Cour d’appel de Riom, 22 janvier 2025, RG n° 23/01595
Cour d’appel de Riom, 22 janvier 2025, RG n° 23/01595

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Riom

Thématique : Engagement de caution : évaluation de la capacité financière et disproportion manifeste.

Résumé

Contexte du litige

La Caisse de Crédit Mutuel a accordé à la SARL Tan Kel un contrat de crédit de 190 000 euros pour la création d’un commerce de pêche et chasse, ainsi qu’un prêt-relais de 50 000 euros. Ces prêts étaient garantis par une garantie BPI Financement et par des engagements de caution solidaire de M. [K], gérant de la société, pour des montants respectifs de 102 000 euros et 60 000 euros.

Liquidation judiciaire de la SARL Tan Kel

Le tribunal de commerce du Puy-en-Velay a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Tan Kel le 21 septembre 2021. La Caisse de Crédit Mutuel a déclaré sa créance de 126 511,49 euros auprès du liquidateur et a mis en demeure M. [K] de rembourser 63 255,74 euros, correspondant à sa part en tant que caution solidaire.

Assignation en justice

Le 28 janvier 2022, la Caisse de Crédit Mutuel a assigné M. [K] devant le tribunal de commerce pour obtenir le paiement de la somme due, ainsi que des intérêts de retard et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Jugement du tribunal de commerce

Le 1er septembre 2023, le tribunal a jugé la demande de la Caisse de Crédit Mutuel recevable et a condamné M. [K] à payer 63 255,74 euros, plus intérêts de retard et 800 euros au titre de l’article 700. Le tribunal a également constaté que la capacité financière de M. [K] était proportionnée au moment de la mise en cause.

Appel de M. [K]

M. [K] a interjeté appel du jugement le 12 octobre 2023, soutenant que son engagement de caution était manifestement disproportionné par rapport à ses biens et revenus. Il a demandé l’infirmation du jugement et la condamnation de la Caisse de Crédit Mutuel à lui verser 4 000 euros.

Réponse de la Caisse de Crédit Mutuel

En réponse, la Caisse de Crédit Mutuel a demandé à la cour de confirmer le jugement initial, arguant que M. [K] avait rempli une fiche patrimoniale sans endettement et qu’il était propriétaire d’un bien immobilier évalué à 75 000 euros. Elle a également soutenu que la situation financière de M. [K] était proportionnée au moment où il a été appelé à exécuter son engagement.

Analyse de la disproportion de l’engagement de caution

Le tribunal a examiné si l’engagement de caution de M. [K] était manifestement disproportionné à ses biens et revenus au moment de sa conclusion et au moment où il a été appelé à payer. Il a été établi que M. [K] avait des revenus annuels de 30 000 euros et un patrimoine immobilier total de 148 500 euros, ce qui a conduit à la conclusion que son engagement était disproportionné lors de la signature.

Confirmation du jugement initial

Le tribunal a confirmé que la Caisse de Crédit Mutuel ne pouvait pas se prévaloir de l’engagement de caution au moment de la signature. Cependant, il a été établi que le patrimoine de M. [K] lui permettait de faire face à son obligation au moment où il a été appelé à payer, ce qui a conduit à la confirmation de la condamnation à payer 63 255,74 euros.

Dépens et indemnités

M. [K] a été condamné aux dépens et à verser 1 500 euros à la Caisse de Crédit Mutuel au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en raison de sa défaite dans cette affaire.

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 22 Janvier 2025

N° RG 23/01595 – N° Portalis DBVU-V-B7H-GCIS

ACB

Arrêt rendu le vingt deux Janvier deux mille vingt cinq

Sur APPEL d’une décision rendue le 1er septembre 2023 par le Tribunal de commerce du Puy en Velay

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre

Mme Sophie NOIR, Conseiller

Madame Anne Céline BERGER, Conseiller

En présence de : Mme Valérie SOUILLAT, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [W] [K].

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Nadine MASSON-POMOGIER de la SELARL OGMA, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C-63113-2023-03078 du 11/01/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)

APPELANT

ET :

CREDIT MUTUEL [Localité 5]-[Localité 6]

Société coopérative de crédit à capital variable et à responsabilité statutairement limitée, immatriculée au RCS du Puy en Velay n° 316 345 099

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Karine PAYS de la SELARL PARALEX, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

INTIMÉE

DÉBATS :

Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, à l’audience publique du 21 Novembre 2024, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame BERGER, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.

ARRET :

Prononcé publiquement le 22 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Valérie SOUILLAT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Selon acte en date du 2 février 2018, la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 5] (ci-après Caisse de Crédit Mutuel) a consenti à la SARL Tan Kel :

– un contrat de crédit pour la création d’un commerce de pêche et chasse d’un montant de’ 190 »000 euros remboursable sur une durée de 85 mois ;

– un prêt-relais de TVA pro investissement d’un montant de 50 000 euros remboursable en une échéance en capital de 50 000 euros à la date du 5 janvier 2019.

Ce contrat de crédit était garanti par :

– la garantie BPI Financement pour le remboursement du capital, intérêts, frais et accessoires à hauteur de 50 % pour le prêt professionnel de 190 000 euros ;

– les engagements de caution solidaire de M. [W] [K], gérant de la société Tan Kel pour les deux concours financiers :

‘ au titre du prêt professionnel, celui-ci se portait caution solidaire dans la limite de 102 000 euros renonçant au bénéfice de discussion ;

‘ au titre du crédit relais il se portait caution solidaire dans la limite de 60 000 euros renonçant au bénéfice de discussion.

Par jugement du 21 septembre 2021, le tribunal de commerce du Puy-en-Velay a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Tan Kel.

La Caisse de Crédit Mutuel a régulièrement déclaré sa créance auprès du liquidateur par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 octobre 2021. La déclaration de créance a été effectuée pour la somme de 126.511,49 euros au titre du prêt professionnel selon décompte en date du 25/10/2021.

Par courrier du 25 octobre 2021, la Caisse de Crédit Mutuel a mis en demeure M. [K] de lui rembourser la somme de 63 255,74 euros correspondant à 50% de l’encours du crédit en sa qualité de caution solidaire.

Par acte d’huissier du 28 janvier 2022, la Caisse de Crédit Mutuel a assigné M. [K] devant le tribunal de commerce du Puy-en-Velay aux fins d’obtenir sa condamnation à lui payer au titre de son engagement de caution, la somme de 63 255,74 euros, outre intérêts de retard jusqu’à parfait règlement en exécution de son engagement de caution et une indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 1er septembre 2023, le tribunal de commerce du Puy-en-Velay a :

– dit la demande de la Caisse de Crédit Mutuel recevable et bien fondée ;

– dit que la capacité financière de la caution était proportionnée au moment de la mise en cause de la caution ;

– en conséquence, a condamné M. [K] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel la somme de 63’255,74 euros, outre intérêts de retard jusqu’à parfait règlement ;

– condamné M. [K] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel une somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– débouté les parties de leurs autres demandes ;

– condamné M. [K] aux entiers dépens.

Le tribunal a énoncé que la banque a fait preuve de négligence en accordant le prêt sur la seule production d’une fiche patrimoniale dont le montant déclaré était manifestement insuffisant à couvrir l’engagement de caution. Ensuite, il a jugé, au vu des pièce produites et notamment de l’attestation du service de publicité foncière du 26 octobre 2021 établissant que M. [K] est propriétaire d’un bien immobilier à [Localité 4] reçu suite à une donation partage publiée le 26 juin 2017 pour un montant évalué dans l’acte de donation à 73 500 euros et la part lui revenant dans le cadre de liquidation du régime matrimonial suite à son divorce, que le patrimoine de M. [K], au moment où la caution est appelée, lui permet de faire face à son obligation.

Par déclaration du 12 octobre 2023, M. [K] a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 12 janvier 2024, M. [K] a, au visa de l’article L.332-1 du code de la consommation, demandé à la cour de :

– déclarer recevable et bien fondé son appel contre le jugement rendu en date du 1er septembre 2023 par le tribunal de commerce du Puy-en-Velay et y faire droit ;

– en conséquence, infirmer le jugement déféré de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner la Caisse de Crédit Mutuel à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens qui comprendront ceux de première instance.

M. [K] invoque , au visa des dispositions de l’article L 332-1 du code de la consommation, l’existence d’un engagement de caution qui serait manifestement disproportionné et entraînerait l’impossibilité pour la banque de se prévaloir du cautionnement. Il soutient que cette disproportion existait au jour de son engagement dès lors qu’à cette époque ses seuls revenus étaient des indemnités versées par pôle emploi et que l’actif dont il était titulaire était limité à la pleine propriété du domicile familial détenu conjointement avec son épouse et évalué à la somme de 75’000 euros.

Par ailleurs, il déclare que la disproportion de son engagement existait également au jour où il a été appelé à exécuter son engagement de caution dans la mesure où la propriété de l’immeuble de [Localité 3] a bien été prise en compte lors de la souscription de son engagement et ne peut donc être considérée comme un élément qui serait venu améliorer sa situation. Il déclare que la majorité de la soulte perçue lors de son divorce a été investie au profit de sa société Tankel. Enfin, s’agissant de la nue-propriété du bien reçu en donation partage, il précise que cet élément existait déjà dans son patrimoine lors de l’engagement de caution et que ce bien ne représente aucune valeur susceptible d’être mobilisée compte tenu de l’usufruit existant sur ce bien et des réserves mentionnées dans l’acte (réserve du droit de retour, interdiction d’aliéner et d’hypothéquer).

En réponse, par conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 8 avril 2024, la Caisse de Crédit Mutuel , intimée, en demande à la cour de :

– la juger recevable et bien fondée en son appel incident ;

– réformer le jugement dont appel en ce qu’il a retenu l’existence d’une disproportion à la date de la signature des engagements de caution ;

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a jugé que la capacité financière de la caution

est proportionnée au moment de sa mise en cause et en ce qu’il a condamné M. [K] à lui payer la somme de 63 255,74 €, outre intérêts de retard jusqu’à parfait règlement ;

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné M. [K] au paiement de la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens de première instance.

– y ajoutant, condamner M. [K] au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens d’appel ;

– débouter M. [K] de l’ensemble de ses demandes.

La banque fait valoir qu’à l’occasion de la souscription de son engagement de caution, M. [K] a rempli une fiche patrimoniale dans laquelle il a déclaré qu’il n’avait pas d’endettement en cours, qu’il était propriétaire avec son épouse d’un bien immobilier à [Localité 3] évalué à la somme de 75 000 euros. Elle déclare qu’elle démontre en versant les états hypothéquaires pris par elle que M. [K] a reçu selon acte notarié du 26 juin 2017 la nue-propriété sur des lots de copropriété d’un immeuble situé à [Localité 4] évaluée à 73 500 euros. Elle en conclut qu’il n’existait pas de disproportion à la date de la signature de l’engagement de caution.

En second lieu, elle relève que c’est à juste titre que le tribunal a retenu l’absence de disproportion au moment où la caution est appelée en paiement.

Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé complet de leurs demandes et moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2024.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Condamne M. [W] [K] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [W] [K] aux dépens.

Le greffier La présidente

 


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