Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Rennes
Thématique : Indemnisation pour préjudices liés à une incarcération injustifiée
→ RésuméIdentité du RequérantMonsieur [K] [G], né en 1965 en Roumanie, a élu domicile au cabinet de Me PELLEN à [Localité 5]. Il est représenté par son avocat, Maître Maell PELLEN. Contexte de l’AffaireMonsieur [G] a été mis en examen et incarcéré le 1er décembre 2017, avant d’être libéré le 20 août 2018. Une ordonnance de non-lieu a été rendue le 20 août 2019, confirmée par un arrêt de la chambre de l’instruction le 15 septembre 2023, sans recours. Demande d’IndemnisationLe 5 mars 2024, Monsieur [G] a déposé une requête en indemnisation pour un total de 63 261 euros, incluant 38 000 euros pour préjudice moral, 22 261 euros pour préjudice matériel, et 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Facteurs d’AggravationIl évoque plusieurs facteurs d’aggravation, tels que le choc carcéral, la séparation d’avec sa famille, et la gravité des accusations qui pesaient sur lui, entraînant une réprobation de la part des autres détenus. Perte de SalaireMonsieur [G] soutient que sa perte de salaire s’étend au-delà de sa période d’incarcération, affectant également les mois d’octobre et novembre 2018, car il n’a pu retrouver un emploi à temps complet qu’à partir de décembre 2018. Position de l’Agent Judiciaire de l’EtatL’agent judiciaire de l’Etat ne conteste pas le préjudice moral, mais demande une réduction de l’indemnisation à 20 000 euros, excluant les pertes de salaires des mois d’octobre et novembre 2018. Conclusion du Ministère PublicLe ministère public évalue le préjudice moral à 24 000 euros et conteste la preuve de la perte de salaire liée à l’incarcération pour les mois d’octobre et novembre 2018. Recevabilité de la RequêteLa recevabilité de la requête n’est pas contestée. Monsieur [G] a droit à une indemnisation pour les préjudices résultant de sa détention de 262 jours. Réparation du Préjudice MoralLes éléments tels que le choc carcéral et la séparation familiale sont reconnus comme des facteurs aggravants, conduisant à une réparation du préjudice moral fixée à 24 000 euros. Réparation du Préjudice MatérielLa perte de salaire due à l’incarcération est évaluée à 17 694 euros pour la période d’incarcération, tandis que la perte de chance d’un emploi équivalent après sa libération est estimée à 3 308 euros. Montant Total de l’IndemnisationLa réparation totale du préjudice matériel s’élève à 21 002 euros, en plus des 24 000 euros pour le préjudice moral. Frais de ProcédureIl est décidé d’allouer 1 000 euros à Monsieur [G] pour les frais engagés dans le cadre de la procédure. Décision FinaleLa requête de Monsieur [G] est déclarée recevable, et il se voit allouer 24 000 euros pour le préjudice moral, 21 002 euros pour le préjudice matériel, et 1 000 euros pour les frais de procédure, tandis que le surplus de sa demande est rejeté. |
COUR D’APPEL DE RENNES
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
N° de minute : 25/3
N° de dossier : N° RG 24/00002 – N° Portalis DBVL-V-B7I-USNC
O R D O N N A N C E
Décision en premier ressort prononcée en audience publique le 22 janvier 2025 par Monsieur Jean Baptiste PARLOS, premier président près la cour d’appel de RENNES, assisté lors des débats en date du 20 Novembre 2024 et lors du prononcé en date du 22 janvier 2025 par Elwenn DARNET, greffière
REQUÉRANT :
Monsieur [K] [G]
né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 6] (ROUMANIE)
Elisant domicile au cabinet de Me PELLEN
[Adresse 2]
[Localité 5]
Non comparant, représenté par Maître Maell PELLEN, avocat au barreau de NANTES
EN PRÉSENCE DE :
Madame l’Agent Judiciaire de l’Etat
Sous-direction du droit privé
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Maître Jérôme STEPHAN, substitué par Maître Emma VERMANDEL, avocats au barreau de RENNES
ET :
le ministère public, représenté en la personne du procureur général,
1. Monsieur [G] a été mis en examen et incarcéré le 1er décembre 2017 au quartier maison d’arrêt du centre pénitentiaire de [Localité 5], puis mis en liberté le 20 août 2018, avant une ordonnance de non-lieu du 20 août 2019, confirmée par un arrêt de la chambre de l’instruction du 15 septembre 2023, qui n’a pas fait l’objet de recours.
2. Le 5 mars 2024, il a présenté une requête en indemnisation en réparation de ses préjudices, évaluée à 38 000 euros, pour son préjudice moral et 22 261 euros pour le préjudice matériel, et sollicite 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
3.Il fait valoir, comme facteurs d’aggravation, l’existence d’un choc carcéral alors qu’il n’avait jamais été incarcéré, la séparation d’avec sa famille et ses proches, alors qu’il est marié et père de trois enfants et que, de nationalité roumaine, il revenait tous les trois mois retrouver les siens en Roumanie, et la gravité de l’accusation criminelle retenue contre lui l’exposant à une lourde peine et à la réprobation des autres détenus.
4. Il soutient que, travaillant régulièrement avant son incarcération depuis 2014, sa perte de salaire s’étend non seulement de décembre 2017 à août 2018, mais aussi à octobre et novembre 2018, soit postérieurement à sa libération, dans la mesure où il n’a pu être embauché à temps complet qu’à compter du mois de décembre 2018, ayant été repris les mois précédents dans une entreprise sous-traitante de son ancien employeur.
4. L’agent judiciaire de l’Etat, qui ne conteste pas l’existence du préjudice moral ni les facteurs d’aggravation invoqués, sollicite la réduction de l’indemnisation demandée à 20 000 euros, l’exclusion de l’indemnisation des pertes de salaires pour les mois d’octobre et novembre 2018 comme ne résultant pas directement de la période d’incarcération. et la diminution de la somme sollicitée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
5. Le ministère public conclut dans le même sens, pour une détention provisoire dont il estime la durée à deux-cent-soixante-deux jours, évalue la réparation du préjudice moral à 24 000 euros et expose que le requérant n’apporte pas la preuve que la circonstance que son employeur ait poursuivi le contrat de travail à temps partiel lors des mois d’octobre, novembre et décembre 2018 résulte directement et exclusivement de l’incarcération.
Sur ce,
6. La recevabilité de la requête n’est pas contestée.
7. Monsieur [G] a été incarcéré durant deux-cent-soixante-deux jours avant de bénéficier d’un arrêt de non-lieu qui n’a pas l’objet de recours, ce qui lui ouvre droit à une indemnisation des préjudices résultant directement de cette détention.
Sur la demande de réparation du préjudice moral
8. Le choc carcéral d’une première incarcération, la séparation d’avec sa famille et ses proches, demeurant en Roumanie, alors qu’il est marié et père de trois enfants, ce que confirme le rapport de l’administration pénitentiaire selon lequel le requérant n’a bénéficié d’aucune visite au parloir des familles, et la gravité de l’accusation criminelle retenue contre lui l’exposant à une lourde peine et à la réprobation des autres détenus sont des facteurs d’aggravation du préjudice subi, non contestés par l’agent judiciaire de l’Etat.
9. Ces éléments d’appréciations conduisent à fixer le montant de la réparation du préjudice moral à 24 000 euros.
Sur le préjudice matériel
Sur la période allant du 1er décembre 2017 au 20 août 2018
10. Salarié de la même société depuis le 1er juin 2014, le requérant a perçu de janvier à novembre 2017, 23 080 euros, soit un salaire mensuel net de 2 098 euros, et 1 188 euros en décembre 2017.
11. Du 1er décembre 2017 au 20 août 2018, la perte de salaire due à l’incarcération s’élève à (2 098-1 188 + 8 x 2098) 17 694 euros.
Sur la période allant des mois de septembre à novembre 2018
12. Monsieur [G] a travaillé sans discontinuer du 1er juin 2014 à la date de son incarcération. Il n’est pas contesté qu’il a repris une activité professionnelle dès le mois d’octobre 2018, mais à temps partiel jusqu’au mois de décembre, au cours desquels il a perçu, respectivement, 768 euros puis 959 euros.
13. Dès lors la perte de chance de pouvoir occuper un emploi et en tirer un revenu équivalent à celui qu’il percevait avant son incarcération doit être évaluée à 80% et le montant du préjudice résultant de cette perte de chance à (2 098 x 3 x 0,8 – (768 + 959)) 3 308 euros.
14. La réparation du préjudice matériel s’élève en conséquence à 21 002 euros.
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile
11. Il est équitable d’allouer à monsieur [G] la somme de 1 000 euros pour les frais qu’il a dû exposer en raison de la présente procédure.
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