Cour d’appel de Rennes, 24 mars 2023, RG n° 23/00167
Cour d’appel de Rennes, 24 mars 2023, RG n° 23/00167

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Rennes

Thématique : Rétention administrative et recours en appel : analyse de la décision de la Cour d’appel de Rennes

Résumé

Le 24 mars 2023, la Cour d’appel de Rennes a statué sur l’appel de M. [H] [F], de nationalité indienne, contre une ordonnance du juge des libertés et de la détention. Ce dernier avait rejeté ses exceptions de nullité et ordonné sa rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours. L’appel a été jugé recevable, mais la cour a confirmé l’ordonnance initiale, considérant que le Préfet avait correctement évalué la situation de M. [F], qui s’était soustrait à une mesure d’expulsion et ne justifiait pas d’une résidence stable. La demande d’indemnisation a également été rejetée.

24 mars 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
23/00167

COUR D’APPEL DE RENNES

N° 23/85

N° N° RG 23/00167 – N° Portalis DBVL-V-B7H-TT4G

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d’appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, assisté de Sandrine KERVAREC, greffière,

Statuant sur l’appel formé le 23 Mars 2023 à 11 h 14 par la CIMADE pour :

M. [H] [F]

né le 01 Janvier 1984 à [Localité 3] (INDE)

de nationalité Indienne

ayant pour avocat Me Marine LE BOURHIS, avocat au barreau de RENNES

d’une ordonnance rendue le 22 Mars 2023 à 18 h 44 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l’encontre de l’arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [H] [F] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 22 mars 2023 à 17 h 40;

En l’absence de représentant du préfet de Seine Maritime, dûment convoqué, (mémoire écrit)

En l’absence du procureur général régulièrement avisé, (avis écrit)

En présence de [H] [F], assisté de Me Marine LE BOURHIS, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 24 Mars 2023 à 11 H 30 l’appelant en visioconférence, assisté de M. [O] [G], interprète en langue Penjabi ayant préalablement prêté serment, et son avocat en leurs observations,

Avons mis l’affaire en délibéré et le 24 Mars 2023 à 14 heures, avons statué comme suit :

Par arrêté du 17 juin 2014 le Préfet de Police de [Localité 5] a décidé de l’expulsion de Monsieur [H] [F] du territoire français.

Monsieur [F] s’est maintenu sur le territoire français.

Par arrêté du 20 mars 2023 notifié le même jour le Préfet de Seine Maritime a placé Monsieur [F] dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Par arrêté du 21 mars 2023 le Préfet de Seine Maritime a fixé le pays de renvoi.

Par requête du 21 mars 2023 le Préfet de Seine-Maritime a saisi le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes d’une demande de prolongation de la rétention de Monsieur [F].

Par ordonnance du 22 mars 2023 le juge des libertés et de la détention a dit que le Préfet de Seine Maritime avait procédé à un examen approfondi de la situation de l’intéressé et n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en le plaçant en rétention, que la procédure de retenu était régulière, que la notification de la décision de placement en rétention et des droits y afférents était régulière, que la consultation du fichier des personnes recherchées était régulière et que le Préfet de Seine Maritime avait fait diligence pour que la rétention soit la plus courte possible et autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.

Par déclaration reçue le 23 mars 2023 Monsieur [F] a formé appel contre cette ordonnance en reprenant les moyens soulevés devant le premier juge à l’exception de l’irrégularité de la procédure de retenue.

Il a sollicité la condamnation du Préfet de Seine Maritime à payer la somme de 500,00 Euros sur le fondement des articles 700 du Code de Procédure Civile et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridictionnelle.

Le Procureur Général a conclu à la confirmation de l’ordonnance attaquée selon avis du 24 mars 2022.

Le Préfet de Seine Maritime a sollicité la confirmation de l’ordonnance selon mémoire du 24 mars 2023.

MOTIFS

L’appel, formé dans les formes et délais légaux est recevable.

Sur l’examen approfondi de la situation de Monsieur [F] et l’erreur manifeste d’appréciation,

L’article L741-1 du CESEDA prévoit que l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3.

L’article L612-3 du CESEDA dispose que le risque que l’étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l’objet peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière si :

1° L’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

2° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;

3° L’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L’étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;

6° L’étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l’un des États avec lesquels s’applique l’acquis de Schengen, fait l’objet d’une décision d’éloignement exécutoire prise par l’un des États ou s’est maintenu sur le territoire d’un de ces États sans justifier d’un droit de séjour ;

7° L’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou a fait usage d’un tel titre ou document ;

8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

L’article 15 de la Directive 2008/115/CE prévoit qu’à moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsqu’il existe un risque de fuite.

En l’espèce, Monsieur [F], pour contester la décision de placement en rétention soutient qu’il a un hébergement fixe et stable chez un ami à [Localité 1].

Pour placer Monsieur [F] en rétention le Préfet a retenu notamment qu’il s’était soustrait à la mesure d’expulsion ordonnée par le Préfet de Police de [Localité 5], qu’il n’avait pas régularisé sa situation, qu’il était dépourvu de document d’identité et de voyage en cours de validité et qu’il ne disposait pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale comme ayant déclaré le 20 mars 2023 qu’il habitait chez un ami à [Localité 4] sans autre précision.

Les pièces de la procédure permettent de constater que ces motifs sont pertinents Monsieur [F] s’étant effectivement soustrait à une précédente mesure d’éloignement sans régulariser sa situation et étant dépourvu de document d’identité et de voyage en cours de validité et étant dépourvu de résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale, comme il le précisait lui-même dans son audition du 20 mars 2023 en précisant qu’il était depuis trois jours chez un ami à [Localité 4]. Il soutient qu’il y a eu une erreur de compréhension et qu’il venait d’emménager à [Localité 1]. Il n’apporte cependant aucun élément à l’appui de cet argument.

Le Préfet a procédé à un examen approfondi de sa situation et n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.

Sur la notification du placement en rétention et des droits en rétention,

L’article L141-3 du CESEDA dispose que lorsqu’une information ou qu’une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu’il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l’intermédiaire d’un interprète. L’assistance de l’interprète est obligatoire si l’étranger ne parle pas le français et qu’il ne sait pas lire.
En cas de nécessité, l’assistance de l’interprète peut se faire par l’intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu’à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d’interprétariat et de traduction agréé par l’administration. Le nom et les coordonnées de l’interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l’étranger.

En l’espèce, les procès-verbaux établis par les services de Police du Havre le 20 mars 2023 à 10 h 05, 10 h 10, 10 h 40 et 17 h 35, soit pendant la procédure de retenue et après la notification de l’arrêté portant placement en rétention et notification des droits, mentionnent qu’il a été fait recours à l’interprétariat par téléphone par Madame [D] [C], inscrite sur la liste du Procureur de la République tout au long de la procédure en raison de l’impossibilité pour cette dernière de se déplacer.

Le placement en rétention, les droits en rétention et le règlement intérieur du CRA ont été notifiés à Monsieur [F] en langue penjabi comme le montrent les procès-verbaux des 20 mars 2023 à 17 h 30 et 17 h 35 avec le concours téléphonique de Madame [C].

Il y a lieu de constater qu’il est mentionné que l’interprète est domiciliée à [Localité 2] mais que l’ensemble de ses coordonnées ne sont pas précisées. Pour autant Monsieur [F] ne soutient pas qu’il avait des éléments à faire valoir et qu’il en a été empêché par l’absence de coordonnées de l’interprète et il doit être relevé par ailleurs que Monsieur [F] a exercé ses droits et n’allègue d’aucune atteinte à ces derniers.

La procédure est régulière.

Sur la consultation du fichier des personnes recherchées ,

En l’espèce, les procès-verbaux établis par les services de Police du Havre le 20 mars 2023 à 10 h 05, 10 h 25 et 17 h 35 montrent que Monsieur [N] [V], OPJ, était individuellement et spécialement habilité pour cette consultation mais que ce fichier n’a pas été consulté.

Sur la tardiveté des diligences du Préfet,

L’article L741-3 du CESEDA impose au Préfet de faire diligence pour que la rétention soit la plus courte possible.

En l’espèce, le Préfet a saisi les autorités consulaires indiennes le 21 mars 2023, soit dans les vingt-quatre heures du placement en rétention et le jour même de l’arrêté fixant le pays de renvoi. Il ne peut être fait grief au Préfet de ne pas avoir fait diligence pour que la rétention soit la plus courte possible.

L’ordonnance attaquée sera confirmée et la demande sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridictionnelle sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

Déclare l’appel recevable,

Confirme l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du 22 mars 2023,

Rejette la demande au titre des dispositions des articles 700 du Code de Procédure Civile et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l’aide juridictionnelle,

Laisse les dépens à la charge du Trésor Public .

Ainsi jugé le 24 mars 2023 à 14 heures

LE GREFFIER LE CONSEILLER DELEGUE

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [H] [F], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d’un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon