Cour d’appel de Rennes, 20 février 2024
Cour d’appel de Rennes, 20 février 2024

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Rennes

Thématique : Diffamation sur Facebook : l’identification de l’administrateur d’un groupe

Résumé

Dans l’affaire de diffamation sur Facebook, Mme [H] a tenté d’identifier l’administrateur d’un groupe ayant publié des propos litigieux. Sa demande, fondée sur l’article 145 du code de procédure civile, a été rejetée par le tribunal de Nantes, qui a estimé qu’elle ne justifiait pas d’un intérêt légitime. La cour a souligné que l’existence d’une information pénale en cours ne constitue pas un procès au sens de cet article. De plus, la demande visait à contourner les prérogatives du juge d’instruction, ce qui a conduit à la confirmation de l’ordonnance initiale et à la condamnation de Mme [H] aux dépens.

En matière de diffamation sur un groupe Facebook, l’existence d’une information pénale en cours, fût-elle ouverte sur plainte avec constitution de partie civile, ne caractérise pas l’existence d’un procès en cours au sens de l’article 145 du code de procédure civile, pas plus que la compétence réservée à la juridiction pénale pour connaître de l’action civile en vertu de l’article 46 de la loi du 29 juillet 1881, dès lors qu’une information constitue une phase préalable au procès et qu’aucun juge du fond n’est saisi.

Le tribunal correctionnel pourra l’être le cas échéant si le juge d’instruction rend une ordonnance de renvoi. En cas de non-lieu par le juge d’instruction, il ne sera pas interdit à la victime de saisir une juridiction répressive par voie de citation directe dans les conditions rappelées par la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. Crim 12 novembre 2008 n° pourvoi 07-88.222). Il ne peut donc être retenu que le procès est en réalité déjà engagé puisque celui-ci reste aléatoire et ne dépend pas que de la décision du juge d’instruction.

L’ouverture d’une information judiciaire contre personne non dénommée n’est pas de nature à priver le juge des référés des pouvoirs que lui confère l’article 145 du code de procédure civile, dès lors qu’aucun juge du fond n’est saisi.

En l’occurrence, la mesure sollicitée vise exclusivement à identifier l’administrateur du compte Facebook émetteur du message litigieux, ce qui est précisément l’objet des investigations menées par le juge d’instruction dont il n’est pas avéré que celles-ci seraient irrémédiablement vouées à l’échec en raison du refus de la société intimée de communiquer les informations demandées.

La mesure demandée au juge des référés sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, visant à obtenir les mêmes informations que celles qui sont recherchées (et dont il n’est pas démontré qu’elles ne pourront être obtenues) dans le cadre de l’information judiciaire toujours en cours est dépourvue d’utilité.

La demande formulée, qui vise à contourner les prérogatives du juge d’instruction et à interférer dans une procédure pénale en cours, ne permet pas de caractériser l’existence d’un motif légitime.

L’affaire concerne une publication sur la page Facebook de l’association ‘FOREST KEEPERS BRETAGNE’ qui aurait porté atteinte à l’honneur et à la considération de Mme [H]. Cette dernière a saisi la justice pour identifier le directeur de la publication de la page Facebook en question. Après plusieurs rebondissements judiciaires, la société Meta Platforms Ireland Limited a été assignée pour communiquer les éléments nécessaires à l’identification du directeur de la publication. Le tribunal de Nantes a rejeté la demande de Mme [H], qui a fait appel de cette décision. Les parties ont échangé des conclusions de procédure, notamment sur la recevabilité des dernières conclusions déposées.

Les points essentiels

Introduction

L’affaire en question concerne une demande de Mme [H], une élue politique locale, visant à obtenir des informations de la société Meta Platforms Ireland Limited (MPIL) pour identifier l’administrateur d’un compte Facebook ayant publié des propos litigieux. La cour a examiné la recevabilité des conclusions de Mme [H] et le bien-fondé de sa demande, en se basant sur divers articles du code de procédure civile.

Recevabilité des Conclusions n°2 et n°3

La cour a d’abord évalué la recevabilité des conclusions n°2 et n°3 de Mme [H], transmises respectivement les 16 et 30 octobre 2023. Selon l’article 802 du code de procédure civile, aucune conclusion ne peut être déposée après l’ordonnance de clôture, sauf exceptions spécifiques. Les conclusions n°2 ont été jugées irrecevables car transmises trop tardivement, ne laissant pas suffisamment de temps à la société MPIL pour organiser sa défense. Les conclusions n°3, transmises après l’ordonnance de clôture, ont également été jugées irrecevables.

Bien-fondé de la Demande de Mme [H]

Mme [H] a invoqué l’article 145 du code de procédure civile pour justifier sa demande de communication d’informations par MPIL. Cet article permet de conserver ou d’établir des preuves avant un procès si un motif légitime est démontré. La cour a examiné si Mme [H] avait un intérêt légitime à obtenir ces informations en dehors de la procédure pénale en cours.

Existence d’un Procès Déjà Engagé

La cour a déterminé que l’existence d’une information pénale en cours ne constitue pas un procès en cours au sens de l’article 145 du code de procédure civile. Le tribunal correctionnel de Paris pourrait être saisi ultérieurement, mais cela reste incertain. Par conséquent, la demande de Mme [H] n’était pas irrecevable sur ce point.

Absence d’Intérêt Légitime

La cour a jugé que la demande de Mme [H] visait à contourner les prérogatives du juge d’instruction et à interférer dans une procédure pénale en cours. Mme [H] n’a pas démontré que l’identification de l’administrateur du compte Facebook serait impossible par la voie pénale. La demande de communication d’informations directement au juge d’instruction ne constituait pas un motif légitime.

Confirmation de l’Ordonnance

La cour a confirmé l’ordonnance initiale, rejetant la demande de Mme [H] faute de justifier d’un intérêt légitime. La mesure sollicitée ne pouvait pas préparer un procès devant une autre juridiction que le tribunal correctionnel de Paris.

Frais Irrépétibles et Dépens

Les dispositions de l’ordonnance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ont été confirmées. Mme [H], ayant succombé en appel, a été condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. En équité, la cour a décidé de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 en faveur de la société MPIL, compte tenu du déséquilibre économique entre les parties.

Conclusion

En conclusion, la cour a jugé irrecevables les conclusions tardives de Mme [H] et a rejeté sa demande de communication d’informations par MPIL. La cour a confirmé l’ordonnance initiale, soulignant l’absence d’intérêt légitime et l’interférence avec la procédure pénale en cours. Les frais irrépétibles et les dépens ont été attribués en conséquence.

Les montants alloués dans cette affaire: – Mme [X] [H] : condamnée aux dépens d’appel
– Mme [X] [H] : déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– Société Meta Platforms Ireland Limited : déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

Réglementation applicable

– Article 802 du code de procédure civile : Après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office. Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu’à l’ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l’objet d’aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture. Sont également recevables les conclusions qui tendent à la reprise de l’instance en l’état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption.

– Article 15 du code de procédure civile : Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.

– Article 16 du code de procédure civile : Le juge ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

– Article 145 du code de procédure civile : S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

– Article 10 du code de procédure civile : Le juge a le pouvoir d’ordonner toutes les mesures d’instruction légalement admissibles.

– Article 11 du code de procédure civile : Les parties sont tenues d’apporter leurs concours aux mesures d’instruction sauf au juge à tirer toutes conséquences d’une abstention ou d’un refus. Si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de les produire, au besoin à peine d’astreinte. Il peut, à la requête de l’une des parties demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers, s’il n’existe pas d’empêchement légitime.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier:

– Me Benoît BOMMELAER de la SELARL CORNET-VINCENT-SEGUREL, Postulant, avocat au barreau de RENNES
– Me Christian NAUX de la SELARL CORNET-VINCENT-SEGUREL, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
– Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
– Me Bertrand LIARD du cabinet WHITE & CASE LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Mots clefs associés & définitions

– Recevabilité des conclusions
– Article 802 du code de procédure civile
– Ordonnance de clôture
– Contradictoire (Article 15 du code de procédure civile)
– Débats contradictoires (Article 16 du code de procédure civile)
– Conclusions n°2 et n°3 de Mme [H]
– Société Meta Platforms Ireland Limited
– Délai de réponse
– Irrecevabilité des conclusions tardives
– Note en délibéré (Article 445 du code de procédure civile)
– Révocation de l’ordonnance de clôture
– Droit à un procès équitable
– Article 145 du code de procédure civile
– Motif légitime
– Mesures d’instruction
– Intérêt probatoire
– Article 10 et 11 du code de procédure civile
– Production de documents par des tiers
– Information judiciaire
– Administrateur du compte Facebook
– Procédure pénale
– Tribunal correctionnel de Paris
– Compétence juridictionnelle
– Entraide pénale internationale
– Décision d’enquête européenne
– Utilité de la mesure
– Contournement des prérogatives du juge d’instruction
– Diffamation publique
– Juridictions répressives
– Frais irrépétibles
– Article 700 du code de procédure civile
– Dépens d’appel
– Déséquilibre économique entre les parties
– Recevabilité des conclusions : la capacité des conclusions présentées par une partie à être prises en considération par le tribunal.
– Article 802 du code de procédure civile : disposition légale régissant les modalités de communication des pièces et des conclusions entre les parties dans une procédure civile.
– Ordonnance de clôture : décision du tribunal mettant fin à la phase écrite de la procédure et fixant les délais pour les échanges de conclusions.
– Contradictoire (Article 15 du code de procédure civile) : principe selon lequel les parties doivent être mises en mesure de discuter et de contredire les arguments et les preuves présentés par l’autre partie.
– Débats contradictoires (Article 16 du code de procédure civile) : phase de la procédure au cours de laquelle les parties exposent leurs arguments de manière contradictoire devant le tribunal.
– Conclusions n°2 et n°3 de Mme [H] : propositions ou demandes formulées par Mme [H] dans le cadre de la procédure.
– Société Meta Platforms Ireland Limited : entreprise identifiée dans le contexte juridique mentionné.
– Délai de réponse : période accordée à une partie pour répondre à des conclusions ou à des demandes de la partie adverse.
– Irrecevabilité des conclusions tardives : impossibilité pour le tribunal de prendre en compte des conclusions présentées après la date limite fixée.
– Note en délibéré (Article 445 du code de procédure civile) : document écrit transmis par une partie au tribunal après la clôture des débats, pour compléter ou préciser ses arguments.
– Révocation de l’ordonnance de clôture : annulation de la décision mettant fin à la phase écrite de la procédure.
– Droit à un procès équitable : principe fondamental garantissant à chaque partie le droit à un procès juste et équitable.
– Article 145 du code de procédure civile : disposition légale permettant à une partie de solliciter du tribunal des mesures d’instruction avant tout procès.
– Motif légitime : raison valable justifiant une demande ou une action dans le cadre d’une procédure judiciaire.
– Mesures d’instruction : actions entreprises par le tribunal pour recueillir des preuves ou des informations nécessaires à la résolution du litige.
– Intérêt probatoire : pertinence des éléments de preuve présentés pour établir les faits allégués.
– Article 10 et 11 du code de procédure civile : dispositions légales régissant les règles de communication des pièces entre les parties.
– Production de documents par des tiers : obligation pour des tiers de fournir des documents ou des informations demandés par le tribunal ou les parties.
– Information judiciaire : procédure menée par un juge d’instruction pour enquêter sur des infractions pénales complexes.
– Administrateur du compte Facebook : personne responsable de la gestion et de l’administration d’un compte sur le réseau social Facebook.
– Procédure pénale : ensemble des règles et des étapes suivies pour juger les infractions pénales.
– Tribunal correctionnel de Paris : juridiction compétente pour juger les infractions pénales relevant de sa compétence territoriale.
– Compétence juridictionnelle : autorité d’une juridiction pour juger un litige en fonction de critères territoriaux, matériels ou personnels.
– Entraide pénale internationale : coopération entre États pour faciliter les enquêtes et les poursuites judiciaires dans des affaires pénales transfrontalières.
– Décision d’enquête européenne : décision permettant à un État membre de l’Union européenne de mener des enquêtes pénales sur le territoire d’un autre État membre.
– Utilité de la mesure : pertinence et nécessité d’une mesure demandée dans le cadre d’une procédure judiciaire.
– Contournement des prérogatives du juge d’instruction : action visant à contourner ou à limiter les pouvoirs et les compétences du juge d’instruction dans une affaire pénale.
– Diffamation publique : acte de diffuser des propos ou des informations portant atteinte à l’honneur ou à la réputation d’une personne de manière publique.
– Juridictions répressives : tribunaux chargés de juger les infractions pénales et de prononcer des sanctions.
– Frais irrépétibles : dépenses engagées par une partie dans le cadre d’une procédure judiciaire et non récupérables auprès de l’autre partie.
– Article 700 du code de procédure civile : disposition légale permettant au tribunal d’allouer une somme à une partie pour compenser ses frais de justice.
– Dépens d’appel : frais engagés par les parties dans le cadre d’une procédure d’appel.
– Déséquilibre économique entre les parties : situation où l’une des parties dispose de ressources financières nettement supérieures à celles de l’autre partie, créant un déséquilibre dans la procédure.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

20 février 2024
Cour d’appel de Rennes
RG n°
23/02524
1ère Chambre

ARRÊT N°68

N° RG 23/02524

N° Portalis DBVL-V-B7H-TWXK

Mme [X] [H]

C/

Société META PLATFORMS IRELAND LIMITED SOCIÉTÉ

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 20 FÉVRIER 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère, rédactrice,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 14 novembre 2023, tenue en double rapporteur sans opposition des parties par Mme Véronique Veillard, présidente de chambre, et M. Philippe Bricogne, président de chambre,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 20 février 2024 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 23 janvier 2024 à l’issue des débats

APPELANTE :

Madame [X] [H]

née le 05 Août 1960 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Benoît BOMMELAER de la SELARL CORNET-VINCENT-SEGUREL, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Christian NAUX de la SELARL CORNET-VINCENT-SEGUREL, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉE :

META PLATFORMS IRELAND LIMITED, société agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4] (IRLANDE)

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Bertrand LIARD du cabinet WHITE & CASE LLP, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
EXPOSÉ DU LITIGE

 

Le 19 octobre 2019, l’association ‘FOREST KEEPERS BRETAGNE’ a publié sur la page ‘FOREST KEEPERS BRETAGNE’ du réseau social ‘Facebook’ le message suivant :

Ce message a fait l’objet d’un procès-verbal de constat établi par Me [T] [K], huissière de justice à [Localité 5].

 
Considérant que cette publication était de nature porter atteinte à son honneur et à sa considération, Mme [H] a saisi le doyen des juges d’instruction près le tribunal judiciaire de Paris, d’une plainte avec constitution de partie civile contre X, sur le fondement de l’article 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 aux fins d’identifier le directeur de la publication de cette page Facebook.

 

Cette plainte, déposée le 2 janvier 2020, a été enregistrée le 2 juillet 2020 et a donné lieu à l’ouverture d’une information contre X.

Une première ordonnance de non-lieu a été rendue par le magistrat instructeur au motif que les investigations diligentées n’avaient pas permis d’identifier l’auteur des propos.

 

La chambre de l’instruction près la cour d’appel de Paris a été saisie d’un appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance de non-lieu, Mme [H] considérant que l’ensemble des démarches nécessaires à l’identification du directeur de la publication n’avaient pas été réalisées.

 

Par arrêt du 5 novembre 2021, la cour d’appel de Paris a infirmé l’ordonnance entreprise et ordonné le renvoi du dossier au juge d’instruction pour poursuite de l’information.

 

Une seconde ordonnance de non-lieu a été rendue par le juge d’instruction près le tribunal judiciaire de Paris dont Mme [H] a interjeté appel.

 

La chambre de l’instruction a, par un second arrêt du 21 septembre 2022, infirmé l’ordonnance de non-lieu constatant qu’aucune ‘démarche n’a été fait par le magistrat instructeur pour vérifier si une identification du ou des titulaires de la page Facebook ‘Forest Keepers Bretagne’ était possible via une demande d’entraide pénale internationale ou une décision d’enquête européenne, auprès de la société Facebook aux Etats Unis ou de sa filiale irlandaise.’

 

L’instruction judiciaire est toujours en cours.

 

Parallèlement, par acte d’huissier du 29 avril 2022, Mme [H] a fait assigner la société Facebook France devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes aux fins de lui enjoindre ‘d’identifier le directeur de la publication de la page Facebook ‘FOREST KEEPERS BRETAGNE’ à la date du 19 octobre 2019′ et de communiquer, ‘les éléments nécessaires à son identification et son appréhension’, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 48 h à compter de l’ordonnance à intervenir.

Suivant ordonnance du 9 juin 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes a mis la société Facebook France hors de cause au motif que ‘la société FACEBOOK FRANCE constitue une personne morale distincte de la société MPIL, sans pouvoir ou autorité quelconque sur cette dernière.’

 

C’est dans ce contexte que suivant acte d’huissier du 23 décembre 2022, Mme [H] a fait assigner, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, la société Meta Platforms Ireland Limited devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes afin que ce dernier :

 

– enjoigne à la société Meta Platforms Ireland Limited d’identifier le directeur de la publication de la page Facebook ‘FOREST KEEPERS BRETAGNE’ à la date du 19 octobre 2019 et de communiquer au juge d’instruction près le tribunal judiciaire de Paris en charge de l’instruction de l’affaire enregistrée sous le numéro de parquet 20013000776 (numéro de dossier JIJI21320000008), sous 48 heures à compter de l’ordonnance à intervenir, les éléments nécessaires à son identification et son appréhension,

– assortisse l’injonction prononcée d’une astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai de 48 heures susvisé,

 

– condamne la société Meta Platforms Ireland Limited France à lui verser la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par une ordonnance en date du 30 mars 2023, signifiée le 14 avril 2023, le juge des référés nantais a :

 

– retenu sa compétence territoriale,

 

– débouté Mme [H] de sa demande,

 

– condamné Mme [H] au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

 

Pour rejeter la demande, le tribunal a retenu que Mme [H] ne justifiait pas d’un motif légitime en ce que :

 

– la demande vise exclusivement à pallier l’inefficacité et la lenteur de la procédure d’instruction,

 

– la mesure sollicitée ne permet pas de préparer un procès devant une autre juridiction que celle du tribunal correctionnel de Paris,

 

– l’obtention des informations peut être réclamée directement au juge d’instruction sous la forme d’une demande d’acte d’entraide judiciaire internationale.

 

Suivant déclaration du 26 avril 2023, Mme [H] a interjeté appel de l’ordonnance rendue le 30 mars 2023 en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande et condamnée aux dépens ainsi que sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

 

L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 octobre 2023.

 

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

 

Aux termes de ses dernières conclusions régulièrement transmises au greffe et notifiées le 21 juin 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions, Mme [X] [H], au visa de l’article 145 du code de procédure civile et des dispositions de la loi du 29 juillet 1881, demande à la cour de :

 

– réformer l’ordonnance prononcée le 30 mars 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes,

 

– condamner la société Meta Platforms Ireland Limited à identifier le directeur de la publication de la page Facebook ‘FOREST KEEPERS BRETAGNE’ à la date du 19 octobre 2019 et à communiquer au juge d’instruction du tribunal judiciaire de Paris en charge de l’instruction de l’affaire enregistrée sous le numéro de parquet 20013000776 (numéro de dossier JIJI21320000008), sous 48 heures à compter de l’arrêt à intervenir, les éléments nécessaires à son identification et son appréhension,

 

– assortir la condamnation prononcée d’une astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai de 48 heures susvisé,

 

– condamner la société Meta Platforms Ireland Limited France à verser à Mme [H], la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

 

– la condamner aux entiers dépens.

*

 Aux termes de ses dernières conclusions régulièrement transmises au greffe et notifiées le 21 septembre 2023 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des moyens et prétentions des parties, la société Meta Platforms Ireland Limited demande à la cour de :

 

À titre principal,

– confirmer l’ordonnance de référé rendue le 30 mars 2023 par le président du tribunal judiciaire de Nantes sous le numéro de RG 23/00192,

À titre subsidiaire,

– si par extraordinaire, la cour d’appel de Rennes devait infirmer l’ordonnance de référé rendue le 30 mars 2023 par le président du tribunal judiciaire de Nantes en ce qu’elle a débouté Mme [X] [H] de sa demande, et statuer à nouveau,

– limiter toute communication des informations d’identification relatives aux administrateurs de la page Facebook concernée à la date du 19 octobre 2019 en tenant compte des réserves suivantes :

a) cette communication est limitée aux informations d’identification de base (BSI) des administrateurs de la page Facebook concernée à la date du 19 octobre 2019, qui comprennent les informations suivantes : pseudonyme utilisé (‘vanity name’), nom et adresse(s) e-mail ou numéro de téléphone du compte au moment de la production des données, date, heure et adresses IP correspondant au moment de la création du compte, ainsi que la date, l’heure et les adresses IP correspondant aux récents logins (connexions),

b) la société Meta Platforms Ireland Limited n’est pas tenue de communiquer d’autres données que ces BSI mentionnées au point (a) ci-dessus, dans la mesure où ces données existent et sont raisonnablement accessibles,

 

En tout état de cause,

 

– débouter Mme [X] [H] de sa demande de communication des informations sollicitées sous un délai de 48 heures et de sa demande d’astreinte, ou, à titre subsidiaire, juger que l’astreinte est provisoire et ne saurait excéder la somme de 1 euro,

– débouter Mme [X] [H] de toutes ses demandes à l’encontre de la société Meta Platforms Ireland Limited,

Y ajoutant

– condamner Mme [X] [H] à verser à la société Meta Platforms Ireland Limited la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [X] [H] aux entiers dépens.

*

Le 13 octobre 2023, le parquet général a transmis un avis tendant à la confirmation de l’ordonnance entreprise en indiquant que la ‘demande n’est pas légitime dès lors que le contentieux principal est pendant devant un juge d’instruction de Paris, magistrat devant lequel elle peut formuler les mêmes demandes en sachant qu’au fond, seul le tribunal correctionnel de Paris pourra, le cas échéant, trancher le fond.’

Les parties ont déposé des conclusions de procédure.

Par conclusions de procédure notifiées le 20 octobre 2023, la société Meta Platforms Ireland Limited demande que soient déclarées irrecevables comme étant tardives et attentatoires au principe du contradictoire les conclusions déposées par Mme [X] [H] le 16 octobre 2023.

Par conclusions de procédure responsives du 23 octobre 2023, Mme [H] demande à la cour de déclarer ses conclusions recevables et d’ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture pour permettre à la société Meta Platforms Ireland Limited de répondre aux dernières conclusions récapitulatives déposées par Mme [H].

Mme [H] ayant déposé de nouvelles conclusions le 30 octobre 2023, soit après l’ordonnance de clôture, la société Meta Platforms Ireland Limited a de nouveau déposé des conclusions de procédure n°2 aux termes desquelles elle demande de :

– déclarer recevables les présentes conclusions de procédure déposées par la société Meta Platforms Ireland Limited,

– déclarer irrecevables les conclusions déposées tardivement par Mme [X] [H] en date du 16 octobre 2023 en violation du principe du contradictoire,

– déclarer irrecevables les conclusions déposées par Mme [X] [H] en date du 30 octobre 2023 postérieurement au prononcé de l’ordonnance de clôture,

– débouter Mme [X] [H] de sa demande subsidiaire de révocation de l’ordonnance de clôture prononcée le 17 octobre 2023, celle-ci étant mal fondée,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour d’appel considérait que les conclusions déposées par Mme [X] [H] en date du 16 octobre 2023 et/ou les conclusions déposées par Mme [X] [H] en date du 30 octobre 2023 sont recevables :

– révoquer l’ordonnance de clôture prononcée le 17 octobre 2023.
MOTIVATION DE LA COUR

 

1°/ Sur la recevabilité des conclusions n° 2 et 3 de Mme [H] transmises au greffe et notifiées le 16 octobre 2023 et le 30 octobre 2023

 

Aux termes de l’article 802 du code de procédure civile, ‘après l’ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office.

 

Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu’à l’ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l’objet d’aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l’ordonnance de clôture.

 

Sont également recevables les conclusions qui tendent à la reprise de l’instance en l’état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption.’

 

L’article 15 du code de procédure civile fonde le principe du contradictoire dans les termes suivants : ‘Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.’

 

L’article 16 du même code dispose en son 2ème alinéa que le juge ‘ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement’.

 

a. S’agissant des conclusions n°2 transmises et notifiées le 16 octobre 2023

 

Mme [H] a déposé ses conclusions d’appelante n° 2 le 16 octobre 2023 à 17h09 pour une clôture de la procédure fixée le 17 octobre 2023 à 9 heures alors qu’elle disposait des conclusions de la société Meta Platforms Ireland Limited depuis près d’un mois

 

Il convient de considérer que ce laps de temps extrêmement court n’était pas suffisant pour permettre à la société Meta Platforms Ireland Limited d’organiser sa défense, étant observé que l’intimée est une société irlandaise qui n’est pas en mesure de prendre immédiatement connaissance de documents rédigés en français.

 

Mme [H] fait vainement valoir que ses nouvelles conclusions ne développaient aucun moyen nouveau et qu’aucune nouvelle pièce n’était produite.

 

Outre que dans cette hypothèse, la transmission de nouvelles conclusions la veille de la clôture n’apparaissait pas indispensable, il ne peut qu’être constaté que Mme [H] fait état dans ses conclusions de nouveaux développements qui seraient intervenus dans le cadre de l’information judiciaire, ce afin d’étayer l’existence d’un motif légitime lié à l’échec de la voie pénale.

 

L’intimée était donc bien fondée à vouloir y répondre.

 

Les conclusions litigieuses doivent donc être jugées irrecevables comme étant tardives.

 

b. S’agissant des conclusions n° 3 transmises et notifiées le 30 octobre 2023

 

Ces conclusions ont été transmises après l’ordonnance de clôture. Elles reprennent dans leur entier les conclusions d’appelante n° 2, y ajoutant quelques éléments de réponse à l’avis du parquet général rendu le 3 octobre 2023.

 

A supposer que l’avis du ministère public appelait une réponse, dès lors qu’il ne faisait que reprendre la motivation du jugement attaqué, il était possible pour Mme [H] de conclure à nouveau avant la clôture, puisqu’elle disposait d’un délai de plus de dix jours.

 

En toute hypothèse, si elle estimait ne pas disposer d’un délai suffisant, Mme [H] pouvait parfaitement en application de l’article 455 du code de procédure civile répondre aux arguments du ministère public par une note en délibéré, que la cour n’aurait pas pu refuser, en application de l’article 445 du code de procédure civile lequel dispose ‘Après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l’appui de leurs observations, si ce n’est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.’

 

A cet égard, il a d’ailleurs été jugé que le rejet des conclusions déposées après l’ordonnance de clôture de l’instruction et visant à répondre à un avis du ministère public était justifié, sans que cela ne caractérise une violation du droit à un procès équitable, dans la mesure où les parties pouvaient répondre aux arguments du ministère public par une note en délibéré, conformément à l’article 445 du code de procédure civile, sans qu’une révocation de l’ordonnance de clôture ne soit nécessaire (Cass. Com. 22 janvier 2020, n°18-11.394).

 

Il s’ensuit que les conclusions n° 3 notifiées par Mme [H] le 30 octobre 2023, soit après l’ordonnance de clôture, sont irrecevables.

 

Par conséquent, la cour se fondera exclusivement sur les conclusions transmises et notifiées le 21 juin 2023.

2°/ Sur le bien-fondé de la demande de Mme [H]

 

L’article 145 du code de procédure civile dispose que ‘S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.’

 

Le demandeur doit justifier de l’utilité de la mesure en démontrant que celle-ci présente pour lui un intérêt probatoire en vue d’un éventuel procès.

 

L’existence d’un motif légitime relève de l’appréciation souveraine de la cour.

 

Aux termes de l’article 10 du code de procédure civile, ‘le juge a le pouvoir d’ordonner toutes les mesures d’instruction légalement admissibles.’

 

Aux termes de l’article 11 du même code, ‘les parties sont tenues d’apporter leurs concours aux mesures d’instruction sauf au juge à tirer toutes conséquences d’une abstention ou d’un refus.

 

Si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de les produire, au besoin à peine d’astreinte. Il peut, à la requête de l’une des parties demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers, s’il n’existe pas d’empêchement légitime.’

 

Il résulte de la combinaison des articles susvisés qu’il peut être ordonné à des tiers, sur requête ou en référé de produire tous documents qu’ils détiennent s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige et si aucun empêchement légitime ne s’oppose à cette production par le tiers détenteur.

 

En l’espèce, Mme [H] est une élue politique locale.

 

La société Meta Platforms Ireland Limited (MPIL) est une société de droit irlandais établie à Berlin qui fournit et héberge notamment pour la France le réseau social Facebook accessible sur plusieurs supports via le site internet www.facebook.com ainsi que via des applications appareils mobiles et tablettes.

 

Mme [H] a assigné la société Meta Platforms Ireland Limited sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile aux fins d’obtenir la communication d’éléments permettant d’identifier l’administrateur du compte Facebook ayant publié les propos litigieux.

 

a. Sur l’existence d’un procès déjà engagé

 

Le premier juge a justement considéré que l’existence d’une information pénale en cours, fût-elle ouverte sur plainte avec constitution de partie civile, ne caractérise pas l’existence d’un procès en cours au sens de l’article 145 du code de procédure civile, pas plus que la compétence réservée à la juridiction pénale pour connaître de l’action civile en vertu de l’article 46 de la loi du 29 juillet 1881, dès lors qu’une information constitue une phase préalable au procès et qu’aucun juge du fond n’est saisi.

 

Le tribunal correctionnel de Paris pourra l’être le cas échéant si le juge d’instruction rend une ordonnance de renvoi. Contrairement à ce que soutient la société MPIL, en cas de non-lieu par le juge d’instruction, il ne sera pas interdit à Mme [H] de saisir une juridiction répressive par voie de citation directe dans les conditions rappelées par la chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. Crim 12 novembre 2008 n° pourvoi 07-88.222). Il ne peut donc être retenu que le procès est en réalité déjà engagé puisque celui-ci reste aléatoire et ne dépend pas que de la décision du juge d’instruction.

 

La demande ne se heurte à aucune irrecevabilité sur ce point.

 

b. Sur l’absence d’intérêt légitime

 

L’ouverture d’une information judiciaire contre personne non dénommée n’est pas de nature à priver le juge des référés des pouvoirs que lui confère l’article 145 du code de procédure civile, dès lors qu’aucun juge du fond n’est saisi.

 

En l’occurrence, la mesure sollicitée vise exclusivement à identifier l’administrateur du compte Facebook émetteur du message litigieux, ce qui est précisément l’objet des investigations menées par le juge d’instruction dont il n’est pas avéré que celles-ci seraient irrémédiablement vouées à l’échec en raison du refus de la société intimée de communiquer les informations demandées.

 

De fait, Mme [H] motive ainsi sa demande : ‘C’est afin de pouvoir pallier aux difficultés insurmontables rencontrées par le Juge d’Instruction près le Tribunal Judiciaire de Paris que Mme [H] a pris l’initiative d’assigner, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, la société MPIL devant le Juge des Référés près le Tribunal Judiciaire de NANTES.’

Or, en l’état des éléments du dossier, il n’est pas justifié par l’appelante que l’identification de l’administrateur du compte serait impossible selon la voie pénale.

 

En effet, les arrêts rendus par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris les 5 novembre 2021 et 21 septembre 2022, qui relatent les actes d’information effectués par le juge d’instruction, mentionnent une unique réquisition qui aurait été ‘adressée le 5 février 2021 à la société Facebook en Irlande sur le fondement des articles 81 et 151 et suivants du code de procédure pénale.’ Mme [H] ne démontre pas avoir régulièrement saisi la société Meta Platforms Ireland Limited d’une demande de communication d’informations, via les mécanismes de demande d’entraide pénale internationale ou une décision d’enquête européenne, prévus à cet effet.

 

Il en résulte que la mesure demandée au juge des référés sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, visant à obtenir les mêmes informations que celles qui sont recherchées (et dont il n’est pas démontré qu’elles ne pourront être obtenues) dans le cadre de l’information judiciaire toujours en cours est dépourvue d’utilité.

 

Surtout, au cas particulier, Mme [H] ne demande pas que les données sollicitées lui soient personnellement communiquées (quitte à les transmettre ensuite au juge d’instruction), mais bien qu’elles soient directement transmises à un autre juge, en l’occurrence le juge d’instruction du tribunal judiciaire de Paris.

 

La demande ainsi formulée, qui vise à contourner les prérogatives du juge d’instruction et à interférer dans une procédure pénale en cours, ne permet pas de caractériser l’existence d’un motif légitime.

 

Le premier juge a donc exactement retenu que ‘la demande formée par Mme [H], qui vise exclusivement à pallier l’inefficacité et la lenteur alléguée de la procédure d’instruction puisqu’elle consiste à faire communiquer des informations au juge d’instruction, ne constitue pas un motif légitime, dès lors que cette mesure ne peut pas préparer un procès devant une autre juridiction que le tribunal correctionnel de Paris.’

 

En effet, il ne peut être contesté qu’au jour où la cour statue, le procès en germe ne pourrait se tenir que devant le tribunal correctionnel de Paris, Mme [H] ne pouvant saisir par voie de citation directe une autre juridiction pénale tant que l’information judiciaire est en cours, pas plus qu’elle ne pourrait porter son litige devant une juridiction civile, dès lors que dans les affaires très spécifiques de diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat public, l’élu concerné ne peut demander réparation que devant les juridictions répressives conformément à l’article 46 de la loi sur la presse et non devant les juridictions civiles.

Par conséquent, l’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a débouté Mme [H] de sa demande, faute pour elle de justifier d’un intérêt légitime à la mesure sollicitée.

3°/ Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les dispositions de l’ordonnance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

Mme [H] qui succombe en appel sera condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

En équité, au vu du déséquilibre économique entre les parties, il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la société Meta Platforms Ireland Limited sera donc déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles d’appel.
PAR CES MOTIFS

 

La cour,

Déclare irrecevables les conclusions n° 2 transmises et notifiées le 16 octobre 2023 par Mme [H] ainsi que ses conclusions n° 3 transmises et notifiées le 30 octobre 2023,

 

Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 30 mars 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Nantes,

 

Y ajoutant,

 

Condamne Mme [X] [H] aux dépens d’appel,

 

Déboute Mme [X] [H] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

 

Déboute la société Meta Platforms Ireland Limited de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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