Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Rennes
Thématique : La prise d’acte pour dégradation des conditions de travail du salarié
→ RésuméLe 29 août 2020, Mme [O] [H] a pris acte de la rupture de son contrat de travail, invoquant une dégradation de ses conditions de travail. Elle a saisi le conseil de prud’hommes pour faire reconnaître cette prise d’acte comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement du 21 mai 2021 a considéré cette prise d’acte comme une démission, déboutant Mme [H] de ses demandes. En appel, la cour a confirmé cette décision, sauf pour les rappels de congés payés, condamnant la SARL Armor à verser 814,40 euros à Mme [H].
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Rennes
RG n°
21/03818
ARRÊT N°419
N° RG 21/03818 –
N° Portalis DBVL-V-B7F-RYLV
Mme [O] [H]
C/
S.A.R.L. ARMOR
Sur appel du jugement du CPH de NANTES du 21/05/2021 – RG F20/00751
Infirmation partielle
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
-Me Simon CLUZEAU
-Me Sylvie CHENAIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Nadège BOSSARD, Présidente,
Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,
Madame Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 27 Juin 2024
devant Mesdames Nadège BOSSARD et Anne-Laure DELACOUR, magistrats tenant l’audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame [G] [A], médiatrice judiciaire,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 16 Octobre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
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APPELANTE :
Madame [O] [H]
née le 27 Décembre 1988 à [Localité 5] (91)
demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Simon CLUZEAU de la SELAS AGN AVOCATS NANTES, Avocat au Barreau de NANTES
INTIMÉE :
La S.A.R.L. ARMOR prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Sylvie CHENAIS de la SELARL AD LEGIS, Avocat au Barreau de RENNES
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail
La prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul lorsque les manquements de l’employeur invoqués par le salarié sont établis et suffisamment graves pour justifier la rupture. A défaut, elle produit les effets d’une démission.
La prise d’acte de la rupture par le salarié entraîne la cessation immédiate des relations de travail au jour même où l’employeur en est informé.
En l’espèce, le 29 août 2020, Mme [H] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur en raison de la dégradation de ses conditions de travail.
La prise d’acte est rédigée comme suit :
‘Compte tenu des agissements répétés que j’ai subis depuis le 16/03/2020, je ne peux aujourd’hui continuer à travailler à mon poste. Je vous ai alerté à plusieurs reprises concernant ses agissements répétés, qui ont dégradé mes conditions de travail et qui ont conduit mon médecin à me prescrire un arrêt de travail pour mettre fin à ses agissements.
Je n’ai donc d’autre choix aujourd’hui que de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts exclusifs.’
Au soutien de sa prise d’acte, Mme [H] reproche à son employeur une modification unilatérale du contrat de travail emportant rétrogradation et harcèlement moral discriminatoire en raison de sa situation familiale.
– sur la modification du contrat de travail :
Mme [H] soutient qu’elle a été promue au poste de réceptionniste en janvier 2020, et qu’elle a fait l’objet d’une rétrogradation au moment de sa reprise de poste le 12 juin 2020 en étant affectée au ménage des chambres.
En réponse à ces prétentions, l’employeur soutient que Mme [H] occupait des fonctions polyvalentes en vertu de son contrat de travail, de sorte qu’elle pouvait être amenée à occuper différents postes.
Le conjoint de Mme [H], Monsieur [J] [F], atteste, au sujet de cette dernière, que : ‘A la revente de l’hôtel elle était très contente du fait de passée de femme de chambre à réceptionniste[…]. Elle était très enthousiaste de ses nouvelles responsabilités, et prenait son travail à coeur’.
La salariée produit les plannings hebdomadaires de l’hôtel du 30 décembre 2019 au 22 mars 2020. Elle précise que ses horaires au poste de femme de chambre prévoyaient une prise de poste à 8h30, alors que s’agissant de la réception, la prise de poste avait lieu à 6h15.
Par conséquent, au regard de la modification de ses horaires de travail, il ressort de ces plannings que Mme [H] a exercé la fonction de réceptionniste à 9 reprises entre le 13 février et le 17 mars 2020.
La salariée démontre qu’en remplacement de son poste de femme de chambre, une nouvelle personne a été engagée, Mme [B] [W] [R]. Elle produit en ce sens le registre du personnel communiqué par la société sur lequel Mme [R] est inscrite en qualité de femme de chambre depuis le 2 mars 2020.
L’employeur admet qu’un changement de direction est intervenu en janvier 2020, et que le nouveau dirigeant, Monsieur [M], ne s’est pas opposé à la demande de Mme [H] d’être affectée à la réception, sous réserve d’un essai concluant.
Pour considérer qu’une telle modification des tâches ne relève que d’un changement des conditions de travail et non pas d’une modification du contrat, l’employeur produit le contrat de travail de Mme [O] [H] stipulant qu’elle est embauchée ‘en qualité d’employée polyvalente’. De plus, sur le registre du personnel pour la période du 1er janvier au 31 octobre 2020, Mme [H] est inscrite comme ‘femme de chambre’, et ses bulletins de salaires de décembre 2019 à août 2020 font mention de l’emploi ‘femme de chambre’, de sorte qu’il n’est pas établi la volonté de maintenir durablement Mme [H] à un poste de réceptionniste.
L’employeur ajoute qu’aucun salarié ne dispose d’un contrat de réceptionniste, cette fonction étant majoritairement exercée par le gérant, Monsieur [M], et son assistante, et occasionnellement par les salariés polyvalents.
C’est en revanche de manière inopérante que la société indique que Mme [B] [W] [R] a été engagée en remplacement de Mme [D] [P] suite à son annonce de grossesse et de sa volonté de prendre un congé parental dans la mesure où le courrier daté du 10 novembre 2020 de Mme [P] dans lequel elle demande un congé parental de 12 mois ne débute que le 9 décembre 2020. Or, Mme [R] a été engagée par contrat du 28 février 2020, de sorte qu’il ne ressort pas des pièces que cette dernière est intervenue en remplacement de Mme [P].
S’agissant de la modification du planning de travail de Mme [H], l’employeur justifie de ce que cette dernière exerçait un essai au poste de réceptionniste, dans le cadre d’une formation suivie, en produisant l’attestation de Mme [N] [X], assistante d’hébergement, indiquant : ‘Mme [O] [H] a insisté pour changer de service, c’est à dire basculer du poste employée polyvalente femme de chambre au poste d’employée polyvalente en service petit déjeuner et chambre avec l’apprentissage des bases de la réception.
Durant février, 4 jours d’observations ont été mis en place pour voir si le poste pouvait lui convenir : jeudi 13/02/20 et vendredi 14/02/20. Puis 2 jours de mise en situation face aux clients : le mercredi 26/02/20 et jeudi 27/02/2020.
La formation a commencé avec moi, assistante d’hébergement, à compter du 02/03/20 durant 2 jours […] puis une formation petit déjeuner le matin à compter du 05 au 16/03/20.
Un point devait être à suivre.’
Ainsi, la salariée ne rapporte pas la preuve d’avoir exercé les fonctions de réceptionniste, et ce de manière pérenne.
C’est donc en qualité d’employée polyvalente en formation que Mme [H] a pu exercer des missions temporaires et accessoires au poste de réceptionniste, de sorte qu’elle ne peut se prévaloir d’une modification unilatérale de son contrat de travail emportant rétrogradation.
– sur le harcèlement discriminatoire
Selon l’article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L1132-1 du code du travail prévoit qu’aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de nomination ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, et qu’aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte (…) à raison de sa situation de famille.
En vertu de l’article L1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Mme [H] soutient que sa réaffectation aux tâches de femme de chambre découle de la réaction immédiate de son employeur lorsqu’elle l’a informé, le 16 mars 2020, de son arrêt pour garde d’enfants pendant la période de confinement.
Elle indique que le fait d’avoir été menacée d’un changement de poste à son retour, lors de son absence et par un SMS de Monsieur [M], démontre une volonté de lui nuire.
Mme [H] expose qu’à son retour au 12 juin 2020, elle a été affectée au ménage de 28 chambres en 6 heures, et que cette surcharge de travail est intervenue au prétexte qu’elle avait été absente trop longtemps.
La salariée précise que cette charge de travail était par ailleurs injustifiée en raison de la faible fréquentation de l’hôtel en période de crise sanitaire.
Par ailleurs, Mme [H] indique qu’une altercation a eu lieu entre elle et Monsieur [M] le 19 juin 2020 et que Monsieur [M] a tenu à son égard des propos humiliants et menaçants relatifs à son intégrité physique.
La salariée produit une retranscription des échanges de SMS qu’elle a eu avec Monsieur [I] [M], gérant de l’établissement :
– dans un SMS du 16 mars 2020, Monsieur [M] écrit :’J’apprends que demain tu n’ouvriras pas. Donc il te faudra un arrêt de travail. Il faudra aussi envisager à la reprise un changement de poste.’
– dans un sms du 5 mai 2020, Monsieur [M] écrit : ‘Personne ne connaît l’évolution que prendra le déconfinement. Je sais juste que la garde d’enfant n’est plus une excuse pour rester confiner.’
La cour rappelle que l’article 1366 du code civil prévoit que l’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.
En l’espèce, Monsieur [M] ne réfute pas avoir pris part à ces échanges et en ces termes avec Mme [H], de sorte que ces retranscriptions sont recevables.
Mme [H] produit une attestation de Monsieur [J] [F], son conjoint, qui déclare : ‘Au début du confinement, elle n’a eu d’autre solution comme beaucoup de personnes, que de garder ses enfants, Monsieur [M] ne digère pas cette décision car il l’a menacé par message de la rétrograder dès le retour à la normale’.
Elle communique une retranscription d’échanges de messages SMS selon laquelle M. [M], gérant, lui a écrit le 9 mai 2020 « la garde d’enfant n’est plus une excuse pour rester confiner » ; après lui avoir écrit le 16 mars 2020 « j’apprends que demain tu n’ouvriras pas. Donc il te faudra un arrêt de travail. Il faudra aussi envisager à la reprise un changement de poste ».
Elle produit la feuille de chambre du 12 juin 2020 sur laquelle est mentionné ’28 chambres’. Ce fait est établi.
Elle produit une attestation de sa mère, Mme [Y] [L], qui déclare : ‘Je certifie que le 19 juin 2020, ma fille est arrivé chez moi en pleurs, tremblante avec des palpitations à la suite de son agression subi au travail, par son employeur. Elle ma raconté les détails, sans s’arrêter de pleurer. […] Les jours et les semaines suivantes elle ne sortait plus de chez elle […]. C’est triste d’en arriver à cela jusqu’au point d’avoir peur de croiser son employeur’.
Monsieur [J] [F] atteste que ‘un dimanche, elle est revenu du travail en pleurs car M. [M] étant sur les nerfs lui a fait nettoyer une très grande partie de l’hôtel à elle seule lui faisant nottament faire des taches prévues par l’équipe du lendemain.’ Il ajoute que ‘Elle est en pleurs au téléphone, elle a la voix tremblante et me dit en sanglot que M. [M] ses approcher d’elle de façon virulente, a quasiment mis son front contre le sien en lui hurlant dessus et en faisant des gestes brusques avec ses bras. Elle était terrifiée, et cette terreur a duré pendant de nombreux jours.’
Mme [H] a été placée en arrêt de travail le soir même en raison des répercussions sur son état de santé, et ce jusqu’au 24 juillet 2020.
Les éléments de faits ainsi établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer une situation de harcèlement moral discriminatoire pour raisons familiales.
L’employeur répond qu’il n’existe aucun lien entre l’affectation de Mme [H] aux tâches de femme de chambre et l’arrêt de cette dernière pour garde d’enfants. Il indique que le travail effectué par Mme [H] au poste de réceptionniste ne lui a pas donné entière satisfaction.
Ainsi, dans deux mails du 3 juin 2020, Monsieur [M] indique à Mme [H] : ‘L’essai en réception, malgré la formation, n’a pas été concluante. Et ne sera plus renouveler.’ et ‘Nous vous rappelons que Mme [E] n’a à aucun moment pendant vos années de travail à ses côtés, mis la bonne volonté de vous mettre en poste de réception. Nous vous confirmons que malgré votre formation en poste de réception, cela n’était bien qu’un essai. Ce dernier n’est pas apparu concluant et nous ne souhaitons pas le renouveler.’
L’employeur précise que les difficultés de Mme [H] au poste de réceptionniste résultent de son caractère, et de son incapacité à prendre du recul et de la hauteur dans la relation clientèle, et précise que ce constat avait également été dressé par l’ancienne directrice de l’hôtel, Mme [G] [E].
Mme [G] [E] a indiqué, dans son attestation, au sujet des demandes d’évolution de Mme [H] : ‘nous avons refusé dans le contexte de notre exploitation, du fait d’absences répétées, de l’ampleur de la formation à prodiguer pour arriver à la maîtrise de la fonction et du fait de candidats se présentant au recrutement plus adaptés à la fonction. Nous avons informé notre successeur du fort intérêt que montrait Mme [O] [H] à ce poste, sans lequel elle annonçait son souhait de ne pas rester dans l’établissement’.
Dans ces conditions, il ressort que Mme [H] ne satisfaisait pas à toutes les exigences de son employeur en qualité de réceptionniste, raison pour laquelle elle n’a pas été maintenue à ce poste à son retour.
L’employeur établit par la production d’échanges de SMS, qu’il n’a fait que s’assurer par la demande d’un arrêt de travail sur la base d’une attestation ad hoc du fait que la salariée était bien seule à pouvoir s’occuper de ses enfants, l’autorisant ainsi à solliciter un arrêt de travail conformément aux directives gouvernementales qui étaient alors diffusées.
En envisageant alors un ‘changement de poste’, l’employeur faisait référence à la réorganisation rendue nécessaire par les normes sanitaires régissant l’exploitation des hôtels.
S’agissant de la surcharge de travail, l’employeur objecte qu’en juin 2020, Mme [H] ne travaillait que le vendredi, ce qui n’est pas contesté par cette dernière. Il précise qu’en raison de la faible fréquentation de l’hôtel en situation de pandémie, la charge de travail était faible pour l’ensemble du personnel.
Il démontre que sur la journée du 12 juin 2020, Mme [H] a eu à réaliser le nettoyage de 12 chambres et non 28 en produisant le planning qui fait état de 28 chambres au total à nettoyer, dont 12 attribuées à Mme [H].
Mme [N] [U], collègue de Mme [H], atteste que : ‘Le vendredi 11/06/20, j’annonce à [O] [H] que nous avons 28 chambres dans l’hôtel comme suit : je me suis occupée du rez de chaussée dont 6 chambres en départ à faire et 3 recouches, non à refaire. [O] [H] s’est occupée du 2ème et 3ème étage soit 12 chambres en départ et 7 recouche.’
S’agissant de l’altercation du 19 juin, l’employeur produit une attestation d’une cliente de l’hôtel, Mme [K] [Z] qui déclare : ‘Le vendredi 19 juin 2020, j’étais en train de prendre mon petit déjeuner sur le coin de la salle […]. J’ai assisté à une scène surprenante. Une fille arrive, je suppose que c’était une employée, petite, blonde. Elle s’est installée sur une banquette et attendait les instructions sans parler, et avait une mine énervée. […] Le gérant s’est déplacé vers la jeune fille pour lui donner des feuilles en expliquant des consignes. Il tourne le dos, la jeune fille lui jette des clefs qui semblaient appartenir à l’hôtel et les feuilles qu’il venait de lui transmettre. Le gérant se tourne surpris et gronde sans bouger l’employée en signalant que cela devient du harcèlement vis à vis de l’employeur et que cela était inadmissible et devait cesser. La jeune fille s’énerve avec véhémence en assurant ‘qu’elle ne fera sûrement pas de chambre car 18 cela fait trop pour 5h de travail’ et comme cela c’est du harcèlement, elle part ‘faire ses courses’ et récupérer ses enfants ; laissant le gérant pantois. Et elle quitte l’établissement sur les nerfs.’ il établit ainsi que Mme [H] avait adopté un comportement irrespectueux et inapproprié.
Monsieur [S] [T], client de l’établissement, atteste : ‘Le 19 juin 2020, j’ai assisté par hasard à une altercation entre une personne qui s’est ensuite présentée comme le gérant et une de ses salariées. La personne a parlé plutôt haut, l’échange a été très court et s’est terminé par un geste inapproprié de la salariée vers le gérant.’
Il justifie en outre par production d’échanges de courriels avec Mme [H] du 30 avril au 3 juin 2020 être resté à son écoute et lui avoir adressé toute information utile sur la période de déconfinement.
L’employeur apporte ainsi une justification objective étrangère à tout harcèlement discriminatoire à ses décisions.
Le harcèlement moral discriminatoire n’est pas caractérisé.
Ainsi, la salariée ne démontre pas de faute grave de l’employeur permettant de faire juger sa prise d’acte comme produisant les effets d’un licenciement nul.
La prise d’acte produit en conséquence les effets d’une démission à la date du 29 août 2020.
Le jugement est confirmé à ce titre et en conséquence sur les demandes indemnitaires.
Sur la demande de rappels de salaire au titre d’une reclassification :
Mme [H] revendique la classification CQP-IH : réceptionniste : niveau II, échelon 2 de la Convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 Avril 1997 et un rappel de salaire subséquent.
La qualification d’un salarié s’apprécie au regard des fonctions qu’il exerce réellement au sein de l’entreprise et de la définition des emplois donnée par la convention collective.
Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie de démontrer qu’il assure effectivement, de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.
En l’espèce, Mme [H] n’a exercé que temporairement la fonction de réceptionniste de sorte qu’elle ne peut prétendre à cette classification.
Sa demande de rappel de salaire fondée sur une telle classification est en conséquence rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité
Selon l’article L 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Mme [H] sollicite le paiement de dommages et intérêts au regard des propos intimidants et menaçants qu’elle invoque avoir reçus lors de l’incident du 19 juin 2020.
Il n’est toutefois pas caractérisé de propos intimidants et menaçants, de sorte que l’employeur n’a pas manqué à son obligation de sécurité et qu’il ne saurait être alloués des dommages et intérêts à ce titre.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur les rappels de congés payés
Par application de l’article L3141-3 du code du travail, le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.
Le décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020, modifié par le décret n°2020-227 du 9 mars 2020, prévoit que le salarié empêché de travailler pour cause de garde d’enfant de moins de 16 ans n’a pas à fournir un certificat médical à l’employeur mais une attestation dans laquelle il déclare sur l’honneur être le seul parent à demander le bénéfice d’un arrêt de travail pour garder l’enfant à domicile et en précise les périodes.
En l’espèce, au mois d’avril 2020, 18 jours de congés lui restaient à prendre. Le bulletin de salaire de mai 2020 fait état de 18 jours de congés pris et payés à hauteur de 610,80 euros bruts.
Si l’employeur explique qu’à partir du 30 avril 2020, le dispositif réglementaire permettant la garde d’enfants n’était plus en vigueur, et que c’est donc sur le temps de ses congés que Mme [H] a continué de garder ses enfants, il résulte du mail du 30 avril 2020, que Monsieur [M] avait écrit à Mme [H] qu’elle pourrait être en arrêt pour garde d’enfants jusqu’au 15 mai, sous réserve d’obtenir une attestation.
Mme [H] produit précisément un mail dans lequel elle indique transmettre l’attestation de garde d’enfants à domicile pour la période du 30 avril au 14 mai 2020 et l’employeur produit cette attestation.
Il ne ressort pas des échanges que Mme [H] avait donné son accord s’agissant de la prise de ses congés payés. De plus, elle avait, conformément à ce qui lui avait été demandé, fourni les attestations permettant la garde de ses enfants à son domicile.
Par ailleurs, Monsieur [M] a indiqué à Mme [H], dans un mail du 28 avril 2020, qu’elle bénéficiait du régime de chômage partiel au mois de mai.
Dès lors, si Mme [H] a bien pris 2,5 jours de congés en juin 2020, les 15,5 jours suivants chômés ne l’ont pas été au titre des congés payés mais du régime du chômage partiel et lui ont été retirés à tort par son employeur, celui-ci ne justifiant pas ne pas avoir sollicité le régime du chômage partiel qu’il a indiqué appliquer.
En conséquence l’employeur est condamné à payer à Mme [H] la somme de 814,40 euros au titre de ses congés payés.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande reconventionnelle en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis
Lorsqu’il n’en a pas été dispensé, le salarié qui tout en prenant acte de la rupture, n’a pas exécuté son préavis doit, à l’employeur, une indemnité compensatrice, à moins que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l’espèce, la société Armor sollicite de Mme [H] le paiement de la somme de 1 518 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis.
La prise d’acte produisant les effets d’une démission, il sera fait droit à cette demande.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la demande reconventionnelle en paiement des heures non effectuées
La société sollicite de la salariée le paiement de la somme de 155,24 euros au titre des heures non effectuées mais rémunérées.
Or, l’employeur n’explicite pas cette demande dans ses conclusions, de sorte que la demande sera rejetée.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Mme [H], partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
L’équité commande de rejeter les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
* * *
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté Mme [O] [H] de sa demande indemnitaire au titre de ses rappels de congés payés,
L’infirme de ce chef,
Statuant à nouveau,
Condamne la société Armor à verser à Mme [O] [H] la somme de 814,40 euros au titre de ses rappels de salaires pour congés payés,
Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Laisse les dépens à la charge de Mme [O] [H].
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.
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