Cour d’appel de Rennes, 29 janvier 2025, RG n° 22/02212
Cour d’appel de Rennes, 29 janvier 2025, RG n° 22/02212

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Rennes

Thématique : Interprétation des garanties d’assurance face aux fermetures administratives liées à une pandémie

Résumé

Contexte de l’affaire

Le 6 avril 2022, la société Buffarmor a interjeté appel d’un jugement rendu le 31 janvier 2022 par le tribunal de commerce de Saint-Brieuc. Ce jugement avait statué sur des demandes de Buffarmor concernant des garanties d’assurance liées à des pertes d’exploitation résultant de fermetures administratives dues à la pandémie de Covid-19.

Demandes de Buffarmor

Buffarmor a demandé à la cour d’infirmer plusieurs points du jugement initial, notamment la non-reconnaissance des mesures prises par les pouvoirs publics comme objet de garantie du contrat, ainsi que l’exclusion des garanties perte d’exploitation. Elle a également contesté la condamnation à payer 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Arguments de Buffarmor

Buffarmor a soutenu que le contrat d’assurance était un contrat d’adhésion, et que toute ambiguïté devait être interprétée en faveur de l’assuré. Elle a cité un communiqué de l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ainsi que des modifications apportées par l’assureur à ses conditions générales en avril 2021, qui précisaient les garanties sur les pertes d’exploitation.

Réponse des sociétés MMA

Les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles ont demandé à la cour de confirmer le jugement initial, arguant que le contrat stipule clairement les événements couverts et que les pertes d’exploitation alléguées ne résultent pas d’une impossibilité d’accès, mais des décisions gouvernementales. Elles ont également souligné que les clauses d’exclusion étaient rédigées de manière apparente.

Analyse des garanties

La cour a examiné les garanties d’assurance, notamment la garantie d’impossibilité d’accès et la garantie de fermeture administrative. Elle a conclu que les pertes d’exploitation de Buffarmor n’étaient pas dues à une impossibilité matérielle d’accès, mais à des mesures gouvernementales, et que la garantie de fermeture administrative ne pouvait être mobilisée car les conditions requises n’étaient pas remplies.

Décision de la cour

La cour a confirmé le jugement initial en toutes ses dispositions, déboutant Buffarmor de ses demandes et la condamnant à payer 3 000 euros aux sociétés MMA au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens. La cour a également précisé que les modifications apportées par l’assureur après les litiges n’affectaient pas le contrat initial.

5ème Chambre

ARRÊT N°-29

N° RG 22/02212 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SUHF

(Réf 1ère instance : 2021001651)

S.A.R.L. BUFFARMOR

C/

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

S.A. MMA IARD

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 29 JANVIER 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 04 Décembre 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 29 Janvier 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.R.L. BUFFARMOR prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Camille RUIZ-GARCIA, Plaidant, avocat au barreau de BEZIERS

INTIMÉES :

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES Société d’assurance mutuelle agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Jean-marie COSTE FLORET de la SCP SOULIE – COSTE-FLORET & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

S.A. MMA IARD Agissant poursuites et diligences de ses représentants

légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Jean-marie COSTE FLORET de la SCP SOULIE – COSTE-FLORET & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

La société Buffarmor exploite un restaurant indépendant en franchise ‘Buffalo Grill’ situé à [Localité 3].

Elle est assurée auprès de son assureur local MMA pour une police ‘Pro-PME’ par un contrat en date du 24 avril 2019.

La société Buffarmor a déclaré un sinistre à son assureur aux fins de prise en charge par ce dernier des pertes d’exploitation liées à la décision des pouvoirs publics d’interdire l’accès au public dans son établissement.

Par courrier en date du 15 juin 2020, la société MMA a refusé d’indemniser la société Buffarmor.

La société Buffarmor, par exploit d’huissier du 10 février 2021, a fait assigner la société MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles devant le tribunal de commerce de Saint-Brieuc.

Par jugement du 30 janvier 2022, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a :

– constaté que la déclaration de sinistre a pour objet l’indemnisation des pertes d’exploitation résultant des décisions prises par les autorités administratives pour lutter contre le risque de propagation de la pandémie de Covid 19,

– dit et jugé que les mesures prises par les pouvoirs publics ne relèvent pas d’objet des garanties du contrat,

– dit et jugé que les conditions d’application ne sont pas réunies,

– dit et jugé que les sociétés MMA bien fondées à opposer l’exclusion contractuelles de la garantie relative aux pertes d’exploitation résultant ‘d’une mesure émanant des autorités administratives ou judiciaires prise en raison de risques de contamination d’épidémie ou de pandémie’,

– débouté la société Buffarmor de toutes ses demandes,

– condamné la société Buffarmor à payer à la société MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Buffarmor aux entiers dépens de l’instance,

– dit les parties mal fondées en leurs demandes plus amples ou contraires au dispositif du présent jugement, les en a débouté respectivement

– liquidé au titre des dépens les frais de greffe au titre du présent jugement à la somme de 89,67 euros toutes taxes comprises.

Le 6 avril 2022, la société Buffarmor a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 24 juillet 2024, elle demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu le 31 janvier 2022 par le tribunal de commerce de Saint-Brieuc en ce qu’il a considéré que les mesures prises par les pouvoirs publics ne relèvent pas d’objet de garantie du contrat,

– infirmer le jugement rendu le 31 janvier 2022 en ce qu’il a considéré que les garanties perte d’exploitation ne relèvent pas de l’objet des garanties du contrat,

– infirmer le jugement rendu le 31 janvier 2022 en ce qu’il a considéré que la société MMA est bien fondée à opposer l’exclusion contractuelle de garantie relative aux pertes d’exploitation résultant d’une mesure émanant des autorités administratives ou judiciaires prises en raison de risques de contamination d’épidémie ou de pandémie,

– infirmer le jugement rendu le 31 janvier 2022 en ce qu’il l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes et prétentions,

– infirmer le jugement rendu le 31 janvier 2022 en ce qu’il l’a condamnée au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Par conséquent :

– juger l’article 1er de l’arrêté ministériel du 14 mars 2020 visant directement les restaurants et débits de boissons leur interdisant d’accueillir du public correspond bien à une décision de fermeture prise par une autorité administrative compétente,

– juger que la décision de fermeture a été prise au regard du Covid-19,

– juger qu’elle a fait l’objet d’une fermeture administrative au regard de la survenance d’une épidémie de Covid-19 du 14 mars 2020 au 9 juin 2020 et du 30 octobre 2020 au 9 juin 2021,

– juger que ‘l’exclusion de l’exclusion de garantie ne sont pas écrites en caractères très apparents et qu’elles sont donc réputées non écrites et elles sont inopposables à l’assuré’ (sic),

– juger que l’article 1er de l’arrêté ministériel du 14 mars 2020 visant directement les restaurants et débits de boissons leur interdisant d’accueillir du public correspond bien à une décision de fermeture prise par une autorité administrative compétente n’est pas mentionnée en des caractères très apparents en application de l’article L. 112-4 du code des assurances,

En conséquence :

– juger que l’exclusion de garantie visée par la société MMA est nulle en ce qu’elle n’est pas écrite en caractère très apparent et qu’elle est donc inopposable,

– juger qu’elle doit être indemnisée au titre des pertes d’exploitations rencontrées dans le cadre des fermetures administratives,

– condamner solidairement MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à l’indemniser des préjudices subis au titre de la garantie perte d’exploitation suite à la fermeture administrative en raison de l’épidémie d’un montant de 114 117 euros assortie des intérêts à taux légal depuis la date de la déclaration de sinistre pour la période allant du 14 mars 2020 au 2 juin 2020 au titre du premier confinement,

– condamner solidairement MMA Iard et MMA Iard Assurance Mutuelles à l’indemniser au titre du second confinement allant du 30 octobre 2020 au 9 juin 2021 au titre des pertes d’exploitation subies d’un montant de 307 540 euros assortie des intérêts à taux légal,

À titre subsidiaire :

Si la cour devait considérer qu’elle ne rapportait pas la preuve de l’étendue du préjudice,

– désigner tel expert qu’il plaira à la cour de nommer avec pour mission de:

* évaluer le montant des dommages constitués par la perte de marge brute pendant la période d’indemnisation,

*évaluer le montant des frais supplémentaires d’exploitation pendant la période d’indemnisation,

* se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à sa mission,

* entendre tout sachant qu’il estimera utile,

* s’il l’estime nécessaire se rendre sur place,

* répondre à tous dires ou observations des parties lesquelles seront communiquées avant d’émettre l’avis sur l’évolution définitive de la perte subit par la société, soit une note de synthèse, soit un pré rapport emportant toutes les informations sur l’état de ces investigations et tous les documents relatifs comprenant les diverses évaluations,

* plus généralement donner toutes les informations utiles de nature à apporter un éclaircissement sur les différents aspects du litige,

– condamner solidairement MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à lui payer une provision de 200 000 euros au titre de cette garantie dans l’attente de la communication du rapport d’expertise,

En tout état de cause,

– condamner solidairement MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de

procédure civile,

– condamner solidairement MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles aux dépens,

– ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

– débouter le défendeur de sa demande en paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 22 septembre 2022, les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles demandent à la cour de :

– les recevoir en leurs écritures, les dire bien fondées et y faisant droit,

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Ce faisant :

– débouter la société Buffarmor de toutes ses demandes,

– condamner la société Buffarmor au paiement d’une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec distraction au profit de l’avocat soussigné aux offres de droit.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 novembre 2024.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute la société Buffarmor de sa demande en frais irrépétibles ;

Condamne la société Buffarmor à payer aux sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Buffarmor aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,

 


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