Cour d’appel de Rennes, 26 novembre 2024, RG n° 24/01960
Cour d’appel de Rennes, 26 novembre 2024, RG n° 24/01960

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Rennes

Thématique : Inaliénabilité testamentaire : enjeux de validité et de propriété indivise

Résumé

Décès de Mme [Y] [E]

Mme [Y] [E] est décédée à [Localité 7] le [Date décès 4] 2021.

Testament et clause d’inaliénabilité

Dans son testament olographe du 17 avril 2004, complété par un avenant du 12 février 2021, Mme [Y] [E] a désigné sa sœur, Mme [V] [E], comme légataire universelle. L’avenant stipule que sa maison de [Localité 5] ne doit jamais être vendue et doit être donnée en héritage à une association si personne de la famille ne l’accepte.

Demande de mainlevée par Mme [V] [E]

En se fondant sur la clause d’inaliénabilité, Mme [V] [E] a saisi le tribunal judiciaire de Quimper le 7 avril 2022 pour obtenir la mainlevée de cette clause, arguant qu’elle était entachée de nullité. Le tribunal a rendu un jugement le 20 septembre 2022, déboutant Mme [V] [E] de sa demande et laissant les dépens à sa charge.

Appel de Mme [V] [E]

Le 7 novembre 2023, Mme [V] [E] a interjeté appel de cette décision. L’examen de l’affaire a été fixé à l’audience du 17 septembre 2024.

Avis du procureur général

Le 28 juin 2024, le procureur général a rendu un avis indiquant que l’article 900-1 du code civil ne s’appliquait pas, car il ne s’agissait pas d’une clause d’inaliénabilité absolue, mais d’une simple interdiction de céder le bien à titre onéreux.

Arguments de Mme [E]

Dans ses conclusions, Mme [E] a demandé à la cour d’infirmer le jugement et de donner mainlevée de la clause d’inaliénabilité, en soulignant qu’elle avait découvert que le bien était en indivision entre elle et la testatrice. Elle a plaidé que la clause n’était pas limitée dans le temps et ne répondait pas à un intérêt sérieux et légitime.

Motivation de la cour

La cour a examiné la validité de la clause d’inaliénabilité selon l’article 900-1 du code civil, qui exige que les clauses soient temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime. La cour a constaté que la clause n’interdisait que la vente à titre onéreux, permettant ainsi des actes de disposition à titre gratuit.

Caractère temporaire de la clause

La cour a déterminé que la clause d’inaliénabilité avait un caractère temporaire, car elle ne s’appliquait pas à la possibilité d’aliéner à titre gratuit. La volonté de la testatrice était de maintenir le bien dans la famille ou de le donner à des associations.

Nullité de la clause

La cour a conclu que la clause était nulle, car la testatrice ne pouvait pas stipuler une clause d’inaliénabilité sur un bien dont elle n’était pas la seule propriétaire. La clause a donc été déclarée nulle et de nul effet.

Dépens

La cour a confirmé que les dépens seraient à la charge de Mme [V] [E], tant pour le jugement initial que pour l’appel.

1ère chambre

ARRÊT N°

N° RG 24/01960

N° Portalis DBVL-V-B7I-UU7Z

(Réf 1ère instance : 22/00707)

Mme [V] [D] [S] [E]

C/

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Luc BOURGES

RÉPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 26 NOVEMBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Président : Madame Véronique VEILLARD, présidente de chambre

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, président de chambre

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, conseillère, rapporteur lors de l’audience

GREFFIER

Madame Morgane LIZEE lors des débats et lors du prononcé

MINISTÈRE PUBLIC

M. Yves DELPERIE avocat général auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

DÉBATS

En chambre du conseil le 17 septembre 2024

ARRÊT

Contradictoire, prononcé hors la présence du public le 26 novembre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE

Madame [V] [D] [S] [E]

Née le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Jean-claude GOURVES de la SELARL CABINET GOURVES, D’ABOVILLE ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de QUIMPER

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [Y] [E] est décédée à [Localité 7] le [Date décès 4] 2021.

Aux termes d’un testament olographe du 17 avril 2004 et d’un avenant du 12 février 2021, Mme [Y] [E] a institué pour légataire universelle sa s’ur, Madame [V] [E].

L’avenant comportait la clause suivante :  » ma maison de [Localité 5] ne doit pas être vendu, jamais sous aucun prétexte, elle sera donné en héritage à une association, si personne de la famille ne l’accepte elle devra être restaurée à l’identique (…) Qu’elle serve de relais pour les besoins des femmes battues, ou de refuge pour animaux non bruyant mais jamais vendu, c’est le seul bien que je n’ai jamais possédé, le notaire ou un autre homme de loi la reprendrais pour la rediriger vers un autre milieu respectueux de mes souhaits. Ceci fait partie de mes dernières volontés. Ma s’ur cité plus haut reste ma légataire universel dans ce temps jusqu’au choix qu’elle fera plus tard en respectant mes souhaits. »

Arguant de cette clause d’inaliénabilité, Mme [V] [E] a, par requête enregistrée le 7 avril 2022, saisi le tribunal judiciaire de Quimper, au visa de l’article 900-1 du code civil, aux fins de voir :

– donner mainlevée de la clause d’inaliénabilité dès lors qu’elle est entachée de nullité,

– dire et juger que le jugement à intervenir sera assorti de l’exécution provisoire,

– dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure.

Par jugement rendu en matière gracieuse en date du 20 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Quimper a :

– débouté Madame [V] [E] de sa demande,

– laissé les dépens à la charge de Madame [V] [E].

Par déclaration du 7 novembre 2023, Mme [V] [E] a interjeté appel de cette décision.

L’examen de l’affaire a été fixé à l’audience du 17 septembre 2024.

Le 28 juin 2024, le procureur général a rendu l’avis suivant : ‘L’article 900-1 du code civil ne s’applique pas en l’espèce, dans la mesure où il ne s’agit pas d’une clause d’inaliénabilité absolue, mais d’une simple interdiction de céder le bien à titre onéreux.’

Aux termes de ses conclusions, transmises au greffe et notifiées le 29 juillet 2024, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé, Mme [E] demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau de :

– donner mainlevée de la clause d’inaliénabilité dès lors qu’elle est entachée de nullité,

– dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure.

Mme [E] fait valoir qu’un élément nouveau est intervenu depuis le jugement, ayant appris que le bien reçu en donation était en réalité un bien en indivision entre elle-même (pour 1/3) et la testatrice (pour 2/3).

Se fondant sur les dispositions de l’article 900-1 du code civil, elle plaide de plus fort la nullité de la clause d’inaliénabilité, comme n’étant pas limitée dans le temps, ainsi que le démontre l’utilisation réitérée par la testatrice du terme ‘jamais’ et en ce que cette interdiction ne répond pas à l’exigence d’un intérêt sérieux et légitime, puisque la testatrice a pris des dispositions concernant un bien dont elle n’était pas la seule propriétaire.

Elle ajoute que la décision entreprise a pour conséquence que la maison, et donc le tiers dont elle est propriétaire, devient lui-même inaliénable sauf à ce qu’elle consente, ce qui n’est pas le cas, à faire donation de la maison, laquelle est indivisible.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu à titre gracieux par le tribunal judiciaire de Quimper le 20 septembre 2022 sauf en ce qu’il a laissé les dépens à la charge de Mme [V] [E],

Statuant de nouveau,

Déclare nulle et de nul effet la clause contenue dans l’ avenant du 12 février 2021 rédigée par [Y] [E], de la manière suivante : ‘ma maison de [Localité 5] ne doit pas être vendu, jamais sous aucun prétexte, elle sera donné en héritage à une association, si personne de la famille ne l’accepte elle devra être restaurée à l’identique (…) Qu’elle serve de relais pour les besoins des femmes battues, ou de refuge pour animaux non bruyant mais jamais vendu, c’est le seul bien que je n’ai jamais possédé, le notaire ou un autre homme de loi la reprendrais pour la rediriger vers un autre milieu respectueux de mes souhaits. Ceci fait partie de mes dernières volontés. Ma s’ur cité plus haut reste ma légataire universel dans ce temps jusqu’au choix qu’elle fera plus tard en respectant mes souhaits.’

Laisse les dépens d’appel à la charge de Mme [V] [E].

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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