Cour d’appel de Riom, 26 novembre 2024, RG n° 22/02032
Cour d’appel de Riom, 26 novembre 2024, RG n° 22/02032

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Riom

Thématique : Responsabilité décennale et défaillances dans la construction d’ouvrages immobiliers

Résumé

Contexte de la construction

La SARL AUVERGNE CENTRE DE NETTOYAGE AUTOMATIQUE (ACNA) a construit une station de lavage automatique pour véhicules entre février et mars 2011, comprenant deux pistes de lavage haute pression et une piste à portique automatique. Les travaux de dallage en béton ont été confiés à M. [H] [R], artisan maçon-carreleur, pour un montant de 14.044,54 € TTC, et ont été entièrement réglés. La station a été mise en service en mai 2011.

Problèmes rencontrés

La société ACNA a constaté une détérioration progressive du dallage, entraînant des creusements et des dégradations qui compromettaient l’ancrage des chevilles de fixation sous les rails du portique. En conséquence, elle a saisi le tribunal de Clermont-Ferrand en octobre 2017, demandant une expertise judiciaire. Un rapport d’expertise a été établi en janvier 2019, révélant des désordres dans la construction.

Procédures judiciaires

En juin 2022, la société ACNA a assigné M. [R] et la société GROUPAMA en réparation. Le tribunal a rendu un jugement le 3 octobre 2022, déboutant ACNA de toutes ses demandes et condamnant la société aux dépens. ACNA a interjeté appel, demandant l’infirmation du jugement et la reconnaissance de la responsabilité décennale de M. [R].

Arguments des parties

Dans ses conclusions d’appel, ACNA a demandé des réparations pour divers préjudices, y compris la réfection des dallages et des pertes de chiffre d’affaires. GROUPAMA et M. [R] ont contesté la responsabilité, arguant que les désordres n’étaient pas imputables à M. [R] et que la station avait continué à fonctionner malgré les problèmes.

Expertise et constatations

L’expert judiciaire a constaté que les travaux de maçonnerie avaient été réalisés par M. [R] et que des dégradations étaient apparues dès les premières années. Les rapports d’expertise ont mis en évidence des problèmes liés à la qualité du béton utilisé et à des défauts de conception, notamment l’absence de plans adéquats et l’utilisation de matériaux inappropriés pour les conditions climatiques.

Décision de la cour

La cour a infirmé le jugement de première instance, reconnaissant la responsabilité de M. [R] et de GROUPAMA pour les désordres de construction. Ils ont été condamnés à indemniser ACNA pour les frais de réfection du dallage, la perte de marge pendant les travaux, et d’autres frais liés aux désordres. La demande de partage de responsabilité a été rejetée.

Conclusion

La cour a statué que M. [R] et GROUPAMA étaient solidairement responsables des conséquences des désordres de construction, et a ordonné le paiement de diverses indemnités à la société ACNA, tout en rejetant les demandes supplémentaires des parties.

COUR D’APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 26 novembre 2024

N° RG 22/02032 – N° Portalis DBVU-V-B7G-F4X4

-PV- Arrêt n°

S.A.R.L. ACNA / [H] [R], Compagnie d’assurance GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE

Jugement au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 03 Octobre 2022, enregistrée sous le n° 21/03875

Arrêt rendu le MARDI VINGT SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Clémence CIROTTE, Conseiller

En présence de :

Mme Céline DHOME, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

SARL ACNA ‘AUVERGNE CENTRE DE NETTOYAGE AUTOMATIQUE’

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Maître Jean-Michel DE ROCQUIGNY de la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

APPELANTE

ET :

M. [H] [R]

[Adresse 8]

[Localité 4]

Représenté par Maître Laurie FURLANINI de la SCP TERRIOU RADIGON FURLANINI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

Compagnie d’assurance GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Maître François POULET de la SCP TREINS-POULET-VIAN ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

Timbre fiscal acquitté

INTIMES

DÉBATS :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 01 juillet 2024, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. VALLEIX et M. ACQUARONE, rapporteurs.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 novembre 2024 après prorogé du délibéré initialement prévu le 08 octobre 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SARL AUVERGNE CENTRE DE NETTOYAGE AUTOMATIQUE (ACNA) a fait construire en février et mars 2011 la zone d’activité dite [Adresse 6], sur le territoire de la commune de [Localité 7] (Puy-de-Dôme), une station de lavage automatique pour véhicules composée de deux pistes avec lavage haute pression et d’une piste à portique automatique rouleau,. Conformément à une facture établie le 11 mars 2011 moyennant le prix de 14.044,54 € TTC, la construction du dallage en béton de cette station a été confiée à M. [H] [R], artisan maçon-carreleur, assuré auprès de la société CAISSE RÉGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES GROUPAMA RHÔNE-ALPES AUVERGNE. Cette facture a été entièrement réglée. Ces travaux ont été achevés en février et mars 2011 et la station de lavage a été mise en service en mai 2011.

Le montage sur la dalle de la structure mobile de nettoyage et des différents équipements techniques a été réalisé par la société ACNA à partir d’une station rachetée d’occasion.

Arguant d’une détérioration évolutive de ce dallage, occasionnant des creusements avec délitements de matières et compromettant l’ancrage des chevilles de fixation sous les rails du portique ainsi que des pannes à répétition de ce portique, la société ACNA a saisi les 18 et 23 octobre 2017 le Président du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand qui, suivant une ordonnance de référé rendue le 28 novembre 2017, a ordonné sur ce dallage une mesure d’expertise judiciaire confiée à M. [J] [I], architecte expert près la cour d’appel de Riom. Après avoir rempli sa mission, l’expert judiciaire commis a établi son rapport le 18 janvier 2019.

En lecture de ce rapport d’expertise judiciaire, la société ACNA a assigné en réparation les 14 et 18 juin 2022 M. [R] et la société GROUPAMA devant le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand qui, suivant un jugement n° RG-21/03875 rendu le 3 octobre 2022, a :

– débouté la société ACNA de toutes ses demandes ;

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la société ACNA aux entiers dépens de l’instance ;

– rappelé que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Par déclaration formalisée par le RPVA le 19 octobre 2022, le conseil de la société ACNA a interjeté appel du jugement susmentionné. L’effet dévolutif de cet appel y est ainsi libellé :

 » L’appel tend à la nullité du jugement et à tout le moins à son infirmation en ce qu’il a : – débouté la société ACNA de toutes demandes – dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de Procédure Civile – condamné la société ACNA aux entiers dépens de la procédure.  »

‘ Par dernières conclusions d’appelant notifiées par le RPVA le 11 juin 2024, la SARL AUVERGNE CENTRE DE NETTOYAGE AUTOMATIQUE (ACNA) a demandé de :

– au visa de l’article 1792 du Code civil et subsidiairement de l’article 1231-1 du même code ;

– [à titre principal] ;

– infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 3 octobre 2022 du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand ;

– juger que M. [R] a engagé sa responsabilité décennale ;

– condamner in solidum M. et la société GROUPAMA à payer à la société ACNA les sommes suivantes :

* réfection des dallages, soit : 52.020,60 € ;

* réfection du centre de lavage automatique/ 2 pistes et du portique reconditionné, soit : 192.212,99 € ;

* perte de marge pendant les travaux, soit : 7.740,00 € ;

* coût de publicité, soit : 1.126,80 € ;

* pompage des fosses, soit : 495,00 € ;

* remboursement facture Sigmabéton, soit : 120,00 € ;

* soit au total la somme de 253.715,39 € ;

– condamner in solidum M. [R] et la société GROUPAMA à payer à la société ACNA la somme de 83.000,00 € en réparation de son préjudice immatériel de perte de chiffre d’affaires suivant arrêtés de comptes au 31 octobre de l’année 2017 à l’année 2022 ;

– condamner in solidum M. [R] et la société GROUPAMA à lui payer la somme de 57,00 € par jour au titre de la perte totale de productivité dû à l’arrêt définitif de fonctionnement du portique depuis juillet 2022 ;

– à titre subsidiaire ;

– juger que M. [R] a engagé sa responsabilité contractuelle de droit commun sur le fondement de la théorie des vices intermédiaires ;

– condamner M. [R] à lui payer les mêmes sommes qu’à titre principal en réparation de l’ensemble de ses préjudices matériels et immatériels ;

– [en tout état de cause] ;

– condamner in solidum M. [R] et la société GROUPAMA à lui payer une indemnité de 3.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner in solidum M. [R] et la société GROUPAMA aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Collet – De Rocquigny – Chantelot – Brodiez – Gourdou & Associés, avocats associés au barreau de Clermont-Ferrand.

‘ Par dernières conclusions d’intimé notifiées par le RPVA le 19 juin 2024, la société CAISSE RÉGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES GROUPAMA RHÔNE-ALPES AUVERGNE a demandé de :

– au visa des articles 1792 et suivants, 1231-1 et 1315 du Code Civil ;

– [à titre principal] ;

– confirmer le jugement déféré, après avoir considéré que l’appelante ne démontre pas l’existence de désordres de nature décennale survenus au cours du délai d’épreuve, dès lors qu’elle n’a jamais cessé d’exploiter sa station de lavage, et qu’elle ne démontre pas en tout état de cause pas l’imputabilité de ces désordres à M. [R] ni la faute prétendument commise par celui-ci ;

– débouter la SARL ACNA de l’intégralité de ses prétentions, fins et conclusions ;

– à titre subsidiaire ;

– débouter M. [R] de sa demande subsidiaire de condamnation de la société GROUPAMA à le garantir des prétentions indemnitaires dirigées à son encontre ;

– ordonner un partage de responsabilités par moitié ;

– [en tout état de cause] ;

– débouter en toute hypothèse la société ACNA de ses prétentions indemnitaires en ce qu’elles excèdent la somme de 30.372,74 € telle que chiffrée par l’expert judiciaire dans son rapport au titre des travaux réparatoires ;

– débouter la société ACNA de sa demande en paiement de la somme journalière de 57,00 € en allégation de perte totale de productivité consécutive à l’arrêt définitif du fonctionnement du portique depuis juillet 2022 ;

– débouter la société ACNA de ses demandes plus amples ou contraires ;

– condamner la société ACNA à lui payer une indemnité de 5.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens de l’instance ;

‘ Par dernières conclusions d’intimé notifiées par le RPVA le 19 juin 2024, M. [H] [R] a demandé de :

– au visa des articles 1792 et suivants,1103, 1104, 1231, 1231-1 et 1792-4-3 du Code civil, des articles L113-1 et suivants du code des assurances et des articles 1188 et suivants du Code civil ;

– à titre principal ;

– confirmer les dispositions du jugement déféré ;

– débouter en conséquence la société ACNA de l’ensemble de ses demandes ;

– à titre subsidiaire ;

– débouter en tout état de cause, la société ACNA de ses prétentions indemnitaires, en ce qu’elles excèdent la somme de 30.372,74 € telle que chiffrée par l’expert judiciaire au titre des travaux réparatoires ;

– débouter la société ACNA de ses prétentions plus amples ou contraires ;

– ordonner un partage de responsabilités par moitié ;

– condamner la société GROUPAMA à le garantir de toutes condamnations, de quelque nature que ce soit, qui pourraient être mises à sa charge, au besoin par l’allocation de dommages-intérêts équivalents à celles-ci.

– au cas où la garantie de la société GROUPAMA ne lui serait pas acquise, condamner cette dernière à lui payer des dommages-intérêts équivalant au montant de l’ensemble des condamnations qui seraient mises à sa charge, de quelque nature que ce soit, en allégation de manquements à ses devoirs de conseil et d’information ;

– en tout état de cause ;

– condamner la société ACNA ou toute autre partie succombante à lui payer une indemnité de 4.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société ACNA ou toute autre partie succombante aux entiers dépens de l’instance, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de Me Laurie Furlanini, avocat au barreau de Clermont-Ferrand.

Par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par les parties à l’appui de leurs prétentions sont directement énoncés dans la partie MOTIFS DE LA DÉCISION.

Par ordonnance rendue le 20 juin 2024, le Conseiller de la mise en état a ordonné la clôture de cette procédure. Lors de l’audience civile collégiale du 1 juillet 2024 à 14h00, au cours de laquelle cette affaire a été évoquée, chacun des conseils des parties a réitéré et développé ses moyens et prétentions précédemment énoncés. La décision suivante a été mise en délibéré au 8 octobre 2024, prorogée novembre 2024, par mise à disposition au greffe.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement n° RG-21/03875 rendu le 3 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand.

Statuant de nouveau.

JUGE que M. [H] [R], sous la garantie contractuelle de la société CAISSE RÉGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES GROUPAMA RHÔNE-ALPES AUVERGNE, est entièrement responsable envers la SARL AUVERGNE CENTRE DE NETTOYAGE AUTOMATIQUE (ACNA) de la survenance et de l’ensemble des conséquences dommageables des désordres de construction occasionnés à la dalle de la station de lavage automatique susmentionnée, en application des articles 1792 et suivants du Code civil.

REJETTE la demande de partage de responsabilité formée à l’encontre de la société ACNA.

CONDAMNE en conséquence solidairement M. [R] et la société GROUPAMA à payer au profit de la société ACNA les sommes suivantes :

– 52.020,60 € en réparation du préjudice matériel de réfection des dallages ;

– 7.740,00 € en réparation du préjudice immatériel de perte de marge pendant les travaux de reprise ;

– 495,00 € à titre de remboursement des frais de pompage des fosses ;

– 120,00 € à titre de remboursement de la facture Sigmabéton ;

CONDAMNE solidairement M. [R] et la société GROUPAMA à payer au profit de la société ACNA une indemnité de 3.000,00 € en dédommagement de ses frais irrépétibles prévus à l’article 700 du code de procédure civile.

REJETTE le surplus des demandes des parties.

CONDAMNE solidairement M. [R] et la société GROUPAMA aux entiers dépens de première instance et d’appel, avec application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Collet – De Rocquigny – Chantelot – Brodiez – Gourdou & Associés, avocats associés au barreau de Clermont-Ferrand.

Le greffier Le président

 


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