Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Rennes
Thématique : Responsabilité contractuelle et conditions de la faute lourde dans le cadre d’un contrat de travail.
→ RésuméContexte de l’affaireMonsieur [I] [R] a été embauché par la S.A. Turbos-[H]-[W] (devenue The Truck Company France) en tant que technico-commercial le 20 avril 2015. Il a perçu un salaire mensuel de 3 975,44 €. La société, qui emploie plus de 11 salariés, est spécialisée dans la construction et la commercialisation de semi-remorques frigorifiques. Le 25 mars 2016, Monsieur [R] a annoncé sa démission. Demande de remboursement par l’employeurSuite à la démission de Monsieur [R], l’employeur a découvert qu’il avait travaillé pour une société concurrente depuis le 10 janvier 2015. En conséquence, la S.A. Turbos-[H]-[W] a saisi le Conseil de Prud’hommes de Morlaix pour demander le remboursement des salaires perçus entre avril 2015 et mars 2016, ainsi que des charges et des frais de déplacement. Jugement du Conseil de Prud’hommesLe 20 avril 2018, le Conseil de Prud’hommes a jugé que Monsieur [R] avait commis une faute contractuelle en percevant un salaire qu’il savait ne pas être dû. Il a été condamné à rembourser un total de 77 698,04 €, incluant les salaires, charges et frais de déplacement, et a été débouté de sa demande reconventionnelle. Appel et décision de la Cour d’appelMonsieur [R] a interjeté appel le 9 mai 2018. Le 3 juin 2021, la Cour d’appel de Rennes a infirmé le jugement du Conseil de Prud’hommes, considérant que seule une faute lourde pouvait engager la responsabilité contractuelle du salarié. La cour a débouté l’employeur de ses demandes et a condamné la société aux dépens. Pourvoi en cassationLa société The Truck Company France a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la Cour d’appel. Le 24 mai 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel, estimant que celle-ci n’avait pas donné de base légale à sa décision concernant la demande de remboursement des salaires. Renvoi devant la Cour d’appelAprès la cassation, l’affaire a été renvoyée devant la Cour d’appel de Rennes autrement composée. Monsieur [R] a sollicité la réformation du jugement initial, tandis que la société The Truck Company France a demandé la confirmation du jugement du Conseil de Prud’hommes. Arguments des partiesLa société The Truck Company France soutient que Monsieur [R] a commis une faute lourde en adoptant des comportements frauduleux pour percevoir un salaire sans fournir de travail. Monsieur [R] conteste ces accusations, affirmant qu’il était à la disposition de son employeur et qu’il n’a pas été prouvé qu’il n’avait pas fourni de prestations de travail. Analyse de la faute lourdeLa cour a examiné si les comportements de Monsieur [R] constituaient une faute lourde, caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur. Bien que Monsieur [R] ait travaillé pour une société concurrente, la cour a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour établir une intention de nuire. Répétition de l’induConcernant la demande de répétition de l’indu, la cour a noté que le paiement des salaires suppose une prestation de travail. Il n’a pas été prouvé que Monsieur [R] n’était pas à la disposition de son employeur, et la société n’a pas démontré l’absence de toute contrepartie au paiement des salaires. Décision finale de la CourLa cour a infirmé le jugement du Conseil de Prud’hommes, rejetant les demandes de la société The Truck Company France pour le remboursement des salaires, charges et frais de déplacement. La société a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel. |
RENVOI DE CASSATION
8ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°06
N° RG 24/00969 –
N° Portalis DBVL-V-B7I-UQX3
M. [I] [R]
C/
S.A. THE TRUCK COMPANY FRANCE
Sur appel du jugement du CPH de MORLAIX du – RG : 17/00040
Sur renvoi de cassation :
Infirmation
Copie exécutoire délivrée
le : 09-01-2025
à :
-Me Nathalie VALLEE
-Me Jocelyn ROBIN
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 08 JANVIER 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Nadège BOSSARD, Présidente,
Monsieur Bruno GUINET, Conseiller,
Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 07 Novembre 2024
En présence de Madame [G] [X], médiatrice judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT sur renvoi de cassation du jugement du CPH de Morlaix du 20/04/2018 :
Monsieur [I] [R]
né le 02 Novembre 1967 à [Localité 5] (17)
demeurant [Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Anaelle LANGUIL substituant à l’audience Me Nathalie VALLEE de la SCP VALLEE-LANGUIL, Avocats au Barreau de ROUEN
INTIMÉE sur appel du jugement du CPH de Morlaix du 20/04/2018 après renvoi de cassation :
La S.A. THE TRUCK COMPANY FRANCE (anciennement dénommée TURBOS-[H]-[W].FR) prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Jocelyn ROBIN de la SELARL CHEVALLIER ET ASSOCIES, Avocat au Barreau de BREST
Selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 20 avril 2015, Monsieur [I] [R] a été embauché par la S.A Turbos-[H]-[W] (devenue The Truck Company France) en qualité de technico-commercial, statut cadre, moyennant une rémunération mensuelle de 3 975, 44 €
La société emploie habituellement plus de 11 salariés et a pour activité la construction, la location et la commercialisation de semi-remorques frigorifiques et de chambres froides. La convention collective applicable est celle de la métallurgie.
Le 25 mars 2016, M. [R] a informé son employeur de sa volonté de démissionner.
Exposant avoir découvert depuis que M. [R] avait travaillé au sein d’une société concurrente depuis le 10 janvier 2015, soit pendant la période d’exécution du contrat de travail précité, la S.A Turbos-[H]-[W].Fr a saisi le Conseil de Prud’hommes de Morlaix afin de solliciter le remboursement des salaires d’avril 2015 à avril 2016, ainsi que des charges afférentes aux salaires et des remboursements de frais réglés à Monsieur [R].
Par jugement en date du 20 avril 2018, le Conseil de prud’hommes de Morlaix, retenant l’existence d’une faute contractuelle du salarié occasionnant un préjudice à l’employeur, a jugé que Monsieur [I] [R] avait sciemment perçu un salaire qu’il savait ne pas être dû, et l’a condamné à payer à la Société Turbos-[H]-[W] les sommes suivantes’:
– 33 810,85 € à titre de remboursement des salaires d’avril 2015 à mars 2016,
– 34 309,78 € à titre de remboursement des charges salariales,
– 8 577,41 € à titre des frais de déplacement payés à Monsieur [I] [R],
– 1000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Débouté Monsieur [I] [R] de sa demande reconventionnelle de 3 000€ au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– Condamné Monsieur [I] [R] aux entiers dépens et y compris en cas d’exécution forcée les éventuels honoraires et frais d’huissier.
Monsieur [I] [R] a interjeté appel le 9 mai 2018.
Par arrêt du 3 juin 2021, la 7ème Chambre de la Cour d’appel de RENNES,a infirmé le jugement, et statuant à nouveau, la cour a débouté la Société Turbo-[H]-[W] devenue la société The Truck Company France de l’ensemble de ses demandes, débouté Monsieur [R] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et condamné la Société Turbo-[H]-[W] devenue la société The Truck Company France aux dépens de 1ère instance et d’appel.
Elle a considéré que ‘c’est à bon droit que le salarié fait valoir au soutien de son appel que seule la faute lourde peut engager la responsabilité contractuelle du salarié, et que le code du travail ne prévoit pas de sanction de type restitution des salaires dans l’hypothèse où le salarié manquerait à ses obligations tirées du contrat de travail.
Or, en l’espèce, l’employeur n’invoque à aucun moment la faute lourde du salarié, caractérisée par l’intention de nuire, de sorte que le fondement de la violation des obligations contractuelles ne peut faire prospérer son action, pas plus que le paiement par erreur obligeant à restitution de l’indu, compte tenu du pouvoir de direction dont dispose l’employeur’.
La société The Truck Company France a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt.
Par arrêt du 24 mai 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation a :
– cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 3 juin 2021 par la Cour d’appel de Rennes.
– remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyés devant la Cour d’appel de Rennes autrement composée.
– condamné Monsieur [R] aux dépens.
– Rejeté les demandes formées sur le fondement de l’larticle 700 du code de procédure civile.
Aux motifs que : ‘ Pour débouter l’employeur de ses demandes en remboursement par le salarié des salaires qu’il avait perçus d’avril 2015 à mars 2016, des charges sociales afférentes et des sommes versées au titre de frais de déplacement, l’arrêt retient que le paiement par erreur obligeant à restitution de l’indu ne peut faire prospérer cette action, compte tenu du pouvoir de direction dont dispose l’employeur. En se déterminant ainsi, par un motif insuffisant à caractériser un obstacle à la demande en répétition de l’indu, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.’
Par déclaration du 16 février 2024, M. [I] [R] a saisi la cour d’appel sur renvoi après cassation.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 16 octobre 2024, suivant lesquells Monsieur [I] [R] sollicite de la cour de:
– Juger recevable et bien-fondé Monsieur [I] [R] en ses demandes,
Y ajoutant, Vu l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 24 mai 2023, sous le numéro de pourvoi P 21-20.382,
– Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Morlaix en date du 20 avril 2018, et statuant à nouveau, débouter la societe The Truck Company France de toutes ses demandes fins et conclusions,
– Rejeter toute demandes, fins et conclusions contraires de la société The Truck Company France,
– La condamner par ailleurs au paiement d’une indemnité d’un montant de 3.000,00 € et ce par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 17 octobre 2024, suivant lesquelles la société The Truck Company France sollicite de la cour de :
– Confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes de Morlaix du 20 avril 2018,
– Débouter Monsieur [I] [R] des prétentions ressortant du dispositif de ses écritures en appel et en ce qu’il sollicite en ces termes de la Cour de voir’:
‘- Juger recevable et bien-fondé Monsieur [I] [R] en ses demandes,
Y ajoutant, Vu l’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 24 mai 2023, sous le numéro de pourvoi P21-20.382,
– Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil des prud’hommes de Morlaix en date du 20 avril 2018, et statuant à nouveau, débouter la société The Truck Company France de toutes ses demandes, fins et conclusions.
– La condamner par ailleurs au paiement d’une indemnité d’un montant de 3.000,00€ et ce par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.’»
– Dire et Juger à titre principal, qu’en raison de la faute lourde caractérisée commise par Monsieur [I] [R] , de l’engagement de sa responsabilité contractuelle et du préjudice subi par la société The Truck Company France, du lien de causalité, il convient donc une fois encore de confirmer la condamnation de Monsieur [R] à indemniser le préjudice de son ancien employeur à hauteur de la somme de 76 698,04 euros,
– A titre Subsidiaire et sur le fondement des articles 1302 et suivants du Code civil et de la restitution de l’indu, Condamner de ce chef Monsieur [I] [R] à payer la somme de 76 698,04 euros à la société The Truck Company France,
A titre principal ou à titre subsidiaire
– Condamner Monsieur [I] [R] à verser à la société The Truck Company France la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Le Condamner aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 17 octobre 2024.
Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Rejette la demande de dommages-intérêts pour faute lourde.
Rejette la demande de remboursement de salaires, charges salariales et frais de déplacement.
Rejette la demande formée par Monsieur [I] [R] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SA The Truck Company France aux dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.
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