne doit pas être
pratiquée comme un commerce et que sont interdits tous les procédés directs ou
indirects de publicité’ du code de déontologie.»
Position du Conseil de l’Ordre
Cette
attitude publicitaire contrevient également aux recommandations du Conseil
National de l’Ordre des Médecins (CNOM) de décembre 2011 sur ‘La déontologie
médicale sur le web’ qui posent l’interdiction d’utiliser son site internet
comme un moyen promotionnel ou publicitaire. Aussi, et alors qu’il résulte de
l’article 98 du code de déontologie que les médecins exerçant dans un service
privé ou public de soins ou de prévention ne peuvent user de leur fonction pour
accroître leur clientèle, il était en l’espèce suffisamment établi que le médecin
avait, à plusieurs reprises, profité de sa fonction de médecin coordinateur du
programme RFR du Centre médical, pour orienter les patients vers sa propre
activité libérale et subordonner l’hospitalisation au suivi de plusieurs
séances de médecine manuelle, non prises en charge par la sécurité sociale.
Abus de fonction
Par
ailleurs, si le détournement de clientèle ne pouvait être retenu dans la mesure
où il proposait ses prestations la plupart du temps en complément de
l’hospitalisation, sauf contre-indication de celle-ci, l’abus de fonction était
quant à lui établi et a causé un préjudice évident à la Clinique de l’Europe
associée, de fait, à cette pratique, alors même qu’elle bénéficie d’un
conventionnement pour le programme RFR.
Question de l’intégrité des personnes
La
diffusion des vidéos sur Internet peut également contrevenir aux obligations de
discrétion, de confidentialité et de respect de l’intégrité des personnes et
des biens d’un établissement de santé. A noter que dans cette affaire, le règlement
intérieur de la Clinique de l’Europe portant ‘Confidentialité et respect de
l’intégrité des personnes et des biens’, prévoyait que l’utilisation de l’image
de l’établissement, que ce soit par photo ou par vidéo, est soumise à
autorisation préalable et qu’il est interdit de diffuser sur internet des
images qui auraient pu être réalisées sans autorisation.
Périmètre de la faute grave
Conformément
aux dispositions de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour
motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, laquelle
implique qu’elle soit objective, établie et exacte et suffisamment pertinente
pour justifier la rupture du contrat de travail. La faute grave est celle qui
résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue
une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations
de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du
salarié dans l’entreprise. L’employeur qui invoque la faute grave pour
licencier doit en rapporter la preuve, étant néanmoins rappelé que la faute
grave n’implique pas l’existence d’une intention de nuire, seule la faute
lourde requérant que l’employeur apporte la preuve d’une telle intention.
En
application de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne
peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà
d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance,
à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de
poursuites pénales.
Il
appartient en conséquence à l’employeur, qui invoque des faits fautifs commis
plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires, de
rapporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant
précédé l’engagement des poursuites, étant précisé que ce délai part du jour où
l’agissement fautif est personnalisé et précisément défini, c’est-à-dire quand
l’employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de
l’ampleur des faits reprochés au salarié.
Par ailleurs, l’employeur peut sanctionner un fait fautif qu’il connaît depuis plus de deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s’est poursuivi ou s’est réitéré dans ce délai et s’il s’agit de faits de même nature. Télécharger la décision
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