Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Riom
Thématique : Condamnation aux dépens et frais irrépétibles pour une compagnie d’assurances
→ RésuméCondamnation de la compagnie AllianzLa compagnie Allianz a été condamnée aux dépens d’incident et de déféré, suite à l’invalidation de ses demandes. Frais de défenseIl a été jugé inéquitable de laisser à la charge de l’appelant les frais engagés pour sa défense. En conséquence, Allianz devra verser la somme de 2.500 euros à l’appelant, conformément à l’article 700 du code de procédure civile, pour couvrir les frais liés à l’incident et au déféré. Décision de la courLa cour a statué publiquement et contradictoirement, après avoir délibéré selon la loi. Elle a infirmé l’ordonnance déférée dans son intégralité. Recevabilité de l’appelLa cour a également déclaré l’appel de la société Mutuelle d’Assurances du Bâtiment et des Travaux Publics SMABTP recevable. Condamnation aux frais irrépétiblesLa SA Allianz IARD a été condamnée à verser à la société SMABTP la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles. Dépens d’incident et de déféréEnfin, la SA Allianz IARD a été condamnée aux dépens d’incident et de déféré. |
COUR D’APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
DEFERE
ARRET N°
DU : 15 Janvier 2025
N° RG 24/00851 – N° Portalis DBVU-V-B7I-GF2H
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Arrêt rendu le quinze Janvier deux mille vingt cinq
Statuant sur requête en DEFERE à l’encontre d’une ordonnance n° 204 rendue le 02 mai 2024 par le président de la première chambre civile de la cour d’appel de RIOM (RG n° 23/01828) – décision de première instance dont appel : Ordonnance , origine Juge de la mise en état de CLERMONT-FERRAND, décision attaquée en date du 14 Novembre 2023, enregistrée sous le n° 22/01135
COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Sophie NOIR, Conseiller
Madame Anne Céline BERGER, Conseiller
En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé
ENTRE :
La SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE DU BÂTIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS – SMABTP
Société d’assurance à forme mutuelle immatriculée au RCS de Paris sous le n° 775 684 764
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentant : Me Jérôme LANGLAIS de la SCP LANGLAIS BRUSTEL LEDOUX & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
REQUERANTE – APPELANTE
ET :
La société ALLIANZ I.A.R.D.
SA immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 542 110 291
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Marie-christine SLIWA-BOISMENU, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
DEFENDERESSE à la requête – INTIMÉE
DEBATS : A l’audience publique du 06 Novembre 2024 Madame DUBLED-VACHERON a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 804 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 18 Décembre 2024 puis prorogé le délibéré au 15 Janvier 2025.
ARRET :
Prononcé publiquement le 15 Janvier 2025, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par acte du 10 mars 2022, la SA Allianz a assigné la société SMABTP en sa qualité d’assureur de la société SAFT Ouest aux fins de voir notamment condamner celle-ci à lui payer la somme de 200.058,72 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 septembre 2020 et à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions d’incident, la SMABTP a soulevé l’irrecevabilité de la demande de la SA Allianz tirée de l’absence de respect de la procédure d’escalade.
Par conclusions d’incident du 14 février 2023, la SA Allianz s’est désistée de l’instance.
Par une ordonnance rendue le 14 novembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a :
-déclaré parfait le désistement d’instance introduit par la SA Allianz suite à l’assignation par cette dernière le 10 mars 2022 de la société SMABTP devant cette même juridiction ;
-constaté son dessaisissement ;
-rejeté les demandes formées au visa de l’article 700 du code de procédure civile ;
-condamné la SA Allianz aux dépens de l’incident.
Par déclaration du 6 décembre 2023, la SMABTP a interjeté appel de cette décision.
Par courrier du 17 novembre 2023, la SA Allianz a introduit la procédure d’escalade auprès de la SMABTP.
Par conclusions des 19 janvier et 20 mars 2024, la SA Allianz a soulevé un incident devant le conseiller de la mise en état aux fins de voir déclarer irrecevable l’appel formé par la SMABTP et de la voir condamnée à lui payer une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance rendue le 2 mai 2024, le magistrat chargé de la mise en état de la première chambre civile de la cour d’appel de Riom a :
-déclaré irrecevable la déclaration d’appel formalisée par le RPVA le 6 décembre 2023 par le conseil de la société la Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP) à l’encontre de l’ordonnance n°RG-22/01135 du 14 novembre 2023 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand dans l’instance opposant la SA Allianz IARD à la SMABTP ;
-rejeté les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-condamné la SMABTP aux dépens de l’incident.
Le magistrat chargé de la mise en état a retenu :
-que la SMABTP s’est opposée en première instance à la demande de désistement d’instance formée par la SA Allianz par conclusions d’incident notifiées le 14 février 2023 ;
-que la SA Allianz s’est désistée de cette instance du fait qu’elle n’a pas procédé à une tentative de règlement amiable du litige résultant de la Convention de règlement amiable des litiges (CORAL) liant les assureurs qui en sont adhérents ;
-que l’absence de tentative de règlement amiable du litige préalable à l’action en justice constitue une fin de non-recevoir prévue par l’article 122 du code de procédure civile ;
-que la SA Allianz a mis en ‘uvre le dispositif CORAL le 17 novembre 2023 soit antérieurement à la déclaration d’appel du 6 décembre 2023 par la SMABTP ; et donc que les voies de recours propre à ce dispositif amiable conventionnel ne sont pas épuisées ;
-qu’il sera, par conséquent, fait droit à la demande formée par la SA Allianz aux fins d’irrecevabilité de cette déclaration d’appel.
Par déclaration du 7 mai 2024, la SMABTP a formé une requête en déféré à l’encontre de cette décision.
Par conclusions déposées et notifiées le 16 septembre 2024, la SMABTP demande à la cour :
-de juger la SA Allianz irrecevable en l’action engagée à son encontre ;
-de condamner la SA Allianz à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-de condamner la SA Allianz aux entiers dépens de l’instance.
Elle indique qu’elle est, comme la SA Allianz, adhérente à la convention CORAL. La clause préalable de conciliation de cette convention s’impose donc à elles avant toute saisine du juge. Elle prétend que le non-respect de cette procédure constitue une fin de non-recevoir et en conclut que le juge de la mise en état ne pouvait que constater que l’action introduite par la SA Allianz était irrecevable.
Elle assure que la SA Allianz ne démontre pas avoir respecter les dispositions de la convention CORAL imposant la mise en ‘uvre de cette tentative de conciliation préalable à une procédure judiciaire.
Enfin, elle prétend que la SA Allianz doit avoir épuisé toutes les voies de recours dans le cadre de la procédure d’escalade obligatoire avant la saisine du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand.
Par conclusions déposées et notifiées le 16 septembre 2024, la SA Allianz demande à la cour :
-de confirmer l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 2 mai 2024 en toutes ses dispositions ;
-de déclarer irrecevable l’appel de la SMABTP ;
-de condamner celle-ci à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tout dépens.
Elle soutient que la SMABTP ne pouvait interjeter appel avant épuisement de la procédure d’escalade en cours, celle-ci ne disposant pas du droit d’agir avant achèvement de cette procédure.
Elle rappelle les termes de la convention CORAL selon lesquels la procédure d’escalade, une fois engagée, s’impose également à chacune des parties concernées et non à la seule partie l’ayant initié.
Elle soutient, conformément au principe de l’estoppel, que la SMABTP est irrecevable en son appel introduit postérieurement à l’introduction de la procédure d’escalade faisant obstacle à toute saisine d’une juridiction, mais se trouve en outre irrecevable à contester ce point par application de ce principe.
Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé complet de leurs demandes et moyens.
Motivation :
L’article 1 de la convention Coral stipule : « La présente convention a pour but de favoriser le règlement amiable des litiges entre assureurs en évitant les procédures judiciaires. A cette fin, elle institue et organise une procédure d’escalade, de conciliation et d’arbitrage entre assureurs. La procédure d’escalade vaut diligences en vue de parvenir à une résolution amiable du litige au sens de l’article 56 du code de procédure civile. Les litiges entre assureurs auxquels des assurés ou des tiers lésés sont également intéressés doivent être traités selon cette convention. Ses dispositions s’imposent aux assureurs adhérents mais sont inopposables aux victimes assurés ou tiers.
Suivant l’article 4 de cette convention : « Les sociétés adhérentes sont tenues, avant de recourir à la conciliation, à l’arbitrage ou à la saisine d’une juridiction d’Etat, d’épuiser toutes voies de recours dans le cadre de la procédure d’escalade. »
En l’espèce, la première chambre de la cour d’appel de Riom est saisie, au fond, du bien fondé de la décision du juge de la mise en état qui a admis le désistement de la compagnie Allianz alors que la SMABTP a formé antérieurement à ce désistement, un incident pour voir déclarer irrecevable l’action formée par la compagnie Allianz. La cour saisie au fond dira si le refus d’acceptation du désistement opposé par la SMABTP reposait sur un motif légitime et si le juge de la mise en état devait statuer sur la recevabilité de l’action de la compagnie Allianz.
Il appartient à la cour, saisie du déféré, de dire si la SMABTP peut interjeter appel de cette ordonnance ou si l’introduction d’une procédure d’escalade le 17 novembre 2023 entre le prononcé de l’ordonnance du juge de la mise en état (14 novembre 2023) et l’appel (6 décembre 2023) ferme la voie de recours ouverte à la SMABTP.
Il est en effet soutenu que la déclaration d’appel introduite postérieurement à l’initiation de la procédure d’escalade est irrecevable au sens de l’article 122 du code de procédure civile.
Aux termes de cet article, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Il convient d’observer que la fin de non-recevoir soulevée par la SMABTP devant le juge de la mise en état est un moyen de défense. Ce moyen de défense a été écarté par le juge de la mise en état. L’appel tend à voir examiner par la cour ce moyen de défense et non à voir trancher une demande de la SMABTP.
La recevabilité de l’appel de la SMABTP s’examine en considération de la forme et des délais dans lesquels celle-ci devait former appel.
Or, il n’est pas soutenu que la SMABTP n’aurait pas formé appel dans les délais et les formes requis.
L’intérêt pour interjeter appel a pour mesure la succombance qu’elle soit totale ou partielle. L’article 546 du code de procédure civile dispose à ce titre que le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n’y a pas renoncé.
En l’espèce, la SMABTP a été assignée en justice par la compagnie Allianz; elle a contesté au stade de la mise en état la recevabilité de cette action et n’a pas accepté le désistement de la compagnie Allianz. Elle a ainsi demandé au juge de la mise en état qu’il se prononce sur la recevabilité de l’action engagée à son encontre et conteste la décision rendue qui ne répond pas à sa demande et déclare parfait un désistement qu’elle n’a pas accepté.
Elle a donc qualité et intérêt à contester la décision rendue.
L’introduction d’une procédure d’escalade interdit la saisine du juge judiciaire avant épuisement de toutes les voies de recours dans le cadre de la procédure d’escalade mais elle ne fait pas obstacle au droit d’appel et n’a pas d’effet interruptif ou suspensif du délai d’appel.
La compagnie Allianz oppose à la SMABTP le principe de l’estoppel suivant lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui, en adoptant, au cours d’une même instance, des positions contraires ou incompatibles entre elles, dans des circonstances qui induisent l’adversaire en erreur sur ses intentions.
Il convient de rappeler en premier lieu que « la seule circonstance qu’une partie se contredise au détriment d’autrui n’emporte pas nécessairement fin de non-recevoir »
» ( Ass. plén., 27 février 2009, pourvoi no 07-19.841)
Il sera également observé que la SMABTP présente des moyens qui n’ont pas pour effet d’induire son adversaire en erreur sur ses intentions : elle a opposé en première instance un moyen de défense tiré de l’irrecevabilité de l’action de la société Allianz et entend voir trancher cette question en cause d’appel. Elle ne remet donc pas en cause une situation procédurale qu’elle a elle-même provoquée.
Le principe de l’estoppel ne peut donc être opposé à la SMABTP.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’appel interjeté par la SMABTP est recevable. La décision du conseiller de la mise en état sera infirmée en toutes ses dispositions.
La compagnie Allianz succombant en ses demandes sera condamnée aux dépens d’incident et de déféré.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’appelant les frais exposés pour sa défense. La compagnie Allianz sera condamnée à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en incident comme en déféré.
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