Cour d’appel de Rennes, 5 février 2025, RG n° 22/03719
Cour d’appel de Rennes, 5 février 2025, RG n° 22/03719

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Rennes

Thématique : Interprétation des garanties d’assurance en période de crise sanitaire

Résumé

Contexte de l’affaire

Dans cette affaire, une société de production cinématographique, désignée comme la société A, a engagé une procédure contre son assureur, désigné comme la société B, suite à des pertes d’exploitation subies pendant la pandémie de Covid-19. La société A a demandé à la cour de reconnaître ses droits à indemnisation pour ces pertes, en se basant sur les garanties de son contrat d’assurance.

Décisions de la cour

La cour a statué en faveur de la société B, jugeant que les conditions d’application des garanties pour pertes d’exploitation n’étaient pas remplies. Elle a débouté la société A de toutes ses demandes et a condamné cette dernière à payer une indemnité de 5 000 euros à la société B, ainsi qu’à couvrir les dépens. De plus, la cour a autorisé la déconsignation des fonds séquestrés au profit de la société B.

Arguments de l’assureur

La société B a soutenu que sa garantie devait être interprétée strictement selon les termes du contrat. Elle a précisé que les pertes d’exploitation n’étaient couvertes que si elles résultaient de dommages matériels directs aux biens assurés. L’assureur a également contesté l’idée d’une garantie autonome pour les pertes d’exploitation, affirmant que celles-ci étaient conditionnées à l’existence d’un dommage matériel.

Réponse de l’assuré

En réponse, la société A a fait valoir qu’elle avait dû fermer ses établissements en raison des mesures gouvernementales liées à la pandémie. Elle a soutenu que l’extension de garantie « volet tout sauf » ne nécessitait pas de dommage matériel préalable pour être applicable. La société A a également contesté les modifications apportées par la société B à ses conditions d’assurance, arguant qu’elles ne pouvaient pas annuler ses droits.

Conclusion de la cour

La cour a conclu que la société A ne pouvait pas mobiliser la garantie souscrite, car les pertes d’exploitation ne constituaient pas un bien au sens du contrat. En conséquence, elle a infirmé le jugement du tribunal de commerce de Saint-Brieuc et a débouté la société A de toutes ses demandes. La société A a également été condamnée à payer des frais à la société B, ainsi qu’aux dépens de la procédure.

5ème Chambre

ARRÊT N°-43

N° RG 22/03719 – N° Portalis DBVL-V-B7G-S3E5

(Réf 1ère instance : 2021001066)

S.A. ALLIANZ IARD

C/

S.A.S. CINECRANS

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 FEVRIER 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 Décembre 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Février 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

S.A. ALLIANZ IARD, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège.

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Bénédicte ESQUELISSE de la SCP SOULIE – COSTE-FLORET & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A.S. CINECRANS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Hervé DARDY de la SELARL KOVALEX, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

La société Cinecrans exploite deux cinémas situés à [Localité 6] et [Localité 7].

Elle est assurée auprès de la société Allianz Iard par un contrat souscrit par l’intermédiaire du cabinet [T] [B], selon une police du 23 juin 2016.

Suite aux mesures prises par les pouvoirs publics pour lutter contre l’épidémie du virus Covid-19, la société Cinecrans a déclaré un sinistre à la société Allianz Iard aux fins de prise en charge des pertes d’exploitation.

La société Allianz Iard a opposé un refus de garantie, arguant que son contrat ne couvrait que les pertes d’exploitation consécutives à un dommage matériel.

La société Cinecrans a attrait la société Allianz Iard et la société Allianz Vie devant le tribunal de commerce de Saint-Brieuc aux fins de les voir condamnées solidairement au paiement d’une indemnité de 454 415 euros au titre des pertes d’exploitation.

Par jugement en date du 31 mai 2022, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a :

– mis hors de cause la société Allianz Vie,

– jugé que les conditions d’application de la garantie sont réunies,

– débouté la société Allianz Iard de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamné la société Allianz Iard à payer à la société Cinecrans au titre de la perte d’exploitation, la somme de 454 415 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 septembre 2020,

– prononcé la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil devenu l’article 1343-2 du code civil,

– condamné la société Allianz Iard à payer à la société Cinecrans, la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– prononcé l’exécution provisoire du jugement,

– condamné la société Allianz Iard aux entiers dépens,

– dit les parties mal fondées en leurs demandes plus amples ou contraires au dispositif du présent jugement, les en a déboutées respectivement,

– liquidé au titre des dépens les frais de greffe au titre du présent jugement à la somme de 89,67 euros TTC.

Le 15 juin 2022, la société Allianz Iard a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 19 juillet 2022, le premier président de la cour d’appel de Rennes a :

– autorisé la société Allianz Iard à consigner entre les mains de la Caisse des Dépôts et Consignations une somme de 200 000 euros outre intérêts à compter du 25 septembre 2020, dans un délai d’un mois à compter du prononcé de la décision,

– dit que la société Allianz Iard devra justifier dans ledit délai au conseil de la société Cinecrans de la consignation ainsi effectuée, faute de quoi ce dernier pourra procéder au recouvrement de la somme due,

– rejeté le surplus de la demande et dit que la somme de 254 215 euros (outre intérêts à compter du 25 septembre 2020) devra être versée à la société Cinecrans,

– condamné la société Allianz Iard aux dépens et à payer à la société Cinecrans la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 8 novembre 2024, la société Allianz Iard demande à la cour de :

– la recevoir en son appel, le dire bien fondé et y faisant droit,

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions critiquées et particulièrement en ce qu’il :

– a jugé que les conditions d’application de la garantie sont réunies,

– l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– l’a condamnée à payer à la société Cinecrans au titre de la perte d’exploitation, la somme de 454 415 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 25 septembre 2020,

– a prononcé la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil devenu l’article 1343-2 du code civil,

– l’a condamnée à payer à la société Cinecrans, la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– a prononcé l’exécution provisoire du jugement,

– l’a condamnée aux entiers dépens,

– l’a dit mal fondée en ses demandes plus amples ou contraires au dispositif du jugement et l’en a déboutée, – a liquidé au titre des dépens les frais de greffe au titre du jugement ‘à la somme de 11 % TTC’,

Et statuant à nouveau :

À titre principal

– juger que les conditions d’application des garanties pertes d’exploitation ne sont pas réunies,

– débouter la société Cinecrans de toutes ses demandes, fins et prétentions,

– condamner la société Cinecrans au paiement d’une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

– autoriser la déconsignation des fonds séquestrés entre les mains de la Caisse des Dépôts et Consignation à son profit et condamner la société Cinecrans à restituer les indemnités réglées en exécution du jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Brieuc,

Très subsidiairement

– ordonner une expertise aux frais avancés de l’assuré avec mission confiée à l’expert d’évaluer les pertes d’exploitation sur la période du 15 mars au 21 juin 2020 selon les modalités définies au chapitre 6.4.1 du contrat et en

tenant compte de l’ensemble des aides perçues par l’État,

– renvoyer les parties à conclure sur le fond à réception du rapport de l’expert judiciaire,

En toute hypothèse

Et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse

mal fondée,

– condamner la société Cinecrans au paiement d’une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.

Par dernières conclusions notifiées le 5 novembre 2024, la société Cinecrans demande à la cour de :

– déclarer mal fondée la société Allianz Iard en son appel,

– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Saint-Brieuc en date du 30 mai 2022 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

– condamner la société Allianz Iard à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Allianz Iard aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 14 novembre 2024.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Déboute la SAS Cinecrans de toutes ses demandes ;

Condamne la SAS Cinecrans aux dépens de première instance ;

Y ajoutant,

Autorise la société Alllianz Iard à procéder à la déconsignation des fonds séquestrés entre les mains de la Caisse des Dépôts et Consignations ;

Déboute la société Cinecrans de sa demande en frais irrépétibles d’appel ;

Condamne la société Cinecrans à payer à la société Allianz Iard la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

Condamne la société ‘Cinecrans aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,

 


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