Cour d’appel de Rennes, 15 octobre 2024, RG n° 24/01933
Cour d’appel de Rennes, 15 octobre 2024, RG n° 24/01933

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Rennes

Résumé

La société Brient, spécialisée dans les salaisons, a contesté une redevance de 38.120 euros pour pollution de l’eau, jugée excessive par rapport à l’année précédente. Après le rejet de sa requête par le tribunal administratif d’Orléans, Brient a assigné la SAUR, gestionnaire de la station d’épuration, en paiement de dommages-intérêts. La cour a finalement infirmé le jugement initial, considérant que l’augmentation de la redevance résultait d’un défaut d’entretien de la SAUR. Cette dernière a été condamnée à verser 3.000 euros à Brient pour les frais de justice, et l’affaire a été renvoyée au tribunal de commerce de Rennes.

La société Brient, spécialisée dans la fabrication de salaisons, traite ses eaux usées via la station communale de [Localité 2], gérée par la société SAUR sous une délégation de service public. Assujettie à des redevances pour pollution de l’eau, la société Brient a reçu un décompte de redevance de 38.120 euros pour l’année 2019, après avoir payé 2.235 euros pour 2018. Contestant ce montant, elle a formé un recours en opposition, qui a été rejeté par le tribunal administratif d’Orléans. Brient a ensuite assigné la SAUR en paiement de dommages-intérêts, mais le tribunal de commerce de Rennes s’est déclaré incompétent et a renvoyé l’affaire au tribunal administratif. Après avoir obtenu l’autorisation d’assigner à jour fixe, Brient a déposé ses conclusions. La SAUR a demandé l’irrecevabilité de l’appel de Brient, tandis que Brient a demandé la réformation du jugement initial. La cour a finalement rejeté les demandes d’irrecevabilité, infirmé le jugement, renvoyé l’affaire devant le tribunal de commerce de Rennes, et condamné la SAUR à verser 3.000 euros à Brient au titre des frais de justice.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

15 octobre 2024
Cour d’appel de Rennes
RG n°
24/01933
3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°374

N° RG 24/01933 – N° Portalis DBVL-V-B7I-UU5A

(Réf 1ère instance : 2023F00316)

S.A.S. BRIENT

C/

S.A.S. SAUR

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me BOMMELAER

Me PELTIER

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à : TC de RENNES

SAS BRIENT et SAS SAUR

par LRAR

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre, Rapporteur

Assesseur : Madame Fabienne CLÉMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 02 Juillet 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Octobre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.S. BRIENT

immatriculée au RCS de RENNES sous le numéro 311 623 987, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 5],

[Localité 2]

Représentée par Me Emilie HOUSSINEAU du barreau de NANTES substituant Me Nicolas DE LA TASTE de la SELARL CVS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Benoît BOMMELAER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

S.A.S. SAUR

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le N° 339 379 984, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuel PELTIER de la SELARL HORIZONS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Boris LABBE, Plaidant, avocat au barreau de TOURS

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Brient fabrique des salaisons sur son site de [Localité 2]. Les eaux usées de ce site sont traitées par la station communale de traitement des eaux usées de la commune de [Localité 2]. Cette station fait l’objet d’une délégation de services public de la part de la collectivité Rennes Métropole au profit de la société SAUR.

La société Brient est assujettie aux redevances pour pollution de l’eau d’origine non domestique et pour la modernisation des réseaux de collecte.

Le calcul de pollution évitée est calculée sur les données transmises par la société SAUR.

Cette redevance était de 2.235 euros pour l’année 2018.

Le 7 décembre 2020, l’agence de l’eau a notifié à la société Brient un décompte de redevance due au titre de l’année 2019 pour 38.120 euros.

La société Brient a formé un recours en opposition à l’encontre du titre exécutoire émis par l’agence de l’eau. Par jugement du 22 juin 2023, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa requête. La société Brient a interjeté appel devant la cour administrative de [Localité 4].

Estimant que la Saur avait commis une faute à l’origine de l’augmentation de la redevance, la société Brient l’a assignée en paiement de dommages-intérêts.

Par jugement du 14 mars 2024, le tribunal de commerce de Rennes :

– S’est déclaré incompétent et a :

-Enjoint les parties à mieux se pourvoir au profit du tribunal administratif,

– Dit qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Dit que les dépens seront à la charge de la société Brient.

La société Brient a interjeté appel le 28 mars 2024. Le même jour, elle a adressé au premier président de la cour une requête aux fins d’être autorisée à assigner à jour fixe.

Par ordonnance du 11 avril 2024, le magistrat délégué par le premier président a autorisé la société Brient a assigner la société SAUR à jour fixe. L’assignation a été délivrée le 26 avril 2024.

Les dernières conclusions de la société Brient sont en date du 19 juin 2024. Les dernières conclusions de la société Saur sont en date du 25 juin 2024.

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

La société Brient demande à la cour de :

– Débouter la société SAUR de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– Déclarer recevable l’appel de la société Brient ,

– Réformer en toutes ses dispositions le jugement,

En conséquence :

– Débouter la société SAUR de son exception d’incompétence,

– Renvoyer l’affaire devant le tribunal de commerce de Rennes,

– Condamner la société SAUR à régler à la société Brient la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner la société SAUR aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La SAUR demande à la cour de :

– Recevoir la société SAUR en ses demandes, les dire bien fondées,

A titre principal :

– Déclarer irrecevable l’appel interjeté le 28 mars 2024 par la société Brient,

A titre subsidiaire :

– Déclarer caduc l’appel interjeté le 28 mars 2024 par la société Brient,

A titre infiniment subsidiaire :

– Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

En tout état de cause :

– Débouter la société Brient de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– Condamner la société Brient à payer à la société SAUR la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner société Brient aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.

DISCUSSION :

Sur la recevabilité de l’appel :

La société SAUR fait valoir que la déclaration d’appel de la société Brient ne serait pas motivée en violation des dispositions de l’article 85 du code de procédure civile.

Il apparaît cependant que la déclaration d’appel de la société Brient reçue par le greffe de la cour d’appel de Rennes le 28 mars 2024 était accompagnée de conclusions motivées tendant à l’infirmation du jugement.

Il y a lieu de rejeter la demande tendant à l’irrecevabilité de l’appel.

Sur la caducité de l’appel :

La société SAUR fait valoir que l’appel serait caduc pour ne pas avoir été suivi d’une saisie, dans le délai d’appel, du premier président en vue d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire.

Article 84 du code de procédure civile :

Le délai d’appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d’une procédure avec représentation obligatoire.

En cas d’appel, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire.

Il apparaît que le jugement a été notifié à la société Brient par lettre recommandée avec demande d’avis de réception reçue le 18 mars 2024.

La déclaration d’appel déposée au greffe de la cour d’appel de Rennes le 28 mars 2024 était accompagnée d’une requête adressée au premier président de la cour d’appel de Rennes, datée du 28 mars 2024, aux fins d’être autorisée à assigner à jour fixe.

Ces constatations suffisent à caractériser la régularité de la procédure. La demande de caducité de l’appel sera rejetée.

Sur la compétence :

La société SAUR fait valoir que le litige l’opposant à la société Brient concernerait un défaut d’un ouvrage public et relèverait donc de la compétence du tribunal administratif.

La société Brient fait valoir que ce litige concernerait les liens entre l’usager d’un service public industriel et commercial avec le délégataire de service public et relèverait donc de la compétence des tribunaux judiciaires.

Il appartient à la juridiction judiciaire de connaître des litiges relatifs à la facturation et au recouvrement de la redevance due par les usagers ainsi qu’aux dommages causés à ces derniers à l’occasion de la fourniture du service.

Il résulte des stipulations du contrat de délégation de service public que le délégataire doit à ses frais entretenir les ouvrages équipements et matériels permettant la marche de l’exploitation, que cet entretien à la charge du délégataire est tant préventif que curatif et que tous les travaux et prestations occasionnés directement ou indirectement par un manque d’entretien sont à la charge du délégataire.

Il apparaît que l’augmentation de la taxation dont a fait l’objet la société Brient résulte de la présence d’algues dans le canal de sortie de la STEP dans lequel est implanté le débitmètre. Des travaux de couverture de ce canal ont par la suite permis d’empêcher définitivement le dépôt d’algues qui faussaient la mesure.

Il apparaît ainsi que la société Brient se prévaut d’un défaut d’opération d’entretien régulier qui auraient selon elle permis de retirer les algues de ce canal et de le maintenir en bon état de fonctionnement, empêchant ainsi la prise de mesures erronées.

Selon la société Brient, les travaux de couverture réalisés après les faits n’ont pas remédié à un problème structurel de l’ouvrage mais ont permis de faciliter l’entretien du canal litigieux.

Elle se prévaut donc d’une faute de la société SAUR à l’occasion de la fourniture du service.

Le litige relève donc de la compétence des juridictions judiciaires. Il y a lieu d’infirmer le jugement et de renvoyer l’affaire devant le tribunal de commerce de Rennes.

Sur les frais et dépens :

Il y a lieu de condamner la société SAUR aux dépens de première instance et d’appel et à payer la somme de 3.000 euros à la société Brient au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

– Rejette les demandes tendant à l’irrecevabilité et à la caducité de l’appel,

– Infirme le jugement,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

– Renvoi l’affaire devant le tribunal de commerce de Rennes,

– Condamne la société SAUR à payer à la société Brient la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne la société SAUR aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier, Le Président,


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