Cour d’appel de rennes, 13 janvier 2023, RG n° 23/00033
Cour d’appel de rennes, 13 janvier 2023, RG n° 23/00033

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Rennes

Thématique : Rétention administrative : irrégularité de la consultation du fichier des personnes recherchées

Résumé

Le 13 janvier 2023, la Cour d’appel de Rennes a statué sur l’appel de M. [I] [H], de nationalité tunisienne, contesté la prolongation de sa rétention administrative. L’ordonnance du juge des libertés du 12 janvier 2023, qui avait validé cette prolongation, a été infirmée. La cour a constaté une irrégularité dans la consultation du fichier des personnes recherchées, n’ayant pas été prouvée l’habilitation de l’agent ayant effectué cette démarche. M. [H] a été remis en liberté, tout en étant rappelé à son obligation de quitter le territoire français. Le préfet a été condamné à verser 500 euros à son avocat.

13 janvier 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n°
23/00033

COUR D’APPEL DE RENNES

N° 24/23

N° RG 23/00033 – N° Portalis DBVL-V-B7H-TNNO

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile

Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d’appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, assisté de Julie FERTIL, greffière,

Statuant sur l’appel formé le 12 Janvier 2023 à 19h49 par :

M. [I] [H]

né le [Date naissance 1] 2002

de nationalité Tunisienne

ayant pour avocat Me Myrième OUESLATI, avocat au barreau de RENNES

d’une ordonnance rendue le 12 Janvier 2023 à 17h37 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l’encontre de l’arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [I] [H] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 11Janvier 2023 à 16h35;

En l’absence de représentant du préfet de Seine Maritime, dûment convoqué (mémoire du 13/01/2023),

En l’absence du procureur général régulièrement avisé, (avis du 13/01/2023)

En présence de [I] [H], assisté de Me Myrième OUESLATI, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 13 Janvier 2023 à 11 H 00 l’appelant assisté de son avocat en leurs observations,

Avons mis l’affaire en délibéré et le 13 Janvier 2023 à 13h30, avons statué comme suit :

Par arrêté du 24 octobre 2022 notifié le même jour le préfet de Seine Maritime a fait obligation à Monsieur [I] [H] de quitter le territoire français.

Par arrêté du 09 janvier 2023 notifié le même jour le préfet de Seine Maritime a placé Monsieur [H] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.

Par requête du 11 janvier 2023 le préfet de Seine Maritime a saisi le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes d’une demande de prolongation de la rétention.

Par requête du même jour Monsieur [H] a contesté la régularité de l’arrêté de placement en rétention.

Par ordonnance du 12 janvier 2023 le juge des libertés et de la détention a dit que la requête en prolongation de la rétention était recevable, dit que l’auteur de l’arrêté de placement en rétention était régulièrement compétent, dit que le préfet avait procédé à un examen approfondi de la situation de Monsieur [H] et n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation, dit que la consultation du Fichier des Personnes recherchées était régulière et a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.

Par déclaration reçue le 13 janvier 2023 Monsieur [H] a formé appel de cette ordonnance en soutenant que la consultation du fichier des personnes recherchées était irrégulière au regard des dispositions du décret du 28 mai 2010 N°2010-569 dans la mesure où il ne résultait pas des pièces de la procédure que l’agent ayant consulté ce fichier était expressément habilité à cet effet.

Il sollicite la condamnation du préfet au paiement de la somme de 1.000,00 Euros au titre des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

A l’audience, Monsieur [H], assisté de son avocat, fait développer oralement les termes de sa déclaration d’appel et a maintenu sa demande indemnitaire.

Le préfet de Seine Maritime a conclu à la confirmation de l’ordonnance attaquée selon mémoire du 13 janvier 2023.

Selon avis du 12 janvier 2023 le Procureur Général a sollicité la confirmation de l’ordonnance attaquée.

MOTIFS

L’appel, formé dans les formes et délais légaux, est recevable.

L’article 5 du décret 2010-569 du 28 mai 2010 prévoit que :

I. ‘ Peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et informations enregistrées dans le fichier des personnes recherchées, dans le cadre de leurs attributions légales et pour les besoins exclusifs des missions qui leur sont confiées :

1° Les agents des services de la police nationale individuellement désignés et spécialement habilités soit par les chefs des services territoriaux de la police nationale, soit par les chefs des services actifs à la préfecture de police ou, le cas échéant, par le préfet de police, soit par les chefs des services centraux de la police nationale ou, le cas échéant, par le directeur général dont ils relèvent ;

2° Les militaires des unités de la gendarmerie nationale individuellement désignés et spécialement habilités soit par les commandants de groupement, soit par les commandants de la gendarmerie dans les départements et collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie, soit par les commandants de région, soit par les commandants des gendarmeries spécialisées, soit par le sous-directeur de la police judiciaire ou, le cas échéant, par le directeur général de la gendarmerie nationale ;

3° Les agents des services des douanes individuellement désignés et spécialement habilités soit par les directeurs régionaux des douanes, soit par le chef du service national de douane judiciaire ou, le cas échéant, par le directeur général des douanes et droits indirects ;

4° Les agents des services centraux du ministère de l’intérieur et des préfectures et sous-préfectures individuellement désignés et spécialement habilités, respectivement, par leur chef de service ou par le préfet, et chargés :

a) De l’application de la réglementation relative aux étrangers, aux titres d’identité et de voyages, aux visas, aux armes et munitions et aux permis de conduire ;

b) De la mise en ‘uvre des mesures prises en application du 3° de l’article 5 et de l’article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 modifiée relative à l’état d’urgence ;

c) De la mise en ‘uvre des mesures prises en application des articles L. 225-1 à L. 225-3 du code de la sécurité intérieure.

5° Les agents du ministère des affaires étrangères, chargés du traitement des titres d’identité et de voyage et de l’instruction des demandes de visa, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur général dont ils relèvent ;

6° Les agents du Conseil national des activités privées de sécurité, individuellement désignés et spécialement habilités par le préfet compétent en application de l’article R. 632-14 du code de la sécurité intérieure ;

7° Les agents du service à compétence nationale dénommé  » Unité Information Passagers  » et rattaché au ministère chargé du budget, individuellement désignés et spécialement habilités par le directeur de l’unité ;

En l’espèce, l’examen des pièces de la procédure débattues contradictoirement et plus précisément des pièces de la procédure de garde à vue de Monsieur [H] au commissariat de police du Havre révèle que si la fiche de résultat de la consultation du fichier des personnes recherchées est produite et qu’elle comporte un numéro d’utilisateur il n’est en revanche pas annexé le procès-verbal ou toute mention dans les actes de la procédure de l’identité de la personne ayant procédé à cette consultation et de son habilitation spéciale, de telle sorte qu’il n’est pas justifié que les conditions posées par le I 1° du décret susvisé aient été remplies.

La consultation du fichier des personnes recherchées, qui a permis conséquemment le placement en rétention de Monsieur [H], est irrégulière.

L’ordonnance sera infirmée.

Il n’apparaît pas inéquitable de condamner le préfet de Seine Maritime à payer à l’avocat de Monsieur [H] la somme de 500,00 Euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS l’appel recevable,

INFIRMONS l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes du 12 janvier 2023

Et statuant à nouveau,

DISONS n’y avoir lieu à prolongation de la rétention de Monsieur [I] [H],

ORDONNONS la remise en liberté de Monsieur [I] [H],

RAPPELONS à Monsieur [I] [H] qu’il a obligation de quitter le territoire français,

CONDAMNONS le Préfet de Seine Maritime à payer à l’Avocat de Monsieur [I] [H] la somme de 500,00 Euros au titre des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991,

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor Public.

Fait à Rennes, le 13 Janvier 2023 à 13h30

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [I] [H], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d’un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon