Cour d’appel de Rennes, 16 octobre 2024, n° RG 21/03801
Cour d’appel de Rennes, 16 octobre 2024, n° RG 21/03801

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Rennes

Thématique : La classification professionnelle du salarié fixée par la définition des emplois donnée par la convention collective.

 

Résumé

Mme [T] [L], employée par Generali Vie depuis 2012, a demandé un passage à la classification Classe 5 en 2017, arguant d’une inégalité de traitement. Après des relances infructueuses, elle a saisi le conseil de prud’hommes en 2019 pour requalification de sa fonction et rappel de salaire. Le jugement du 21 mai 2021 a reconnu un manquement de l’employeur et condamné Generali Vie à verser des sommes à Mme [L]. En appel, la cour a partiellement confirmé le jugement, rejetant la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale, tout en ordonnant la remise d’un bulletin de paie rectificatif.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

16 octobre 2024
Cour d’appel de Rennes
RG n°
21/03801

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°418

N° RG 21/03801 –

N° Portalis DBVL-V-B7F-RYHP

S.A. GENERALI VIE

C/

Mme [T] [L]

Sur appel du jugement du CPH de NANTES du 21/05/2021 – RG F 19/108

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :17-10-24

à :

-Me Alexandra LORBER LANCE

-Me Jean-David CHAUDET

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

Mme Anne-Laure DELACOUR, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 27 Juin 2024

devant Mesdames Nadège BOSSARD et Anne-Laure DELACOUR, magistrats tenant l’audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties et qui ont rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [F] [Y], médiatrice judiciaire,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé hors la présence du public le 16 Octobre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats.

APPELANTE et intimée à titre incident :

La S.A. GENERALI VIE prise en la personne de ses représentants légaux et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Charlotte CAREL substituant à l’audience Me Alexandra LORBER LANCE de la SELARL CAPSTAN LMS, Avocats au Barreau de PARIS

INTIMÉE et appelante à titre incident :

Madame [T] [L]

née le 25 Février 1987 à [Localité 5] (35)

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]

Ayant Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Avocat au Barreau de RENNES, pour Avocat postulant et représentée à l’audience par Me Isabelle GUIMARAES, Avocat plaidant du Barreau de NANTES

Mme [T] [L], née le 27 février 1987 et diplômée d’un BTS, a été engagée par la société Generali Vie en vertu d’un contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein en date du 2 avril 2012, en qualité de gestionnaire d’opérations d’assurance, niveau 2, classe 3, avec une durée annuelle de travail de 1 561 heures.

La convention collective applicable est celle des sociétés d’assurances en date du 27 mai 1992.

A compter du 1er mars 2015, elle est devenue technicienne d’opérations d’assurance, classe 4.

En dernier lieu, elle occupait les fonctions de technicien d’opérations d’assurance, niveau 2, classe 4 et percevait en contrepartie une rémunération brute annuelle de 28 630 euros soit 2 385,83 euros bruts par mois.

A compter du 1er juillet 2016, elle est alors rattachée hiérarchiquement à [Localité 6] tout en continuant à travailler à [Localité 7].

Le 29 mars 2017, Mme [L] a formulé une demande de passage à la classification Classe 5.

Elle a de nouveau sollicité le bénéfice de cette classification par courriel du 28 décembre 2017 et du 22 février 2018 et a invoqué une inégalité hommes-femmes.

Le 27 mars 2018, les délégués du personnel ont évoqué, dans le cadre des questions des délégués du personnel, la situation de Mme [L] et l’absence de réponse à sa demande de classification en classe 5.

A compter du 1er avril 2018, Mme [L] a été affectée au Marché Pro PE & Entreprises IARD Sinistres IARD Standards, Sinistres DAB Standards et Auto, Sinistres DAB Standards et Auto 2 etDAB et Auto Nantes I.

Par courrier du 8 août 2018, la société Generali Vie a répondu que l’étude de son dossier n’a pas mis en évidence un écart de rémunération justifiant une mesure salariale.

Elle a réitéré sa demande par courrier de son avocate le 14 août 2018.

Le 24 janvier 2019, Mme [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes aux fins de :

‘ Attribuer à Mme [L] la classification 5 aux fonctions de chargée d’opérations d’assurances à compter du 1er juillet 2016,

‘ Dire et juger que :

– Mme [L] devait bénéficier du salaire de classe 5 chargée d’opérations d’assurances avec majoration annuelle des augmentations individuelles et générales moyennes perçues par la catégorie,

– la SA Generali Vie ne pouvait retirer à compter du 1er avril 2018 à Mme [L] les fonctions et responsabilités exercées depuis le 1er juillet 2016,

– la SA Generali Vie avait manqué à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail ainsi qu’à l’obligation de sécurité,

– Mme [L] n’avait pas été remplie de ses droits en matière de salaire à la suite de l’annulation de l’accord collectif du 17 décembre 2015,

‘ Ordonner à la SA Generali Vie de restituer à Mme [L] le poste de travail qui était le sien avec rattachement au service qui était le sien à compter du 1er juillet 2016, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

‘ Condamner la SA Generali Vie aux sommes suivantes :

– 39.585,80 € bruts à titre de rappel de salaire du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2020,

– 3.958,58 € bruts à titre de rappel de congés payés afférents,

– 8.000 € nets en réparation du préjudice moral et économique subi du fait de la violation à l’obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail et à l’obligation de sécurité,

– 2.177,06 € bruts à titre de rappel de salaire sur la période allant de janvier 2016 à mai 2018,

– 217,70 € bruts au titre des congés payés afférents.

– 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

‘ Ordonner la remise à Mme [L] d’un bulletin de salaire conforme aux condamnations, et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard, le conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte,

‘ Prononcer l’exécution provisoire de l’intégralité de la décision à intervenir,

‘ Fixer la moyenne mensuelle brute des salaires à la somme de 3.085,08 € et le préciser dans la décision à intervenir,

‘ Intérêts de droit à compter de l’introduction de l’instance pour les sommes ayant le caractère de salaire et à compter de la décision à intervenir pour les autres sommes, outre l’anatocisme,

‘ Dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir et en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire devraient être supportées par la partie défenderesse,

‘ Condamner aux entiers dépens.

Par jugement du 21 mai 2021, le conseil de prud’hommes de Nantes a :

‘ Dit que la SA Generali Vie a manqué à son obligation d’exécution du contrat de travail de bonne foi,

‘ Condamné la SA Generali Vie à verser les sommes suivantes à Mme [L] :

– 4.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral relatif à l’obligation d’exécution déloyale du contrat de travail,

-1.317 € bruts à titre de rappel de salaire,

131,70 € bruts au titre des congés payés afférents,

-1.200 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

‘ Ordonné à la SA Generali Vie à remettre à Mme [L] les documents conformes au présent jugement, sous astreinte provisoire de 50 € par jour de retard, du 45ème jour au 75ème jour après la notification du présent jugement,

‘ Dit que le conseil de prud’hommes se réservait expressément le pouvoir de liquider cette astreinte provisoire,

‘ Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement pour la totalité des condamnations et fixé à 1.962,30 € le salaire moyen mensuel brut de référence de Mme [L] pour l’année 2018,

‘ Lesdites condamnations étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2019, date de la saisine du conseil de prud’hommes pour les sommes à caractère salarial et à compter de la notification du présent jugement pour celles à caractère indemnitaire,

‘ Lesdits intérêts produisant eux-mêmes intérêts conformément à l’article 1343-2 du Code civil,

‘ Débouté la SA Generali Vie de ses demandes reconventionnelles,

‘ Dit qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées parla décision à intervenir et en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire devraient être supportées par la partie défenderesse,

– Condamné la SA Generali Vie aux dépens.

La société Generali Vie a interjeté appel le 22 juin 2021.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 13 juin 2024 suivant lesquelles la SA Generali Vie demande à la cour de :

A titre principal,

‘ Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nantes en ce qu’il a :

– considéré que la société avait exécuté de façon déloyale le contrat de travail de Mme [L],

– alloué un rappel de salaire à Mme [L],

‘ Le confirmer pour le surplus,

En conséquence,

‘ Débouter Mme [L] de l’ensemble de ses demandes,

A titre subsidiaire,

‘ Apprécier dans de biens plus justes proportions une éventuelle condamnation à un rappel de salaire et à des dommages et intérêts,

A titre reconventionnel,

‘ Condamner Mme [L] à verser à la SA Generali Vie la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 12 juin 2024, suivant lesquelles Mme [L] demande à la cour de :

‘ Infirmer de manière partielle le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Nantes le 21 mai 2021,

‘ Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nantes du 21 mai 2021 en ce qu’il a débouté Mme [L] de ses demandes :

– de requalification de fonction et de rappel de salaire,

– relatives au changement de fonctions et de responsabilités imposées à compter du 1er avril 2018,

‘ Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nantes du 21 mai 2021, mais l’infirmer sur le montant alloué, en ce qu’il a :

– fait droit à la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l’obligation de sécurité,

– jugé que Mme [L] n’avait pas été remplie de ses droits en matière de salaire à la suite de l’annulation de l’accord collectif du 17 décembre 2015 et lui a alloué un rappel de salaire,

‘ Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Nantes du 21 mai 2021 en ce qu’il a alloué à Mme [L] la somme de 1.200 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais générés par la procédure de première instance.

En conséquence,

‘ Juger que :

– la qualification de Mme [L] est la classification classe 5 aux fonctions de chargée d’opérations d’assurances à compter du 1er juillet 2016,

– Mme [L] doit bénéficier à compter du 1er juillet 2016 du salaire de la classe 5 chargée d’opération d’assurances avec majoration annuelle des augmentations individuelles et générales moyennes perçues par la catégorie,

– la SA Generali Vie ne pouvait retirer à compter du 1er avril 2018 à Mme [L] les fonctions et responsabilités exercées depuis le 1er juillet 2016,

– la SA Generali Vie a manqué à son obligation d’exécution loyale du contrat de travail ainsi qu’à l’obligation de sécurité,

– Mme [L] n’a pas été remplie de ses droits en matière de salaire à la suite de l’annulation de l’accord collectif du 17 décembre 2015,

‘ Ordonner à la SA Generali Vie prise en la personne de ses représentants légaux d’avoir à lui restituer le poste de travail qui était le sien avec rattachement au service qui était le sien à compter du 1er juillet 2016 sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

‘ Condamner la SA Generali Vie à verser à Mme [L] la somme de :

– 46.950,60 € bruts à titre de rappel de salaire du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2021,

– 4 695.06 € bruts au titre des congés payés afférents, sauf à parfaire à la date de la décision à intervenir, le contrat de travail étant en cours,

– 8.000 € nets en réparation du préjudice moral et économique subi du fait de la violation à l’obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail et à l’obligation de sécurité,

– 2.177,06 € bruts à titre de rappel de salaire sur la période allant de janvier 2016 à mai 2018,

– 217,70 € bruts au titre des congés payés afférents.

– 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

‘ Ordonner la délivrance des bulletins de paie afférents, et de tout document conforme à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 € par jour de retard ;

‘ Juger que :

– ces sommes porteront intérêts de droit à compter de l’introduction de l’instance pour celles ayant le caractère de salaire, et à compter de la décision à intervenir pour les autres sommes,

– les intérêts se capitaliseront en application de l’article 1343-2 du Code civil,

– à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par la décision à intervenir, et en cas d’exécution par voie extrajudiciaire, les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996, devront être supportées par la société défenderesse.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 13 juin 2024.

Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS :

Sur la demande de rappel de salaire :

Mme [L] invoque, d’une part, devoir bénéficier de la classification 5, d’autre part, avoir subi une inégalité de traitement en termes de rémunération.

– la classification

La qualification d’un salarié s’apprécie au regard des fonctions qu’il exerce réellement au sein de l’entreprise et de la définition des emplois donnée par la convention collective.

Il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie de démontrer qu’il assure effectivement, de façon habituelle, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique.

Selon les dispositions de l’Annexe I de la Convention collective du 27 mai 1992 relative à la classification des fonctions [et applicable au présent litige] :

« Sont considérées comme fonctions de cadre au sens de la présente convention les fonctions comportant des responsabilités élevées dans des activités à dominante :

– Soit d’encadrement d’autres salariés ;

– Soit d’expertise, d’étude ou de conseil dans les domaines techniques, financiers, commerciaux, de gestion etc. ;

Ce sont les fonctions rangées dans les classes 5, 6 et 7 prévues par les classifications des fonctions ». (Annexe I de la CCN des Sociétés d’assurances)

Ainsi, selon la cartographie des métiers, relèvent de la classe 5 le chargé d’opérations d’assurance, le souscripteur, le chargé de sinistres spécifiques et le correspondant technique marché des particuliers.

La fiche de poste de chargé d’opérations d’assurance décrit le poste comme suit :

« Vous traitez l’intégralité des dossiers qui vous sont confiés sur le plan amiable et/ou judiciaire, en droit commun ou dans le cadre de conventions de règlement sur le périmètre suivant :

– Dommages aux biens et responsabilité civile des contrats habitations, immeubles, commerces, garages, entreprises et équité et ce jusqu’à 150.000 € ;

Vous assurez par courrier ou par téléphone les relations particulières ou complexes avec la totalité des acteurs concernés : agents, courtiers, clients, experts, avocats ;

Vous apportez un soutien technique nécessaire aux intermédiaires qui le sollicitent ;

Vous contribuez à la mise en place et à l’évolution de la politique de règlement des sinistres et des outils nécessaires à l’activité ».

Selon la salariée, les tâches réalisées par elle, son parcours professionnel et ses compétences telles qu’évaluées par l’employeur correspondent au profil de compétences des métiers relatif à la classe 5 tel qu’établi par la société Generali Vie ainsi qu’à la fiche de poste pour cette classification telle qu’établie par le service des ressources humaines et à la fiche de description de fonction.

Mme [L] a été affectée durant la période allant de juillet 2016 au 31 mars 2018 au sein du service parisien des personnes morales et qu’elle gérait des dossiers de sinistres spécifiques relevant de la classification.

Elle se voit alors confier la gestion de sinistres dommages aux biens jusqu’à 150 000 € sur différents contrats dont certains complexes avec une spécialisation en dossiers contentieux et une habilitation et pouvoir d’engagement allant jusqu’à 30.000 euros.

Les courriels produits établissent qu’elle était en contact régulier avec les avocats concernant les dossiers contentieux.

Toutefois cette mission incombe également à un technicien d’opérations d’assurance dont la fiche de poste mentionne : « fait appel aux réseaux d’experts de la Compagnie (avocats, experts RC ou Dommages..) pour compléter son appréciation sur la détermination des responsabilités ; suit les procédures judiciaires ».

L’évaluation annuelle mentionnait au titre des points forts de la salariée :’analyse technique approfondie et pertinente, esprit synthétique, bonne maîtrise de la culture client : empathie et simplicité, soucieuse des impacts que peut avoir l’indemnisation, regard moderne de l’assurance’. Au titre des axes d’amélioration, il est mentionné ‘Avec une productivité légèrement inférieure à la moyenne du service, veiller à faire un petit effort sur l’efficacité opérationnelle. Poursuivre cette montée en compétence sur le contentieux et plus précisément sur les notions encore nouvelles de procédure civile. »

Le profil de compétences des métiers de l’indemnisation classe les techniciens d’opération d’assurance en classe 4 et les chargés d’opération d’assurance en classe 5. Les compétences requises pour cette dernière classification sont plus élevées. Ainsi, un niveau approfondi et non seulement étendu est exigé pour le sens relationnel, le sens du service, la négociation, l’autonomie, l’organisation personnelle et la gestion des priorités, la connaissance de l’assurance et de l’entreprise, la coopération/travail d’équipe, la pédagogie/transfert de savoir, le contrôle et la conformité, l’analyse et la résolution des problèmes, les connaissances de la réglementation fiscale et juridique, les connaissances médicales (corporels et prévoyance), les mathématiques appliquées à l’assurance (prévoyance), le système d’information.

Sur ces items, l’évaluation annuelle de Mme [L] mentionne un niveau approfondi en sens du service, connaissance des règles de procédure, connaissance de l’assurance et de l’entreprise, analyse et résolution des problèmes, connaissance de la réglementation fiscale et juridique et conventionnelle. Elle a ainsi obtenu 5 niveaux approfondi sur 12 attendus au regard de sa spécialité pour la classification de chargé d’opération d’assurance.

Elle atteint par ailleurs le niveau complexe attendu en matière de technique de la relation client par téléphone.

Ainsi à ce stade de son évolution de carrière, Mme [L] se situait en cours d’évolution vers la classification 5 de chargé d’opération d’assurance.

L’évaluation pour l’année 2020 mentionne une note maximale de 4 ‘au delà des attentes’ pour l’orientation client, la capacité d’adaptation, la flexibilité, l’empathie, et obtient de son manager la note 3 ‘conforme aux attentes’ pour les autres items alors que la salariée s’auto évaluait au niveau 4 et que son évaluation annuelle 2017 avait déjà retenu la note maximale pour l’un de ces items ‘capacité d’analyse et de synthèse’.

L’intégralité des niveaux requis pour la classe 5 n’était toutefois pas atteint en 2020.

La demande de classification au niveau 5 est en conséquence rejetée.

– sur l’inégalité de traitement :

Mme [L] fait par ailleurs valoir que ses collègues hommes, pour ces mêmes fonctions et travaillant au sein du même service, disposent de la rémunération moyenne de la Classe 5 sans toutefois que les pièces communiquées ne permettent de caractériser une telle situation, les seules données sociales produites mentionnant des moyennes et des médianes étant insuffisantes.

En revanche, il est établi que le salaire de Mme [L] de 27 815 euros bruts annuels en 2020 appartient au premier quart le plus faible des salaires perçus par les salariés de la classe 4 tel que mentionné dans les données sociales et salariales au 31/10/2017.

Ces éléments sont toutefois insuffisamment précis et ne comprennent pas d’éléments de comparaison permettant de laisser supposer une inégalité de traitement.

La demande d’attribution du salaire de la classe 5 chargé d’opération d’assurances avec majoration annuelle des augmentations individuelles et générales moyennes percues par la catégorie ne peut dès lors prospérer.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur la demande de restitution de son poste de travail :

Mme [L] sollicite la restitution du poste de travail qu’elle occupait de 2016 à 2018 considérant qu’elle a subi une modification de son contrat de travail sans son accord exposant qu’elle occupait un poste de classe 5 sans limitation de durée et que son employeur lui a imposé de nouvelles fonctions de moindre responsabilité.

Outre que la cour a retenu que Mme [L] ne satisfaisait pas aux conditions définies pour être classifiée classe 5, la circonstance que la tâche donnée à un salarié soit différente de celle qu’il effectuait antérieurement, dès l’instant où elle correspond à sa qualification, ne caractérise pas une modification du contrat de travail. De même, la réduction de ses responsabilités ne constitue pas une modification du contrat de travail, si leur qualité est maintenue ou si l’intéressé a conservé l’essentiel de ses attributions, outre sa qualification et sa rémunération.

En l’espèce, si Mme [L] s’est vue confier des tâches différentes relatives au marché Pro PE & Entreprises IARD, aux Sinistres IARD Standards, Sinistres DAB Standards et Auto, Sinistres DAB Standards et Auto 2et DAB et Auto Nantes I, elle ne démontre pas qu’elle ne bénéficiait plus de la même habilitation et du même engagement passant de 30 000 euros par gestionnaire à 20 000 euros au niveau du service.

La modification alléguée du contrat de travail n’est pas caractérisée.

Sa demande de restitution de son poste de travail est en conséquence rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l’exécution déloyale :

La salariée formule plusieurs griefs à l’encontre de son employeur pour considérer qu’il a exécuté le contrat de travail de mauvaise foi.

S’agissant de l’allégation selon laquelle elle s’est vue confier des responsabilités correspondant à la classification classe 5 à compter du 1er juillet 2016 sans attribution de la qualification et du salaire correspondant, la cour a écarté la revendication d’une classification 5 sur la période considérée de sorte que l’exécution déloyale n’est pas caractérisée à ce titre.

Concernant le délai d’un an pendant lequel Mme [L] a dû attendre avant d’obtenir une réponse négative de la part de son employeur, il ne suffit pas en lui-même pour caractériser une exécution déloyale.

S’agissant de l’allégation selon laquelle elle s’est vue imposer une modification de ses fonctions et responsabilités sans que son accord ne soit sollicité et de manière brusque, la cour a exclu l’existence d’une modification du contrat de travail pour retenir une simple modification des conditions de travail dont le caractère brusque invoqué résulte de l’annonce moins de quinze jours avant sa prise d’effet de l’affectation de l’équipe à la direction des sinistres DAB et AUTO.

Ainsi par courriel adressé le 16 mars 2018 à ses collaborateurs, la responsable de service leur écrit être consciente de l’anxiété générée par le peu d’informations communiquées concernant la nouvelle configuration au 3 avril suivant.

Si la salariée considère que la société a manqué de soutien et de disponibilité lors de cette nouvelle prise de poste pour les salariés qui sont invectivés au téléphone par les assurés mécontents des délais de traitement, la société communique la réponse qu’elle a adressée le 11 février 2019 au médecin du travail qui l’alertait sur ce point et aux termes de laquelle elle indiquait que la responsable des ressources humaines ‘opérationnel’ était à la disposition des salariés qui pouvaient demander à la rencontrer.

Le dossier médical de Mme [L] auprès du médecin du travail constate un ‘Trouble anxieux et depressif mixte (F412) en lien avec le travail, n’aime plus son travail car a l’impression d’être complice d’un mauvais service aux clients» et de faire de l’abattage », conflit éthique avec ses valeurs, se sent emprisonnée dans son travail, arrêt de 3 jours pour torticolis, a encore des cervicalgies, asthénie, pleure pendant l’entretien, fait de la méditation et prend de la phytothérapie pour dormir, difficulté à contenir ses émotions, le matin difficulté à se rendre au travail, parfois tt boule au ventre » pendant la journée, échelle HAD anxiété : 13, échelle HAD dépression : 8 du 22/08/2018 ».

Pour autant, concernant les conséquences psychiques et physiques de l’exercice de son travail, si elles peuvent résulter d’un manquement à l’obligation de sécurité, pour laquelle Mme [L] ne formule aucune demande d’indemnisation dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour quant à la nature des demandes, elle ne démontre pas que le préjudice qu’elle invoque soit causé par une déloyauté.

S’agissant de la durée du travail, Mme [L] soutient que son contrat de travail qui stipulait une durée du travail de 1561 heures a été modifié à la suite de l’application de l’accord du 17 décembre 2015 qui a porté la durée du travail de 1561 heures à 1595 heures. Elle considère qu’il s’agit d’une modification de son contrat de travail qui nécessitait son accord, lequel n’a pas été sollicité.

La mention d’un accord collectif applicable dans un contrat vaut contractualisation de celle-ci, sauf si le sujet abordé ne le permet pas ou si la mention est purement informative.

Le contrat de travail stipule en son article 4 que ‘conformément aux dispositions de l’accord de l’Entreprise Generali France Assurances du 19 novembre 2003 relatif à la durée du travail et à l’aménagement du temps de travail, et de la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, la durée annuelle de travail applicable à Mlle [T] [L] est de 1561 heures’.

En l’espèce, la durée du travail était définie par l’accord d’entreprise et la référence qui y est fait dans le contrat est purement informative.

L’application de l’accord du 17 décembre 2015 qui s’est substitué à l’accord du 19 novembre 2003, après dénonciation du premier, ne rendait donc pas nécessaire la signature d’un avenant avec la salariée. Sa simple information était suffisante.

En procédant de la sorte sans soumettre d’avenant de modification de son contrat de travail à Mme [L], la société Generali n’a pas agi de manière déloyale.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sur le rappel de salaire au titre de l’annulation de l’accord du 17 décembre 2015

Plusieurs accords d’entreprise, dérogeant à la convention collective des sociétés d’assurance prévoyant une durée annuelle de 1712 heures, ont fixé la durée du travail au sein de Generali Vie à une durée inférieure. Ainsi, l’accord collectif du 19 novembre 2003 a fixé la durée conventionnelle à hauteur de 1561 heures puis un accord collectif du 17 décembre 2015 l’a portée à 1595 heures lequel a été annulé par décision du tribunal judiciaire de Paris du 21 mars 2017 confirmé par la cour d’appel de Paris le 3 mai 2018 de sorte qu’un nouvel un accord collectif a été conclu le 1er juin 2018 fixant la durée conventionnelle à hauteur de 1595 heures.

La salariée sollicite le paiement d’un rappel de salaire pour les heures accomplies au titre de l’accord annulé 17 décembre 2015 et non rémunérées pour la période allant de janvier 2016 à mai 2018 à hauteur de 2 177.06 euros bruts outre la somme de 217,70 euros bruts au titre des congés payés y afférents.

L’annulation de l’accord d’entreprise a pour effet de faire perdre rétroactivement tout effet à celui-ci de sorte que le paiement des heures de travail réalisées au delà de 1561 heures à l’année et jusqu’à 1595 heures redevenaient soumises au régime antérieur défini par l’accord de 2003. Mme [L] n’ayant obtenu aucun paiement pour ces heures de travail, elle est bien fondée à obtenir leur paiement.

C’est donc vainement que l’employeur soutient que, dès lors que ces accords ont été annulés, ils ne pouvaient produire aucun effet et en particulier justifier un quelconque rappel de salaire au bénéfice des salariés.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Generali Vie à payer à Mme [L] la somme de 1 317 euros calculée sur la base de son salaire brut en 2016, 2017 et 2018 outre la somme de 131,70 euros de congés payés afférents.

Sur la remise d’un bulletin de paie sous astreinte :

La société Generali Vie est condamnée à remettre à Mme [L] un bulletin de paie rectificatif conforme au jugement confirmé dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt.

Il n’y a pas lieu de prononcer d’astreinte au stade de l’appel.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Le jugement est confirmé de ces chefs.

La société Generali Vie est condamnée aux dépens d’appel et au paiement de la somme de 2 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris sauf sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale,

L’infirme de ce chef,

statuant à nouveau,

Rejette la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale,

Condamne la société Generali Vie à remettre à Mme [L] un bulletin de paie rectificatif conforme au jugement confirmé dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt,

Rejette la demande d’astreinte,

Condamne la société Generali Vie au paiement de la somme de 2 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,

Condamne la société Generali Vie aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


 


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