Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Rennes
→ RésuméLa société GAEC DE [Adresse 17] et M. [T] [B] ont interjeté appel d’une décision du tribunal paritaire des baux ruraux de Quimper, en litige avec M. [U] [Z] et Mme [K] [Z]. Les appelants réclament la reconnaissance d’un bail rural, l’accès aux parcelles et des dommages-intérêts pour préjudice. En revanche, les intimés demandent le rejet de ces demandes. La cour a confirmé le jugement initial, rejetant les requêtes des appelants et les condamnant aux dépens d’appel, laissant les frais irrépétibles à la charge des parties.
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Contexte de l’affaire
La société GAEC DE [Adresse 17] et M. [T] [B] ont interjeté appel d’une décision rendue par le tribunal paritaire des baux ruraux de Quimper. Cette affaire concerne un litige entre M. [U] [Z] et Mme [K] [D] épouse [Z] d’une part, et M. [T] [B] d’autre part, concernant la mise à disposition de terres agricoles et la rupture des relations contractuelles entre les parties.
Les demandes des parties en appel
M. [T] [B] et la société GAEC de [Adresse 17] demandent à la cour de reconnaître l’existence d’un bail rural sur les terres en question, d’ordonner la libération de l’accès aux parcelles louées, et de réclamer des dommages et intérêts pour préjudice économique et moral. En revanche, M. [U] [Z] et Mme [K] [Z] demandent le rejet des demandes des appelants et la confirmation du jugement initial.
La décision de la cour
La cour a confirmé la décision du tribunal paritaire des baux ruraux de Quimper. Elle a rejeté les demandes des appelants concernant la reconnaissance d’un bail rural, la libération de l’accès aux parcelles, et les demandes d’indemnisation pour préjudice économique. La cour a également rejeté la demande d’expertise pour chiffrer le préjudice économique. Les appelants ont été condamnés aux dépens d’appel et les frais irrépétibles ont été laissés à la charge des parties.
Chambre des Baux Ruraux
ARRÊT N° 3
N° RG 21/07412 – N° Portalis DBVL-V-B7F-SH2E
M. [T] [B]
Société GAEC DE [Adresse 17]
C/
M. [U] [Z]
Mme [K] [D] épouse [Z]
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Miossec
Me Morvan
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 05 JANVIER 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Isabelle GESLIN OMNES, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 03 Novembre 2022, devant Madame Virginie PARENT, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
contradictoire, prononcé publiquement le 05 Janvier 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
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APPELANTS :
Monsieur [T] [B]
né le 7 mai 1990 à [Localité 18], de nationalité française, agriculteur
[Adresse 17]
[Localité 16]
GAEC DE [Adresse 17], immatriculée au RCS de Quimper sous le n° 500 432 398, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège :
[Adresse 17]
[Localité 16]
représentés par Me Marie-Thérèse MIOSSEC, avocat au barreau de QUIMPER
INTIMES :
Monsieur [U] [Z]
né le 22 décembre 1959 à [Localité 18], de nationalité française, retraité
[Adresse 5]
[Localité 16]
Madame [K] [D] épouse [Z]
née le 24 janvier 1964 à [Localité 18],
[Adresse 5]
[Localité 16]
représentés par Me Jacques MORVAN, avocat au barreau de BREST
M. [U] [Z], agriculteur sur la commune de [Localité 16], a pris la décision de cesser ses activités agricoles à effet du 31 décembre 2019.
Dans le cadre de la cession de l’exploitation à M. [T] [B], il a signé un formulaire de déclaration de bail verbal et un bulletin de mutation des terres, nécessaire pour clarifier sa situation vis-à-vis de la MSA.
En parallèle il a accepté que M. [T] [B] mette les terres en culture dans l’attente de l’obtention de l’autorisation d’exploiter, qui sera accordée à l’EARL de [Adresse 17], suivant arrêté préfectoral du 8 février 2019.
Par la suite, les relations entre M. [U] [Z] et M. [T] [B] se sont dégradées à l’occasion de difficultés d’ordre politique au sein du conseil municipal de la commune.
Aucun bail écrit n’a été formalisé par les parties.
M. [U] [Z] a refusé d’encaisser le chèque remis en paiement des fermages. Il aurait en outre installé un vieux râtelier empêchant l’accès à la parcelle ZI [Cadastre 11].
Le 3 mars 2021, M. [T] [B] a fait sommation à M. [Z] de mettre à disposition l’épareuse et la remorque et libérer l’accès à la parcelle ZI [Cadastre 11] sous 24 heures.
Par acte du 12 mars 2021, M. [T] [B] a fait assigner M. [U] [Z] devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Quimper pour voir ordonner la libération sous astreinte de l’accès aux parcelles louées et pour obtenir réparation de son préjudice moral.
Suivant jugement contradictoire rendu par mise à disposition au greffe le 26 octobre 2021, le tribunal paritaire des baux ruraux de Quimper a :
– décerné acte à Mme [K] [D] épouse [Z] de son intervention volontaire à l’instance,
– décerné acte au GAEC de [Adresse 17] de son intervention volontaire à l’instance,
– déclaré recevable les demandes du GAEC de [Adresse 17],
– débouté M. [T] [B] de sa demande tendant à se voir déclarer titulaire d’un bail rural portant sur les parcelles de terre sises en la commune de [Localité 16], cadastrées, section ZC n°s [Cadastre 9], [Cadastre 10], section ZH, n°s [Cadastre 13], [Cadastre 12], [Cadastre 6], [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 8], [Cadastre 15], [Cadastre 4], section ZI, [Cadastre 11], section ZK n° [Cadastre 7] et section ZB n° [Cadastre 14] d’une contenance totale de 27 ha 17 a 70 ca,
– débouté M. [T] [B] de sa demande de libération de l’accès aux parcelles sous astreinte,
– condamné M. [U] [Z] et Mme [K] [Z] à payer à M. [T] [B] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
– débouté M. [T] [B] et le GAEC de [Adresse 17] de leur demande au titre du préjudice économique,
– condamné M. [U] [Z] et Mme [K] [Z] aux dépens, en ce non compris les frais de sommation interpellative, qui resteront à la charge de M. [T] [B],
– débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire,
– rappelé que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Suivant déclaration en date du 24 novembre 2021, M. [T] [B] et la société GAEC de [Adresse 17] ont interjeté appel de cette décision.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 2 novembre 2022, M. [T] [B] et le GAEC de [Adresse 17] demandent à la cour de :
– les accueillir en leur appel, les déclarer recevables et bien fondés,
– réformer le jugement entrepris,
– avant-dire droit, vu l’article 10 du code civil, le refus de M. [Z] de préciser son statut de retraité vis-à-vis de la MSA en 2019 et 2020, l’interdiction de cumuler l’exploitation des terres sur la surface litigieuse et la perception d’une retraite, malgré mail de demande préalable aux débats, ordonner la communication forcée de son statut sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l’arrêt et surseoir à statuer dans l’attente sur les demandes réciproques des parties,
Vu l’article L 411-1 du code rural, les pièces versées aux débats, la mise à disposition des terres depuis 2019, la croyance légitime dans le mandat de M. [Z] pour gérer l’ensemble des terres au nom de son épouse, l’exécution de la convention de bail rural prévue entre les parties depuis 2019,
– dire et juger que M. [B] est fondé à revendiquer un bail rural sur les parcelles sises à [Localité 16], cadastrées section ZC n°s [Cadastre 9], [Cadastre 10], section ZH, n°s [Cadastre 13], [Cadastre 12], [Cadastre 6], [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 8], [Cadastre 15], [Cadastre 4], section ZI, [Cadastre 11], section ZK n° [Cadastre 7] et section ZB n° [Cadastre 14]
– et en conséquence, ordonner la libération de l’accès aux parcelles louées et la cessation de tout trouble de jouissance des parcelles visées dans l’acte de location sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
Vu l’article 1719 du code civil, les articles 1217, 1231-1 et suivants du code civil, l’interruption brutale de jouissance, le non-respect des conventions,
– dire et juger que les époux [Z] doivent réparation des préjudices occasionnés à leur attitude à M. [B] en raison de cette interruption de jouissance et au non-respect de leurs engagements en 2021,
– en conséquence vu l’estimation du CER, centre comptable agréé, condamner les défendeurs à la réparation du préjudice économique soit annuellement à la moitié de la somme sollicitée en première instance, soit pour M. [T] [B] la somme annuelle de 19 300 euros depuis 2021 jusqu’à réintégration dans les terres,
– condamner les mêmes à la réparation du préjudice moral causé par leur attitude soit une somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,
À défaut de requalification de la mise à disposition en bail rural,
– qualifier au vu de l’article 1888 du code civil exploitation en un prêt à usage prévu au titre la durée initiale des conventions prévues sur neuf ans, et compte tenu de l’interruption brutale choisie et maintenue par les époux [Z] de la jouissance des biens confiés à M. [B] en 2021, leur attitude de mauvaise foi, vu les articles 1104, 1112-1 du code civil et compte tenu des dommages économiques ainsi causés par leur attitude selon l’estimation économique établie par le CER (centre comptable agréé), condamner les époux [Z] au versement la somme de 19 300 euros au titre du résultat, et 1 657 euros au titre des amendements subsistants soit une somme de 20 957 euros annuel sur les 7 ans de jouissance convenue par écrit soit la somme de 146 669 euros,
– subsidiairement, les condamner sur les conséquences de la rupture conventionnelle des pourparlers au versement de la somme 1 657 euros au titre des amendements subsistants sur les parcelles, et 5 000 euros au titre du préjudice moral,
– plus subsidiairement sur le montant du préjudice économique, ordonner avant-dire droit tel expert qu’il appartiendra pour chiffrer celui-ci, surseoir à statuer dans l’attente sur les demandes formulées par les parties à ce titre,
– vu l’article 700 du code de procédure civile, condamner la défenderesse au versement d’une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,
– compte tenu du contexte rappelé, condamner la défenderesse aux entiers dépens dont les frais de sommation interpellative,
– débouter les défendeurs de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires.
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 2 novembre 2022, M. [U] [Z] et Mme [K] [Z] demandent à la cour de :
– débouter M. [T] [B] et le GAEC de [Adresse 17] en leur appel et plus généralement en tous leurs moyens, fins et conclusions,
En conséquence,
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
– condamner in-solidum M. [T] [B] et le GAEC de [Adresse 17] à leur verser la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les mêmes aux entiers dépens de l’appel.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément aux articles 946, 455 et 749 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité des interventions volontaires ne fait l’objet d’aucune discussion.
Les appelants demandent à la cour, avant-dire droit sur leur demande tendant à reconnaître l’existence d’un bail, d’ordonner la communication, sous astreinte par M. [Z] de son statut de retraité.
L’article 10 du code civil, invoqué au soutien d’une telle demande, dispose : Chacun est tenu d’apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité.
Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à cette obligation lorsqu’il en a été légalement requis, peut être contraint d’y satisfaire, au besoin à peine d’astreinte ou d’amende civile, sans préjudice de dommages et intérêts.
Le concours visé à ces dispositions est celui qui doit être apporté à l’autorité judiciaire.
En l’espèce, la cour ne considère pas comme essentiel au débat opposant les parties, portant sur l’existence ou non d’un bail rural, la justification du statut de retraité de M. [Z], lequel, au demeurant, n’a pu en temps utile apporter ces éléments à la partie adverse qui ne lui en fait demande que quelques jours avant l’audience du 3 novembre 2022 (cf mail entre avocats en date du 29 octobre 2022). Cette demande est rejetée.
– sur l’existence d’un bail rural
Pour prétendre à la reconnaissance d’un bail rural liant M. et Mme [Z] à M. [B], sur les parcelles cadastrées [Localité 16], section ZC n°s [Cadastre 9], [Cadastre 10], section ZH, n°s [Cadastre 13], [Cadastre 12], [Cadastre 6], [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 8], [Cadastre 15], [Cadastre 4], section ZI, [Cadastre 11], section ZK n° [Cadastre 7] et section ZB n° [Cadastre 14], M. [T] [B] et le GAEC de [Adresse 17] font valoir les éléments suivants :
– M. [Z] a rédigé le 14 avril 2019 une attestation sur l’honneur de consentement de location de terres agricoles par bail à ferme, a fait parvenir à la MSA l’imprimé signé du transfert des terres le 12 avril 2020, puis a signé le transfert des droits à produire le 30 avril 2020,
– les deux parties ont établi le 30 avril 2020 un formulaire de déclaration de bail verbal sur les 27 ha 17 précisant explicitement l’exploitation en fermage depuis au moins le 1er janvier 2020 par M. [B],
– un arrêté préfectoral d’autorisation d’exploiter en date du 8 février 2019 a été établi en fonction des déclarations des parties, permettant à M. [B] de pénétrer dans les terres dont s’agit et de les mettre en valeur dès cette date,
– M. [B] exploite lesdites terres depuis 2019, au vu et au su de tous, dans le prolongement de l’accord intervenu sur un tel bail,
– les parties ont convenu d’un paiement en nature de mise en valeur de terres et de récoltes, au lieu du paiement d’un fermage, M. [Z], ayant demandé à l’époque à percevoir les primes PAC afférentes aux terres exploitées,
– suite à la sommation interpellative du 3 mars 2021, délivrée consécutivement à un refus de laisser le matériel d’exploitation possédé en commun et un blocage de l’accès à une parcelle ZI [Cadastre 11], M. [Z] n’a pas contesté qu’un fermage de 130 euros l’hectare avait été convenu et n’a pas objecté que son épouse n’avait pas pris d’engagement.
Les époux [Z] concluent à la confirmation du jugement qui écarte l’existence d’un bail rural.
Ils relèvent que la signature de la déclaration de bail rural signée le 30 avril 2020 à l’intention de la seule administration, ne peut valoir preuve d’un bail, ainsi que les parties ont entendu d’ailleurs le rappeler sur ce document, que les bulletins de mutation des terres signés auprès de la MSA ne démontrent pas plus l’existence d’un accord entre les parties sur le montant d’un fermage, accord qui n’est jamais intervenu. Ils entendent donc contester un prétendu accord sur un fermage de 130 euros par hectare et rappellent que M. [Z] a refusé d’encaisser le règlement que M. [B] lui a transmis après en avoir déterminé unilatéralement le montant. Ils considèrent non établie une quelconque promesse de bail en l’absence d’accord sur un montant de fermage.
À titre subsidiaire, ils font valoir que les parcelles litigieuses dépendent de la communauté entre les époux et qu’aucune preuve n’est rapportée s’agissant d’un accord de Mme [Z] au bail allégué. Ils observent que la signature de Mme [Z] sur la demande d’autorisation d’exploiter déposée par M. [B] ne traduit que l’information donnée à celle-ci et non son consentement à un bail rural, lequel, en tout état de cause, à défaut d’accord sur un montant de fermage n’existe pas.
Aux termes de l’article L411-1 du code rural et de la pêche maritime, toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole est régie par le statut des baux ruraux.
Les parties ne discutent pas la mise à disposition de M. [B] des parcelles litigieuses et l’exploitation de celles-ci.
Pour autant, la qualification de bail rural suppose démontré l’accord des parties sur un montant de fermage, cette mise à disposition étant à titre onéreuse.
S’agissant d’un prétendu accord portant sur un fermage de 130 euros l’hectare, un tel prix apparaît mentionné par M. [B] seul dans une sommation interpellative qu’il a adressée à M. [Z] le 3 mars 2021. Ainsi, si M. [B] dans cet acte déclare avoir remis à M. [Z] une somme de 1 500 euros à valoir pour mettre en valeur vos 24 hectares de terres sur la base convenue et usuelle de 130 euros l’hectare, ce dernier répond :
Je n’ai jamais reçu 1 500 euros, je n’ai jamais conclu de bail avec M. [B] [T].
Aucun des documents versés aux débats ne matérialise un prix qui aurait été convenu.
A défaut de démontrer un accord des parties sur un prix de fermage, M. [B] soutient alors que les parties se sont mises d’accord sur un paiement en nature.
La cour estime qu’une telle preuve n’est pas rapportée, étant rappelé que l’acceptation du montant du fermage, quand bien même porterait sur un paiement en nature, doit résulter d’une manifestation claire et non équivoque du propriétaire et ne peut se déduire du seul silence de celui-ci.
La cour confirme le jugement déboutant M. [T] [B], d’une part, de sa demande tendant à reconnaître qu’il est titulaire d’un bail rural sur les terres sises à [Localité 16], cadastrées section ZC n°s [Cadastre 9], [Cadastre 10], section ZH, n°s [Cadastre 13], [Cadastre 12], [Cadastre 6], [Cadastre 1], [Cadastre 2], [Cadastre 3], [Cadastre 8], [Cadastre 15], [Cadastre 4], section ZI, [Cadastre 11], section ZK n° [Cadastre 7] et section ZB n° [Cadastre 14] et, d’autre part, de sa demande de libération de l’accès aux parcelles sous astreinte.
Par voie de conséquence, M. [B] ne peut valablement invoquer une interruption brutale de jouissance et le non respect d’une convention de bail, pour solliciter réparation de préjudices sur ce fondement et notamment jusqu’à sa réintégration.
– sur le prêt à usage
À défaut de qualifier la relation contractuelle en bail rural, M. [B] demande à la cour de qualifier celle-ci en prêt à usage sur le fondement de l’article 1888 du code civil, prévu pour neuf ans.
Il souligne que M. [Z] a mis fin aux relations contractuelles sans préavis et que la rupture d’exploitation est intervenue en plein cycle cultural.
Pour justifier son préjudice économique, il précise que ses pertes sont basées sur trois axes : une perte de marge brute sur l’atelier porcin due à la perte d’épandage, une perte de marge brute sur les cultures et une perte de valorisation des céréales pour la fabrication des aliments pour les porcs sur l’exploitation et la perte des primes. Il ajoute, que du fait de l’interruption suscitée par M. [Z], il ne peut réclamer les aides.
Il expose avoir fait chiffrer son préjudice économique sur 7 ans à venir par rapport aux prévisions d’exploitation annoncées à un montant de 38 600 euros par an, soit à lui revenir en tant que membre du GAEC la moitié de cette somme 19 300 euros, outre 1 657 euros au titre des amendements subsistants (3 315 euros : 2) et demande donc la condamnation des époux [Z] au paiement d’une somme 20 957 euros par an sur 7 ans de jouissance convenue.
Plus subsidiairement encore, il demande à la cour d’ordonner une expertise pour chiffrer son préjudice économique.
M. et Mme [Z] considèrent qu’il y a lieu de qualifier la relation de prêt à usage.
M. et Mme [Z] relèvent que la notion de délai raisonnable à prendre en compte dans le cadre d’un prêt à usage ne peut couvrir une période de 7ans, ce qui reviendrait à requalifier la relation contractuelle de bail rural.
Ils objectent que M. [B] a pris le risque d’entrer dans les terres et de les cultiver avant même que la négociation entre les parties soit définitivement finalisée et qu’une convention de bail rural soit signée en bonne et due forme.
Ils considèrent que la réclamation s’analyse en une perte de chance et que rien ne permet d’affirmer que les données de marge données par l’appelant auraient pu être réalisées.
S’agissant des amendements apportés aux terres, ils estiment que la perte de ceux-ci n’est pas établie, puisque les récoltes correspondantes ont été réalisées.
S’agissant de la perte du plan d’épandage invoquée, ils entendent signaler que depuis de très nombreuses années, les époux [Z] avaient consenti un plan d’épandage au père de M. [B] qui exploitait dans le cadre du GAEC de [Adresse 17], que ce sont ces terres qui faisaient partie du plan d’épandage du dossier ICPE du GAEC de [Adresse 17], que cette convention d’épandage n’a pas été dénoncée, de sorte qu’il pourrait très bien être poursuivi cet épandage des effluents de leur élevage sur leurs terres et qu’ainsi une réparation à ce titre n’est pas fondée.
En ce qui concerne la perte de valorisation des céréales pour la fabrication d’aliments pour les porcs et la perte de primes correspondantes, ils estiment que cette réclamation fait double emploi avec celle tirée de la jouissance des terres. Ils font valoir que M. [B] n’a réalisé sur les terres aucun investissement autre que la mise en culture normale de récoltes qu’il a pu réaliser sans encombre et qu’il devait adapter la mise en culture des terres au caractère précaire de l’occupation des lieux. Ils contestent l’indemnisation de ce préjudice.
S’agissant de la perte tirée du défaut de versement des aides à l’installation, ils soulignent que la preuve d’une situation de blocage du dossier n’est pas rapportée en l’espèce.
Ils concluent donc au rejet de toute demande indemnitaire d’un préjudice économique.
Aux termes des articles 1875 et 1876 du code civil, le prêt à usage est un contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre pour s’en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s’en être servi. Ce prêt est essentiellement gratuit.
Les parties admettent que dans l’attente de la conclusion d’un bail rural pour lequel elles avaient engagé des discussions, un prêt à usage a été convenu entre elles, portant sur les terres litigieuses. Aucun écrit n’a formalisé une telle convention, dont le terme n’a donc pas été défini.
Lorsqu’aucun terme n’a été convenu pour le prêt d’une chose d’un usage permanent, sans qu’aucun terme naturel soit prévisible, comme en l’espèce, le prêteur est en droit d’y mettre fin à tout moment, en respectant un délai de préavis raisonnable.
La rupture des relations contractuelles est intervenue en mars 2021, comme en témoignent l’acte d’huissier du 3 mars 2021 délivré par M. [B] à M. [Z] au terme duquel il lui est fait sommation de libérer l’accès à la parcelle ZI [Cadastre 11] sous 24 heures, et le courrier en réponse de M. et Mme [Z] à M. [B] en date du 12 mars 2021 lui indiquant qu’il ne dispose d’aucun droit sur leurs terres agricoles, aucun bail fermier n’ayant été conclu.
M. [Z] admet avoir mis fin à ce contrat, sans respecter un délai raisonnable.
Eu égard à l’absence de terme convenu dans le cadre du prêt à usage consenti, il s’ensuit que la situation précaire de cette occupation ne pouvait être ignorée par M. [B].
L’existence d’un préjudice économique doit s’apprécier dans les limites du délai raisonnable, lequel ne saurait correspondre à une durée de sept ans, tel que demandé par M. [B] et le GAEC de [Adresse 17].
M. [B] a fait établir par la société Cerfrance un chiffrage d’une perte économique pour le GAEC de [Adresse 17] au titre d’une perte d’exploitation de 27 ha 17 a et donc la perte de ses deux associés M. [J] [B] et M. [T] [B].
Cette étude évalue le préjudice économique pour le GAEC à 38 000 euros par an, comprenant :
– une perte de marge culture de 2 700 euros,
– une perte des aides PAC de 5 200 euros à partir de 2023,
– une perte de valorisation des terres de 5 700 euros,
– une perte du potentiel d’exploitation sur l’atelier porcin liée à la perte du plan d’épandage de 25 000 euros.
Dans un courrier du 1er novembre 2022, la société Cerfrance lui précise que son préjudice sur cette perte économique représente 19 300 euros par an, correspondant à sa part de résultat, outre une somme de 1 657 euros au titre des améliorations apportées aux terres.
Les époux [Z] justifient l’existence d’un plan d’épandage entre le GAEC de [Adresse 17] et M. [Z] depuis au moins 2015, de sorte qu’à juste titre, les intimés objectent que l’existence d’une perte d’épandage du fait de la rupture du prêt à usage portant sur les parcelles des époux [Z], est contestable.
L’existence d’un préjudice lié à une perte d’aide repose sur la seule étude de Cerfrance, qui au demeurant note que cette perte n’aurait existé qu’à compter de 2023.
L’existence d’une perte de valorisation des cultures correspond effectivement au préjudice de jouissance des terres.
La cour considère que le courrier de la société Cerfrance est insuffisant à établir avec certitude la preuve de la marge prétendue et qu’il ne lui appartient pas de suppléer la carence des parties en ordonnant une expertise.
S’agissant des amendements, sont produits aux débats :
– une attestation de M. [S] technicien en production végétale,
– une facture d’amendements du 31 mai 2020 au nom du GAEC de [Adresse 17],
– une facture non datée de la société Triskalia au nom du GAEC de [Adresse 17].
La cour constate que l’attestation de M. [S] n’est pas dans les formes prévues par l’article 202 du code de procédure civile, que les factures sont inopérantes à démontrer des amendements sur les terres en litige.
La cour estime qu’un tel préjudice n’est pas démontré.
En conséquence, l’existence d’un préjudice économique né du non respect du délai raisonnable de préavis n’est pas justifiée et la demande d’indemnisation qui en découle est donc infondée.
– sur la rupture des pourparlers
Subsidiairement, les appelants invoquent la rupture conventionnelle des pourparlers et sollicitent la condamnation des époux [Z] au paiement d’une somme de 1 657 euros au titre des amendements et d’une somme de 5 000 euros au titre d’un préjudice moral.
Les époux [Z] admettent avoir mis fin aux pourparlers engagés entre les parties en vue de la conclusion d’un bail rural qui n’a pas été conclu et devoir réparation en raison de la rupture des pourparlers à leur seule initiative ; ils ne contestent pas leur condamnation au paiement d’une somme de 1 500 euros à ce titre, estimant suffisante l’indemnisation ainsi accordée par le tribunal.
Le caractère abusif de la rupture des pourparlers, initiée par M. [Z], retenu par les premiers juges n’est pas discuté.
La cour considère, comme très justement relevé par le tribunal, que M. [B] ne peut prétendre, en raison de la rupture des pourparlers qu’à une perte de chance de voir se finaliser un bail rural et non prétendre aux avantages liés à un tel bail.
La cour confirme le jugement rejetant ses demandes d’indemnisation d’un préjudice économique causé par la fin des négociations pré-contractuelles.
Suite à cette rupture abusive des pourparlers, M. [B] apparaît rempli de ses droits par l’allocation d’une somme de 1 500 euros réparant son préjudice moral.
– sur les autres demandes
Les appelants qui succombent en leur appel sont condamnés aux dépens. La cour considère équitable de laisser aux parties les frais irrépétibles qu’elles ont exposés et confirme le jugement s’agissant des dispositions de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute M. [T] [B] et le GAEC de [Adresse 17] de leur demande de communication de pièces sous astreinte ;
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [T] [B] et le GAEC de [Adresse 17] aux dépens d’appel.
Le greffier, La Présidente
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