Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Rouen
→ RésuméM. [B] [U], retraité, a demandé la reconnaissance d’une maladie professionnelle en mai 2018, mais sa pathologie, une lombosciatique, n’était pas inscrite dans les tableaux de maladies professionnelles. Après un avis défavorable du CRRMP et un rejet de la CPAM, M. [U] a contesté cette décision, mais la commission de recours amiable a également rejeté son recours. Saisissant le tribunal, un second CRRMP a confirmé l’absence de lien de causalité entre sa maladie et son travail. En appel, la cour a jugé que les avis des CRRMP étaient suffisants, rejetant ainsi la demande de M. [U].
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N° RG 21/01108 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IW2K
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 03 FEVRIER 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
19/215
Jugement du POLE SOCIAL DU TJ D’EVREUX du 28 Janvier 2021
APPELANT :
Monsieur [B] [U]
[Adresse 4]
[Localité 3]
comparant en personne
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’EURE
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me François LEGENDRE, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 06 Décembre 2022 sans opposition des parties devant Madame DE BRIER, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 06 Décembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 04 février 2023, avancé au 03 Février 2023 à la suite d’une erreur de calendrier
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 03 Février 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier.
* * *
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [B] [U], retraité depuis 2011, a adressé à la caisse primaire d’assurance-maladie (CPAM) de l’Eure une demande de reconnaissance de maladie professionnelle du 12 mai 2018 ainsi qu’un certificat médical initial du 15 mai 2018 faisant état d’une « lombosciatique avec rétrécissement canal lombaire arthrosique », maladie non prévue dans un tableau de maladies professionnelles.
Le 19 décembre 2018, le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles (CRRMP) de [Localité 8] Normandie a émis un avis défavorable à la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie.
Le 24 décembre 2018, la caisse a notifié à M. [U] son refus de prendre en charge la maladie déclarée au titre de la législation sur les risques professionnels.
M. [U] a contesté cette décision en saisissant la commission de recours amiable (CRA), qui dans sa séance du 28 février 2019 a rejeté son recours.
Il a poursuivi sa contestation en saisissant le pôle social du tribunal de grande instance d’Evreux, devenu tribunal judiciaire qui, par jugement avant dire droit du 19 mars 2020, a désigné le CRRMP de la région Centre – Val de Loire, avec pour mission de donner son avis sur le point de savoir si la maladie déclarée par M. [U] avait été essentiellement et directement causée par son travail habituel.
Dans sa séance du 14 octobre 2020, ce deuxième CRRMP a estimé qu’il n’y avait pas de lien de causalité direct et essentiel.
Par jugement du 28 janvier 2021, le tribunal judiciaire d’Evreux, pôle social, a rejeté le recours de M. [U] et condamné ce dernier aux dépens nés après le 1er janvier 2019.
Par courrier recommandé envoyé le 19 février 2021, M. [U] a formé appel.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
A l’audience, M. [U] demande oralement à la cour de solliciter l’avis d’un troisième CRRMP.
Il fait valoir qu’il a commencé à travailler à l’âge de 13 ans, exerçant des travaux agricoles (pommes de terre, betteraves, port de meules de foin) ; qu’il a ensuite travaillé à la chaîne pour [7], était souvent à genoux, baissé. Il soutient qu’il a toujours sollicité son dos, et considère qu’il y a un lien évident entre les activités exercées et les hernies discales et opérations subies.
La caisse, soutenant oralement à l’audience ses conclusions remises le 14 novembre 2022, demande à la cour de :
– en tant que de besoin, juger fondée sa décision de refuser à M. [U] la prise en charge de la maladie déclarée,
– débouter M. [U] de ses demandes,
– le condamner aux dépens de première instance et d’appel.
Elle fait valoir qu’elle est liée par l’avis du CRRMP et qu’il ne peut donc lui être reproché sa décision de refus. Elle ajoute que M. [U] n’apporte pas la preuve d’un lien direct et essentiel entre sa pathologie et son travail, qu’il n’apporte aucun élément nouveau permettant de passer outre les avis défavorables des deux CRRMP.
MOTIFS DE L’ARRÊT :
1. Sur la demande
Sur le fondement de l’article L. 461-1 al. 4 du code de la sécurité sociale, une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé (25%).
La caisse primaire ne reconnaît l’origine professionnelle de la maladie qu’après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, qui s’impose à elle.
Lorsqu’un différend oppose un assuré et une caisse quant à la reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie, la juridiction saisie ne peut se prononcer sur le caractère professionnel de la maladie déclarée que si elle dispose de l’avis régulier d’un CRRMP désigné judiciairement, conformément aux dispositions de l’article R. 142-17-2 en vigueur depuis le 1er janvier 2019.
L’avis du comité régional constitue un élément du dossier dont les juges du fond apprécient souverainement la valeur et la portée.
En l’espèce, le CRRMP désigné par la caisse avait émis l’avis suivant : ‘l’activité professionnelle de conducteur poids lourds exercée par M. [U] depuis 1973 l’expose de manière habituelle à de la manutention de charges lourdes et à des gestes d’hypersollicitation du rachis lombaire. Cependant, l’origine plurifactorielle de la pathologie déclarée étant scientifiquement démontrée, le caractère essentiel du lien entre celle-ci et l’activité professionnelle de M. [U] ne peut être retenu’.
Le CRRMP désigné par la juridiction a émis son avis exactement dans les mêmes termes.
Les pièces versées aux débats (demande de reconnaissance d’une maladie professionnelle, certificat médical initial, colloque médico-administratif, enquête administrative de la caisse, questionnaire salarié) qui ne sont constituées que des éléments que M. [U] a pu lui-même déclarer et des constatations médicales, établissent que :
– il a travaillé pour différents employeurs, comme salarié agricole (1966-1969), soudeur (1969-1970), a exercé un travail à la chaîne au sein de l’entreprise [7] (1970-1973), avant d’être chauffeur de camions poids-lourds pour les entreprises [9] et [5] (1976-1989) puis conducteur de convois exceptionnels, camion benne et autres engins de chantier pour [6] avec chargement et déchargement de marchandises et matériel, pose de regards béton, de tuyaux, de fourreaux, marteau piqueur pneumatique et entretien mécanique (1993-2011) ;
– il a pu travailler debout (travail à la chaîne), en position accroupie (assemblage à l’intérieur des voitures), penchée, à quatre pattes ou en contorsion, rester en position assise pour conduire (en moyenne 8 heures par jour), et a exercé des activités de chargement / déchargement et porté des charges lourdes, … ;
– il n’a fait l’objet que d’un arrêt de travail entre 2003 et 2011, à savoir du 4 mai au 11 juin 2003, dans le cadre d’un accident du travail.
Ces éléments, qui décrivent certes de multiples emplois éprouvants physiquement, sollicitant fortement le dos, ne suffisent pas à prouver que la lombosciatique avec rétrécissement du canal lombaire arthrosique dont il souffre aurait essentiellement et directement été causée par son travail habituel.
M. [U] n’apporte pas d’élément factuel ou médical permettant de remettre en cause les avis motivés et unanimes des deux CRRMP qui, sans exclure un lien de causalité éventuel, rappellent cependant que la pathologie litigieuse peut avoir de multiples causes et que la preuve d’un lien direct et essentiel n’est pas rapportée.
M. [U] n’invoquant pas l’irrégularité des avis des CRRMP, la juridiction n’est pas tenue de saisir un troisième CRRMP. Une troisième saisine n’apparaît en outre pas pertinente au regard des avis parfaitement concordants des deux premiers comités et de l’absence de tout nouvel élément susceptible de les remettre en cause.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.
2. Sur les frais du procès
M. [U], partie perdante, est condamné aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement rendu le 28 janvier 2021 par le tribunal judiciaire d’Evreux, pôle social,
Et y ajoutant,
Condamne M. [B] [U] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
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