Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Rennes
Thématique : Évaluation de l’incapacité permanente pour l’employeur face à une maladie professionnelle.
→ RésuméLe 26 octobre 2016, M. [P] [L], fileteur polyvalent à la SAS [4], a déclaré une maladie professionnelle due à une rupture de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite. La caisse primaire d’assurance maladie a reconnu cette pathologie comme maladie professionnelle le 20 février 2017, établissant un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) de 19 %. Après contestation par la société, le tribunal a confirmé ce taux le 21 janvier 2022, soulignant l’impact de la maladie sur la capacité de travail de M. [L]. La cour a finalement condamné la SAS aux dépens postérieurs au 31 décembre 2018.
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9ème Ch Sécurité Sociale
ARRÊT N°
N° RG 22/01259 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SQSK
Société [4]
C/
CPAM DU PAS DE CALAIS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Copie certifiée conforme délivrée
le:
à:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 27 NOVEMBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Clotilde RIBET, Présidente de chambre
Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère
Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère
GREFFIER :
Madame Adeline TIREL lors des débats et Monsieur Philippe LE BOUDEC lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 01 Octobre 2024
devant Madame Clotilde RIBET, magistrat chargé d’instruire l’affaire, tenant seule l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Novembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:
Date de la décision attaquée : 21 Janvier 2022
Décision attaquée : Jugement
Juridiction : Tribunal Judiciaire de RENNES – Pôle Social
Références : 18/10972
****
APPELANTE :
La Société [4]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Géraud GELLEE de la SELARL TESSARES AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Cruse MASSOSSO BENGA, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA COTE D’OPALE
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
non représentée, dispensée de comparution
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 26 octobre 2016, M. [P] [L], salarié de la SAS [4] (la société) en tant que fileteur polyvalent, a déclaré une maladie professionnelle en raison d’une ‘rupture de la coiffe des rotateurs épaule droite’.
Le certificat médical initial, établi le 29 juin 2016 par le docteur [U], fait état d’une ‘tendinopathie coiffe des rotateurs de l’épaule droite – rupture transfixiante du supra-épineux- avis chirurgical demandé’, avec prescription de soins jusqu’au 29 septembre 2016.
Par décision du 20 février 2017, après instruction, la caisse primaire d’assurance maladie de la Côte d’Opale (la caisse) a pris en charge la pathologie au titre du tableau n°57 des maladies professionnelles.
Suite à plusieurs arrêts de travail, le certificat médical final a été établi le 2 juin 2018, date de consolidation de l’état de santé de M. [L].
Par décision du 17 septembre 2018, la caisse a notifié à la société le taux d’incapacité permanente partielle (IPP) attribué à M. [L] fixé à 19 %, dont 4 % pour le taux professionnel, à compter du 3 juin 2018, en raison des séquelles suivantes : ‘rupture de la coiffe des rotateurs droite chez droitier traitée chirurgicalement, séquelles à type de douleurs justifiant un traitement quotidien et d’une limitation de plusieurs mouvements’.
Par courrier du 5 octobre 2018, la société a contesté cette décision devant le tribunal du contentieux de l’incapacité de Rennes.
Par jugement du 21 janvier 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes, désormais compétent, a :
– déclaré recevable le recours de la société ;
– dit que les séquelles présentées à la date du 2 juin 2018 par M. [L] justifient l’attribution d’un taux d’IPP de 19 %, soit 15 % pour le taux médical et 4 % pour le taux socio-professionnel ;
– confirmé la décision de la caisse du 17 septembre 2018 ;
– condamné la société aux dépens exposés postérieurement au 31 décembre 2018 à l’exclusion des frais de consultation médicale restant à la charge de la caisse nationale d’assurance maladie.
Par déclaration adressée le 25 février 2022 par courrier recommandé avec avis de réception, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 17 février 2022.
Par ses écritures parvenues au greffe le 22 décembre 2023 auxquelles s’est référé et qu’a développées son conseil à l’audience, la société demande à la cour :
à titre liminaire,
– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré recevable et bien-fondé son recours ;
– de déclarer son appel recevable et bien-fondé ;
sur le fond,
– d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes ;
par conséquent,
à titre principal,
– de constater que le médecin conseil de la caisse n’a pas procédé à une évaluation précise des séquelles rattachables à l’état antérieur résultant de l’accident de décembre 2015, ni de l’arthrose ;
– en conséquence, de déclarer que la décision d’attribuer un taux d’IPP de 19 % lui est inopposable, ou à tout le moins de ramener le taux à 1 % ;
à titre subsidiaire,
– de déclarer que le taux d’IPP doit être ramené à 3 % tout au plus toutes causes confondues ;
– de déclarer également qu’il n’y a lieu à retenir un taux socio-professionnel ;
– de réduire à tout le moins le taux socio-professionnel proportionnellement à la réduction du taux médical ;
– de condamner la caisse aux entiers dépens d’appel.
Par ses écritures parvenues au greffe le 7 novembre 2022, la caisse, ayant sollicité une dispense de comparution à l’audience, demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris ;
– en conséquence, confirmer le taux fixé à 19 %, dont 4 % de coefficient socio-professionnel, opposable à la société pour les séquelles présentées par M. [L] consécutivement à la maladie professionnelle du 29 juin 2016.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le taux d’IPP opposable à l’employeur
L’article L. 434-2, 1er alinéa du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que le taux de l’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité.
Selon l’article R. 434-32 du même code, au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l’existence d’une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit. Les barèmes indicatifs d’invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d’incapacité permanente d’une part en matière d’accidents du travail et d’autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d’invalidité en matière d’accidents du travail.
L’annexe I applicable aux accidents du travail est issue du décret n°2006-111 du 2 février 2006. L’annexe II applicable aux maladies professionnelles est en vigueur depuis le 30 avril 1999.
En son chapitre préliminaire, au titre des principes généraux, il est rappelé à l’annexe I que ce barème répond à la volonté du législateur et qu’il ne peut avoir qu’un caractère indicatif. Les taux d’incapacité proposés sont des taux moyens, et le médecin chargé de l’évaluation garde, lorsqu’il se trouve devant un cas dont le caractère lui paraît particulier, l’entière liberté de s’écarter des chiffres du barème; il doit alors exposer clairement les raisons qui l’y ont conduit.
Le barème indicatif a pour but de fournir les bases d’estimation du préjudice consécutif aux séquelles des accidents du travail et, éventuellement, des maladies professionnelles dans le cadre de l’article L. 434-2 applicable aux salariés du régime général et du régime agricole. Il ne saurait se référer en aucune manière aux règles d’évaluation suivies par les tribunaux dans l’appréciation des dommages au titre du droit commun.
Les quatre premiers éléments de l’appréciation concernent donc l’état du sujet considéré, du strict point de vue médical.
Le dernier élément concernant les aptitudes et la qualification professionnelle est un élément médico-social ; il appartient au médecin chargé de l’évaluation, lorsque les séquelles de l’accident ou de la maladie professionnelle lui paraissent devoir entraîner une modification dans la situation professionnelle de l’intéressé, ou un changement d’emploi, de bien mettre en relief ce point susceptible d’influer sur l’estimation globale.
Les éléments dont le médecin doit tenir compte, avant de proposer le taux médical d’incapacité permanente, sont donc :
1° La nature de l’infirmité. Cet élément doit être considéré comme la donnée de base d’où l’on partira, en y apportant les correctifs, en plus ou en moins, résultant des autres éléments. Cette première donnée représente l’atteinte physique ou mentale de la victime, la diminution de validité qui résulte de la perte ou de l’altération des organes ou des fonctions du corps humain. Le présent barème doit servir à cette évaluation.
2° L’état général. Il s’agit là d’une notion classique qui fait entrer en jeu un certain nombre de facteurs permettant d’estimer l’état de santé du sujet. Il appartient au médecin chargé de l’évaluation d’adapter en fonction de l’état général, le taux résultant de la nature de l’infirmité. Dans ce cas, il en exprimera clairement les raisons.
L’estimation de l’état général n’inclut pas les infirmités antérieures – qu’elles résultent d’accident ou de maladie – ; il en sera tenu compte lors de la fixation du taux médical.
3° L’âge. Cet élément, qui souvent peut rejoindre le précédent, doit être pris en considération sans se référer exclusivement à l’indication tirée de l’état civil, mais en fonction de l’âge organique de l’intéressé. Il convient ici de distinguer les conséquences de l’involution physiologique, de celles résultant d’un état pathologique individualisé. Ces dernières conséquences relèvent de l’état antérieur et doivent être estimées dans le cadre de celui-ci.
On peut ainsi être amené à majorer le taux théorique affecté à l’infirmité, en raison des obstacles que les conséquences de l’âge apportent à la réadaptation et au reclassement professionnel.
4° Facultés physiques et mentales. Il devra être tenu compte des possibilités de l’individu et de l’incidence que peuvent avoir sur elles les séquelles constatées. Les chiffres proposés l’étant pour un sujet normal, il y a lieu de majorer le taux moyen du barème, si l’état physique ou mental de l’intéressé paraît devoir être affecté plus fortement par les séquelles que celui d’un individu normal.
5° Aptitudes et qualification professionnelles. La notion de qualification professionnelle se rapporte aux possibilités d’exercice d’une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s’agit là des facultés que peut avoir une victime d’accident du travail ou de maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.
Lorsqu’un accident du travail ou une maladie professionnelle paraît avoir des répercussions particulières sur la pratique du métier, et, à plus forte raison, lorsque l’assuré ne paraît pas en mesure de reprendre son activité professionnelle antérieure, le médecin conseil peut demander, en accord avec l’intéressé, des renseignements complémentaires au médecin du travail. La possibilité pour l’assuré de continuer à occuper son poste de travail – au besoin en se réadaptant – ou au contraire, l’obligation d’un changement d’emploi ou de profession et les facultés que peut avoir la victime de se reclasser ou de réapprendre un métier, devront être précisées en particulier du fait de dispositions de la réglementation, comme celles concernant l’aptitude médicale aux divers permis de conduire.
S’agissant des atteintes des fonctions articulaires de l’articulation de l’épaule concernant le membre non dominant, le chapitre 1.1.2 du barème indicatif d’invalidité en matière d’accident du travail, auquel il est renvoyé, prévoit:
Blocage et limitation des mouvements des articulations du membre supérieur, quelle qu’en soit la cause.
Epaule :
La mobilité de l’ensemble scapulo-huméro thoracique s’estime, le malade étant debout ou assis, en empaumant le bras d’une main, l’autre main palpant l’omoplate pour en apprécier la mobilité :
– Normalement, élévation latérale : 170° ;
– Adduction : 20° ;
– Antépulsion : 180° ;
– Rétropulsion : 40° ;
– Rotation interne : 80° ;
– Rotation externe : 60°.
La main doit se porter avec aisance au sommet de la tête et derrière les lombes, et la circumduction doit s’effectuer sans aucune gêne.
Les mouvements du côté blessé seront toujours estimés par comparaison avec ceux du côté sain. On notera d’éventuels ressauts au cours du relâchement brusque de la position d’adduction du membre supérieur, pouvant indiquer une lésion du sus-épineux, l’amyotrophie deltoïdienne (par mensuration des périmètres auxiliaires vertical et horizontal), les craquements articulaires. Enfin, il sera tenu compte des examens radiologiques.
Pour une limitation légère de tous les mouvements, le taux médical est proposé entre 10 à 15 % pour le membre dominant et entre 8 à 10 % pour le membre non dominant. Concernant une limitation moyenne de tous les mouvements, le taux médical proposé est de 20 % pour le membre dominant et de 15 % pour le membre non dominant. Le barème admet en outre la majoration du taux de 5 points pour des douleurs résiduelles de type périarthrite scapulo-humérale.
Il ressort de la notification de la décision attributive de rente adressée à la société que le taux d’IPP de 19 % dont 4 % pour le taux professionnel a été fixé au regard des éléments suivants : ‘Rupture de la coiffe des rotateurs droite chez droitier traitée chirurgicalement, séquelles à type de douleurs justifiant un traitement quotidien et d’une limitation de plusieurs mouvements’. Le médecin conseil a pris en compte également l’avis d’inaptitude au travail et la lettre de licenciement pour inaptitude.
La société conteste ce taux, s’appuyant pour ce faire sur les mémoires de son médecin consultant, le docteur [E], du 25 mars 2021 et du 17 juin 2022 qui estime que la pathologie du sus épineux est d’origine traumatique en lien avec un accident du travail de décembre 2015 qui aurait généré de l’arthrose et non en lien avec une maladie professionnelle.
Une radiographie effectuée le 24 février 2016 met en évidence la présence d’arthrose acromio claviculaire.
L’arthroscanner du 5 mars 2016 de l’épaule droite retient un aspect de rupture transfixiante de la coiffe des rotateurs aux dépens du sus épineux s’étendant par une fissuration longitudinale vers l’infra épineux.
L’IRM réalisée le 21 juin 2016 a mis en évidence non seulement une rupture transfixiante du tendon supra épineux mais aussi de l’infra épineux avec amyotrophie tendineuse.
Le barème précise que l’estimation médicale de l’incapacité doit faire la part de ce qui revient à l’état antérieur et de ce qui revient à la maladie professionnelle. Les séquelles rattachables à cette dernière sont seules en principe indemnisables. Mais il peut se produire des actions réciproques qui doivent faire l’objet d’une estimation particulière.
a. Il peut arriver qu’un état pathologique antérieur absolument muet soit révélé à l’occasion de l’accident de travail ou de la maladie professionnelle mais qu’il ne soit pas aggravé par les séquelles. Il n’y a aucune raison d’en tenir compte dans l’estimation du taux d’incapacité.
b. L’accident ou la maladie professionnelle peut révéler un état pathologique antérieur et l’aggraver. Il convient alors d’indemniser totalement l’aggravation résultant du traumatisme.
c. Un état pathologique antérieur connu avant l’accident se trouve aggravé par celui-ci. Etant donné que cet état était connu, il est possible d’en faire l’estimation. L’aggravation indemnisable résultant de l’accident ou de la maladie professionnelle sera évaluée en fonction des séquelles présentées qui peuvent être beaucoup plus importantes que celles survenant chez un sujet sain. Un équilibre physiologique précaire, compatible avec une activité donnée, peut se trouver détruit par l’accident ou la maladie professionnelle.
En l’espèce, aucun accident du travail n’a été déclaré à la caisse en décembre 2015 et aucun état pathologique antérieur n’était connu avant l’instruction de la demande en reconnaissance de la maladie professionnelle. Il n’y a dès lors pas lieu d’en tenir compte pour l’estimation du taux d’incapacité.
Le docteur [E] pointe en outre des insuffisances en l’absence d’études de l’infra épineux et des incohérences de l’examen du médecin conseil concernant l’antépulsion, la rotation interne et la rétropulsion qui ne pourraient pas être limitées en l’absence d’atteinte du deltoïde et du sous scapulaire. Le docteur [E] propose dans un premier temps un taux maximum de 5% si l’origine professionnelle du sus épineux est retenue, sinon il retient un taux de 0%. Subsidiairement, il propose un taux de 3% en faisant référence à l’avis du médecin consultant du tribunal qui a retenu que les lésions étaient apparues suite à un effort et non en lien avec la maladie professionnelle, reprenant l’avis du docteur [E].
Le docteur [E] rapporte les éléments suivants, issus des constatations du médecin-conseil, en juin 2018 :
‘droitier, il s’agit de l’épaule droite
déformation apparente épaule droite avec abaissement important épaule, fonte musculaire, notamment deltoïde
Cicatrice d’arthroscanner de bonne qualité,
Palpation très douloureuse épaule droite notamment en face antérieure. Jobe mal tenu
Mobilité :
épaule droite versus gauche
AP active 90, passive 100/160
EL active 60, passive 90/160
RP 5/20 Mouvements complexes : main droite difficilement portée sur le front, pouce droit fesse contre L4 à gauche
Mensurations :
périmètre brachiale : 33,5/33,5
périmètre ante-brachial: 29,5/29
périmètre gantier: 24/23,5
contracté : 31,5/31’.
Il convient de rappeler que le barème de maladie professionnelle n’est qu’indicatif et que les juges apprécient souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve produits aux débats et des rapports d’expertise. En application de ces principes, la Cour de cassation n’a pas entendu censurer les juges qui ont estimé que le barème, qui prévoit pour une limitation légère de tous les mouvements de l’épaule dominante un taux d’incapacité partielle de 10 à 15 %, ne retient pas de réduction dans les cas où tous les mouvements ne sont pas atteints. (Civ.2, 13 mars 2014, 13-13.291)
Dès lors, l’interprétation restrictive du barème telle que proposée par la société ne peut être entérinée, le barème demeurant en tout état de cause indicatif et n’exigeant nullement que soit constatée une limitation de toutes les amplitudes articulaires. Il appartient en effet au médecin conseil de moduler le taux en fonction de l’atteinte, totale ou partielle qu’il objective des amplitudes articulaires, ou de l’une ou de l’autre de ces amplitudes.
Lors de l’examen de M.[L], le médecin conseil, opérant par comparaison entre le côté droit blessé et le côté gauche sain, a constaté des limitations légères de l’épaule droite s’agissant des mouvements suivants : l’antepulsion passive, l’élévation latérale et la rétropulsion. Le médecin conseil a également relevé que la main droite est difficilement portée sur le front et qu’il existe une fonte musculaire notamment du deltoïde.
L’évaluation qu’il a effectuée est conforme au barème indicatif précité qui prévoit un taux de 10 à 15 % en cas de limitation légère de tous les mouvements de l’épaule dominante et ce d’autant plus que l’épaule est demeurée douloureuse justifiant un traitement quotidien.
La société conteste aussi le taux professionnel retenu en l’absence de perte de gains justifiés.
M.[L] a fait l’objet d’un avis d’inaptitude à son poste de travail ainsi qu’à des postes de travail au froid ou nécessitant le port de charges supérieures à 5 kgs et des gestes répétitifs des membres supérieurs en date du 11 juin 2018 par le médecin du travail puis d’un licenciement pour inaptitude physique à l’emploi d’origine professionnelle et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 juillet 2018. La maladie professionnelle a donc eu une incidence professionnelle certaine sans qu’il soit besoin de justifier d’une perte de gains, de sorte que la caisse a estimé à juste titre devoir prendre en compte cette incidence en retenant un taux professionnel de 4 %.
Dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement qui a déclaré le taux de 19 % dont 4% pour le taux professionnel opposable à l’employeur.
Sur les dépens
S’agissant des dépens, l’article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.
Il s’ensuit que l’article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu’à la date du 31 décembre 2018 et qu’à partir du 1er janvier 2019 s’appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.
En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe à l’instance.
PAR CES MOTIFS :
La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement dans toutes ses dispositions ;
Condamne la SAS [4] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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