Cour d’appel de Rouen, 15 janvier 2025, RG n° 23/03380
Cour d’appel de Rouen, 15 janvier 2025, RG n° 23/03380

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Rouen

Thématique : Responsabilité contractuelle et indemnisation en matière de sous-traitance dans le secteur de la construction

Résumé

Contexte de l’affaire

La société Ferrero a mandaté la Sas Eiffage Construction Haute-Normandie pour la construction d’un transtockeur sur son site industriel. Cette dernière a sous-traité le lot terrassements-Vrd à la Sarl Société de Maçonnerie Voirie Aménagement (Smva), qui a ensuite confié la réalisation du réseau de défense incendie à la Sca Sade Exploitations de Normandie, sous un contrat daté du 13 juin 2018.

Interventions et problèmes rencontrés

Des fuites sur le réseau de poteaux incendie ont conduit à un changement des joints standards par des joints renforcés, acté par un quitus le 16 décembre 2020. Suite à ces interventions, la Sarl Smva a assigné la Sca Sade Exploitations de Normandie en justice pour obtenir réparation des préjudices subis à cause des fuites.

Jugement du tribunal de commerce

Le tribunal de commerce de Rouen a rendu son jugement le 11 septembre 2023, déboutant la Sca Sade Exploitations de Normandie de ses demandes et condamnant cette dernière à verser 78 855,48 euros à la Sarl Smva pour préjudice, ainsi qu’une somme de 3 000 euros pour frais de justice. La société a également été condamnée aux dépens.

Appel de la Sca Sade Exploitations de Normandie

Le 12 octobre 2023, la Sca Sade Exploitations de Normandie a interjeté appel du jugement, contestant la décision du tribunal et demandant l’infirmation de toutes les condamnations à son encontre, tout en sollicitant des indemnités pour ses propres frais.

Arguments des parties

La Sca Sade Exploitations de Normandie soutient qu’elle n’a pas commis de faute et que la responsabilité de la Sarl Smva n’est pas justifiée. De son côté, la Sarl Smva demande la confirmation du jugement initial et réclame des indemnités supplémentaires pour les préjudices subis en raison des défauts de construction.

Responsabilité et indemnisation

Le tribunal a examiné la responsabilité de la Sca Sade Exploitations de Normandie, concluant qu’elle était tenue de livrer un ouvrage exempt de vices. La Sarl Smva a justifié ses demandes d’indemnisation, mais certaines réclamations ont été rejetées pour manque de preuves.

Décision finale

La cour a confirmé en partie le jugement initial, mais a réduit le montant de l’indemnisation à 26 270,40 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation. La Sca Sade Exploitations de Normandie a également été condamnée à payer 3 000 euros pour les frais de la procédure d’appel et aux dépens.

N° RG 23/03380 – N° Portalis DBV2-V-B7H-JPIF

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 15 JANVIER 2025

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2022003047

Tribunal de commerce de Rouen du 11 septembre 2023

APPELANTE :

SCA SADE EXPLOITATIONS DE NORMANDIE

exploitant sous l’enseigne VEOLIA

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée et assistée par Me Claudie ALQUIER, avocat au barreau de Rouen

INTIMEE :

SARL SOCIETE DE MACONNERIE VOIRIE AMENAGEMENT-SMVA

RCS du Havre 492 668 322

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée et assistée par Me Michel TARTERET de la SELARL TARTERET AVOCAT, avocat au barreau du Havre

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 14 octobre 2024 sans opposition des avocats devant Mme DEGUETTE, conseillère, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, présidente de chambre

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l’audience publique du 14 octobre 2024, où l’affaire a été mise en délibéré au 18 décembre 2024, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 15 janvier 2025

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 15 janvier 2025 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société Ferrero a confié à la Sas Eiffage Construction Haute-Normandie la construction tous corps d’état d’un transtockeur sur son site industriel situé [Adresse 5].

La Sas Eiffage Construction Haute-Normandie a sous-traité la réalisation du lot terrassements-Vrd à la Sarl Société de Maçonnerie Voirie Aménagement (Smva).

La Sarl Smva a sous-traité la réalisation du réseau de défense incendie à la Sca Sade Exploitations de Normandie exerçant sous l’enseigne Veolia, selon devis et bon de commande du 13 juin 2018 de 88 100 euros, qui ont été suivis d’une facturation les 30 juillet 2018 et 4 février 2019.

Le 16 décembre 2020, la société Ferrero, la Sarl Smva, et le Gie Veolia Eau France ont établi un quitus après intervention actant l’opération de changement des joints standards du réseau de poteaux incendie par des joints renforcés à la suite de fuites sur celui-ci.

Suivant acte d’huissier de justice du 9 juin 2022, la Sarl Smva a fait assigner la Sca Sade Exploitations de Normandie devant le tribunal de commerce de Rouen en indemnisation de ses préjudices générés par ses interventions à la suite des fuites survenues sur le réseau incendie.

Par jugement du 11 septembre 2023, le tribunal a :

– débouté la société Sade Exploitations de Normandie de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamné la société Sade Exploitations de Normandie à payer à la société Maçonnerie Voirie Aménagement une somme de 78 855,48 euros en réparation du préjudice qu’elle a subi, cette somme étant soumise à intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation,

– condamné la société Sade Exploitations de Normandie à payer à la société Maçonnerie Voirie Aménagement la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Sade Exploitations de Normandie aux dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 70,91 euros.

Par déclaration du 12 octobre 2023, la Sca Sade Exploitations de Normandie a formé un appel contre ce jugement en toutes ses dispositions.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 3 septembre 2024, la Sca Sade Exploitations de Normandie exploitant sous l’enseigne Veolia demande de voir :

– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rouen du 11 septembre 2023 en ce qu’il a :

. débouté la société Sade Exploitations de Normandie de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

. condamné la société Sade Exploitations de Normandie à payer à la Société Maçonnerie Voirie Aménagement une somme de 78 855,48 euros en réparation du préjudice qu’elle a subi, cette somme étant soumise à intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation,

. condamné la société Sade Exploitations de Normandie à payer à la Société Maçonnerie Voirie Aménagement la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

. condamné la société Sade Exploitations de Normandie aux dépens dont les frais de greffe liquidés à la somme de 70,91 euros,

statuant à nouveau des chefs infirmés,

– débouter la Sarl Smva de ses demandes à son égard,

– condamner la Sarl Smva à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d’appel.

Elle fait valoir qu’elle n’a pas commis de faute, que la mise en cause de sa responsabilité contractuelle n’est pas démontrée ; que les courriers invoquant les fuites et les factures de la Sarl Smva ne sont intervenus qu’à partir du 23 octobre 2020, soit bien après la garantie de parfait achèvement et en réponse à ses demandes de paiement des factures n°16247 et 16207 pour un total de 60 563 euros ; que, contrairement à ce que prétend le tribunal, aucune contestation n’est intervenue depuis la fin du chantier le 31 janvier 2019 ; que l’intervention réalisée les 23 novembre et 10 décembre 2020 n’était pas dans le cadre d’une garantie de parfait achèvement mais a concerné la reprise commerciale de tous les joints standards par des joints renforcés à la demande du maître de l’ouvrage, laquelle n’a pas été contestée.

Elle ajoute que le préjudice invoqué par la Sarl Smva n’est pas justifié par une facture, un décompte, ou tout autre listing et qu’il évolue au fil du temps pour compenser les factures de cette dernière restées impayées.

Elle estime qu’il ne lui appartient pas d’établir la réalité de ce dommage contrairement à ce qu’a jugé le tribunal qui a renversé la charge de la preuve ; que la mise en demeure établie par le conseil de la Sarl Smva n’est pas probante car nul ne peut se constituer une preuve à soi-même ; que cette dernière ne peut se dispenser de produire un bulletin de salaire, une attestation, ou un document comptable.

Par conclusions notifiées le 18 janvier 2024, la Sarl Smva sollicite de voir :

– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Rouen le 11 septembre 2023 en toutes ses dispositions,

– corrélativement, rejeter l’appel diligenté par la Sca Sade Exploitations de Normandie,

– condamner cette dernière à lui verser une somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle met en cause la responsabilité contractuelle de la Sca Sade Exploitations de Normandie pour manquement à son obligation de résultat de livrer un ouvrage exempt de vices.

Elle fait valoir qu’il ressort des informations contenues dans le quitus du 16 décembre 2020 validé et signé par la société Veolia que l’origine des fuites du réseau incendie, constatées à de nombreuses reprises depuis l’achèvement des travaux, provient des joints que la Sca Sade Exploitations de Normandie a mis en oeuvre à la jonction des canalisations ou à la jonction des canalisations et des poteaux ; que la cause des désordres n’est pas imputable à un tiers, ni à elle-même ; que les factures visées par l’appelante pour un montant total de 60 563 euros qui selon elle ne lui aurait pas été réglé sont étrangères au marché de sous-traitance qui lui a été confié, objet de ce litige ; que ces factures concernent la réalisation de travaux pour des lotissements à [Localité 4] et à [Localité 7].

Elle expose que l’indemnité de 78 855,48 euros qu’elle réclame est directement en lien avec la défaillance de la Sca Sade Exploitations de Normandie à livrer un ouvrage exempt de vices. Elle répond à cette dernière, qui lui reproche l’absence de justification de la réalité de son préjudice par des factures, décomptes, ou listings ; que son dommage se caractérise par le fait qu’elle a été contrainte d’affecter son propre personnel et son matériel à la réalisation des travaux de reprise des désordres affectant le réseau incendie et à le démobiliser pour d’autres opérations qu’elle n’a pas pu facturer, ce qui lui a généré des charges de personnels et de mise à disposition d’engins de chantier, mais également des pertes financières.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens, il est renvoyé aux écritures des parties ci-dessus.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 18 septembre 2024.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la société Sade Exploitations de Normandie à payer à la société Maçonnerie Voirie Aménagement une somme de 78 855,48 euros en réparation du préjudice qu’elle a subi, cette somme étant soumise à intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l’assignation,

L’infirme de ce chef,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la Sca Sade Exploitations de Normandie à payer à la Sarl Société de Maçonnerie Voirie Aménagement la somme totale de 26 270,40 euros en réparation du préjudice qu’elle a subi, avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2022, ainsi que la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel,

Déboute les parties du surplus des demandes,

Condamne la Sca Sade Exploitations de Normandie aux dépens d’appel.

Le greffier, La présidente de chambre,

 


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