Type de juridiction : Cour d’Appel
Juridiction : Cour d’Appel de Rennes
→ RésuméLa Cour d’Appel de Rennes a rendu un arrêt le 10 mars 2023 dans l’affaire opposant la SARL Société Établissements Peran à l’EARL Lein Er Vourch et d’autres parties. Elle a confirmé la responsabilité des sociétés SSO et Peran pour les dysfonctionnements d’un racleur à lisier, condamnant ces dernières à verser des dommages-intérêts à l’EARL pour préjudice matériel et d’exploitation. La SMABTP a également été condamnée à indemniser l’EARL, avec des précisions sur les franchises contractuelles. La Cour a accordé une indemnité pour les frais irrépétibles, modifiant partiellement le jugement de première instance.
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ARRÊT N°128
La Cour d’Appel de Rennes a rendu un arrêt le 10 mars 2023 dans l’affaire opposant la SARL Société Établissements Peran à l’EARL Lein Er Vourch, la Société SMABTP et la SARL Sols et Sciages de l’Ouest. L’arrêt infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée.Composition de la Cour
La Cour était composée de Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre, de Monsieur David JOBARD, Président de Chambre, et de Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère. Le greffier était Mme Aichat ASSOUMANI lors des débats et Madame Ludivine MARTIN lors du prononcé.Exposé du litige
L’affaire portait sur un racleur à lisier commandé par l’EARL à la société Peran, posé par la société Lorinquer et avec des rainures réalisées par la société SSO. Des dysfonctionnements sont apparus, entraînant une expertise judiciaire et des travaux de réparation. Le jugement de première instance a partagé la responsabilité entre les sociétés SSO et Peran.Exposé des motifs
La Cour a confirmé la responsabilité de la société SSO et de la société Peran dans les dysfonctionnements du racleur. Elle a également condamné les sociétés à payer des dommages-intérêts à l’EARL pour le préjudice matériel et d’exploitation subi.Sur les préjudices
La Cour a évalué les préjudices subis par l’EARL et a accordé des dommages-intérêts pour le préjudice matériel et d’exploitation. Elle a rejeté la demande de l’EARL pour les troubles et tracas subis.Sur la garantie de l’assureur
La Cour a condamné la SMABTP à payer les dommages-intérêts à l’EARL et a précisé les conditions d’application des franchises contractuelles.Sur les frais irrépétibles
La Cour a accordé à l’EARL une indemnité complémentaire pour les frais irrépétibles de première instance et d’appel. En conclusion, la Cour a infirmé certaines parties du jugement de première instance, confirmé d’autres parties, et condamné les sociétés impliquées à payer des dommages-intérêts et les frais de procédure.2ème Chambre ARRÊT N°128 N° RG 20/01405 N° Portalis DBVL-V-B7E-QQSN (1) SARL SOCIETE ETABLISSEMENTS PERAN C/ EARL LEIN ER VOURCH Société SMABTP SARL SOLS ET SCIAGES DE L’OUEST Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée Copie exécutoire délivrée le : à : – Me BEAUVOIS – Me GAUVRIT – Me GAUVAIN RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D’APPEL DE RENNES ARRÊT DU 10 MARS 2023 COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre, Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre, Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère, GREFFIER : Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats, et Madame Ludivine MARTIN, lors du prononcé, DÉBATS : A l’audience publique du 17 Janvier 2023 ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Mars 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats **** APPELANTE : SARL SOCIETE ETABLISSEMENTS PERAN [Adresse 5] [Localité 2] Représentée par Me Pierre BEAUVOIS de la SELARL BEAUVOIS PIERRE – PICART SEBASTIEN – BERNARD HELENE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de LORIENT INTIMÉES : EARL LEIN ER VOURCH [Adresse 7] [Localité 3] Représentée par Me Anne-Laure GAUVRIT de la SELARL LBG ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES Société SMABTP [Adresse 6] [Adresse 6] [Localité 4] SARL SOLS ET SCIAGES DE L’OUEST [Adresse 8] [Localité 1] Représentées par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, postulant, avocat au barreau de RENNES Représentées par Me Laurent LIAUD de la SELARL GRUNBERG-GRUNBERG MOISSARD-BELLEC-MARTIN-LIAUD, plaidant, avocat au barreau de VANNES EXPOSÉ DU LITIGE Selon bon de commande du 21 septembre 2011, l’EARL Lein Er Vourch (l’EARL), exploitant un élevage de vaches laitières, a commandé auprès de la société Établissements Peran (la société Peran) un racleur à lisier de marque ‘Miro’, posé par le fournisseur après reprise de la dalle du bâtiment par la société Lorinquer et réalisation de rainures pour le passage de la chaîne du robot par la société Sols et sciages de l’Ouest (la société SSO), assurée par la SMABTP. Prétendant que le racleur, mis en route en janvier 2013, a présenté, dès le mois de février 2014, des dysfonctionnements ayant persisté, en dépit d’une expertise extrajudiciaire et de travaux de réparation provisoire réalisés en 2015 par la société Peran, l’EARL a, par actes des 31 août et 2 septembre 2016, saisi le juge des référés de Lorient qui, par ordonnance du 20 septembre 2016, a ordonné une expertise judiciaire confiée à M. [D]. Après le dépôt du rapport d’expertise du 28 février 2018 concluant à un défaut du rainurage, l’EARL a, par acte du 3 août 2018, fait assigner les sociétés Peran et SSO ainsi que la SMABTP devant le tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Lorient. Par jugement du 15 janvier 2020, les premiers juges ont : déclaré le jugement commun à la SMABTP, dit que la société SSO engage sa responsabilité décennale à l’égard de l’EARL, dit que la société Peran engage sa responsabilité contractuelle à l’égard de l’EARL, fixé le partage de responsabilité à 50 % entre ces deux sociétés, condamné la société SSO et la société Peran à payer in solidum la somme de 28 080 euros à l’EARL, condamné la société SSO et la société Peran à payer in solidum la somme de 3 000 euros à l’EARL au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamné in solidum la société SSO et la société Peran aux dépens, dont ceux afférents à la procédure de référé et aux frais d’expertise, rejeté le surplus des demandes plus amples ou contraires au dispositif, ordonné l’exécution provisoire de la décision. L’EARL et la société Peran ont relevé appel de cette décision les 27 février et 6 avril 2020. Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état du 16 octobre 2020. Insatisfaite du rejet de son action directe contre l’assureur et du montant du dédommagement alloué, l’EARL demande à la cour de : réformer le jugement attaqué en ce qu’il a limité le montant des dommages-intérêts à 28 080 euros, condamner solidairement la société SSO, son assureur la SMABTP et la société Peran au paiement des sommes de 30 000 euros HT au titre du coût des réparations, 69 635 euros HT au titre du préjudice né du coût de la main-d »uvre de remplacement et de 3 000 euros au titre des troubles et tracas subis par l’EARL, confirmer le jugement en ses autres dispositions, condamner in solidum la société SSO, son assureur la SMABTP et la société Peran au paiement d’une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure d’appel, condamner solidairement les mêmes aux dépens d’appel. Prétendant que le désordre ne résulterait que de la faute exclusive de la société SSO et qu’elle aurait été empêchée d’accepter le support en pleine connaissance de cause du fait de l’encrassement par le lisier des rainures créées par la société SSO, la société Peran demande quant à elle à la cour de : réformer le jugement attaqué, dire que l’EARL est déboutée de ses demandes, débouter l’EARL de sa demande au titre des préjudices immatériels, dire que la société SSO et la SMABTP sont déboutées, débouter l’EARL de sa demande de condamnation solidaire, condamner l’EARL aux entiers dépens, comprenant ceux de la procédure de référé, de l’expertise judiciaire et de la première instance, condamner l’EARL ou toute partie succombante au paiement d’une indemnité de 4 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Reportant l’entière responsabilité du sinistre sur l’entreprise de maçonnerie ayant procédé à la reprise de la dalle et sur la société Peran qui a accepté le support, la société SSO et la SMABTP ont quant à elles formé appel incident, pour demander à la cour de : infirmer le jugement attaqué, à titre principal, dire que les conclusions de l’expertise judiciaire sont insuffisantes pour établir l’imputabilité des désordres aux travaux réalisés par la société SSO et débouter en conséquence l’EARL et la société Peran de leurs demandes ciblant la société SSO et la SMABTP, à titre subsidiaire, condamner la société Peran à supporter toutes les demandes présentées par l’EARL, en tous cas, condamner la société Peran à garantir la société SSO et la SMABTP de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur encontre, en principal, intérêts, frais et autres accessoires, à titre très subsidiaire, condamner la société Peran à supporter seule les conséquences immatérielles des dommages à compter du 1er juillet 2017, puis l’EARL à compter du 1er novembre 2017, réduire à de plus justes proportions les prétentions de l’EARL, dire que les garanties de la SMABTP s’appliqueront dans les conditions et limites du contrat d’assurance, que la franchise de 840 euros applicable aux garanties obligatoires sera opposable à la société SSO, et que la franchise de 504 euros applicable aux garanties facultatives sera opposable à toute partie tierce, subsidiairement, confirmer le jugement attaqué, en tout état de cause, condamner l’EARL et/ou toute autre partie succombante à payer à la société SSO et à la SMABTP une indemnité de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens, comprenant ceux des procédures de référé, de l’expertise judiciaire et de la procédure de première instance. Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour l’EARL le 9 novembre 2022, pour la société Peran le 16 juin 2022, et pour la société SSO et la SMABTP le 31 juillet 2020, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 8 décembre 2022. EXPOSÉ DES MOTIFS Sur les responsabilités Ainsi que l’ont exactement relevé les premiers juges, les expertises tant amiables que judiciaires ont conclu à la non-conformité des rainures réalisées dans le béton de la dalle par la société SSO, celles-ci ne correspondant pas à celles mentionnées dans la facture établie par la société SSO et préconisées par le fabricant qui prescrivait que, pour que le racleur soit pleinement efficace, la chaîne qui le mettait en mouvement devait être contenue, afin de ne pas vriller, dans un sillon de 70 mm de largeur et de 80 mm de profondeur avec une tolérance de 5 mm, alors que les constatations des experts révélaient que les rainures réalisées par la société SSO présentaient une largeur de 75 à 90 mm et une profondeur de 80 à 105 mm, avec par surcroît un burinage grossier du fond de gorge générant des anfractuosités ayant aggravé l’usure du béton. Ils en ont d’autre part pertinemment déduit que l’ouvrage réalisé par la société SSO était impropre à sa destination, puisque le racleur ne peut pas fonctionner du fait du non-respect des dispositions contractuelles reprenant les préconisations du fabricant, ce qui entraînait sa responsabilité décennale en application de l’article 1792 du code civil, et que la société Peran, installateur agréé du racleur devant parfaitement connaître les préconisations du fabricant, avait de son côté engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard de l’EARL en s’abstenant de vérifier la conformité à ces préconisations de l’ouvrage sur lequel elle posait le robot afin d’assurer l’efficacité de sa propre obligation de parvenir au résultat de livrer une installation exempte de vice. La société SSO et la SMABTP concluent que les premiers juges n’auraient fait que supposer que ses travaux de création de rainurage constitueraient un ouvrage relevant de la garantie décennale des constructeurs, mais elles ne saisissent la cour d’aucun moyen de réformation de la décision attaquée ayant fait application de l’article 1792 du code civil, dont le champ porte sur tout ouvrage immobilier de construction faisant appel aux techniques du bâtiment, y compris lorsque les travaux portent sur un bâtiment existant. En revanche, elles contestent plus explicitement l’imputabilité du désordre à la société SSO, en faisant valoir, d’une part, que l’expert judiciaire n’aurait pas effectué de diligences suffisantes pour écarter l’hypothèse de la mauvaise qualité du béton utilisé pour la reprise de la dalle ainsi que des travaux de maçonnerie réalisés par la société Lorinquer, et que, d’autre part, la société Peran, spécialiste de l’installation de racleurs à lisier, devrait réparer seule le dommage, dès lors qu’elle a accepté sans réserve le support sur lequel elle a réalisé son installation alors que les défauts étaient visibles. L’expert [D] a pourtant attaché une attention toute particulière à la qualité du béton et à la reprise de la dalle par la société Lorinquer, puisqu’il a préconisé et obtenu son appel à la cause au cours des opérations d’expertise et requis l’assistance du sapiteur Dos, spécialiste béton et structures. Ce n’est qu’au terme d’investigations poussées et d’une analyse techniquement étayée du désordre qu’il a fini par écarter ‘tout doute sur l’imputation du désordre à la société Lorinquer’, après avoir relevé que la qualité du béton était hors de cause et que les dysfonctionnements du racleur à lisier trouvaient leur cause dans le dépassement des cotes en profondeur et en largeur préconisées par le fabricant pour le passage de la chaîne du robot de la rainure créée par la société SSO, ainsi que par le burinage grossier du fond de gorge ayant généré des anfractuosités allant jusqu’à mettre à jour le treillis noyé dans le béton, ce qui, avec le temps et en milieu agressif, a aggravé le désordre. Il a même précisé que ce fond de rainure était imparfait, non lissé, réalisé qui plus est sur un béton dépourvu de peau puisque découpé, les aspérités ayant donné lieu à accrochage des pièces d’usure puis à une dégradation exponentielle au cours du temps. Par ailleurs, la circonstance que la société Peran a elle-même, comme la cour va l’observer ci-après, commis une faute dans la réalisation de l’installation en s’abstenant de vérifier les cotes et la qualité de finition de la rainure dans laquelle elle devait déployer la chaîne du robot selon les préconisations du fabricant, n’est pas de nature à exonérer de sa responsabilité décennale le constructeur de l’ouvrage affecté d’un défaut de conformité et d’une malfaçon. À cet égard, il doit être souligné que l’installateur n’est pas le maître de l’ouvrage, et que, si les non-conformités et défectuosités de la rainure pouvaient être considérées comme apparentes pour celui-ci, cette situation n’est en rien exonératoire de responsabilité pour la société SSO à l’égard de l’EARL. La société Peran conteste quant à elle pouvoir être tenue au titre de la garantie décennale des constructeurs, et soutient par ailleurs que le désordre ne résulterait que de la faute exclusive de la société SSO et qu’elle aurait été empêchée d’accepter le support en pleine connaissance de cause du fait de l’encrassement par le lisier de la rainure créée par la société SSO. Il sera d’abord observé que sa responsabilité a été recherchée par l’EARL et retenue par les premiers juges sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, et non sur celui de la garantie décennale des constructeurs. En effet, fournisseuse et installatrice du racleur à lisier, la société Peran n’a pas réalisé de travaux selon des techniques du bâtiment, mais a vendu un bien pour lequel elle est tenue de la garantie des vices cachés, ce qui ouvre à l’acquéreur des actions résolutoire et estimatoire, mais aussi une action indemnitaire autonome que l’EARL a choisi de mettre en oeuvre. Par ailleurs, spécialiste des robots de raclage de lisier et agréée par le fabricant pour procéder à leur installation, la société Peran connaissait, ou en tous cas ne pouvait ignorer, les préconisations du fabricant du matériel qu’elle commercialisait, et était par conséquent tenue de s’assurer que la dalle et la rainure dans laquelle elle devait déployer la chaîne du racleur étaient conformes aux cotes fournies par le fabricant, et que la qualité de la découpe du béton ne présentait pas de défauts susceptibles de nuire au bon fonctionnement de son installation. À cet égard, elle ne saurait sérieusement prétendre ne pas avoir été en mesure de vérifier l’état et les caractéristiques de la rainure lors de l’installation du racleur parce que le bâtiment était déjà utilisé et le fond de la rainure recouvert de lisier, alors qu’il lui appartenait, pour exécuter correctement sa prestation de pose du robot, de nettoyer le support ou, à tout le moins, de demander à l’EARL de lui permettre d’intervenir sur une surface parfaitement nettoyée, ce que la société Peran ne justifie nullement avoir fait. Au surplus, l’EARL fait à juste titre observer qu’au cours des opérations d’expertise extrajudiciaires, un technicien du fabricant a pu constater que les dimensions de la rainure ne respectait pas ses préconisations, ce qui démontre que ces vérifications pouvaient parfaitement être réalisées alors que le bâtiment d’élevage était en exploitation. Enfin, comme cela a déjà été souligné en ce qui concerne la responsabilité de la société SSO, la circonstance que cette dernière a aussi commis une faute dans l’exécution de son ouvrage n’est pas une cause exonératoire de la responsabilité de la société Peran. En effet, dès lors que les fautes respectives de l’entreprise ayant créé le rainurage dans la dalle du bâtiment d’élevage et de l’installateur du racleur à lisier ont concouru à la réalisation de l’entier dommage, les sociétés SSO et Peran sont, à l’égard de l’EARL maîtresse d’ouvrage, tenues in solidum à le réparer. Contrairement à ce qu’elles allèguent, ce n’est que dans leurs rapports entre elles qu’il y a lieu de répartir la charge finale de la dette de réparation, en tenant compte du degré de gravité de leurs fautes respectives. À cet égard, les premiers juges ont exactement estimé que ces fautes étaient d’égale gravité, pour fixer entre elles le partage de responsabilité à 50 %. En effet, si la faute de la société Peran n’a consisté qu’en un défaut de vérification de l’ouvrage de la société SSO auteur dun défaut de conformité et de la malfaçon, l’installateur, spécialiste des racleurs à lisier Miro agréée par le fabricant lui-même, aurait, plus que tout autre, dû veiller à ce que les préconisations formulées par celui-ci afin de parvenir à un bon fonctionnement du robot soient parfaitement respectées. Il convient donc de confirmer les chefs du jugement attaqué statuant sur les responsabilités en tous points. En outre, complétant cette décision, la cour condamnera la société Peran à garantir la société SSO et la SMABTP de toutes condamnation en principal, intérêts, frais et accessoires à due concurrence de 50 %. Sur les préjudices L’expert chiffre le coût de la remise en service de l’installation à 30 035,77 euros HT, arrondi à 30 000 euros, incluant à hauteur de 1 920 euros le prix de l’intervention de la société Peran de 2015 destinée à mettre en oeuvre la solution technique provisoire préconisée par l’expert extrajudiciaire mandaté par l’assureur de protection juridique de l’exploitant. L’EARL soutient que, contrairement à ce qu’ont considéré les premiers juges, cette réparation provisoire a bien été financée par elle et constituerait donc un préjudice indemnisable, mais la société SSO et la SMABTP font valoir avec raison que le paiement réalisé par l’EARL a en réalité été indemnisé par son assureur. Il ressort en effet du rapport d’expertise extrajudiciaire établi le 7 avril 2016 par l’expert commis par la compagnie Groupama que la réparation provisoire, qui avait le mérite de permettre la remise en service du racleur et de stopper les préjudices indirects, était ‘préfinancé par l’assureur de protection juridique de l’EARL’. Or, de fait, le relevé du compte bancaire de l’EARL du mois de février 2015 fait bien apparaître, en date du 3 février 2015, le règlement TTC opéré en faveur de la société Peran, mais aussi, en date du 11 février 2015, l’encaissement du virement HT de la compagnie Groupama. Il convient donc de confirmer le chef du jugement attaqué ayant condamné in solidum les sociétés Peran et SSO au paiement d’une somme de 28 080 euros (30 000 – 1920) au titre du préjudice matériel. L’expert judiciaire a par ailleurs évalué le coût généré par la nécessité de procéder manuellement aux tâches de nettoyage du bâtiment d’exploitation à 26 350 euros (24 350 + 2 000) pour la période de juillet 2014 à octobre 2017, à raison de 1 h 30 par jour pendant les périodes où les animaux sont en stabulation, de 0 h 45 durant les périodes de pâturage et de 36,50 euros de l’heure, soit 20 euros pour le tracteur utilisé et 16,50 euros pour la main d’oeuvre. Il a en outre considéré qu’à compter de novembre 2017, ce préjudice indirect ne procédait que du choix de l’EARL de ne pas réaliser une nouvelle réparation provisoire. L’EARL estime quant à elle avoir légitimement refusé une nouvelle réparation provisoire que les parties adverses ne proposaient au demeurant pas, et que son préjudice a en réalité perduré jusqu’au jugement du 15 janvier 2020 lui ayant permis de financer la réparation définitive, de sorte qu’elle réclame une indemnité complémentaire de 43 285 euros (7 150 + 36 135) pour la période de novembre 2017 à décembre 2019, de sorte que son préjudice ressortirait à la somme totale de 69 635 euros (24 350 + 43 285). Il est certain que, durant les périodes où le robot de raclage de lisier a été hors service, l’EARL a dû revenir au nettoyage manuel du bâtiment d’élevage, ce qui, alors qu’elle avait investi dans un système automatisé en cours d’amortissement, a nécessairement généré un surcoût du fait de la nécessité d’utilisation d’un tracteur et de matériel estimé par l’expert à 20 euros de l’heure. Cette immobilisation du robot a en outre indubitablement imposé aux exploitants de consacrer à nouveau du temps de travail au nettoyage manuel du bâtiment, que l’expert a évalué sur la base d’un coût horaire de travail de 16,50 euros pour un personnel qualifié pour l’utilisation autonome de matériels agricoles. Si, comme l’ont relevé les premiers juges dont le raisonnement est approuvé par la société Peran, cette dernière composante du préjudice subséquent de l’EARL a fait l’objet d’une évaluation théorique de la part de l’expert, aucune embauche de salarié agricole n’étant justifiée au cours de la période considérée, il demeure que le surcoût lié à l’utilisation du tracteur est objectivement chiffré et que le temps passé par les exploitants à une tâche qui devait être mécanisée constitue un trouble d’exploitation qui doit être réparé. D’autre part, la société SSO et la SMABTP prétendent à tort qu’à compter de novembre 2017, ce préjudice ne saurait leur être imputé dans la mesure où la réparation provisoire proposée par l’expert aurait dû être commandée par l’EARL sur la base d’un devis que la société Peran n’a jamais établi. En effet, l’EARL, qui avait déjà accepté une réparation provisoire n’ayant tenu que quelques mois, pouvait légitimement attendre, alors que les opérations d’expertise judiciaire étaient en voie d’achèvement, une réparation pérenne, et il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir préfinancé cette réparation définitive, alors que, ni la société Peran, ni la société SSO et la SMABTP, n’ont offert de financer les réparations provisoire ou définitive avant que le tribunal judiciaire saisi ne statue. Toutefois, l’EARL calcule, pour cette dernière période précédant le jugement, son préjudice sans considération de la distinction opérée pertinemment par l’expert entre les périodes de stabulation et les périodes de pâturage. Au regard des éléments de la cause, et sous le bénéfice de l’ensemble de ces observations, le préjudice subi par l’EARL du fait de l’indisponibilité de son robot de raclage de lisier et des surcoûts et troubles d’exploitation qu’elle a provoqué, sera exactement et intégralement réparé par l’allocation d’une somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts. Le jugement attaqué sera réformé en ce sens. En revanche, l’EARL ne démontre pas avoir subi un préjudice résultant des troubles et tracas provoqués par les dysfonctionnements du racleur à lisier distinct de celui précédemment au titre du préjudice d’exploitation. Le chef du jugement attaqué ayant rejeté cette demande sera donc confirmé. Sur la garantie de l’assureur La SMABTP ne conteste pas être l’assureur de responsabilité décennale de la SSO. Le jugement attaqué a donc à tort refusé d’accueillir l’action directe exercée par l’EARL à son encontre. Elle fait par ailleurs valoir que ses garanties seraient affectées d’une franchise contractuelle 840 euros sur les garanties obligatoires qu’elle sera en droit de récupérer sur son assurée, et d’une autre franchise de 504 euros sur les garanties facultatives applicables aux dommages immatériels, qui sera opposable aux tiers sur chaque réclamation. Cependant, ainsi que les premiers juges l’avaient déjà pourtant exactement souligné, elle ne produit pas sa police d’assurance, et ne justifie par conséquent pas de l’existence d’une franchise opposable aux tiers sur les dommages immatériels. S’agissant des dommages matériels, elle admet que la franchise n’est pas opposable à l’EARL et se borne à prétendre pouvoir la récupérer sur la société SSO qui, concluant avec elle, ne pourra qu’être réputée reconnaître son existence et son application à la cause. Sur les frais irrépétibles Il serait enfin inéquitable de laisser à la charge de l’EARL l’intégralité des frais exposés par elle à l’occasion de l’instance d’appel et non compris dans les dépens, en sorte qu’il lui sera alloué une indemnité complémentaire de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Les autres demandes d’application de l’article 700 du code de procédure civile formées en cause d’appel seront, en toute équité, rejetées. PAR CES MOTIFS, LA COUR : Infirme le jugement rendu le 15 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Lorient en ce qu’il a rejeté la demande de l’EARL Lein Er Vourch en paiement de dommages-intérêts au titre de son préjudice d’exploitation et rejeté les demandes de condamnation formées contre la SMABTP ; Condamne in solidum la société Établissements Peran, la société Sols et sciages de l’Ouest et la SMABTP à payer à l’EARL Lein Er Vourch les sommes de 28 080 euros au titre du préjudice matériel et de 35 000 euros au titre du préjudice d’exploitation ; Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions ; Y additant, condamne la société Établissements Peran à garantir la société Sols et sciages de l’Ouest et la SMABTP de toutes condamnations en principal, intérêts, frais et accessoires, à due concurrence de 50 % ; Dit que la franchise contractuelle applicable aux garanties obligatoires de la SMABTP, soit 840 euros, sera opposable à la société Sols et sciages de l’Ouest ; Condamne in solidum la société Établissements Peran, la société Sols et sciages de l’Ouest et la SMABTP à payer à l’EARL Lein Er Vourch, en application de l’article 700 du code de procédure civile, les sommes de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ; Condamne in solidum la société Établissements Peran, la société Sols et sciages de l’Ouest et la SMABTP aux dépens de première instance et d’appel, en ce inclus ceux de la procédure de référé et les frais de l’expertise judiciaire ; Accorde le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ; Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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